ILYES ZOUARI
2024
Le Sénégal et le Cameroun ont dépassé le Nigeria pétrolier en richesse par habitant en 2023
Malgré leurs très faibles richesses naturelles en comparaison avec celles du Nigeria, le Sénégal et le Cameroun ont dépassé à leur tour en 2023, après la Côte d’Ivoire et la Mauritanie auparavant, le géant pétrolier et gazier du continent africain en termes de PIB par habitant. Une évolution due à un dynamisme économique largement supérieur depuis de nombreuses années, et qui concerne également d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Bénin et la Guinée qui devraient aussi dépasser le Nigeria en 2024.
Selon les dernières données semestrielles fournies par le FMI, en avril dernier, le Sénégal et le Cameroun affichaient respectivement un PIB par habitant de 1 730 et 1 710 dollars en 2023, contre 1 690 pour le Nigeria. Ainsi, ces deux pays rejoignent la Côte d’Ivoire et la Mauritanie qui avaient dépassé le Nigeria en 2020 et en 2021, respectivement, et dont le PIB par habitant s’élevait à 2 570 et 2 380 dollars en 2023.
Une grande performance due à un dynamisme économique plus important
Cette évolution constitue une performance assez impressionnante, compte tenu des maigres richesses naturelles non renouvelables du Sénégal et du Cameroun en comparaison avec celles du Nigeria, premier producteur africain de pétrole et troisième pour le gaz naturel. En effet, et à titre d’exemple, le Cameroun a extrait en moyenne 20 fois moins de pétrole au cours de la décennie 2014-2023 (et près de 23 fois moins en 2023, avec une production d’environ 54 000 barils par jour, seulement, contre un peu plus de 1,2 million), tandis que le Sénégal avait une production encore inexistante en la matière. Ce dernier a ainsi réussi l’exploit de dépasser le Nigeria avant même de commencer à produire la moindre goutte ou le moindre mètre cube d’hydrocarbures, dont l’extraction vient tout juste de commencer.
Une grande performance qui résulte donc d’un dynamisme économique supérieur, et qui s’est naturellement traduit par une croissance économique bien plus forte au cours des dernières années. En effet, et sur la période décennale 2014-2023, la croissance économique annuelle a été de 5,3 % en moyenne pour le Sénégal et de 3,9 % pour le Cameroun, alors qu’elle n’a été que de 2,0 % au Nigeria.
Ainsi, le Sénégal et le Cameroun ont rejoint la Côte d’Ivoire et la Mauritanie qui avaient assez récemment dépassé le Nigeria, grâce à des taux de croissance annuels de 6,5 % et 3,2 %, respectivement, sur les dix dernières années, et avec une accélération récente pour la Mauritanie. Si cela n’a pas été une grande surprise pour la Mauritanie, grand pays minier tout en étant très faiblement peuplé, cela fut en revanche un véritable exploit pour la Côte d’Ivoire, compte tenu du fait qu’elle a produit, selon les années, de 40 à 60 fois moins de pétrole que le Nigeria au cours de la même période… tout comme elle a extrait six fois moins de pétrole et trois à quatre fois moins d’or que le Ghana voisin, qu’elle a également dépassé pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest continentale. Par ailleurs, et selon les projections du FMI, la richesse par habitant du Nigeria devrait une nouvelle fois baisser en 2024, et le pays devrait donc également être devancé, dès cette année, par le Bénin et la Guinée qui ont enregistré une croissance annuelle de 5,5 % et 5,7 %, respectivement, sur la décennie 2014-2023, et dont le PIB par habitant a atteint 1 410 et 1 530 dollars, respectivement, au terme de la décennie.
Ces différents éléments sont d’ailleurs l’occasion de rappeler que l’Afrique francophone est globalement la partie économiquement la plus dynamique du continent, ainsi que la partie la plus industrialisée, la moins touchée par l’inflation, la moins endettée, ou encore historiquement la moins concernée par corruption, par la violence, les guerres et les conflits ethniques. À titre d’exemple, l’Afrique subsaharienne francophone, vaste ensemble de 22 pays, a réalisé en 2023 le niveau de croissance économique le plus élevé d’Afrique subsaharienne pour la dixième année consécutive et la onzième fois en douze ans selon les dernières données du FMI (qui confirme la tendance pour cette année 2024), et a enregistré un taux de croissance annuel de 3,6 % en moyenne sur la période décennale 2014-2023 – et même de 4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, contre seulement 1,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne (soit un rythme inférieur même à sa croissance démographique). Un dynamisme que l’on retrouve également au Maghreb, où l’Algérie par exemple, et bien qu’handicapée par une population près de cinq fois inférieure, devrait réussir l’exploit de dépasser le Nigeria au cours de cette année en termes de PIB nominal (la valeur du PIB nominal dépendant en bonne partie de la démographique, ce qui avantage mécaniquement les pays les plus peuplés dans les classements en la matière, même s’ils sont particulièrement sous-développés).
De même, et concernant l’industrialisation, la Banque africaine de développement a révélé dans son dernier rapport, publié en novembre 2022, que le Sénégal était le pays le plus industrialisé de toute l’Afrique de l’Ouest (classé en septième position sur le continent, devant le Nigeria), que la Côte d’Ivoire avait de son côté dépassé le Ghana (13e et 14e, respectivement), que le Gabon, devenu pays le plus riche d’Afrique continentale, dépassait le Botswana, deuxième pays le plus riche et deuxième producteur mondial de diamants après la Russie (occupant respectivement les 12e et 17e places), que la RDC (16e) ou le Cameroun (14e) se classaient devant l’Éthiopie (25e), l’Angola (34e) et le Rwanda (35e), ou encore qu’il n’y avait qu’un seul pays francophone parmi les six derniers pays du classement (en intégrant le Soudan du Sud et la Somalie, si peu développés qu’il ne sont pas mentionnés). Par ailleurs, le Maroc se plaçait en deuxième position continentale après l’Afrique du Sud, avec un écart si faible qu’il vient probablement de la dépasser, compte tenu du déclin continu de ce géant minier qui n’a réalisé qu’un taux de croissance annuel de 0,7 % en moyenne sur la décennie de 2014-2023, et qui souffre notamment de très fréquents délestages en matière de fourniture d’électricité, dépassant parfois les dix heures par jour (alors qu’ils sont inexistants au Maroc).
Ainsi, et bien qu’étant historiquement la partie globalement la moins dotée en richesses naturelles non renouvelables du continent, l’Afrique francophone a globalement réussi à rattraper son retard et à devancer désormais le reste du continent, grâce à son dynamisme économique supérieur. Par conséquent, et au lieu de s’inspirer de la naïveté stratégique, tant économique que géopolitique, des acteurs politiques et économiques des pays francophones du Nord (contrairement aux Anglo-Saxons et autres anglophones qui imposent toujours leur langue, même lorsqu’ils sont en situation défavorable, ou encore aux Chinois qui affichent toujours en grand leur langue, même lorsque personne ne la parle), les francophones du Sud devraient s’atteler, au nom de leurs propres intérêts supérieurs, économiques et géopolitiques, à faire la promotion de leur langue française et à imposer sa présence et le respect de son statut de langue officielle ou co-officielle dans les différentes organisations panafricaines et lors et des différents événements économiques, sportifs ou culturels continentaux (sommets, foires et salons, sites internet, affichages publicitaires dans les stades…). Et ce, d’autant plus qu’ils appartiennent à l’espace linguistique le plus dynamique démographiquement au monde, dont la population a atteint 569,3 millions d’habitants début 2024 (sans compter les personnes sachant parler français ailleurs dans le monde, à différents degrés). L’espace francophone avait d’ailleurs dépassé le monde hispanophone il y a une douzaine d’années, et dont la population est estimée à 482,4 millions d’habitants début 2024.
Meilleure gouvernance et environnement plus favorable aux affaires
Comme pour d’autres pays d’Afrique francophone, le dynamisme du Sénégal et du Cameroun est le fruit d’une meilleure gouvernance, d’une plus grande diversification et d’un environnement plus favorable aux affaires qu’au Nigeria, dont l’économie peu diversifiée demeure très fortement dépendante des hydrocarbures (plus de 90 % des exportations du pays), et qui souffre de niveaux particulièrement élevés de corruption et de détournements de fonds publics, ainsi que de graves problèmes d’inflation et d’insécurité à travers le pays. Pour ce qui est de l’inflation, et selon les dernières données de la Banque mondiale, le Nigeria a en effet enregistré un taux annuel de 13 % en moyenne sur la décennie de 2013-2022 (et plus de 25 % en 2023), contre seulement 1,8 % au Sénégal et 2,2 % au Cameroun.
La situation économique est si grave, que le Nigeria ne parvient plus à honorer ses engagements vis-à-vis des compagnies aériennes étrangères, en les empêchant de rapatrier leurs revenus à cause du niveau critique de ses réserves de change. Ce géant pétrolier et gazier arrive même très largement en tête des pays du monde en la matière, avec 792 millions de dollars de fonds bloqués début novembre 2023, soit le tiers – 33,6 % – de la totalité des sommes retenues à travers le monde (ce qui conduit à des tensions avec certaines compagnies aériennes, comme Emirates qui avait suspendu provisoirement certains vols en 2022).
Le Nigeria a d’ailleurs été classé à la 145e place mondiale dans le dernier classement établi par l’organisation non gouvernementale Transparency international, concernant l’Indice de perception de la corruption, publié en janvier 2024. Le pays se place ainsi parmi les pays africains les plus corrompus, arrivant très loin derrière le Sénégal qui se situe à la 70e place mondiale et fait donc partie des pays les plus vertueux du continent, largement devant l’Afrique du Sud (83e), l’Éthiopie (98e), l’Égypte (108e) ou encore le Kenya (126e), mais également loin devant le Brésil (104e), la Thaïlande (108e) ou la Turquie (115e).
Par ailleurs, le Sénégal se classe également à la pointe de l’innovation sur le continent africain, en se positionnant à la 93e place mondiale dans le dernier classement publié par l’Organisation internationale de la propriété intellectuelle (Indice mondial de l’innovation, publié en septembre 2023). Le pays devance ainsi le Nigeria (109e), ou encore le Kenya (100e), le Rwanda (103e) et l’Éthiopie (125e), et dépasse même non moins de huit pays d’Amérique latine.
Le dynamisme économique et la meilleure gouvernance observés au Sénégal et au Cameroun ont donc naturellement eu des répercussions sur les différents indicateurs sociaux de ces pays, qui affichent par exemple un taux d’accès l’électricité supérieur à celui du Nigeria (respectivement 68,0 % et 65,4 % de la population fin 2021, contre 59,5 % selon les dernières données de la Banque mondiale), une plus grande espérance de vie (67,9 ans et 61,0 ans en 2022, contre 53,7 ans pour le Nigeria, soit la troisième plus basse espérance de vie au monde), ou encore un taux de mortalité infantile bien plus faible (28 et 47 pour 1000 naissances vivantes en 2022, contre 69 pour le Nigeria, soit également le troisième taux le plus élevé au monde). Par ailleurs, ce dynamisme se manifeste également à travers la vitesse de modernisation de ces deux pays, véritables chantiers à ciel ouvert. Ainsi, et à titre d’exemple, le Sénégal s’est dernièrement distingué par la mise en service, en décembre 2021, d’un train express régional pouvant atteindre la vitesse de 160 km/h dans l’agglomération dakaroise, et faisant de lui le train le plus rapide de toute l’Afrique subsaharienne, à égalité avec le Gautrain sud-africain (le TGV marocain étant, pour sa part, le plus rapide de l’ensemble du continent, avec une vitesse de 320 km/h).
En 2024, le Sénégal et le Cameroun devraient donc creuser l’écart avec le Nigeria grâce à leur dynamisme économique. Un écart qui sera également accentué par le nouvel effondrement de la valeur du naira, reflétant les difficultés économiques du pays et qui s’est écroulé de 40 % en début d’année, suite à une énième dévaluation de cette monnaie largement évitée par les acteurs économiques nationaux et étrangers. À la date du 21 juin dernier, le naira valait ainsi 2 282 fois moins par rapport au dollar américain que lors de sa création, début 1973.
Enfin, et concernant le Sénégal, qui peut se féliciter d’être parvenu à atteindre ce niveau de développement avant de devenir un producteur de pétrole et de gaz, le pays devra toutefois faire face à d’importants défis dans les années à venir, et en particulier en ce qui concerne la bonne gestion des futures ressources qui proviendront de la production d’hydrocarbures, et la lutte contre la menace terroriste venant des pays voisins du Sahel, et surtout du Mali voisin (qui connaît un effondrement sécuritaire depuis deux ans, avec un décuplement des attaques terroristes et du nombre de victimes civiles, assorti d’une importante censure mise en place par le pouvoir et les forces russes, et d’un accaparement progressif, sans contrôle ni transparence, des richesses minières du pays par la Russie, à l’image de ce qui se passe en Centrafrique…).
Si l’émergence d’une nouvelle source de revenus est une chose théoriquement positive, force est de constater, toutefois, que l’existence d’importantes recettes liées à l’exploitation pétrolière s’accompagne souvent, dans les pays du Sud, par un développement considérable des phénomènes de corruption et de détournements de fonds publics, empêchant les populations locales de bénéficier pleinement de ces richesses. Par ailleurs, l’importance de ces revenus est souvent de nature à éloigner les pays concernés de l’accomplissement des réformes nécessaires à un développement solide et durable, qui ne peut passer que par la poursuite de la diversification de l’économie. Les nouveaux Premier ministre, Ousmane Sonko, et Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, avaient fait la campagne présidentielle en prétendant notamment que leur pays était particulièrement touché par la corruption et la mauvaise gouvernance, alors que le Sénégal avait fait de grands progrès en la matière à tel point de devenir un des pays les moins corrompus et les mieux gérés du continent, ainsi qu’un des pays africains les plus respectés dans le monde. Seront-ils donc capables de maintenir le cap ? Ou feront-ils au contraire régresser le Sénégal, comme tant d’autres « révolutionnaires » ailleurs en Afrique, au cours des dernières années et décennies…
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2023
Jeux de la Francophonie 2023 : nouvelle censure intégrale des médias français « de France »
Contrairement aux Jeux du Commonwealth, largement relayés par les médias britanniques, et comme pour leur dernière édition de 2019, les Jeux de la Francophonie 2023 font l’objet d’une censure totale des grands médias hexagonaux destinés à la population française, qui se démarquent ainsi de ceux des autres pays francophones du monde, y compris outre-Atlantique. Au-delà des habituels beaux discours officiels, l’hostilité des milieux politiques et médiatiques français à l’égard de la vaste francophonie ne fait désormais plus aucun doute, et va même en s’aggravant parallèlement à une fuite en avant européiste et atlantiste.
Une censure totale et systématique
Depuis leur lancement il y a presque une semaine, le 28 juillet dernier, dans un stade réunissant près de 80 mille spectateurs à Kinshasa, aujourd’hui plus grande ville francophone du monde avec ses plus de 15 millions d’habitants, les Jeux de la Francophonie 2023 n’ont toujours pas bénéficié de la moindre couverture médiatique de la part de l’ensemble des grands médias nationaux français de la télévision (TF1, France 2, France 3, M6…), de la presse écrite (Le Figaro, Le Monde, Libération, Ouest-France…) et de la radio. Des médias à ne pas confondre avec ceux essentiellement destinés à l’étranger, comme France 24, TV5, RFI ou encore le Monde Afrique, dont le contenu diffère parfois considérablement de celui destiné à la population française, victime de nombreuses censures (Jeux de la Francophonie, sommets de la Francophonie, agression et pillage rwandais de l’est de la RDC, manœuvres militaires russes en Algérie, visite de chefs d’Etats africains en Russie, part écrasante des pays d’Europe de l’Est dans les aides françaises au développement…).
Ainsi, et sur les quelques dizaines d’heures de journaux télévisés accumulés depuis le 28 juillet dernier, et sur les centaines d’articles publiés par les grands quotidiens nationaux, aucune seconde ni aucune ligne n’a été consacrée à ce grand événement sportif francophone international, même pour les médailles remportées par des Français. Et ce, tout comme pour la précédente édition des Jeux de la Francophonie, organisée à Abidjan en 2019. Une censure qui est donc également appliquée par les chaînes de télévision publiques et les nombreuses chaînes de radio du groupe public Radio France. Ainsi, et au lieu de couvrir le lancement des Jeux, le 28 juillet dernier, le journal de 20h00 de France 2 a préféré consacrer un long reportage de 4 minutes et 18 secondes à la très « intéressante » migration des sardines en Afrique du Sud. Incroyable mais vrai. Autre exemple : deux jours plus tard, la très ancienne et célèbre émission hebdomadaire sportive, Stade 2, diffusée sur France 3, n’a daigné accorder aucune seconde à ce grand évènement francophone sur les 52 minutes et 54 secondes d’antenne !
Médias, aides au développement : une incontestable volonté politique de marginaliser le monde francophone
Cette censure totale et systématique des grands événements francophones, y compris par l’ensemble des médias publics, ne peut bien évidemment se faire sans l’approbation et l’encouragement des plus hautes autorités françaises. Une attitude qui s’inscrit dans le cadre d’une volonté politique incontestable de couper le peuple français du monde francophone, menée avec acharnement par les européistes et atlantistes qui dirigent le pays depuis bientôt 20 ans. Et ce, afin de dévaloriser la France aux yeux de la population française, en lui faisant oublier son appartenance à un vaste espace linguistique (qui a d’ailleurs récemment dépassé en population l’espace hispanophone ainsi que l’ensemble Union européenne-Royaume-Uni, avec une population de 555 millions d’habitants début 2023), dans le but de lui faire accepter le maintien du pays au sein de l’Union européenne et de l’alliance Atlantique (l’Otan, que la France avait pleinement réintégrée à l’époque du président Sarkozy, qui avait ainsi effacé l’héritage du général de Gaulle). Deux ensembles présentés alors comme nécessaires et même vitaux pour une pauvre France qui ne pourrait rien faire seule. Une France qui est pourtant, en réalité, globalement bien plus puissante que la Russie, à tous les niveaux… et qui est même 26 fois plus vaste que l’Allemagne, en tenant compte de son gigantesque espace maritime, le deuxième plus grand au monde.
Ainsi, la population française ne sait pratiquement rien du monde francophone, et en particulier des pays francophones du Sud, au sujet desquels les médias français n’alimentent qu’une image terriblement négative (avec l’appui, au passage, des associations de défense des immigrés et des clandestins…), résumant ce vaste ensemble à une accumulation de misère, de désolation, d’instabilité, ou encore à une espace abritant des animaux sauvages et connaissant parfois des manifestations anti-françaises (menées par une poignée de jeunes, certes patriotes, mais totalement manipulés par des puissances étrangères, et en particulier la Russie). La population française n’a ainsi jamais droit à des images montrant le dynamisme économique de ces pays, la modernité de grandes métropoles francophones africaines, les grandes infrastructures réalisées et celles en cours… Aujourd’hui, la quasi-totalité des Français ignore jusqu’à l’existence même de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, le plus grand édifice chrétien au monde. Une incroyable ignorance qui concerne même l’écrasante majorité des plus fervents catholiques, et en particulier au sein de la nouvelle génération, constamment tenue à l’écart du monde francophone par les médias et l’Éducation nationale française.
Mais cette hostilité politico-médiatique à l’égard de la francophonie se manifeste également à travers la répartition des aides publiques françaises au développement, qui ne bénéficient que marginalement au Monde francophone, et ce au profit des pays d’Europe de l’Est membres de l’Union européenne, qui récoltent constamment la part du lion, contrairement à toute logique économique et géopolitique. Ainsi, et selon les dernières données disponibles auprès de la Commission européenne et de l’OCDE, la part du monde francophone n’a été que de 15,4 % du total des aides françaises au développement versées en 2021 (soit 3,5 milliards d’euros, aides bilatérales et multilatérales confondues), contre non moins de 43,3 % pour l’Union européenne (9,9 milliards), presque intégralement destinés aux 13 petits pays d’Europe de l’Est et orientale, qui ne totalisent que 114 millions d’habitants, soit quatre fois moins que l’ensemble des 27 pays francophones du Sud (près de 450 millions début de 2021).
La situation est si absurde, qu’il n’y a qu’un seul et unique pays francophone parmi les 10 premiers pays bénéficiaires des aides françaises au développement (la Côte d’Ivoire, 8e). La Pologne, premier pays bénéficiaire, a reçu 9,3 trois fois plus d’aides que le Maroc, à la population quasi égale et grand allié de la France (2,565 milliards d’euros, contre 0,277 milliard). Et la minuscule Estonie, peuplée de seulement 1,3 million d’habitants, a reçu davantage d’aides que la vaste RDC, plus grand pays francophone du monde et qui vient de dépasser les 100 millions d’habitants (156 millions d’euros contre 147 millions). Là aussi, incroyable mais vrai… et totalement occulté par les médias.
Pourtant, cette politique d’aide au développement est contraire à toute logique économique ou géopolitique. D’un point de vue économique, d’abord parce que les pays d’Europe de l’Est et orientale membres de l’Union européenne s’orientent principalement et historiquement vers l’Allemagne, qui arrive très largement en tête des pays fournisseurs de la zone, avec une part de marché d’environ 20 % chaque année (19,5 % en 2019), contre toujours moins de 4 % pour la France, dont les aides massives reviennent donc quasiment à subventionner les exportations allemandes. Une politique que l’on pourrait résumer par la célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse »…
Ensuite, parce que toutes les études économiques démontrent que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays et peuples partageant une même langue. À ce sujet, un seul exemple suffit à prouver l’impact économique du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse générée dans un pays francophone au profit de l’économie locale finit par être intégrée en bonne partie au circuit économique d’autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone de coprospérité », qui est d’ailleurs une des traductions possibles du terme Commonwealth. Ce lien linguistique explique également en bonne partie la position globalement encore assez bonne de la France en Afrique francophone (Maghreb inclus), dont elle demeure le second fournisseur en dépit de son manque d’intérêt, avec une part de marché globale estimée à 11,5 % en 2019, derrière la Chine, 15,6 %. Une part largement supérieure à celle de l’Allemagne, estimée à 3,9 %, et qui arrive même derrière l’Espagne (7,3 % et troisième fournisseur), l’Italie et les États-Unis (5,5 % respectivement).
Enfin, parce que c’est dans cette même Afrique francophone qu’il convient d’investir massivement, afin de tirer pleinement profit des opportunités et du dynamisme que l’on trouve dans ce vaste ensemble de 25 pays, partie globalement la plus dynamique économiquement du continent (l’Afrique subsaharienne francophone, composée de 22 pays, ayant notamment réalisé en 2022 les meilleures performances économiques pour la neuvième année consécutive et la dixième fois en onze ans, affichant ainsi une croissance annuelle de 3,5 % en moyenne sur la décennie 2013-2022 – et même 4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, contre seulement 2,2 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne). Mais aussi la partie la moins endettée, la plus stable et la moins touchée par l’inflation et les violences sociales (criminalité, homicides, conflits inter-ethniques, guerres civiles…).
Et pour ce qui est du niveau géopolitique, justement, le caractère irrationnel de la politique française d’aide au développement s’explique également par le fait que l’écrasante majorité des pays de l’UE, malgré les aides massives versées chaque année par le contribuable français, vote régulièrement contre les positions de la France au sein des grandes instances internationales, au profit des États-Unis (auprès desquelles ils se fournissent d’ailleurs presque exclusivement en matière d’armements lourds, alors que les richissimes pays du Golfe et les grandes puissances émergentes préfèrent souvent acheter du matériel militaire français…).
Ainsi, et à partir du moment que la doctrine de la politique étrangère de la France semble être désormais de travailler et de s’épuiser financièrement au service des intérêts économiques allemands et des intérêts géopolitico-militaires des États-Unis, il ne faut donc guère s’étonner de la voir perdre de son prestige et de son influence à l’international, et notamment dans les pays francophones du continent africain, au profit de diverses puissances étrangères, bien heureuses de profiter d’une telle inconscience.
Victimes d’un environnement politico-médiatique incontestablement hostile en France, nos frères francophones du reste du monde, du Québec au Pacifique, et au nom de leurs propres intérêts, gagneraient à se faire davantage entendre, à se décomplexer et à ne plus hésiter à demander de claires explications à leurs confrères et homologues de France, en cas de double discours et d’attitude jugée néfaste au monde francophone, et donc aux intérêts de l’ensemble des pays et peuples francophones (dont le peuple français lui-même…).
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
TAPIS ROUGE 2023
Tapis rouge 2023 pour un ministre québécois
Réuni chez Lipp, le 25 avril 2023, le cercle Tapis rouge de l’académie de la Carpette anglaise a décerné son grand prix, destiné à distinguer une personnalité ou une entreprise pour son action en faveur de la langue française.
Le grand prix du Tapis rouge 2023 a été attribué à Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice du Gouvernement québécois, qui a obtenu le vote, le 24 mai 2022, de la « Loi 96 », qui renforce la grande « Loi 101 » et qui a, en outre, lancé sous la Coupole de l’Académie française l’appel à la France pour que ses autorités restaurent la primauté du français en France.
Le jury décerne une mention spéciale aux cafés qui, à l’instar du café Le Village d’Auteuil à Paris, ont remplacé la mention « Happy Hours » par « Heures heureuses », souhaitant qu’ils fassent école à travers la France.
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Eugénie Bastié, Paul-Marie Coûteaux, Philippe Deniard, Benoît Duteurtre, Marc Favre d’Échallens, Yves Frémion, Guillemette Mouren; Natacha Polony, Albert Salon, Marie Treps, Ilyes Zouari, sont membres du jury du Tapis rouge ainsi que les associations suivantes : Avenir de la langue française (ALF), Cercle des écrivains cheminots (CLEC), le Collectif unitaire républicain pour la résistance, l’initiative et l’émancipation linguistique (COURRIEL), Défense de la langue française (DLF) et Le Droit de comprendre (DDC).
Par un Décret présidentiel du 16 mars 2023, et après avoir supprimé son caractère obligatoire il y a quelques décennies, et bien que n’ayant pas de pays francophones frontaliers, l’Egypte vient d’annoncer que le français sera de nouveau une matière obligatoire, à partir de la rentrée 2024.
L’Égypte souhaite ainsi faire décoller son économie, en se rapprochant notamment de l’Afrique francophone, de loin la partie économiquement la plus dynamique du continent, la moins endettée, la moins touchée par l’inflation, la plus stable, la moins inégalitaire et la moins violente……N’en déplaise à ceux dont les connaissances et/ou l’honnêteté sur l’Afrique sont fort limitées, de certains journalistes à certains universitaires, en passant par Kemi Seba ou Kako Nubukpo…
En PJ, un résumé en une image de la supériorité francophone sur une décennie entière (2013-2022): croissance, inflation et endettement.
Enfin, tous nos remerciements à l’agence Ecofin pour avoir été la première à relayer cette information en version française.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
L’Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l’économie africaine
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Pour la neuvième année consécutive et la dixième fois en onze ans, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement affiché, en 2022, la croissance économique la plus élevée d’Afrique subsaharienne, tout en demeurant la partie la moins touchée par l’inflation, ainsi que la partie la moins endettée. Cette triple performance devrait à nouveau se répéter en 2023.
Selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé en 2022 les meilleures performances d’Afrique subsaharienne en matière de croissance pour la neuvième année consécutive et la dixième fois en onze ans. Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 4,4 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 2,9 %. Dans le même temps, et à partir des estimations du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone a continué à afficher le niveau d’inflation le plus faible, avec un taux de seulement 7,2 %, compte tenu du contexte international, contre 24,4 % pour l’Afrique subsaharienne non francophone. Enfin, et toujours selon les données du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone continue à maîtriser son niveau d’endettement, avec une dette publique s’établissant à 49,7 % du PIB, fin 2022, soit 10,9 points de pourcentage de moins que le reste de l’Afrique subsaharienne (60,6 %)*.
Une croissance globale de 4,4 % en 2022
La croissance économique en Afrique subsaharienne francophone a donc connu une accélération par rapport à 2021, lorsqu’elle s’était établie à 4,1 %. De son côté, l’Afrique subsaharienne non francophone a donc observé une importante baisse de son rythme de croissance, qui était de 4,0 % en 2021. Cet ensemble avait alors connu un niveau relativement élevé suite à la forte dégradation de l’activité économique enregistrée l’année précédente, marquée par le Covid (-3,1 %). Cependant, ce rebond avait été légèrement plus faible qu’en Afrique subsaharienne francophone, qui n’avait pourtant connu qu’une légère contraction de son activité un an plus tôt (-0,6 % seulement).
En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la Guinée Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), et qui rassemble 54 % de la population de l’Afrique francophone subsaharienne (et 43 % de celle de l’Afrique francophone), la croissance est passée de 3,8 % en 2021 à 4,1 % en 2022. Au sein de cette zone, et bien qu’affecté par la hausse du cours des hydrocarbures et des denrées alimentaires importées, l’espace UEMOA a continué à se distinguer avec une évolution globale de 4,8 % en 2022, confirmant ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, alors même qu’il n’en est pas la partie la plus pauvre (l’Afrique de l’Est étant la partie la moins développée du continent). Pour sa part, l’espace CEMAC, qui compte notamment trois importants producteurs d’hydrocarbures, a de nouveau fait baisser la moyenne globale de la zone CFA, avec un taux de croissance de 3,1 %.
Les quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone ont continué à enregistrer une croissance économique assez vigoureuse. La Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, ont ainsi affiché, respectivement, un taux de 5,7 %, 6,1 %, 3,8 % et 4,8 %. De leur côté, les quatre premières économies d’Afrique subsaharienne non francophone, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont observé une croissance assez modeste, à l’exception du Kenya (respectivement 3,1 %, 1,9 %, 3,5 % et 5,5 %).
Sur la décennie 2013-2022, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 3,5 % en moyenne (et à 4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale). Ce taux a été de 3,3 % pour la zone CFA (et 4,0 % également hors Guinée équatoriale), et de 2,2 % pour l’Afrique subsaharienne non francophone. La Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 7,0 %, 5,5 %, 4,0 % et 5,2 %. Pour leur part, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont respectivement connu une progression annuelle de 2,3 %, 0,9 %, 8,1 % et 4,5 %. Quant à l’Angola, qui faisait partie de ces quatre premières économies avant d’être remplacée par l’Éthiopie en 2019, et de rétrograder ensuite à la septième place, celle-ci a enregistré une croissance annuelle de seulement 0,4 % sur cette même décennie.
Le Nigeria et l’Afrique du Sud, gros producteurs de matières premières, continuent de souffrir de graves problèmes structurels, aggravés par un niveau élevé de corruption, de détournements de fonds et d’insécurité. Leur manque de dynamisme semble durablement installé selon les prévisions de la Banque mondiale, qui continue de tabler sur de faibles croissances au cours des quelques prochaines années, au moins. Ces deux pays se sont même appauvris au cours de la dernière décennie, puisqu’ils ont affiché des taux de croissance régulièrement inférieurs à leur croissance démographique (2,3 % contre 2,5 % en moyenne annuelle pour le Nigéria, et 0,9 % contre 1,4 % pour l’Afrique du Sud). Cette mauvaise santé économique s’est donc naturellement répercutée sur la valeur de leur monnaie, qui a connu une très forte dépréciation face au dollar au cours des dix dernières années, avec une baisse de 65,2 % et 50,3 %, respectivement.
Bien que le Nigeria soit le premier producteur africain de pétrole depuis plusieurs décennies, le pays souffre d’une baisse continue de sa production en la matière, alors même qu’il n’est toujours pas parvenu à diversifier son économie, dont les exportations reposent encore à plus de 90 % sur les hydrocarbures. Aujourd’hui, et malgré de colossaux revenus pétroliers accumulés depuis son indépendance, le Nigeria affiche le deuxième plus faible niveau d’espérance de vie au monde (estimée à 52,9 ans en 2020, selon les dernières données de la Banque mondiale), et le quatrième taux le plus élevé au monde en matière de mortalité infantile, juste après la Somalie. Enfin, il est également à noter que le pays demeure également très en retard en matière d’électrification, avec un taux d’accès à l’électricité de seulement 55,4 % de la population fin 2020.
De son côté l’Afrique du Sud souffre de la baisse de son activité minière, dont elle est encore fortement dépendante, ainsi que de l’effondrement de ses capacités de production d’électricité. Outre la multiplication des délestages, qui dépassent parfois les 10 heures par jour, le pays serait même, selon les dernières données de la Banque mondiale, l’un des deux seuls pays africains à connaître une baisse du taux d’accès à l’électricité, alors même qu’une partie non négligeable de la population n’est toujours pas connectée au réseau électrique (15,6 % fin 2020, contre, par exemple, moins de 1 % dans chacun des pays du Maghreb).
Quant à l’Éthiopie, le pays a récemment été fragilisé par une terrible guerre civile ayant provoqué la mort de plus de 600 000 personnes en seulement deux ans, entre novembre 2020 et novembre 2022 (selon l’Union africaine).
En Afrique de l’Ouest francophone
Bien que touchée par la hausse du prix des produits alimentaires importés, ainsi que par la hausse du cours des hydrocarbures, l’Afrique de l’Ouest francophone a néanmoins affiché une croissance de 4,7 % en 2022, après une hausse de 5,6 % en 2021. Pour sa part, la zone UEMOA, qui en recouvre la majeure partie (et qui est composée de huit pays, dont la lusophone, mais très francophonophile et faiblement peuplée, Guinée-Bissau) a vu son PIB augmenter de 4,8 %, après une évolution de 5,8 % en 2021. Avec une croissance annuelle de 5,6 % en moyenne sur la décennie 2013-2022, l’espace UEMOA confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, en dépit des problèmes sécuritaires connus par certains pays de la zone sahélienne, mais n’affectant principalement que des zones semi-arides et très faiblement peuplées (et qui demeurent moins graves que ce qui a récemment été observé dans certains pays d’Afrique de l’Est). Toutefois, il convient de noter l’importante baisse du rythme de croissance observée l’année dernière au Mali, avec un taux de seulement 1,8 %, soit de loin le plus faible de l’ensemble de la zone monétaire. En dehors de l’UEMOA, la Guinée et la Mauritanie ont respectivement affiché une croissance de 4,6 % et 4,0 %.
Il convient de souligner que le statut de zone la plus dynamique du continent constitue une très bonne performance pour l’UEMOA, vu que la région la plus pauvre du continent, et qui devrait donc connaître la croissance la plus élevée, est l’Afrique de l’Est. Ainsi, à titre d’exemple, et en dehors de la francophone Djibouti, seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2022 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (2 082 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 099 dollars, selon les dernières données disponibles auprès de la Banque mondiale). À la même date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (2 549 dollars), le Sénégal (1 637) et le Bénin (1 319). Et même quatre pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, important producteur de pétrole et premier producteur africain d’or). Par ailleurs, l’Afrique de l’Est est également la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment les trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud, la Somalie et l’Éthiopie). Des conflits auxquels s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique, en Ouganda…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles avaient déjà provoqué la mort de nombreuses personnes avant même le début de la guerre civile, fin 2020 (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 20 000 homicides par an).
Par ailleurs, et grâce à une croissance de 7,0 % en moyenne sur la décennie 2013-2022, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces dix dernières années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2013), la Côte-d’Ivoire est récemment devenue le premier – et encore le seul – pays africain disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 2 045 dollars début 2022 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). La Côte d’Ivoire devrait d’ailleurs très prochainement devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant s’établissait à 2 772 dollars début 2022. Ce dynamisme a également permis au pays de dépasser le Kenya, et de réussir l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria (2 363 et 2 066 dollars, respectivement), pays voisins regorgeant de richesses naturelles, avec des niveaux de production considérablement supérieures (le Nigeria a produit ces dernières années entre 40 et 60 fois plus de pétrole que la Côte d’Ivoire, et le Ghana a extrait six fois plus de pétrole et trois à quatre fois plus d’or). Le Nigeria dernier devrait d’ailleurs être assez bientôt dépassé par le Sénégal, qui réalise régulièrement des taux de croissance deux fois plus élevés (et au PIB par habitant de 1 637 dollars, loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 925 et 822 dollars, respectivement).
Quant au Niger, ce pays enclavé n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (591 dollars par habitant début 2022, contre 480 dollars). De plus, le pays devrait très prochainement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (676 dollars). Le Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasse désormais non moins de neuf pays africains en matière de développement humain, selon le dernier classement de la fondation Mo Ibrahim, publié en janvier 2023. Un classement plus fiable que celui de l’ONU, qui comporte de nombreuses incohérences, et qui a longtemps et étrangement placé systématiquement le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement (même derrière un pays comme le Soudan du Sud, qui est pourtant réputé être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée…). Il est d’ailleurs à noter que le taux de fécondité en Sierra Leone et au Liberia est environ 40 % inférieur à celui du Niger (environ 4 enfants par femme, contre 6,7).
Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes entreprises par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu’en matière de bonne gouvernance. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance a été de 5,2 % en moyenne annuelle sur la décennie 2013-2022. Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale (dernier classement publié par l’institution), et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.
À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola, respectivement première, troisième et huitième économie d’Afrique subsaharienne selon la Banque mondiale (du fait de leur très importante production pétrolière et/ou population), se classent à la 131e, 159e et 177e place, respectivement. Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure aux six dernières places de ce classement international, désormais majoritairement occupées par des pays anglophones.
Dans un autre registre, et mis à part l’année 2020, particulièrement marquée par la pandémie, il est utile de souligner que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone est globalement et régulièrement deux fois supérieure à sa croissance démographique, contredisant ainsi certaines théories assez médiatisées. Grâce au cadre favorable instauré par les différentes réformes en matière d’économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités. Il convient d’ailleurs de rappeler que la plupart des pays francophones de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité, bien trompeuse, des cartes en circulation dans les médias et établissements publics ou privés), ne comptent respectivement que 14 et 23 millions d’habitants, contre près de 68 millions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’Ivoire, un tiers plus étendue mais ne comptant que 28 millions d’habitants, elle abriterait aujourd’hui une population de 90 millions d’habitants si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni.
En Afrique centrale francophone
En Afrique centrale francophone, la croissance globale a atteint 4,0 % en 2022, en hausse significative par rapport au taux de 2,5 % enregistré l’année précédente. Une évolution qui résulte en bonne partie du regain d’activité en Guinée équatoriale, dont le PIB a augmenté de 3,2 % après une baisse de 1,6 % en 2021.
Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiée de la région, la croissance s’est établie à 3,8%, en légère hausse par rapport à 2021 (3,6 %). Avec une progression annuelle du PIB qui devrait continuer à être assez largement supérieure à celle du Nigeria voisin, le Cameroun devrait lui aussi, assez prochainement, dépasser ce pays en termes de richesse par habitant, rejoignant ainsi la Côte d’Ivoire et très probablement le Sénégal (le PIB par habitant du pays étant de 1 667 dollars début 2022).
Pour sa part, la République démocratique du Congo (RDC), première économie d’Afrique centrale francophone, a enregistré une croissance de 6,1 %, aussi robuste qu’un an plus tôt (6,2 %). Après une longue période de stagnation, il est à noter que la RDC est désormais engagée dans un vaste processus de réformes administratives, fiscales et juridiques, entamé en 2020 et qui est le plus sérieux et ambitieux en la matière depuis la chute de Mobutu en 1997, et même, en réalité, depuis les premières années de l’indépendance du pays. Ces réformes, qui commencent à porter leurs fruits (avec, par exemple, l’augmentation de 130 % du montant de la TVA collectée rien qu’en 2021, grâce à l’informatisation de la procédure), devraient aider ce pays, où l’État est encore presque absent d’une bonne partie du territoire, à continuer d’enregistrer une croissance robuste dans les prochaines années.
En zone CEMAC (dont ne fait pas partie la RDC), la hausse du PIB s’est établie à 3,1 % en 2022, en forte hausse par rapport à 2021 (1,1 %). Au Gabon, le taux de croissance a presque doublé pour atteindre 2,7 %, contre 1,5 % un an plus tôt (et une baisse de seulement 1,8 % au plus fort de la pandémie, en 2020). Grâce aux grandes avancées réalisées au cours de la dernière décennie en matière de diversification et de bonne gouvernance (et plus récemment en matière de facilitation des affaires), ce pays d’Afrique centrale a consolidé son statut de pays le plus riche d’Afrique continentale, avec un PIB de 8 635 dollars par habitant début 2022, creusant ainsi de nouveau l’écart avec le Botswana, deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie (6 805 dollars).
Si le Gabon et le Cameroun s’emploient à réformer et à diversifier leur économie, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été réellement entrepris au Congo voisin, qui n’a enregistré qu’une faible évolution de son PIB en 2022 (1,9 %), après plusieurs années consécutives de baisse. Les mauvaises performances économiques du pays traduisent l’absence de profondes et courageuses réformes, comme l’atteste le fait qu’il continue à occuper l’une des dernières places du classement Doing Business de la Banque mondiale, en arrivant 180e sur un total de 190 pays étudiés (et se classant donc, à peu près, au même niveau que l’Angola, 177e).
Autre conséquence de ce manque de réformes, le Congo est aujourd’hui le pays le plus endetté d’Afrique subsaharienne francophone continentale, en termes de dette publique, et arrive à la neuvième position des pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne (même s’il convient de noter les importants efforts réalisés en matière d’assainissement des finances publiques, et qui ont permis de réduire considérablement le niveau d’endettement du pays, qui devrait d’ailleurs quitter ce top 10 d’ici à la fin de l’année 2023). Le Congo-Brazzaville gagnerait donc à s’inspirer de certains de ses voisins, et notamment du Gabon avec lequel il partage nombre de points communs (caractéristiques géographiques et climatiques, production pétrolière significative, faible population…).
Par ailleurs, il est à noter que les performances économiques globales de la zone Cemac ne devraient plus être considérablement affectées par les performances de la Guinée équatoriale, dont le PIB ne devrait plus connaître de trop importantes baisses au cours des prochaines années. Une amélioration qui s’ajoute à la chute du poids économique du pays au sein de zone monétaire, suite à la forte baisse de son PIB par rapport au début de la dernière décennie. En effet, ce pays constitue un cas très particulier qu’il convient régulièrement de rappeler afin d’éviter toute fausse interprétation des statistiques régionales pour la période de six années allant de 2015 à 2020. Peuplé de près d’un million et demi d’habitants, seulement, ce petit territoire, partiellement francophone et ancienne colonie espagnole, était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapidement sa production commencer à décliner, au début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il avait donc connu une forte chute de son PIB pendant six années consécutives, de 2015 à 2020, avec une croissance négative annuelle de -6,7 % en moyenne sur la période !
En Afrique de l’Est francophone
La croissance globale de cette partie du continent s’est établie à 4,2 % en 2021, contre 4,0 % l’année précédente. Le rebond s’est poursuivi à Maurice et aux Seychelles (deux pays considérés à la fois comme francophones et anglophones, pour avoir connu une double présence française et britannique, successivement), où le secteur touristique occupe une place particulièrement importante, a bénéficié de la levée de la grande majorité des restrictions qui avaient été mises en place à la suite de la pandémie.
De leur côté, Madagascar, les Comores et le Burundi, voisin de la RDC, ont enregistré d’assez décevantes performances, avec des taux de croissance de 2,6 %, 1,4 % et 2,1 %. À Madagascar, pays le plus peuplé de la zone, l’activité économique devrait cependant rebondir à partir de l’année 2023, avec une croissance attendue à plus de 4 %. Ces trois pays, qui ne manquent pas d’atouts, gagneraient toutefois à s’inspirer des nombreux pays francophones du continent ayant réalisé de très importantes avancées en matière de bonne gouvernance, de diversification et d’amélioration du climat des affaires. Des avancées qui permettent notamment à l’Afrique subsaharienne francophone d’être, année après année, le moteur de la croissance africaine.
Quant à Djibouti, la croissance s’y est établie à 3,6 %, et devrait repasser au-dessus des 5 % à partir de cette année. Ce pays de la corne de l’Afrique avait réalisé une progression annuelle de 6,3 % en moyenne sur la période de six années allant de 2014 à 2019, et ce, en tirant profit de sa situation géographique stratégique qui lui permet de devenir progressivement une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seule une quinzaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul et unique vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
Cette faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et pour lequel l’Hexagone n’a représenté que 0,5 % du commerce extérieur en 2020 (contre environ 36,0 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce, … au plus grand bénéfice d’autres puissances.
Une inflation globalement maîtrisée en Afrique subsaharienne francophone
En dépit d’une hausse plus importante que par le passé des prix à la consommation, en raison des conséquences de la guerre en Ukraine, l’Afrique subsaharienne francophone à de nouveau affiché en 2022, et de loin, le niveau d’inflation le plus faible d’Afrique subsaharienne. Ainsi, et selon les dernières données du FMI, le taux d’inflation y a été de 7,2 % (en hausse par rapport au taux de 4,2 % en 2021), tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne a connu une inflation de 24,4 % (contre 31,8 % un an plus tôt). De son côté, la zone CFA a enregistré une hausse de 6,2 %, contre 2,7 % l’année précédente. Pour rappel, la détermination du taux d’inflation global d’un groupe de pays s’obtient par la prise en compte du PIB de chaque pays calculé sur la base de la parité de pouvoir d’achat (PPA).
Par ailleurs, il convient de préciser que les taux obtenus tiennent compte de la Mauritanie, du Soudan, de la Somalie et de Djibouti. En effet, et contrairement à la Banque mondiale, ces quatre pays ne sont pas considérés par le FMI comme faisant partie de l’Afrique subsaharienne, alors qu’ils sont bel et bien subsahariens (une « exclusion » qui s’explique par des raisons « culturelles », et en particulier linguistiques…). L’intégration pleinement justifiée du Soudan dans le calcul du taux d’inflation global de l’Afrique subsaharienne non francophone explique d’ailleurs en partie le niveau globalement élevé de l’inflation pour cette partie du continent en 2021, et qui avait même été supérieur à celui observé en 2022. En effet, le pays, qui traverse une très grave crise économique, avait alors enregistré une hausse des prix à la consommation de non moins de 382,8 % ! (avant de redescendre à 154,9 % en 2022…).
Les quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, ont connu en 2022 une inflation de 5,5 %, 8,4 %, 4,6 % et 7,5 %, respectivement. De leur côté, les quatre premières économies du reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont enregistré un taux de 18,9 %, 6,7 %, 33,6 % et 7,4 %.
Sur la décennie 2013-2022, le taux d’inflation annuel s’est établi à 3,6 % en moyenne pour l’Afrique subsaharienne francophone (et seulement 2,0 % en zone CFA), alors qu’il a atteint un niveau de 15,5 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. La Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal ont respectivement enregistré un taux annuel de 1,7 %, 9,9 %, 2,1 % et 1,6 %. Quant au Nigeria, à l’Afrique du Sud, à l’Éthiopie et au Kenya, ceux-ci ont observé une inflation de 13,0 %, 5,1 %, 14,9 % et 6,2 %.
Au cours des dix dernières années, l’Afrique francophone subsaharienne a donc réussi à afficher le niveau d’inflation le plus faible tout au long de la période, tout en ayant le taux de croissance économique le plus élevé neuf années sur dix (de 2014 à 2022). En réalisant cette double performance, l’Afrique francophone subsaharienne est ainsi parvenue à donner clairement tort à certains commentateurs qui considèrent que la faible inflation qui caractérise cet ensemble constitue un frein à sa croissance économique.
Un endettement globalement maîtrisé en Afrique subsaharienne francophone
Selon les dernières estimations du FMI, la dette publique continue à être globalement maîtrisée en Afrique subsaharienne francophone, qui demeure la partie la moins endettée du continent. Parmi les 10 pays subsahariens les plus endettés, le premier des deux seuls pays francophones subsahariens, à savoir Maurice, n’arrive en septième position, avec un niveau de dette publique estimé à 90,9 % du PIB, fin 2022 (derrière le Soudan – 189,5 %, l’Érythrée, le Cap-Vert, la Zambie, le Mozambique et le Zimbabwe). Et pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, aucun des cinq pays les plus endettés n’est francophone. En effet, et avec un taux d’endettement de 77,3 % du PIB, le Sénégal n’arrive en sixième position, derrière le Cap-Vert (154,5 %), le Ghana (90,7 %), la Guinée Bissau (82,0), la Sierra Leone (81,8 %), et la Gambie (80,6 %).
Cette situation est semblable à celle des années précédentes, au cours desquelles seuls deux pays francophones se trouvaient parmi les dix pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne, et toujours dans la seconde moitié de la liste. Globalement, le taux d’endettement de l’Afrique subsaharienne francophone est estimé par le FMI à 49,7 % du PIB, fin 2022, tandis qu’il est estimé à 60,6 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Au cours de la dernière décennie, l’Afrique subsaharienne francophone a ainsi affiché le plus faible niveau d’endettement tout au long des dix années de la période.
Cette assez bonne maîtrise de la dette, globalement, résulte notamment du dynamisme économique que connaissent la plupart des pays francophones subsahariens, et découlant lui-même des importantes avancées réalisées ces dernières années en matière d’amélioration du climat des affaires, de diversification et de de bonne gouvernance. Dans l’ensemble, l’Afrique francophone a donc été mieux armée pour faire face aux crises majeures ayant secoué le monde durant ces trois dernières années, et financer le redémarrage de l’activité économique.
Des perspectives globalement encourageantes pour 2023
Même s’il convient de toujours faire preuve de prudence au sujet des prévisions établies en début d’année pour les pays en développement, l’Afrique subsaharienne francophone devrait une nouvelle fois être le moteur de la croissance africaine en 2023, tout en demeurant la partie la moins touchée par l’inflation et la partie la moins endettée du continent.
En plus du retour à la normale du contexte sanitaire international, les pays francophones importateurs nets d’hydrocarbures (soit la majorité des pays francophones subsahariens) devraient également bénéficier du retour à la normale du cours des hydrocarbures, ainsi que de celui, plus progressif, des produits alimentaires. Quant aux problèmes sécuritaires affectant certains pays de la zone sahélienne, ceux-ci ne concernent, du moins à ce stade, qu’essentiellement des zones semi-arides et très faiblement peuplées. La gravité de ces troubles y est d’ailleurs encore sans commune mesure avec le désordre récemment observé dans certains pays d’Afrique de l’Est (Soudan du Sud, Éthiopie et Somalie).
Par ailleurs, et parallèlement à l’évolution du contexte international, le continent africain devrait voir la poursuite de la mise en place progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), entamée le 1er janvier 2021 et qui constitue un élément favorable à la croissance. Du moins d’un point de vue théorique, puisque qu’il convient de rappeler que la hausse des échanges entre pays ne dépend pas seulement de la réduction significative des barrières douanières entre ces mêmes pays, mais également et surtout de la capacité de ces derniers à produire des biens, grâce à la mise en place préalable d’un environnement national favorable à l’investissement (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures et formation, devant permettre à la fois de produire des biens et d’en assurer la compétitivité). L’évolution assez faible des échanges au sein des ensembles régionaux ayant déjà abaissé ou supprimé les taxes douanières est là pour le démontrer.
Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est de la question d’une monnaie unique, à l’instar de l’Eco que les pays d’Afrique de l’Ouest, membres de la CEDEAO, semblent souhaiter mettre en place. Ainsi, force est de constater que les pays de la zone UEMOA, qui bénéficient déjà, et depuis longtemps, d’une vaste zone de libre-échange doublée d’une monnaie unique, ont toujours d’assez faibles échanges avec les autres pays membres. Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de cette monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant l’adoption d’une monnaie unique…
Dans ce cadre, il est à noter que le report à 2027 de la création d’une monnaie unique ouest-africaine constitue une nouvelle rassurante pour les pays de la région, en dehors du Nigeria. En effet, l’économie de ces pays connaîtrait de grandes difficultés avec l’adhésion à une zone monétaire incluant le Nigeria, dont le déclin économique constant, combiné au poids démographique, tirerait vers le bas l’ensemble des pays de la région, qu’ils soient francophones, anglophones ou lusophones. Un problème qui ne se poserait d’ailleurs pas autant avec l’intégration d’autres pays en crise comme le Ghana, dont les graves difficultés économiques sont absorbables, compte tenu du poids démographique « raisonnable » du pays par rapport à ses voisins.
Il convient, en effet, de rappeler que le Nigeria connaît de graves problèmes structurels depuis plusieurs années, et qui se traduisent notamment par une très faible croissance économique (et de surcroît, régulièrement inférieure à sa croissance démographique), une inflation à deux chiffres, et une monnaie ayant perdu les deux tiers de sa valeur face au dollar sur la dernière décennie (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973). La mauvaise gouvernance, le niveau élevé de corruption et de détournements de fonds, les problèmes sécuritaires que subissent de nombreuses parties du territoire et la baisse progressive de la production en hydrocarbures (qui représentent encore plus de 90 % des exportations de biens, faute de réelle diversification), sont à l’origine de ce déclin économique.
Ainsi, et tant que le Nigeria n’aura pas résolu ses lourds problèmes structurels, l’adhésion du pays à une monnaie ouest-africaine est de nature à déstabiliser profondément les économies de tous les autres pays qui partageraient cette même monnaie, à travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnée, de surcroît, d’une politique monétaire plus adaptée à un pays en crise, et ne correspondant pas aux besoins des pays dynamiques de la région (le Nigeria, par son poids démographique et donc économique, déterminant probablement en grande partie cette politique). Les pays de l’UEMOA, qui sont largement en avance en matière de discipline budgétaire et de bonne gouvernance sur les autres pays de la région, et qui forment la zone la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest et la plus vaste zone de forte croissance du continent, verraient ainsi leur croissance baisser significativement, tout en voyant leur niveau d’inflation fortement augmenter.
Par ailleurs, le déclin économique du Nigeria est de nature, à terme, à accroître considérablement l’émigration de Nigérians, en quête d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Cameroun, le Gabon et le Sénégal. Compte tenu de la population du Nigeria, ces pays devront alors faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire, et notamment ceux d’Afrique de l’Ouest, où les règles de la CEDEAO prévoient la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres.
* Ayant la particularité d’être à la fois francophones et anglophones (pour avoir connu une double présence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisés deux fois, aussi bien pour le calcul des taux de croissance, d’inflation et d’endettement globaux de l’Afrique subsaharienne francophone que pour ceux du reste de l’Afrique subsaharienne. Ce qui n’a, toutefois, qu’une incidence limitée, voire nulle, sur les résultats obtenus (arrondis à une décimale), compte tenu du faible poids économique de ces deux pays par rapport aux deux ensembles cités.
Faute de temps, les questions du réchauffement climatique (réel, mais qui n’est pas une nouveauté – exemples concrets à l’appui) et de la transition énergétique n’ont pu abordées.
Par ailleurs, l’article suivant reprend les différents éléments abordés dans cette intervention. Il s’agit, également, d’une version enrichie d’un article précédent (avec, notamment, le rajout d’une partie sur la tragique histoire démographique de la France, cas presque unique au monde).
Version enrichie : Démographie : 9 bombes d’hiroshima larguées sur l’union européenne en 2021
Avec un nombre de décès dépassant désormais largement celui des naissances, la destruction de la population européenne est aujourd’hui une réalité incontestable. Synonyme de déclassement culturel, économique et géopolitique, cet autogénocide européen est de plus en plus dû au fanatisme écologique, et affaiblit encore davantage une France encore loin d’avoir rattrapé son terrible retard démographique.
Selon les dernières données d’Eurostat, le nombre de décès au sein de l’Union européenne (UE) a dépassé celui des naissances de 1,231 million d’individus en 2021. Hors immigration, la population de l’UE a donc baissé d’autant, soit l’équivalent de douze villes de 100 mille habitants qui auraient été rayées de la carte, ou encore de près de neuf bombes atomiques d’Hiroshima qui auraient été larguées.
Un processus qui s’accélère
Enclenché dès les années 1970, avec le passage du taux de fécondité européen global en dessous de seuil de renouvellement des générations de 2,1 enfants par femme, mais masqué jusqu’en 2011 par l’allongement de l’espérance de vie, ce processus d’autodestruction se caractérise par une terrifiante accélération d’année en année. En 2012, le premier déficit démographique enregistré n’était ainsi que de 23 700, avant de passer à 154 700 en 2016, puis à 484 400 en 2019 et à 1 231 400 en 2021.
Aujourd’hui, ce sont donc 18 des 27 pays de l’UE qui affichent un solde négatif, comme l’Italie voisine où il s’est établi à non moins de 309 600 en 2021. Et il en sera de même bientôt pour la France, la soi-disant « championne » de la natalité en Europe, mais qui n’est autre, avec son taux de fécondité inférieur au seuil de renouvellement des générations depuis 1975, qu’un cancre parmi d’autres… Désormais, le solde naturel français est quasi nul (inférieur à 0,1 %), et la croissance démographique est déjà assurée aux trois quarts par l’immigration.
Le processus d’autogénocide européen est donc maintenant une réalité incontestable. Et son rythme va continuer à s’accélérer, même en maintenant le taux de fécondité global européen à son niveau actuel de 1,5 enfant par femme. Ainsi, et selon les dernières projections de l’ONU, l’ensemble du continent européen devrait perdre 40 millions d’habitants d’ici à 2050, et près de 120 millions supplémentaires au cours de la seconde moitié du siècle, et ce, en incluant une immigration qui sera infiniment bien plus importante que par le passé. En 2100, l’Europe devrait alors ne plus représenter que 5 % de population mondiale… tout en comptant une importante proportion d’habitants d’origine non européenne. Si rien ne change, notre civilisation aura donc en grande partie disparu de la surface de la terre à la fin du siècle, avec à la clé de terribles conséquences économiques, géopolitiques, voire territoriales.
La responsabilité grandissante du talibanisme écologique
Si différentes raisons peuvent expliquer cet effondrement, l’impact du fanatisme écologique prend désormais une ampleur inquiétante. Le matraquage est tel, qu’une étude internationale publiée en septembre 2021, par la revue britannique The lancet planetary health, constatait même que 37 % des jeunes Français âgés de 16 à 25 ans hésitaient à avoir une descendance pour des raisons écologiques.
Pourtant, et même si notre planète souffre d’un certain nombre de maux, la réalité est que seule une infime partie de son potentiel en énergies renouvelables est aujourd’hui exploitée, de même qu’une infime partie de ses ressources minières et fossiles. De plus, et malgré les vastes espaces non encore exploités, et la stabilisation prochaine de la population mondiale, les avancées scientifiques sont permanentes en matière d’agriculture (comme avec l’aéroponie, qui permet un rendement à l’hectare près de 80 fois supérieur, sans terre, soleil ni pesticides !), en matière d’architecture, de transports, ou encore de traitement des déchets. Et tout cela, sans même parler des perspectives infinies qu’offre l’univers…
Il est donc bien naïf de s’imaginer que notre planète est surpeuplée, que l’humanité sera bientôt à court de ressources, ou que les déchets nucléaires ont vocation à être stockés ad vitam æternam sur notre planète (si tant est que la problématique continue à se poser, le prix Nobel français de physique, Gérard Mourou, affirmant qu’il devrait prochainement être possible d’en réduire la durée de radioactivité à seulement 30 minutes…).
Quant au réchauffement climatique, la hausse attendue des températures ne fera que redonner à la France le climat qui était le sien aux époques de Charlemagne et de l’empire romain (ou d’Astérix et d’Obélix), elles-mêmes séparées par un refroidissement climatique, accompagné de terribles catastrophes naturelles. Il y a un millier d’années, à l’époque de l’Optimum climatique médiéval, les vignes étaient plantées jusqu’au sud de l’Angleterre et du Danemark, et le célèbre col du Théodule n’était autre qu’une importante route commerciale. Autrement dit, ce n’est pas la fonte médiatisée de l’immense glacier qui le recouvre actuellement qui est une catastrophe. La catastrophe, c’était plutôt lorsque celui-ci s’était formé il y plusieurs siècles. Un véritable drame pour toutes les populations de la région…
Le terrible retard démographique de la France
Si la situation de la démographie européenne est fort regrettable, elle l’est encore davantage pour la France, déjà fortement affaiblie par un retard démographique de deux siècles par rapport aux autres grandes puissances européennes, et que le bref et léger baby-boom de l’après-guerre ne permit guère de rattraper (avec un indicateur conjoncturel de fécondité n’ayant jamais dépassé les 3,04 enfants par femme). En effet, si la France était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, elle compterait, pour sa seule partie métropolitaine, non moins de 154, 128 et 108 millions d’habitants, respectivement. Et si l’on devait étendre cette comparaison au Japon ou à la verdoyante Corée du Sud, aux deux tiers recouverte de forêts, elle abriterait 180 et 285 millions d’habitants, respectivement….
Ce retard considérable puise ses origines dans la très lente progression de la population française entre 1750 à 1945. Au terme de ces deux siècles perdus, celle-ci n’a ainsi été multipliée que par 1,6. Dans le même temps, et également dans leurs frontières actuelles, l’Allemagne et l’Italie multipliaient leur population par trois, les Pays-Bas par quatre, et le Royaume-Uni par six !
Pourtant, l’essor démographique des autres pays européens se fit en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire qu’a connu le continent… à la seule exception de la France. Sur cette période de deux siècles, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont ainsi perdu entre 20 et 25 millions de nationaux, chacun au total, tandis que l’Hexagone ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.
La France a donc longtemps été, démographiquement, l’homme malade de l’Europe et du monde. Elle qui était trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni, en 1750, et aussi peuplée que le Japon vers 1800. Une situation qui résultait d’une déchristianisation précoce, ainsi que d’une propagation bien plus importante que partout ailleurs des simplistes idées malthusiennes, qui ne cessent pourtant d’être infirmées génération après génération. Ce qui n’empêche pas pour autant certains de nos responsables politiques, cherchant à dissimuler leur incompétence, à évoquer parfois l’existence d’un lien entre chômage et natalité plus élevés qu’ailleurs, comme l’avait encore fait François Hollande au cours de son mandat. Pourtant, dans l’année qui précédait la fin de celui-ci, en 2016, douze des quatorze pays de l’Union européenne à avoir connu une croissance démographique totale supérieure à celle de la France, avaient terminé l’année avec, à la fois, une croissance économique supérieure et un taux de chômage inférieur….
Le déclin démographique de l’Hexagone ne fut naturellement pas sans conséquences sur son influence, et contribua même dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales. En effet, si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse. Et la France, non effrayée par son écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme…et la mise en œuvre de l’Holocauste. Ainsi, si certains pensaient bien faire en faisant moins d’enfants, ils ont en réalité, et involontairement, provoqué la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Déjà lourdement affaiblie par les inepties malthusiennes, la France ne doit pas maintenant laisser endoctriner sa jeunesse par les talibans de l’écologie, héritiers spirituels des prophètes de l’apocalypse et des théoriciens de la surpopulation humaine, auxquels l’Histoire a toujours fini par donner tort, faute d’avoir correctement apprécié le potentiel de la Terre et le génie humain. En s’affranchissant de ces fanatismes et idées simplistes, elle pourrait alors redynamiser son économie, rattraper progressivement son retard démographique sur ses grands voisins, et contribuer à limiter le déclin de la civilisation européenne au niveau international.
Contrairement au dirham marocain, dont la valeur par rapport au dollar américain a seulement été divisée par deux en 50 ans, la monnaie du Nigeria, premier producteur africain de pétrole, mais également pays affichant le deuxième niveau le plus bas d’espérance de vie au monde, a vu la valeur de sa monnaie divisée par 700 depuis sa création, en 1973. Une barre symbolique qui a été franchie le 2 février dernier. L’intégration d’une économie en aussi mauvaise santé à une zone monétaire ouest-africaine serait donc très néfaste aux économies de l’ensemble des autres pays de la région, y compris anglophones.
Créé le 1er janvier 1973, le naira célèbre cette année son cinquantième anniversaire. Mais alors qu’il valait 1,52 dollar à ses débuts (un dollar s’échangeant donc contre 0,66 naira, ou plus exactement 0,657895), et que sa valeur se renforça même au cours de ses premières années, jusqu’à atteindre près de 1,85 dollar en janvier 1980, le naira connut ensuite une succession ininterrompue de dépréciations et de dévaluations, à tel point que la valeur du dollar américain a atteint le niveau de 460,54 nairas le jeudi 2 février 2023. Ainsi, la monnaie nigériane a perdu 99,86 % de sa valeur en seulement cinquante ans, ce qui signifie, en d’autres termes, que celle-ci a été divisée par 700 (ou plus exactement 700,02).
Sur la même période, le cours du dirham marocain a été divisé par un peu plus de deux par rapport au dollar, tandis que celui du franc CFA a été divisé par environ deux et demi, celui du dinar tunisien par près de sept, et celui du rand sud-africain par 22. Toutefois, il convient de noter que ce taux de change du naira ne correspond qu’à celui du marché officiel. En effet, l’effondrement est encore plus impressionnant sur le marché parallèle, où le dollar s’échange à environ 750 nairas. L’écart est désormais si important entre les deux marchés, que la plupart des experts s’accordent sur le fait que les autorités procéderont très prochainement à une nouvelle dévaluation, peu après les prochaines élections présidentielles du 25 février prochain.
Les grandes difficultés économiques et sociales du Nigeria
L’effondrement quasi total du naira ne fait que refléter les graves difficultés économiques du pays, qui souffre depuis de très nombreuses années d’une mauvaise gouvernance, d’un niveau élevé de corruption et de détournements de fonds, et d’un manque de diversification. Bien que le Nigeria soit le premier producteur africain de pétrole depuis plusieurs décennies, le pays n’est toujours pas parvenu à diversifier son économie, dont les exportations reposent encore à plus de 90 % sur les hydrocarbures. Faute d’avoir développé d’autres sources significatives de revenus, et d’avoir mis en place un environnement favorable à l’investissement et aux affaires, le pays demeure donc très dépendant de l’évolution du cours des hydrocarbures, ainsi que de sa production en la matière (qui est justement en baisse continue).
Les mauvaises performances économiques du Nigeria s’observent notamment en matière de croissance économique. En effet, et sur la dernière décennie 2013-2022, le pays n’a enregistré qu’un taux de croissance annuel de 2,3 % en moyenne, soit un nouveau qui est même inférieur à sa croissance démographique (2,5 %). Dans le même temps, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont connu un taux de croissance annuel de 7,0 % et 4,6 %, respectivement, tandis que le Sénégal et le Cameroun affichent un taux de 5,2 % et 4,0 %.
Le déclin du Nigeria s’est donc naturellement répercuté sur l’évolution du PIB par habitant, qui n’atteignait plus que 2 066 dollars début 2022 (selon les dernières données de la Banque mondiale). Celui-ci a ainsi été récemment dépassé par ceux de la Côte d’Ivoire (2 549 dollars) et du Ghana (2 363 dollars), et devrait également bientôt l’être par ceux du Sénégal et du Cameroun. La performance de la Côte d’Ivoire est d’ailleurs particulièrement remarquable, compte tenu du fait que le pays, devenu le plus riche d’Afrique de l’Ouest continentale, a produit ces dernières années entre 40 et 60 fois moins de pétrole que le Nigeria (et même six fois moins de pétrole que le Ghana, et trois à quatre fois moins d’or).
Enfin, la situation économique du Nigeria n’est pas sans conséquences sur le niveau de vie de la population. À titre d’exemple, celle-ci souffre depuis de nombreuses années d’une inflation assez importante, et qui s’est établie à 12,3 % en moyenne annuelle sur la décennie 2012-2021, selon les dernières données de la Banque mondiale. Un niveau équivalent à celui du Ghana (12,0 %), mais très largement au-dessus de ceux de la Côte d’Ivoire (1,3 %), du Cameroun (1,9 %), ou encore du Sénégal (0,8 %).
Par ailleurs, il est à noter que le Nigeria, et malgré de colossaux revenus pétroliers accumulés depuis son indépendance (dont des centaines de milliards de dollars sur les deux seules dernières décennies), affiche le deuxième niveau le plus faible d’espérance de vie au monde, estimée à 52,9 ans en 2020, toujours selon les dernières données de la Banque mondiale. Le pays avait même occupé la toute dernière place en 2018 et en 2019, avant de dépasser de nouveau le Tchad (52,8 ans). De même, le Nigeria affiche le quatrième taux le plus élevé au monde en matière de mortalité infantile, avec non moins de 72,2 décès pour 1 000 naissances vivantes, juste après la Somalie. Enfin, il est également à noter que le pays a réalisé de mauvaises performances en matière d’électrification, avec un taux d’accès à l’électricité de seulement 55,4 % de la population fin 2020 (contre, par exemple, 70,4 % pour le Sénégal, 64,7 % pour le Cameroun, et plus de 99 % pour chacun des trois pays du Maghreb).
2022
Sénégal : le PIB par habitant dépasse de 93 % celui du Rwanda
Avec un PIB par habitant de 1 606 dollars début 2022, le Sénégal, pays du train le plus rapide d’Afrique subsaharienne, affiche désormais un niveau de richesse par habitant près de deux fois supérieur à celui du Rwanda, parfois surnommé le « Singapour africain ». Le dynamisme sénégalais s’accompagne d’une modernisation rapide du pays, qui maîtrise dans le même temps sa dépendance aux aides publiques étrangères au développement, et démontre, par ailleurs, que progrès et démocratie ne sont pas incompatibles.
Selon les dernières données publiées par la banque mondiale, le PIB par habitant du Sénégal s’établissait à 1 606 dollars début 2022, contre seulement 834 dollars pour le Rwanda, qui affiche ainsi un des niveaux les plus faibles du continent, où il se classe à la 38e position. L’écart ne s’est donc guère réduit au cours de la dernière période quinquennale 2017-2021, et a même légèrement augmenté puisque les deux pays affichaient, respectivement, un PIB par habitant de 1 267 dollars et 745 dollars fin 2016.
Le dynamisme sénégalais
Le niveau relativement élevé atteint par le Sénégal, par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne, résulte du grand dynamisme économique du pays, dont la croissance du PIB s’est établie à 5,1 % en moyenne annuelle sur la période de cinq années 2017-2021, malgré la grave crise économique ayant secoué le monde en 2020. Une année particulièrement difficile, et à l’issue de laquelle le Sénégal avait d’ailleurs fait partie de la minorité de pays africains ayant connu une évolution positive (+1,3 %).
En tenant compte des taux de croissance et du niveau de richesse par habitant déjà atteint (deux éléments nécessaires pour toute comparaison sérieuse, les pays les plus pauvres réalisant plus facilement des taux de croissance élevés), le Sénégal fait ainsi probablement partie des trois pays les plus dynamiques du continent, avec la Côte d’Ivoire et le Kenya. En effet, la Côte d’Ivoire a enregistré une croissance annuelle de 5,9 % en moyenne sur la période 2017-2021, soit la deuxième plus forte progression du continent (derrière l’Éthiopie), alors même qu’elle affichait un PIB par habitant déjà assez élevé, et atteignant 2 579 dollars début 2022 (contre seulement 944 dollars pour l’Éthiopie, un des pays les plus pauvres d’Afrique). Une forte croissance qui lui a d’ailleurs permis de devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest continentale, malgré de modestes richesses naturelles en comparaison avec le Ghana et le Nigeria voisins (qui connaissent actuellement une grave crise économique). De son côté, le Kenya, qui était déjà le pays le plus riche d’Afrique de l’Est (hors très petits pays insulaires et Djibouti), a tout de même observé une évolution annuelle assez robuste de 4,3 %, pour atteindre un PIB par habitant de 2 007 dollars début 2022. Quant au Sénégal, et malgré une richesse très largement supérieure, il est parvenu à avoir un niveau de croissance comparable à celui du Rwanda, qui a enregistré un taux de 5,8 % en moyenne annuelle sur la période 2017-2021. Ce qui ne permit guère à ce dernier de combler son retard par rapport au Sénégal, qui a même légèrement creusé l’écart compte tenu du fait que l’évolution du PIB par habitant, calculé à prix courants, dépend également d’autres facteurs, comme l’évolution du cours de la monnaie nationale et des produits d’exportation.
Les bonnes performances économiques du Sénégal sont elles-mêmes le fruit des nombreuses mesures prises au cours des dernières années, et s’inscrivant en bonne partie dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE). Débutée en 2014, la mise en œuvre de cette stratégie décennale permit de doubler le taux de croissance annuel moyen du pays, grâce aux réformes accomplies en matière d’amélioration du climat des affaires, à une politique de grands travaux et à une politique active de diversification des sources de revenus, en s’appuyant notamment sur le développement du secteur agricole, des industries agroalimentaires, des industries des matériaux de construction ou encore du secteur du numérique et des nouvelles technologies. À titre d’exemple, le secteur agricole a connu une forte expansion de la culture du riz, dont la production a presque triplé au cours de la dernière décennie dans un pays où cette céréale est un des piliers de l’alimentation locale, et qui ambitionne d’atteindre prochainement l’auto-suffisance en la matière. La hausse spectaculaire de la production avait d’ailleurs été initiée à la suite des émeutes de « la faim » de 2008, preuve que le Sénégal aurait pu commencer bien plus tôt, comme certains pays arabes et asiatiques avant lui…
Quant aux nouvelles technologies, et grâce à un cadre réglementaire de plus en plus propice à l’investissement, le Sénégal a vu se multiplier les entreprises liées au numérique et à l’internet. Le secteur connaît un tel dynamisme que le pays vient de faire son entrée parmi les dix pays les plus innovants du continent africain, selon le dernier classement international publié par l’Organisation internationale de la propriété intellectuelle (Indice mondial de l’innovation, 2022). Si le Sénégal, classé 99e au niveau mondial et 10e au niveau africain, demeure encore assez largement derrière l’Afrique du Sud (61e place mondiale) et le Maroc (67e), le pays fait désormais presque aussi bien que l’Égypte (89e, et 7e en Afrique), et dépasse des pays comme le Rwanda (respectivement 105e et 11e) et le Nigeria (114e et 15e). De même, le Sénégal dépasse désormais quelques pays d’Amérique centrale, à savoir le Salvador, le Nicaragua, le Guatemala et le Honduras.
Par ailleurs, il est également à noter que le Sénégal continue à s’affirmer comme pôle majeur de la médecine en Afrique. Chose qu’il fut encore possible de constater lors de la signature d’un accord, en juillet 2021, avec des pays et institutions de l’Union européenne, les États-Unis et la Banque mondiale, portant sur la construction d’une usine de production de vaccins destinés au continent (contre le covid-19 et des maladies endémiques).
Une modernisation rapide du pays
Les nombreuses avancées en matière de création de richesse sont allées de pair avec une modernisation rapide du pays, où se sont multipliés les grands chantiers d’infrastructure au cours des quelques dernières années : ponts, autoroutes, aéroports, centrales électriques ou encore installations sportives (comme avec la récente inauguration, en février 2022, d’un stade ultra moderne de football de 50 mille places, souvent présenté comme « le plus beau stade d’Afrique »). Quant aux transports publics, le pays s’est dernièrement distingué par la mise en service, en décembre 2021, d’un train express régional pouvant atteindre la vitesse de 160 km/h dans l’agglomération dakaroise, et faisant de lui le train le plus rapide de toute l’Afrique subsaharienne, à égalité avec le Gautrain sud-africain (le TGV marocain étant, pour sa part, le plus rapide de l’ensemble du continent, avec une vitesse de 320 km/h).
Parallèlement à cette politique de grands travaux, le Sénégal a également accompli de grandes réalisations en matière d’amélioration du niveau et de la qualité de vie de la population. Ainsi, et selon les dernières données de la Banque mondiale, le taux d’accès à l’électricité a atteint 70,4 % de la population fin 2020, plaçant ainsi le Sénégal à la septième place des pays d’Afrique subsaharienne, hors minuscules États insulaires (ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Le pays fait ainsi largement mieux que le Rwanda, qui affichait un taux de seulement 46,6 %, soit moins de la moitié de la population et en dessous de la moyenne subsaharienne de 48,4 % (malgré la petite taille du territoire, sept fois et demie moins étendu que le Sénégal). De même, et toujours hors très petits pays insulaires, le Sénégal se classe à la sixième position en Afrique subsaharienne pour ce qui est du pourcentage de la population utilisant internet, avec un taux de 43 % en 2020, contre 27 % pour le Rwanda, qui se situe là aussi en dessous de la moyenne subsaharienne, mais qui est parfois surnommé le « Singapour africain » (le pays étant un important client des agences de communication internationale).
Quant à la mortalité infantile, le Sénégal arrive à la deuxième place, avec un taux de 29 décès pour 1000 naissances vivantes, se classant tout juste derrière l’Afrique du Sud (26) et devant le Rwanda (30), qui arrive en sixième position. Toutefois, si le Rwanda a réalisé d’importantes avancées en matière d’accès aux soins et de santé publique, les inégalités sociales et le taux d’extrême pauvreté y demeurent encore très élevés, avec une importante partie de la population vivant avec moins de 2,15 dollars par jour en parité de pouvoir d’achat (nouveau seuil d’extrême pauvreté retenu par les institutions internationales, depuis la rentrée 2022). Ainsi, et selon les dernières données de la banque mondiale, parfois relativement anciennes mais permettant de se faire une idée approximative, le taux d’extrême pauvreté atteignait non moins de 52 % de la population rwandaise en 2016, contre seulement 9,3 % pour le Sénégal en 2018. Il est d’ailleurs à noter que la réalisation d’études en la matière est assez difficile au Rwanda, qui s’était même distingué en 2005 en obligeant les agents de la Banque mondiale à détruire sur place l’intégralité de leurs études sur la pauvreté dans le pays. Un acte assez inhabituel au niveau international, mais qui n’a pourtant fait l’objet d’aucune protestation officielle de la part de cette grande institution, grâce à l’opposition des États-Unis.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’une partie de la richesse produite par le Rwanda provient de l’exploitation illégale des ressources minières de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). S’il n’est pas si rare de voir des pays puiser illégalement dans les richesses de leurs voisins (comme, par exemple, avec l’exploitation du bois précieux sénégalais par la Gambie), le Rwanda se distingue toutefois en étant le seul et unique pays au monde à le pratiquer à grande échelle, au point de se classer souvent parmi les deux principaux producteurs et exportateurs mondiaux de tantale, un élément stratégique extrait à partir d’un minerai appelé coltan, alors que son sous-sol en est pratiquement dépourvu. Une situation ubuesque dont est victime la RDC depuis de nombreuses années, mais qui est rendue possible par une féroce protection diplomatique américaine et britannique au profit des autorités rwandaises… facilitée par une certaine indifférence des pays africains et de l’Union africaine.
Transparence et bonne gouvernance
Les grands progrès économiques et sociaux réalisés par le Sénégal se sont accompagnés d’importantes avancées en matière de lutte contre la corruption, de transparence et de bonne gestion des deniers publics. Ainsi, et en se positionnant à la 73e place mondiale dans le dernier classement établi par l’organisation non gouvernementale Transparency international (Indice de perception de la corruption, 2022), le Sénégal fait désormais partie des pays les moins corrompus du continent Africain, et fait même presque partie du premier tiers des pays les plus vertueux en la matière dans le monde. Sur le plan africain, le Sénégal se classe maintenant à la 11e place, au même niveau que la Gabon (11e, ex aequo), juste derrière l’Afrique du Sud (10e, et 70e au niveau mondial), et loin devant des pays comme le Kenya et le Nigeria, qui occupent respectivement la 128e et la 154e place mondiale.
De plus, il est à noter que les progrès économiques et sociaux accomplis par le Sénégal s’accompagnent également d’une maîtrise de la dépendance aux aides extérieures, contrairement au Rwanda qui continue à faire partie des dix pays africains les plus dépendants de la charité internationale. En effet, et selon les dernières données de la Banque mondiale, l’ensemble des aides publiques au développement (APD) reçues par le Sénégal en 2020 n’ont représenté que 6,7 % du Revenu national brut, contre non moins de 16,3 % pour le Rwanda, qui occupait la neuvième place continentale, comme en 2019, en se classant entre la Gambie et le Niger. Une situation plutôt inattendue pour un pays dont les plus hautes autorités ont régulièrement affirmé que l’Afrique devait apprendre à se développer par elle-même (et dont le Président avait même déclaré que le continent n’avait pas besoin de « Baby-sitter »). Par ailleurs, il est également à noter que l’importance des aides reçues par le Rwanda n’a nullement empêché la hausse constante de l’endettement du pays, dont la dette publique devrait connaître la cinquième plus forte hausse d’Afrique subsaharienne sur la période de trois années 2019-2021, selon le FMI, pour atteindre 68,1 % du PIB fin 2022, en hausse de 18,3 points de pourcentage (et 77,3 % pour le Sénégal, en hausse de 13,7 points, avec une baisse attendue à partir de 2023). En faisant partie de l’Afrique francophone, le Sénégal fait d’ailleurs également partie de la zone la moins dépendante du continent à l’égard des aides étrangères (hors grands pays pétroliers et miniers), mais aussi globalement la moins endettée, la plus dynamique économiquement (ayant réalisé en 2021 les meilleurs performances économiques du continent pour la huitième année consécutive, et la neuvième fois en dix ans), la plus stable, la moins inégalitaire et la moins violente.
Les différentes réussites du Sénégal lui permettent ainsi de démontrer que démocratie et liberté d’expression ne sont pas incompatibles avec le progrès économique et social. De même, le Sénégal peut se féliciter d’être parvenu à atteindre ce niveau de développement avant de devenir un producteur de gaz et de pétrole, suite à la découverte d’assez importants gisements au large de ses côtes. Mais afin de lui être réellement profitable, cette nouvelle et importante manne qui s’annonce ne devra pas entraver la poursuite des réformes et des efforts de diversification et d’industrialisation du pays. Celui-ci devra notamment s’inspirer des pays pétroliers du Nord (Norvège, Royaume-Uni, Canada, États-Unis), qui ont toujours su développer les différents pans de leur économie, au nom de l’indépendance nationale, tout en atteignant un niveau élevé en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et les détournements de fonds.
Le Gabon consolide son statut de pays le plus riche d’Afrique, devant le Botswana
(hors très petits pays)
Après avoir dépassé le Botswana, second producteur mondial de diamants, après la Russie, le Gabon creuse l’écart et confirme son statut de pays le plus riche du continent en termes de PIB par habitant, hors très petits pays, majoritairement insulaires. Cette nouvelle performance, réalisée avant la forte hausse du cours du pétrole en 2022, est due aux importantes avancées en matière de diversification et de facilitation de l’entreprenariat, à l’origine d’une économie plus résiliente et d’une modernisation rapide du pays. Par ailleurs, ces réussites tendent à démontrer que la récente adhésion du Gabon au Commonwealth n’est en rien liée à des considérations d’ordre économique…
8 017 dollars par habitant début 2022
Selon les dernières données de la Banque mondiale, le Gabon affichait un PIB par habitant de 8 017 dollars début 2022, dépassant ainsi celui du Botswana, qui s’établissait à 7 348 dollars. En creusant l’écart par rapport à l’année précédente (respectivement 6 882 et 6 349 dollars, selon les données les plus récentes), le Gabon consolide ainsi sa position de pays le plus riche du continent, hors très petits pays ne pouvant être pris en compte pour l’établissement de comparaisons pertinentes en matière de richesse et de développement économique et social, en raison d’une très faible population (moins de 1,5 million d’habitants) et d’une superficie particulièrement réduite, avec un territoire parfois à peine visible sur une carte géographique. Il s’agit notamment de Maurice, des Seychelles et de la Guinée équatoriale, qui affichent une richesse par habitant supérieure, mais dont la population est comprise entre seulement 0,1 et 1,5 million d’habitants, et dont le territoire est très limité (la Guinée équatoriale et Maurice, les deux moins petits de ces trois pays partiellement francophones, étant respectivement 9,5 fois et 131 fois moins étendus que le Gabon…).
Le Gabon et le Botswana ont le double point commun d’être des pays au sous-sol très riche en matières premières non renouvelables, tout en ayant une population quasi égale en nombre. Peuplé de 2,3 millions d’habitants, le Gabon est en effet le 8e producteur africain de pétrole (et le 36e au niveau mondial) ainsi que le deuxième producteur africain et le 3e mondial de manganèse (et en passe d’en devenir le second, derrière l’Afrique du Sud), tandis que le Botswana, peuplé de 2,4 millions d’habitants, est le deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie. Sur ces deux points, ces deux pays peuvent également être comparés à la Namibie, pays voisin du Botswana et ancienne colonie sud-africaine ayant obtenu son indépendance en 1991 au terme d’un long conflit de 23 années. Comptant 2,6 millions d’habitants, la Namibie est en effet le 5e producteur africain de diamants (et le 7e mondial), ainsi que le premier producteur continental et le quatrième mondial d’uranium, essentiellement destiné à la Chine et avec une production désormais près de deux fois supérieure à celle du Niger (second producteur africain, et fournissant aujourd’hui moins d’un tiers de l’uranium consommé par la France, qui s’approvisionne principalement au Kazakhstan et au Canada). Toutefois, la Namibie traverse une grave crise économique depuis quelques années, et affiche un PIB par habitant de seulement 4 729 dollars début 2022, largement derrière le Gabon et le Botswana.
Diversification, réformes et économie résiliente
Les bonnes performances du Gabon résultent principalement d’une politique volontariste en matière de diversification menée au cours de la dernière décennie, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), lancé en 2009. Visant à le sortir de sa forte dépendance aux industries extractives, tout en œuvrant à en tirer davantage profit en commençant à transformer localement une partie de la production, ce plan consiste à industrialiser le pays en s’appuyant grandement sur le développement de la filière bois et de l’agriculture, ainsi qu’à investir dans les services en développant notamment le secteur du numérique, et plus récemment le tourisme.
Dans ce cadre, le Gabon s’était illustré par la mise en œuvre d’une mesure très audacieuse dès le 1er janvier 2010, en interdisant l’exportation de grumes afin de valoriser la filière bois à travers la transformation locale avant exportation, et avec à la clé la création d’un tissu industriel source d’une valeur ajoutée bien plus importante. Toujours dans cette optique, le gouvernement a mis en place une série de mesures incitatives afin d’attirer les investisseurs, dont, par exemple, la création de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, vaste zone franche s’étendant sur 1 126 hectares à proximité de la capitale, et créée grâce à un partenariat public-privé (PPP) avec le groupe singapourien Olam, géant mondial de l’agroalimentaire. Cette zone abrite désormais près de 80 entreprises (très majoritairement, mais pas uniquement, dans le secteur du bois), et représente à elle seule un tiers de la production nationale de bois transformé.
Grâce à cette politique, le Gabon a ainsi multiplié par deux le poids de cette filière dans l’économie nationale, qui a pesé pour 5 % du PIB et 15 % des exportations de marchandises en 2021. Cette performance s’est notablement traduite par la multiplication par quatre du volume du bois transformé sur la même période, la création de plusieurs milliers d’emplois, et ce, tout en réduisant le volume total de bois coupé ! En quelques années seulement, le Gabon s’est ainsi hissé au premier rang africain et au troisième rang mondial pour la production de contreplaqués. Par ailleurs, le pays vient récemment de monter encore en gamme en commençant à produire des meubles exportables, et envisage même de devenir prochainement un des dix principaux exportateurs mondiaux en la matière. De plus, le développement de l’industries de transformation du bois commence à entraîner l’apparition de nouvelles industries produisant d’autres matières nécessaires à cette activité. Ainsi, la première usine de fabrication de colle pour contreplaqué vient tout juste de démarrer sa production, en septembre dernier, et constitue une première dans les pays de la zone Cemac.
En dehors de la filière bois, le Gabon a également porté son attention sur le secteur agricole et les industries agroalimentaires, fortement négligées dans le passé. De nombreux programmes ont ainsi été mises en œuvre dans le cadre du PSGE, comme le Plan national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN) et le programme Graine, lancés en 2014 et consistant notamment à distribuer des terres, à soutenir la création de coopératives, et à former, financer et équiper des agriculteurs. Plus récemment, en juin 2021, et dans le cadre du Plan d’accélération de la transformation (PAT) lancé en début d’année, le gouvernement est même allé jusqu’à adopter une loi imposant aux entreprises actives dans le domaine de la distribution alimentaire de se fournir à hauteur de 50 % auprès de producteurs locaux pour leurs stocks de produits frais et transformés. Une nouvelle loi audacieuse, visant à parvenir à la souveraineté alimentaire sur un certain nombre de produits stratégiques, et à réduire de moitié les importations de produits alimentaires, transformés ou non, d’ici 2025, dans un pays qui importe aujourd’hui environ les trois quarts de sa consommation en la matière. L’augmentation attendue de la production agricole se fera notamment à travers les cinq zones agricoles à forte productivité, récemment créées, et s’appuiera également sur un futur centre de recherche et développement dédié au secteur, dont la création a été annoncée en juin dernier (et qui sera analogue à celui qui venait d’être inauguré quelques jours plus tôt en Côte d’Ivoire, grande puissance agricole).
Parallèlement à cette volonté de réduire fortement sa dépendance alimentaire, le pays a également œuvré à développer des cultures destinées principalement à l’exportation, et notamment celles du palmier à huile (pour l’huile de palme) et de l’hévéa, ou encore le café et le cacao qu’il souhaite relancer. En 2020, et malgré la pandémie, les exportations d’huile de palme avaient bondi de 59 %, et représentaient déjà 0,6 % des exportations du pays, quelques années seulement après les premières plantations d’arbres. Ayant inauguré en 2017 la plus grande usine d’huile de palme du continent, le Gabon ambitionne de devenir prochainement le troisième producteur africain et le premier exportateur continental d’huile de palme. Et comme pour la filière bois, l’essor de cette activité est à l’origine de l’apparition d’autres productions industrielles, telles que la production de savon et la fabrication de biocarburants (qui devrait démarrer dès 2023).
Ces efforts en faveur du développement agricole et industriel ont par ailleurs été accompagnés d’une politique volontariste de développement des nouvelles technologies et du secteur du numérique. Et ce, en investissant notamment dans la construction d’un réseau haut débit à fibre optique (dès 2012), la numérisation de l’administration, le soutien à la transformation numérique des entreprises (à travers notamment de la création de Société d’incubation numérique du Gabon – SING, en 2018, en partenariat avec la Banque mondiale), et dans le soutien aux jeunes créateurs de startups, de plus en plus nombreuses.
Cette politique active de diversification a permis au Gabon d’augmenter considérablement le poids des activités non directement liées aux industries extractives dans l’économie nationale. Ainsi, ces activités ont été à l’origine de 14,5 % des exportations de biens du pays en 2019, soit le double que pour le Botswana (+99 % environ) qui affichait un taux de seulement 7,3 %, et dont la dépendance aux industries extractives (essentiellement les diamants, mais aussi le sel, entre autres) demeure écrasante. Un écart important qui s’observe encore davantage en effectuant la même comparaison avec d’autres pays proches au sous-sol et aux fonds sous-marins particulièrement riches, comme le Nigeria et l’Angola, où ce taux n’atteint qu’environ 7 % et 1 %, respectivement, du total des exportations de biens (7,1 % et 2,0 % en 2019). Au Nigeria, les activités directement liées aux hydrocarbures et aux industries minières sont ainsi à l’origine d’environ 93 % des exportations du pays (premier producteur africain de pétrole et huitième exportateur mondial, ainsi que 3e producteur continental de gaz naturel et 6e exportateur mondial de gaz liquéfié), tandis qu’elles pèsent pour environ 98 % des exportations de l’Angola (second producteur africain de pétrole, et désormais 2e producteur africain et 4e mondial de diamants).
Les importants progrès réalisés par le Gabon en matière de diversification ont ainsi permis au pays d’avoir une économie plus solide et capable de mieux résister aux crises internationales et aux fluctuations défavorables du cours et/ou de la production des matières premières, que celle de bien d’autres grands producteurs d’hydrocarbures, de minerais ou de pierres précieuses sur le continent. Ainsi, le pays n’a enregistré aucune croissance négative sur la période de cinq années allant de 2015 à 2019, alors que le Botswana et le Nigéria en avaient déjà enregistré une (en 2015 et en 2016, respectivement), et l’Angola quatre (de 2016 à 2019). Quant à l’année 2020, marquée par la pandémie, le Gabon est toutefois parvenu à limiter la baisse de son PIB à seulement -1,8 %, la plus faible des quatre pays précédemment cités, et bien moindre que celle connue par la Botswana (-8,7 %).
Ce processus de diversification a également contribué à accroître l’excèdent commercial du pays, passé de 1,9 à 3,4 milliards de dollars entre 2015 et 2021 (toujours selon la Banque mondiale), alors que le Botswana peine désormais à enregistrer un solde commercial positif, le pays étant en déficit depuis 2019 (et l’ayant aussi été en 2015). Sur la période de sept années allant de 2015 à 2021, le Gabon a ainsi réalisé un excédent commercial de 2,6 Mds de dollars en moyenne annuelle, contre un déficit de 0,5 Md pour le Botswana. Les récentes mesures audacieuses prises pour la promotion de la production alimentaire locale, ou encore le doublement prochain de la part de la production locale de gaz butane (devant être protée à 40 % d’ici deux ans, en 2023), seront également de nature à accroître les excédents commerciaux de pays, à travers la réduction significative des importations en la matière. Au passage, il est à noter que la Chine est désormais le premier partenaire commercial du Gabon, dont elle a représenté 27 % du commerce extérieur en 2021 (et absorbé 33 % des exportations). Elle est suivie par la France, qui arrive en deuxième position avec une part de seulement 10 % du commerce extérieur, comme en 2020.
Cette vaste politique de développement économique menée par le Gabon depuis une décennie s’est également accompagnée de grandes réformes administratives, mais aussi juridiques et fiscales, visant à faciliter la création d’entreprise et à améliorer le climat des affaires. De nombreuses mesures ont ainsi été mises en œuvre, et en particulier depuis 2019, telles que la création d’un guichet numérique à l’investissement (GNI, ayant notamment permis de réduire le délai moyen de création d’une entreprise de 30 jours à 3 jours seulement, ainsi que les coûts indirects), la réduction du délai d’obtention d’un permis de construire de 90 à 15 jours, la réduction du délai de raccordement au réseau électrique de 75 jours à 30 jours, ou encore l’abaissement considérable du montant du capital minimum nécessaire à la création d’une Sarl, passé de 100 mille à seulement 5 mille francs CFA.
Ces réformes spectaculaires, non encore prises en compte par tous les classements internationaux en matière de climat des affaires, commencent elles aussi à contribuer au dynamisme de l’économie gabonaise, et donc à la poursuite de la réduction de sa dépendance aux industries extractives. Ces réformes seront d’ailleurs également très utiles au développement du secteur touristique, encore embryonnaire mais qui constitue désormais une des priorités gouvernementales. En effet, et contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, deux des destinations phares du tourisme sur le continent, l’Afrique francophone subsaharienne à largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel, faisant ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune et d’une flore exceptionnelles et comparables à celles pouvant être observées dans certains pays anglophones du continent (comme le Botswana, justement, qui a abondamment investi dans ce secteur). Le Gabon, où le tourisme ne représente qu’un peu moins de 2,5 % du PIB, ne manque pourtant pas d’atouts en la matière : vastes parcs nationaux (recouvrant 11 % de territoire national, un des taux les plus élevés du continent), faune diversifiée (comme les éléphants de forêt, dont le Gabon abrite plus de la moitié de la population continentale), plages, baleines à bosse au large… Le développement significatif de ce secteur permettrait ainsi au Gabon d’accroître encore davantage sa richesse nationale et de consolider ainsi sa position de pays le plus riche du continent (hors très petits pays). Par ailleurs, il est à noter que le développement du Gabon s’effectue dans le respect des normes internationalement recommandées en matière de transparence financière. Ainsi, il ne fait pas partie des huit pays africains, dont le Botswana, qui figurent sur la liste des pays sous surveillance (ou liste grise) du Groupe d’action financière (GAFI, organisme intergouvernemental), en raison de leur insuffisante coopération en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et d’un possible soutien – au moins indirect – au terrorisme.
Une modernisation rapide, dans le respect de l’environnement
Les grandes avancées réalisées en matière de diversification, de réformes et plus globalement en matière de bonne gouvernance, ont ainsi permis au pays de connaître d’importants progrès économiques et sociaux au cours de la dernière décennie. À titre d’exemple, et dans le domaine de la santé, le taux de mortalité infantile est passé au-dessous de celui du Botswana au cours de la dernière décennie, pour s’établir à 31 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2020 (et 36 pour le Botswana). Ce taux est largement inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (50 ‰), se rapproche de celui de l’Afrique du Sud (26 ‰), et est très éloigné de celui de pays comme le Nigeria (72 ‰, et quatrième taux le plus élevé du continent, selon la Banque mondiale). Par ailleurs, le pays se distingue sur la scène internationale en étant l’un des deux seuls pays du continent à disposer d’un laboratoire de type P4, avec l’Afrique du Sud (laboratoire habilité à manipuler les virus les plus dangereux de la planète, comme le virus Ebola). Toujours dans le registre de la santé, il est à noter que la Gabon se distingue également par son assez bonne maîtrise de la progression du VIH (ou Sida), avec un taux de prévalence de 3 % de la population âgée de 15 à 49 ans en 2021, contre 19 % au Botswana qui affiche le troisième taux le plus élevé au monde, juste devant l’Afrique du Sud.
Dans le domaine de l’électrification, le taux d’accès à l’électricité s’élevait à 91,6 % de la population gabonaise fin 2020, plaçant le pays au premier rang en Afrique subsaharienne (hors très petits pays insulaires), devant l’Afrique du Sud (84,4 %, en baisse par rapport à 2019) et loin devant le Botswana (5e, avec un taux de 72,0 %). De même, le Gabon est à la pointe des nouvelles technologies, et notamment en matière d’accès à internet. Troisième pays le plus connecté d’Afrique subsaharienne, au coude à coude avec le Botswana (et également hors très petits pays insulaires), les utilisateurs d’internet y représentaient 62 % de la population en 2020, selon les dernières données de la Banque mondiale.
Enfin, le pays n’oublie pas d’investir dans le domaine de l’éducation et de la formation : création du premier campus virtuel d’Afrique centrale en 2016, lancement en 2020 du programme PISE (« Projet d’investissements dans le secteur éducatif », qui prévoit notamment la construction de 15 nouveaux établissements scolaires en seulement trois ans, ce qui est assez important à l’échelle du pays), octroi de bourses généreuses pour les étudiants (parmi le plus élevées du continent) …
Par ailleurs, et même si des progrès demeurent à accomplir, le développement économique et l’enrichissement du pays profitent, à divers degrés, à la quasi-totalité de la population, comme en témoigne la faiblesse du taux d’extrême pauvreté qui s’établissait à seulement 2,5 % de la population en 2017 (pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,90 dollars, parité pouvoir d’achat 2011, selon les dernières données de la Banque mondiale). Un taux considérablement inférieur à celui du Botswana, pays pourtant situé au même niveau de richesse globale, mais où 15,4 % % de la population vivait dans l’extrême pauvreté en 2015, et qui constitue un des pays les plus inégalitaires de la planète (le pays serait même le 7e pays le plus inégalitaire du continent et le 10e au niveau mondial, selon le classement relatif à l’indice Gini, mais ayant pour lacune de manquer de données très récentes).
L’ensemble des progrès réalisés ont ainsi permis au Gabon de se classer désormais, hors très petits pays insulaires, au 4e rang en Afrique subsaharienne en matière de développement humain, et au 8e rang continental, selon le dernier rapport de la fondation Mo Ibrahim, publié en 2020. Un classement plus fiable et à jour que celui de l’ONU, qui comporte de nombreuses incohérences du fait qu’il se base sur des données parfois assez anciennes (ainsi, le Niger, qui connaît le taux de fécondité le plus élevé au monde et qui est classé devant non moins de 15 pays africains par la fondation Mo Ibrahim, continue à être systématiquement – et étrangement – placé à la dernière position mondiale par l’ONU, alors qu’il est de notoriété que des pays comme et le Soudan du Sud et la Somalie, entre autres, sont bien moins développés…).
Le dynamisme économique du Gabon devrait donc lui permettre de progresser encore davantage dans ce classement au cours des quelques prochaines années. Par ailleurs, son développement rapide est à l’origine d’une immigration assez importante dans le pays, qui affiche déjà la proportion d’immigrés la plus élevée du continent, et atteignant 18,7 % de la population totale en 2020, contre seulement 4,7 % pour le Botswana, qui a pourtant une population comparable (et loin devant la Côte d’Ivoire ou l’Afrique du Sud, où le pourcentage atteint, respectivement, 9,7 % et 4,8 %). Ce qui n’empêche pas pour autant le pays de savoir prendre des mesures protectrices lorsque cela est nécessaire, comme par exemple à travers la fixation d’un taux maximal de 10 % de travailleurs étrangers au sein des entreprises pétrolières et minières, et ce dans le double objectif de protéger l’emploi local et d’accroître le transfert de connaissances.
Mais la modernisation rapide du pays, qui se matérialise également par de grands chantiers d’infrastructures (comme celui de la Transgabonaise, route de 820 km devant relier la capitale à Franceville, au sud-est du pays, et lancé en septembre 2020), se déroule dans le respect de l’environnement, domaine dans lequel le Gabon fait souvent figure de modèle. À titre d’exemple, la filière bois, qui est en plein essor, évolue dans le cadre d’une gestion responsable et durable du patrimoine forestier du pays, qui a d’ailleurs décidé que 100 % des concessions forestières devaient être certifiées FSC d’ici 2025 (norme internationale relative à l’exploitation durable des forêts). De même, les plantations effectuées dans le cadre du développement de la production d’huile de palme et d’hévéa ont été presque entièrement réalisées sur des terres non ou faiblement boisées, afin de préserver la forêt équatoriale (contrairement à d’autres pays, et notamment en Asie).
Dans le secteur minier, le nouveau code mis en place en 2019 impose aux entreprises de réaliser une étude d’impact environnemental préalable au lancement de tout projet, et devant être approuvée par deux ministères différents. Dans le même temps, les énergies renouvelables sont en plein essor, avec une multiplication des projets en la matière afin de parvenir à un mix énergétique composé majoritairement d’énergies renouvelables : construction de plusieurs centrales solaires, édification d’un complexe hydroélectrique de 35 MW devant être livré en 2024…
Autre exemple, le tourisme est appelé à se développer en s’appuyant en grande partie sur l’écotourisme, grâce aux 13 parcs nationaux ayant été créés en 2002, et couvrant non moins de 11 % du territoire national (un des taux les plus élevés du continent). La crédibilité et la notoriété internationalement acquises par le pays lui ont d’ailleurs permis d’être, en 2019, le premier pays africain à bénéficier de fonds internationaux en soutien à la lutte contre la déforestation, dans le cadre d’une initiative lancée par l’ONU. Une crédibilité qui s’explique notamment par la stabilité du couvert forestier (91,3 % du territoire national), qui n’a baissé que de 0,5 % au cours de la dernière décennie, malgré un fort développement démographique et économique.
Une Afrique francophone subsaharienne qui continue à tirer l’économie africaine
Les importants progrès réalisés par le Gabon ne sont pas un cas isolé en Afrique subsaharienne francophone, qui continue à être le moteur de la croissance africaine. En 2021, et bien qu’ayant déjà mieux résisté à la grave crise économique internationale de l’année précédente, liée à la pandémie, cet ensemble de 22 pays a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent pour la huitième année consécutive et la neuvième fois en dix ans, tout en en demeurant la partie la moins endettée. Sur la période 2012-2021, soit dix années, la croissance annuelle de cet ensemble s’est ainsi établie à 3,6 % en moyenne (4,1 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, dont la production pétrolière a baissé presque aussi vite qu’elle n’avait augmenté au début des années 2000), contre 2,2 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
De son côté, l’espace UEMOA constitue depuis plusieurs années la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle globale du PIB de 5,7 % en moyenne sur la décennie 2012-2021. Des performances exceptionnelles compte tenu du fait que cette région n’est pas la région la plus pauvre du continent (l’Afrique de l’Est étant la partie la moins développée).
En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire, qui a affiché une croissance de 7,1 % en moyenne sur la période 2012-2011, soit la deuxième plus forte progression au monde au cours de ces huit années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), est récemment devenue le pays le plus riche de la région en réussissant l’exploit de dépasser le Nigeria, dont la production pétrolière est environ 40 fois supérieure, et le Ghana dont la production aurifère et pétrolière est quatre à cinq fois supérieure (avec un PIB par habitant de 2 579 dollars pour la Côte d’Ivoire début 2022, contre 2 085 et 2 445 dollars respectivement). Le Nigeria devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, et à moyen terme par le Cameroun, qui affichent constamment des taux de croissance largement supérieurs (et qui ont actuellement un PIB par habitant de 1 606 et de 1 662 dollars, respectivement, bien loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 944 et 834 dollars par habitant, respectivement).
Parallèlement, la Côte d’Ivoire, qui continue à creuser l’écart avec le Kenya (2 007 dollars par habitant, et pays le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti, pays francophone), est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire disposant d’une production globalement faible en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 2 091 dollars début 2022 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras (2 831 dollars par habitant).
Pour sa part, et grâce notamment à de nombreuses réformes, le Niger enclavé (et souvent pointé du doigt par certains pour sa forte natalité), n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone anglophone (595 dollars par habitant début 2022, contre 516 dollars). De plus, le pays devrait très rapidement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (673 dollars par habitant).
Désormais, seul un des quatre pays les plus pauvres du continent est francophone, à savoir le Burundi, qui se trouve aux côtés du Soudan du Sud, de la Somalie et du Mozambique. Ces quatre pays se situent d’ailleurs en Afrique de l’Est, qui constitue la partie la plus pauvre du continent, en plus d’en être la partie la plus instable, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie). À ces conflits, s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles ont déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes ces quelques dernières années (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an). Depuis fin 2020, l’Éthiopie est d’ailleurs entrée en guerre civile sur une partie de son territoire, et qui a déjà fait quelques dizaines de milliers de victimes.
Quant à l’endettement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure la partie la moins endettée du continent. Début 2022, et selon les données disponibles à cette date auprès du FMI, le taux global de la dette publique pour cet ensemble composé de 22 pays s’établissait à 49,4 % du PIB (58,4 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés. Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, le taux se situait à 62,3 % (68,3 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone). Il est également à noter que seuls deux ou trois pays francophones font chaque année partie des dix pays les plus endettés du continent, et qu’aucun d’entre eux ne fait partie des cinq pays les plus endettés.
Enfin, les pays francophones sont globalement moins inégalitaires. La République centrafricaine serait même le seul pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (selon les données de la Banque mondiale relatives à l’indice GINI, qui n’est toutefois pas suffisamment fiable faute de données assez récentes).
Une adhésion au Commonwealth qui n’a rien à voir avec l’économie….
Les grandes performances économiques et sociales du Gabon et le dynamisme globalement et incontestablement supérieur de l’Afrique francophone (contrairement aux dires de ceux qui méconnaissent le continent), tendent à démontrer que la récente adhésion du Gabon au Commonwealth, en juin dernier lors du sommet de Kigali, ne s’explique guère par des questions liées à l’économie et au développement, mais par des questions d’ordre politique. En effet, et face à une France ayant pris ses distances avec le pouvoir en place, qu’elle pousse régulièrement à faire des efforts en matière de démocratie, les autorités gabonaises sont à la recherche de nouveaux alliés « protecteurs » sur la scène internationale.
Le rapprochement avec le Royaume-Uni et l’adhésion au Commonwealth s’inscrivent donc dans ce cadre, ces deux entités étant assez indifférentes aux questions de liberté d’expression et de droits de l’homme, comme en témoigne la tenue du dernier sommet de cette organisation de pays anglophones au Rwanda, un des pays les plus totalitaires au monde. Le Commonwealth s’accommode si bien des régimes totalitaires, à l’instar de ceux en place en Ouganda (depuis 1986) et en Eswatini (dernière monarchie absolue du continent, au sommet de laquelle trône un roi ne comptant pas moins de quinze épouses, et également en place depuis 1986), que force est de constater que les seuls pays entièrement francophones lui ayant adressé une demande d’adhésion font partie des pays les moins démocratiques d’Afrique francophone (le Gabon et le Togo, membres depuis juin dernier). Ainsi, il est intéressant de constater qu’aucune démocratie francophone n’a demandé à adhérer à l’organisation, tout comme il est intéressant de noter qu’aucune dictature anglophone n’ait pu adhérer à l’OIF au cours des trente dernières années (la Ghana et la Gambie étant déjà des démocraties à leur adhésion).
L’Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine
Pour la huitième année consécutive et la neuvième fois en dix ans, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent, tout en en demeurant la partie la moins endettée. Et les perspectives sont plutôt encourageantes pour 2022, malgré certaines incertitudes.
Selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances du continent pour la huitième année consécutive et la neuvième fois en dix ans. Et ce, bien qu’étant la partie du continent ayant le mieux résisté à la grave crise internationale observée en 2020. Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 3,9 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 3,1 % * (et 3,8 % pour la région Afrique du Nord, hors Libye). Du côté de la dette publique, et selon les dernières données du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone continue à maîtriser son niveau d’endettement, et demeure la partie la moins endettée du continent, notamment avec un écart de 12,9 points de pourcentage avec le reste de l’Afrique subsaharienne.
Une croissance globale de 3,9 %
L’activité économique en Afrique subsaharienne francophone a donc connu un important rebond par rapport à 2020, année particulièrement marquée par la pandémie et au terme de laquelle elle s’était globalement contractée de 0,6 %. Cette même année, la baisse du PIB avait été de 3,0 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Il est ainsi à noter que la contraction de l’activité dans ces deux ensembles a donc été moins forte qu’annoncé début 2021, et particulièrement en Afrique francophone subsaharienne où la baisse du PIB avait été initialement estimée à 2,1 % par la Banque mondiale (et à 4,3 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne).
En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la Guinée Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), et qui rassemble 54 % de la population de l’Afrique francophone subsaharienne (et 43 % de celle de l’Afrique francophone), la croissance est passée de 0,1 % en 2020 à 4,1 % en 2021. Dans cette zone, l’espace UEMOA continue à se distinguer avec une évolution globale de 5,6 % en 2021, confirmant ainsi son statut de plus vaste espace de forte croissance du continent, alors même qu’il n’en est pas la partie la plus pauvre. Pour sa part, l’espace CEMAC a de nouveau fait baisser la moyenne globale de la croissance économique de la zone CFA, suite aux résultats affichés par deux des trois pays les plus dépendants des hydrocarbures.
En Afrique subsaharienne non francophone, la Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Éthiopie, quatre des principales économies de la zone, ont connu d’importantes difficultés en 2021. Les trois premiers pays continuent à souffrir des graves problèmes structurels auxquels ils doivent faire face depuis plusieurs années, avec notamment le déclin progressif de leur très importante production pétrolière (pour le Nigeria et l’Angola, respectivement premier et deuxième producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne), ou minière (cas de l’Afrique du Sud, avec la baisse de la production d’or, dont le pays est désormais le second producteur du continent, après le Ghana). Ainsi, le rebond observé en Angola et en Afrique du Sud n’a guère permis de combler l’importante baisse du PIB enregistrée un an plus tôt, tandis que le rebond observé au Nigeria ne permit au pays que d’atteindre un taux de croissance annuel de 0,3 % sur les deux années 2020 et 2021. Quant à l’Éthiopie, la croissance n’a été que de 2,4 % dans ce pays affecté par une guerre civile ayant déjà fait quelques dizaines de milliers de morts en seulement 15 mois.
Pour le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, ce manque de dynamisme semble durablement installé selon les prévisions de la Banque mondiale, qui continue de tabler sur de faibles croissances au cours des quelques années à venir, au moins. Ces trois pays sont donc en voie d’appauvrissement, puisqu’ils affichent désormais constamment des taux de croissance inférieurs à leur croissance démographique (contrairement aux pays francophones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nigeria, qui enregistre les taux de croissance économique les plus élevés de ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que de 0,9 % en moyenne annuelle sur les sept dernières années (2015-2021), contre une croissance démographique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la même période. Par ailleurs, le Nigeria et l’Angola ont connu une importante dépréciation de leur monnaie, dont la valeur a baissé de plus de 60 % et 80 %, respectivement, par rapport au dollar depuis 2014. Avec à la clé une forte inflation et le maintien d’une forte dollarisation de leur économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).
Sur la décennie 2012-2021, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 3,6 % en moyenne (et à 4,1 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale). Ce taux a été de 2,2 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Quant aux quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, celles-ci ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 7,1 %, 5,3 %, 4,1 % et 4,9 % en moyenne. De leur côté, les quatre premières économies du reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont respectivement connu une progression annuelle de 2,3 %, 0,9 %, 8,3 % et 4,2 %. Quant à l’Angola, qui faisait partie des quatre premières économies avant d’être remplacée par l’Éthiopie en 2019, et de rétrograder ensuite à la septième place, celle-ci a enregistré une croissance annuelle de 0,8 % sur cette même décennie.
En Afrique de l’Ouest
Après être parvenue à réaliser une croissance globalement positive en 2020 (1,8 %), l’Afrique de l’Ouest francophone a affiché une croissance de 5,4 % en 2021. Pour sa part, la zone UEMOA, qui en recouvre la majeure partie (et qui est composée de huit pays, dont la lusophone, mais très francophonophile, Guinée-Bissau) a vu son PIB augmenter de 5,6 % (après une évolution positive de 1,7 % en 2020). Avec une croissance annuelle de 5,7 % en moyenne sur la décennie 2012-2021, l’espace UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, en dépit des problèmes sécuritaires connus par certains des pays membres, mais n’affectant surtout que des zones semi-arides et très faiblement peuplées. Hors UEMOA, la Guinée et la Mauritanie ont respectivement affiché un taux de croissance de 5,2 % et 2,7 %.
Il convient de souligner que le statut de zone la plus dynamique du continent constitue une très bonne performance pour l’UEMOA, vu que la région la plus pauvre du continent, et qui devrait donc connaître la croissance la plus élevée, est l’Afrique de l’Est. Ainsi, à titre d’exemple, et hors Djibouti, seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2021 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (1 879 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 076 dollars, selon les dernières données disponibles auprès de la Banque mondiale). À la même date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (2 326 dollars), le Sénégal (1 472) et le Bénin (1 291). Et même quatre pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, important producteur de pétrole et premier producteur africain d’or). Par ailleurs, l’Afrique de l’Est abrite les six pays les plus pauvres du continent, à savoir le Soudan du Sud, le Soudan, la Somalie, le Mozambique, le Burundi et Madagascar (soit trois pays anglophones, un lusophone et deux francophones, ayant tous un PIB par habitant inférieur à 500 dollars, début 2021). Enfin, l’Afrique de l’Est est également la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie). Des conflits auxquels s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique, en Ouganda…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles avaient déjà provoqué la mort de nombreuses personnes avant même le début de la guerre civile, fin 2020 (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an).
Par ailleurs, et grâce à une croissance de 7,1 % en moyenne sur la décennie 2012-2021, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces huit années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), la Côte-d’Ivoire est récemment devenue le premier – et encore le seul – pays africain disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant s’établissait à 2 389 dollars début 2021. Ce dynamisme a également permis au pays de dépasser le Kenya, et de réussir ensuite l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria (2 205 et 2 097 dollars, respectivement), pays voisins regorgeant de richesses naturelles, avec des niveaux de production considérablement supérieures à ceux de la Côte d’Ivoire (à titre d’exemple, la production pétrolière du Nigeria est environ cinquante fois supérieure). Ce dernier devrait d’ailleurs être assez bientôt dépassé par le Sénégal, qui réalise régulièrement des taux de croissance deux fois plus élevés (et au PIB par habitant de 1 472 dollars, loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 936 et 798 dollars, respectivement).
Quant au Niger, ce pays enclavé n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (568 dollars par habitant début 2021, contre 509 dollars). De plus, le pays devrait très rapidement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (633 dollars). Le Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasserait désormais non moins de 15 pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim (plus fiable sur ce point que l’ONU qui place systématiquement – et étrangement – le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est pourtant réputé être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée…). Il est d’ailleurs à noter que le taux de fécondité en Sierra Leone et au Liberia est environ 40 % inférieur à celui du Niger (4,2 enfants par femme, contre 7,1).
Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes entreprises par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu’en matière de bonne gouvernance. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance a été de 5,3 % en moyenne annuelle sur la décennie 2012-2021. Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place de la dernière version du rapport), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.
À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola, respectivement première, troisième et huitième économie d’Afrique subsaharienne selon la Banque mondiale (du fait de leur très importante production pétrolière et/ou population), se classent à la 131e, 159e et 177e place, respectivement. Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure aux six dernières places de ce classement international, désormais majoritairement occupées par des pays anglophones.
Dans un autre registre, et mis à part l’année 2020, particulièrement marquée par la pandémie, il est utile de souligner que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone est globalement et régulièrement deux fois supérieure à sa croissance démographique, contredisant ainsi certaines théories assez médiatisées. Grâce au cadre plus favorable instauré par les différentes réformes en matière d’économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités. Il convient d’ailleurs de rappeler que la plupart des pays francophones de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité, bien trompeuse, des cartes en circulation dans les médias et établissements publics ou privés), ne comptent respectivement que 13 et 21 millions d’habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’Ivoire, un tiers plus étendue mais ne comptant que 27 millions d’habitants, elle abriterait aujourd’hui une population de 89 millions d’habitants si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni.
En Afrique centrale francophone
En Afrique centrale francophone, la croissance globale a rebondi à 2,6 %, après une baisse du PIB de 0,9 % en 2020. Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiée de la région, la croissance s’est établie à 3,4 %, après avoir été finalement positive en 2020 (0,7 %). Avec une hausse annuelle du PIB qui devrait continuer à être assez largement supérieure à celle du Nigeria voisin, le Cameroun devrait lui aussi, assez prochainement, dépasser ce pays en termes de richesse par habitant, rejoignant ainsi la Côte d’Ivoire et très probablement le Sénégal (le PIB par habitant du pays étant de 1 537 dollars début 2021). Pour sa part, la République démocratique du Congo (RDC), première économie d’Afrique centrale francophone, a enregistré une croissance de 3,6 % (contre 1,7 % un an plus tôt). Bien que le ralentissement de l’économie y ait été également assez limité, au cours de ces deux dernières années, il n’en demeure pas moins que ces taux restent plutôt décevants pour un pays qui se classe parmi les plus pauvres du continent (544 dollars par habitant). Toutefois, il est à noter que la RDC est désormais engagée dans un vaste processus de réformes administratives, fiscales et juridiques, entamé en 2020 et qui est le plus sérieux et ambitieux en la matière depuis la chute de Mobutu en 1997, et même, en réalité, depuis les premières années de l’indépendance du pays. Ces réformes, qui commencent à porter leurs fruits (comme, par exemple, avec l’augmentation de 130 %, rien qu’en 2021, du montant de la TVA collectée, grâce à l’informatisation de la procédure), devraient aider ce pays, où l’État est encore presque absent d’une bonne partie du territoire, à connaître une croissance robuste dans les prochaines années, et qui devrait déjà s’établir à environ 5 % en 2022.
En zone CEMAC (dont ne fait pas partie la RDC), la hausse du PIB s’est établie à 2,1 % en 2021, après une contraction de l’activité de l’ordre de 1,8 % en 2020. Au Gabon, la croissance a été de 1,5 %, après une baisse du PIB de 1,8 % en 2020. Grâce aux grandes avancées réalisées au cours de la dernière décennie en matière de diversification et de bonne gouvernance (et plus récemment en matière de facilitation des affaires), ce pays d’Afrique centrale était devenu en 2020 le pays le plus riche du continent (hors très petits pays, à savoir les Seychelles, Maurice et la Guinée équatoriale). Avec un PIB de 6 882 dollars par habitant début 2021, il dépassait ainsi le Botswana, deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie (6 405 dollars).
Si le Gabon et le Cameroun s’emploient à réformer et à diversifier leur économie, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été réellement entrepris au Congo voisin, qui a une nouvelle fois enregistré une évolution négative de son PIB en 2021 (-1,2 %). Les mauvaises performances économiques du pays au cours de ces dernières années traduisent l’absence de profondes et courageuses réformes, comme l’atteste le fait qu’il continue à occuper l’une des dernières places du classement Doing Business de la Banque mondiale, en arrivant 180e sur un total de 190 pays étudiés (et se classant donc, à peu près, au même niveau que l’Angola, 177e).
Autre conséquence de ce manque de réformes, le Congo est aujourd’hui le pays le plus endetté d’Afrique subsaharienne francophone continentale, en termes de dette publique, et arrive à la dixième position des pays les plus endettés pour l’ensemble du continent (même s’il convient de noter les importants efforts réalisés en matière d’assainissement des finances publiques, et qui ont permis de réduire le niveau d’endettement du pays, qui devrait d’ailleurs quitter ce top 10 d’ici à la fin de l’année 2022). Le Congo-Brazzaville gagnerait donc à s’inspirer de certains de ses voisins, et notamment du Gabon avec lequel il partage nombre de points communs (caractéristiques géographiques et climatiques, production pétrolière significative, faible population…).
Par ailleurs, il est à noter que les performances économiques globales de la zone Cemac ne devraient plus être considérablement affectées par les performances de la Guinée équatoriale, dont le PIB semble désormais se stabiliser après plusieurs années de forte baisse. En effet, ce pays constitue un cas très particulier qu’il convient régulièrement de rappeler afin d’éviter toute fausse interprétation des statistiques régionales pour la période de six années allant de 2015 à 2020. Peuplé de près d’un million et demi d’habitants, seulement, ce petit territoire, partiellement francophone et ancienne colonie espagnole, était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapidement sa production commencer à décliner, au début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il avait donc connu une forte chute de son PIB pendant six années consécutives, de 2015 à 2020, avec une croissance négative annuelle de -6,8 % en moyenne sur la période !
En Afrique de l’Est francophone
La croissance globale de cette partie du continent s’est établie à 3,5 % en 2021. Toutefois, et à l’inverse de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale francophones, ce rebond n’a guère permis de combler la très forte chute du PIB global enregistrée l’année précédente, lorsque l’activité s’était contractée de 9,1 %. Cette singularité s’explique par l’importance du secteur touristique dans la moitié des six pays de la région, à savoir Maurice, les Seychelles (deux pays considérés à la fois comme francophones et anglophones, pour avoir connu une double présence française et britannique, successivement) et Madagascar, qui ont continué à subir lourdement les conséquences des importantes restrictions affectant le tourisme international. Ainsi ces trois pays ont enregistré un rebond de 5,1 %, 6,9 % et 1,8 % de l’activité, respectivement, après avoir connu une chute de 14,9 %, 13,3 % et 6,2 %, respectivement, en 2020. L’activité devrait donc poursuivre son rebond dans ces trois pays, et notamment à Madagascar où la croissance devrait être supérieure à 5 % pour les deux années à venir.
De leur côté, les Comores et le Burundi, voisin de la RDC, ont continué à enregistrer des performances assez décevantes, comme depuis plusieurs années et faute de véritables réformes (respectivement 1,3 % et 2,0 %). Quant à Djibouti, la croissance y a atteint un taux de 5,1 %, après une évolution légèrement positive en 2020 (0,5 %). Ce pays de la corne de l’Afrique avait réalisé une progression annuelle moyenne de 7,2 % également sur la période de six années allant de 2014 à 2019, et ce, en tirant profit de sa situation géographique stratégique qui lui permet de devenir progressivement une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seule une quinzaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul et unique vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
Cette faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et pour lequel l’Hexagone n’a représenté que 0,5 % du commerce extérieur en 2020 (contre environ 36,0 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce, … au plus grand bénéfice d’autres puissances.
Un endettement globalement maîtrisé en Afrique subsaharienne francophone
Selon les dernières prévisions du FMI, publiées en octobre 2021, la dette publique continue à être globalement maîtrisée en Afrique subsaharienne francophone, qui demeure la partie la moins endettée du continent. Parmi les 10 pays africains les plus endettés, le premier des deux seuls pays francophones subsahariens, à savoir Maurice, n’arrive en septième position avec un niveau de dette publique estimé à 101,0 % du PIB fin 2021 (derrière le Soudan – 209,9 %, l’Érythrée, le Cap-Vert, le Mozambique, l’Angola et la Zambie). Et pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, aucun des quatre pays le plus endettés n’est francophone. En effet, et avec un taux d’endettement de 71,9 % du PIB, le Sénégal arrive en cinquième position, derrière le Cap-Vert (160,7 %), le Ghana (83,5 %), la Gambie (82,3 %) et la Guinée-Bissau (79,1 %).
Plus globalement, l’Afrique francophone demeure la partie la moins endettée du continent, avec trois pays francophones parmi les dix pays les plus endettés (Maurice, la Tunisie et le Congo-Brazzaville). Une situation semblable à celle des années précédentes, au cours desquelles deux à trois pays francophones se trouvaient également parmi les dix pays les plus endettés du continent, et toujours dans la seconde moitié de la liste. Fin 2021, le taux d’endettement global est prévu à 58,4 % du PIB pour cet ensemble de 25 pays, et à 49,4 % pour sa partie subsaharienne composée de 22 pays. Pour le reste du continent, le taux devrait s’établir à 68,3 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone, et à 62,3 % pour sa partie subsaharienne. Le niveau d’endettement de l’Afrique francophone, qui demeure d’ailleurs largement inférieur à celui de la majorité des pays développés, s’est ainsi globalement stabilisé en 2021, avec une légère hausse de 0,8 point de pourcentage (et 0,3 point pour sa partie subsaharienne). Quant à celui du reste du continent, il devrait connaître une baisse de 2,0 points pour l’ensemble de l’Afrique non francophone (et 2,8 points pour sa partie subsaharienne). Une diminution qui s’explique principalement par la forte hausse enregistrée en 2020, lorsque le niveau d’endettement avait progressé de 9,6 points (contre 7,9 points pour l’Afrique francophone), et de 9,2 points pour la partie subsaharienne (5,4 points pour l’Afrique subsaharienne francophone).
Cette assez bonne maîtrise de la dette, globalement, résulte notamment du dynamisme économique que connaissent la plupart des pays francophones subsahariens, et découlant lui-même des importantes avancées réalisées ces dernières années en matière d’amélioration du climat des affaires, de diversification et de de bonne gouvernance. Globalement, l’Afrique francophone a donc été mieux armée pour faire face à la crise majeure qui secoue le monde depuis début 2020, et financer le redémarrage de l’activité économique.
Des perspectives plutôt encourageantes pour 2022
Même s’il convient de faire toujours preuve de prudence au sujet des prévisions établies en cours d’année pour les pays en développement, l’Afrique subsaharienne francophone devrait une nouvelle fois être la partie la plus dynamique du continent en 2022, tout en en demeurant la partie la moins endettée.
Le contexte sanitaire international devrait continuer à s’améliorer, et les cours des hydrocarbures revenir progressivement à des niveaux raisonnables pour les pays importateurs, et soutenir ainsi la croissance de la plupart des pays francophones, déficitaires en la matière (notamment grâce à la hausse attendue, et plus ou moins importante, de la production de certains pays de l’OPEP+, et à la progression constante de la part des énergies renouvelables à travers le monde). Quant au conflit russo-ukrainien, il est peu probable, à ce stade, que celui-ci puisse maintenir encore longtemps les prix du pétrole et du gaz à des niveaux élevés. Toutefois, et en l’absence de résolution rapide, ce conflit pourrait avoir de néfastes conséquences sur la croissance mondiale, suite aux nombreuses sanctions et mesures de rétorsion prises, et impacter ainsi les économies africaines.
Par ailleurs, et parallèlement à l’évolution du contexte international, le continent africain devrait voir la poursuite de la mise en place progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), entamée le 1er janvier 2021 et qui constitue un élément favorable à la croissance. Du moins d’un point de vue théorique, puisque qu’il convient de rappeler que la hausse des échanges entre pays ne dépend pas seulement de la réduction significative des barrières douanières entre ces mêmes pays, mais également et surtout de la capacité de ces derniers à produire des biens, grâce à la mise en place préalable d’un environnement national favorable à l’investissement (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures et formation, devant permettre à la fois de produire des biens et d’en assurer la compétitivité). L’évolution marginale des échanges au sein des ensembles régionaux ayant déjà abaissé ou supprimé les taxes douanières est là pour le démontrer.
Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est de la question d’une monnaie unique, à l’instar de l’Eco que les pays d’Afrique de l’Ouest, membres de la CEDEAO, semblent souhaiter mettre en place. Ainsi, force est de constater que les pays de la zone UEMOA, qui bénéficient déjà, et depuis longtemps, d’une vaste zone de libre-échange doublée d’une monnaie unique, n’ont vu leurs échanges que faiblement augmenter à l’intérieur de cet espace, et demeurer à des niveaux globalement assez bas. Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de cette monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant l’adoption d’une monnaie unique…
Dans ce cadre, il est à noter que le report à 2027 de la création d’une monnaie unique ouest-africaine, annoncé en juin 2021 par la CEDEAO, constitue une nouvelle rassurante pour les pays de la région, en dehors du Nigeria. En effet, l’économie de ces pays connaîtrait de grandes difficultés avec l’adhésion à une zone monétaire incluant le Nigeria, dont le déclin économique constant, combiné au poids démographique, tirerait vers le bas l’ensemble des pays de la région, qu’ils soient francophones, anglophones ou lusophones. En effet, le Nigeria connaît de graves problèmes structurels depuis plusieurs années, et qui se traduisent notamment par une très faible croissance économique (et de surcroît, largement inférieure à sa croissance démographique), une inflation assez forte (11,8 % en moyenne annuelle sur les neuf années de la période 2012-2020, soit à peu près comme le Ghana, 12,2 %, mais très largement au-dessus de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal, respectivement 1,0 % et 0,9 %), et une monnaie ayant perdu plus de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014 (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973, lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 563 au 15 février 2022). Les problèmes sécuritaires que subissent de nombreuses parties du territoire et la baisse progressive de la production en hydrocarbures (qui représentent encore 93 % des exportations de biens, faute de réelle diversification), comptent parmi les principales raisons de ce déclin économique.
Ainsi, et tant que le Nigeria n’aura pas résolu ses plus graves problèmes structurels, et que son économie sera en aussi mauvaise santé, l’intégration du pays à une monnaie ouest-africaine est donc incontestablement de nature à déstabiliser profondément les économies de tous les autres pays qui partageraient cette même monnaie, à travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnée, de surcroît, d’une politique monétaire plus adaptée à un pays en crise, et ne correspondant pas aux besoins des pays dynamiques de la région (le Nigeria, par son poids démographique et donc économique, dictant probablement en grande partie cette politique). Les pays de l’UEMOA, zone la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest et de l’ensemble du continent, verraient ainsi leur croissance baisser significativement et assez rapidement. Par ailleurs, le déclin économique du Nigeria est de nature, à terme, à accroître considérablement l’émigration de Nigérians, en quête d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Sénégal, le Cameroun et le Gabon. Des pays qui devront alors faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire, compte tenu de la population du Nigeria, et, pour l’Afrique de l’Ouest, des règles de la CEDEAO qui prévoient la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres.
* Ayant la particularité d’être à la fois francophones et anglophones (pour avoir connu une double présence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisés deux fois, aussi bien pour le calcul de la croissance globale de l’Afrique subsaharienne francophone que pour le calcul de la croissance de l’Afrique subsaharienne non francophone. Ce qui n’a, toutefois, aucune incidence sur ces mêmes taux de croissance (arrondis à une décimale), compte tenu du faible poids économique de ces deux pays par rapport aux deux ensembles cités. Il en va de même pour le calcul des taux d’endettement globaux, pour lequel ils sont également doublement comptabilisés.
« Population : l’Insee rajoute, en catimini, 411 mille résidents »
Chose passée inaperçue, l’Insee a récemment triplé le solde migratoire de la France entre 2017 et 2020. L’immigration est désormais la principale source de croissance démographique du pays, et son poids ira en s’amplifiant avec la chute de la natalité… favorisée par le talibanisme écologique ambiant.
L’analyse du dernier bilan démographique annuel de l’Insee, publié le 18 janvier, a été l’occasion de constater une révision à la hausse du solde migratoire pour l’année 2020, ainsi qu’une seconde révision, à un an d’intervalle, de celui des années 2017 à 2019. Il en découle que le solde annuel moyen a été multiplié par 3,6 pour la période triennale 2017-2019, passant de 46 mille à 165 mille personnes, tandis que celui de 2020 passait de 87 mille à 140 mille. Au final, le solde migratoire a été rehaussé de 411 milles personnes pour la période 2017-2020, faisant ainsi grimper la population française à 68,4 millions d’habitants début 2022 (et non 67,8 millions, comme l’indique à tort l’Insee, qui exclut les habitants des territoires français du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon du calcul de la « Population de la France entière », selon ses propres termes).
Le poids grandissant de l’immigration
L’Insee reconnaît donc enfin, mais subrepticement, que l’immigration est la principale composante de la croissance démographique française depuis déjà quelques années. Ainsi, et alors que l’organisme affirmait début 2020 que le solde migratoire n’avait contribué qu’à hauteur de 23 % de la hausse de la population sur la période 2017-2019 (hors ajustements liés au changement de questionnaire), voici que les nouvelles données portent ce taux à non moins de 52 %. Une correction dont l’ampleur n’a d’égal que le degré d’opacité de l’Insee en matière de démographie, cas unique et regrettable au sein des pays de l’OCDE.
Mais au-delà de cette spectaculaire révision, il est à noter que l’immigration représentera bientôt l’unique source de croissance démographique de la France, dont elle comblera prochainement un solde naturel négatif. En 2021, la contribution du solde migratoire serait d’ailleurs passée à 63 %, part qui continuera donc à augmenter suite à l’effondrement de la natalité, avec un Indice conjoncturel de fécondité qui a chuté à 1,83 enfant par femme (et environ 1,7 pour celles nées en France). Un niveau en baisse quasi constante depuis 2015, et qui est désormais assez loin du niveau nécessaire au renouvellement des générations (près de 2,1). Ainsi, la soi-disant « championne » de la natalité en Europe n’est autre, en fait, qu’un mauvais élève parmi d’autres… Or, il est largement admis que la contribution de l’immigration à l’évolution démographique d’un pays doit toujours être minoritaire, voire marginale, afin d’éviter un certain nombre d’effets déstabilisateurs. Et ce, notamment lorsque le cadre juridique du pays concerné accorde facilement la nationalité.
Fanatisme écologique et dénatalité
Pourtant, rien ne semble vouloir contrarier la tendance, d’autant plus que la chute des naissances est de plus en plus liée au fanatisme écologique véhiculé par un matraquage médiatique quotidien. À en croire les grands médias occidentaux, notre planète est surpeuplée, presque toutes les catastrophes naturelles sont la conséquence de l’activité humaine, et la fin du monde est proche. L’endoctrinement est tel, qu’une étude internationale publiée en septembre dernier, par la revue britannique The lancet planetary health, constatait que 37 % des jeunes français âgés de 16 à 25 ans hésitaient à avoir une descendance pour des raisons écologiques. Triste constat, lorsque l’on sait que l’Histoire a toujours fini par donner tort aux prophètes de l’apocalypse et ancêtres spirituels des talibans de l’écologie, qui ont toujours sous-estimé le potentiel de la Terre et, surtout, le génie humain.
En réalité, et bien que notre planète souffre d’un certain nombre de maux, seule une infime partie de son potentiel en énergies renouvelables est aujourd’hui exploitée, de même qu’une infime partie de ses ressources minières et fossiles (encore considérables, notamment au fond des océans). Parallèlement, les avancées scientifiques sont permanentes en matière d’agriculture (comme avec l’aéroponie, qui permet un rendement à l’hectare près de 100 fois supérieur, sans terre, soleil ni pesticides !), en matière d’architecture, de transports, ou encore de traitement des déchets. Et tout cela, sans même parler des perspectives infinies qu’offre l’univers… Il est donc bien naïf de s’imaginer que l’humanité sera bientôt à court de ressources, ou que les déchets nucléaires ont vocation à être stockés ad vitam aeternam sur notre planète (si tant est que la problématique continue à se poser, le prix Nobel français de physique, Gérard Mourou, affirmant qu’il pourrait être bientôt possible d’en réduire la durée de radioactivité à seulement 30 minutes…).
Le terrible retard démographique de la France
Ces différents éléments démontrent bien que l’essor d’un écologisme radical déconnecté du monde réel, et tirant la France vers le bas, est bien regrettable. Et ce, d’autant plus que celle-ci souffre d’un terrible retard démographique par rapport aux trois autres principales puissances d’Europe de l’Ouest, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. En effet, si la France était aussi peuplée que ces trois pays voisins, à la superficie bien moins importante, elle compterait pour sa seule partie métropolitaine non moins de 128 millions, 153 millions et 108 millions d’habitants, respectivement (et si l’on devait étendre cette comparaison à la verdoyante Corée du Sud, aux deux tiers recouverte de forêts et peuplée de 51 millions d’habitants, ou à l’Égypte hors désert, qui recouvre 94 % de la superficie de ce pays de 103 millions d’habitants, la France métropolitaine compterait aujourd’hui, et respectivement, non moins de 285 et 949 millions d’habitants…).
Ce retard considérable de la France puise ses origines dans la très lente progression de sa population deux siècles durant, de 1750 à 1945, alors que le reste de l’Europe connaîssait un véritable essor démographique (à la seule et tragique exception de l’Irlande). Au terme de ces deux siècles perdus, la population française n’a ainsi été multipliée que par 1,6, passant d’environ 24,5 millions à 40,1 millions d’habitants début 1946. Dans le même temps, l’Italie et l’Allemagne multipliaient la leur par trois, passant respectivement, et dans leurs frontières actuelles, de 14 à 45,1 millions, et d’un peu moins de 20 millions à environ 68 millions d’habitants (ou 58 millions, sans l’entrée d’à peu près dix millions d’Allemands, chassés de leurs anciens territoires et des pays d’Europe orientale au lendemain de la seconde guerre mondiale). Quant au Royaume-Uni, celui-ci sextuplait la sienne dans ses frontières actuelles, passant de 8,1 à 49 millions début 1946.
Pourtant, la forte croissance démographique des autres pays européens se fit en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits ayant ensanglanté le continent et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire en direction du Nouveau Monde qu’ont connue tous les pays, à l’exception de la France. Sur cette période de deux siècles, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont ainsi perdu entre 20 et 25 millions de nationaux, tandis que l’Hexagone ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.
La France a donc longtemps été, démographiquement, l’homme malade de l’Europe et du monde. Elle qui était trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni, en 1750, et aussi peuplée que le Japon au début des années 1800. Le léger baby-boom ayant suivi la seconde guerre mondiale (avec un indicateur conjoncturel de fécondité n’ayant jamais dépassé les 3,04 enfants par femme) ne permit donc de rattraper qu’une petite partie d’un terrible retard accumulé au cours des deux siècles précédents. Un déclin démographique qui ne fut naturellement pas sans conséquences sur l’influence de la France en Europe, et qui contribua dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales, qui coûtèrent cher à l’Hexagone. En effet, si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse. Et la France, non effrayée par son écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme…
Mais la France, qui fut le pays le plus touché au monde par les simplistes et farfelues idées malthusiennes, qui ne cessent d’être infirmées génération après génération, est donc aujourd’hui de plus en plus atteinte par le fanatisme écologique (qui, d’ailleurs, reprend souvent les idées malthusiennes, encore très présentes). Pourtant, une politique volontariste en matière de natalité lui permettrait de redynamiser son économie et de rattraper progressivement son retard démographique sur ses grands voisins, tout en contribuant à limiter le déclin démographique et économique de l’Europe au niveau international.
La population du monde francophone atteint 536 millions d’habitants
Après avoir récemment dépassé l’Union européenne, dans ses anciennes frontières incluant le Royaume-Uni, le monde francophone compte désormais 536 millions d’habitants. Une progression essentiellement due à l’Afrique francophone, dont l’émergence démographique et économique mériterait davantage d’attention de la part des pays francophones du Nord, et notamment de la France dont les aides au développement bénéficient principalement aux pays de l’est de l’Union européenne, au mépris de ses propres intérêts.
En se basant essentiellement sur les statistiques démographiques détaillées publiées en juillet dernier par le PRB (Population Reference Bureau), organisme privé américain et une des références mondiales en matière de démographie, la population du monde francophone, qui avait atteint la barre des 500 millions d’habitants fin 2018, peut être estimée à 536,1 millions au 1er janvier 2022. Soit une hausse de près de 2,3 % sur un an (524,1 millions début 2021), et une population creusant l’écart avec celle de l’ensemble constitué par l’Union européenne et le Royaume-Uni (515 millions).
536 millions d’habitants début 2022
Cette estimation correspond à la population du monde francophone dans sa définition géographique la plus stricte et la plus sérieuse, qui ne tient compte que des pays et territoires réellement francophones, dans lesquels la population est en contact quotidien avec la langue française, et où l’on peut « vivre en français ». Un ensemble qui rassemble 33 pays répartis sur quatre continents, et dans lequel ne sont donc pas comptabilisés les parties non francophones de pays comme la Belgique, la Suisse ou le Canada, tout comme un certain nombre de pays membres à part entière de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), mais ne remplissant pas les critères nécessaires afin de pouvoir être considérés comme francophones (tels que le Liban, la Roumanie ou encore la Guinée-Bissau). Et ce, en vertu du fait que le français n’y est pas, seul ou avec une langue locale partenaire, la langue de l’administration, de l’enseignement pour l’ensemble de la population scolaire (au moins à partir d’un certain âge), des affaires et des médias (ou au moins la langue maternelle de la population, sous sa forme standard ou sous une forme créolisée, un peu comme l’arabe dialectal par rapport à l’arabe standard dans les pays du Maghreb).
Dans ce vaste espace, qui s’étend sur près de 16,3 millions de km2, soit près de quatre fois l’Union européenne tout entière (et auxquels s’ajoutent de vastes zones économiques exclusives maritimes – ZEE, dont celle de la France, seconde plus grande au monde avec ses près de 10,2 millions de km2), les cinq premiers pays francophones sont aujourd’hui la République démocratique du Congo (RDC, 94,1 millions d’habitants), la France (68,2 millions, territoires ultramarins inclus, tous statuts confondus), l’Algérie (45,5), le Maroc (37,1) et Madagascar (28,8). Vient ensuite la Côte d’Ivoire, en sixième position (27,4 millions).
Avec une croissance démographique de 2,3 % en 2021, le monde francophone constitue l’espace linguistique le plus dynamique au monde, devant l’espace arabophone (1,9 %, et 461 millions d’habitants (1)), et avait dépassé en 2012 l’espace hispanophone dont la population est aujourd’hui estimée à 474 millions d’habitants (+ 1,0 %). Cette croissance devrait demeurer supérieure à celle des autres espaces linguistiques, et porter la population de l’ensemble francophone à un peu plus d’un milliard d’habitants en 2060. Le rythme de cette progression est toutefois sur une tendance baissière, principalement du fait de la baisse continue du taux de fécondité en Afrique subsaharienne francophone, qui s’établit désormais à 5,4 enfants par femme contre 7 enfants en 1975 (cette diminution progressive étant encore masquée par les conséquences démographiques de la hausse régulière de l’espérance de vie). Au passage, il convient toutefois de rappeler que l’espace francophone demeure assez largement sous-peuplé, même en tenant compte des territoires désertiques ou recouverts par de denses forêts équatoriales. À titre d’exemple, sa population actuelle est à peu près égale à celle de l’ensemble Union européenne – Royaume-Uni, qui est pourtant réparti sur une superficie près de quatre fois moins étendue. Autre exemple plus précis, la Côte d’Ivoire, pays le plus dynamique économiquement du continent africain, en tenant compte à la fois de ses taux de croissance économique et de son niveau de richesse, ne compte que 27,4 millions d’habitants pour un territoire un tiers plus vaste que celui du Royaume-Uni, dans ses frontières européennes (et non deux ou trois fois plus petit, comme l’indiquent la plupart des cartes géographiques en circulation, terriblement déformantes de la réalité… et des esprits). Ce dernier ayant une population de 67,6 millions d’habitants, la Côte d’Ivoire devrait alors compter non moins de 89,5 millions d’habitants pour être aujourd’hui proportionnellement aussi peuplée.
Par ailleurs, il convient aussi de rappeler que le chiffre de 300 millions de francophones fréquemment avancé par l’OIF ne correspond qu’au nombre de personnes ayant au moins une assez bonne maîtrise de la langue française. Ce chiffre, obtenu, par exemple, en ne comptabilisant que le tiers de la population ivoirienne et le quart de celle du Sénégal, ne traduit donc aucune réalité géopolitique ou économique (la population totale d’un pays ou territoire francophone étant le seul critère à prendre en compte pour évaluer l’importance d’un marché). De même, il est également largement inapproprié d’un point de vue social, pour la simple raison que de nombreuses choses de la vie courante se font en français dans les pays et territoires francophones (médias, internet, administration publique, documents commerciaux et comptables…), où l’ensemble de la population est donc en contact quotidien avec la langue française, y compris dans les zones les plus reculées et dans lesquelles le pourcentage de personnes ayant au moins une assez bonne maîtrise de la langue est moins élevé.
Toute statistique ne tenant pas compte de l’ensemble de la population des pays et territoires francophones, et diffusée à un large public (au-delà, donc, d’un certain nombre de hauts fonctionnaires, notamment au sein de l’Éducation nationale en vue d’aider à l’élaboration des politiques d’enseignement et de scolarisation), n’a donc pour seule et unique conséquence que d’induire en erreur les acteurs et décideurs économiques et politiques, ainsi que l’ensemble de la société civile, en dévalorisant considérablement à leurs yeux le monde francophone et la langue française. Une erreur d’appréciation dont peuvent même être victimes les organismes les plus prestigieux, à l’instar de l’organisme publique France Invest, qui publia en 2019 un Guide sur le capital-investissement destiné à de grandes entreprises (Investir dans la croissance des entreprises en Afrique, octobre 2019) et dans lequel était rédigée la phrase suivante au sujet de l’Afrique francophone, Maghreb inclus : « l’Afrique francophone regroupe 260 millions d’habitants ». Plus grave encore, les données de l’OIF peuvent parfois être utilisées par certaines parties cherchant à dénigrer et attaquer la langue française dans leur pays, en faisant croire qu’elle ne concerne que 300 millions de personnes.
Toute diffusion médiatique des chiffres publiés par l’OIF, sans explication préalable et bien claire du critère utilisé, à savoir le niveau au moins assez bon en langue française, peut donc avoir de gravissimes conséquences économiques et géopolitiques, contraires aux intérêts de l’ensemble des pays et peuples francophones du monde. Il est donc satisfaisant de constater que certains organismes commencent à avoir une meilleure connaissance du monde francophone, à l’instar de la direction du MEDEF (principale organisation patronale française) qui prit officiellement ses distances avec les données de l’OIF lors de la première « Rencontre des entrepreneurs francophones » (REF), organisée en France en août 2021, en utilisant uniquement le chiffre relatif à la population totale de l’espace (soit celui de 512 millions, correspondant à la population début 2020).
Enfin, il convient de rappeler que la connaissance de la langue française dépasse largement les frontières du monde francophone et ses 536 millions d’habitants. En effet, le français est la deuxième langue la plus enseignée au monde, après l’anglais, et il est appris de manière obligatoire dans les établissements d’enseignement primaire et/ou secondaire d’un certain nombre de pays (comme, désormais, dans tous les pays anglophones et lusophones d’Afrique de l’Ouest – du moins théoriquement, faute parfois de moyens, ou encore au Costa Rica), et par la majorité des élèves dans d’autres (notamment dans de nombreux pays européens, ou encore au Liban). Ce sont donc quelques centaines de millions de personnes supplémentaires, à travers le monde, qui ont au moins quelques notions en langue française (chiffre en constante hausse et que l’on peut aujourd’hui estimer à plus de 300 millions, toutes générations confondues).
L’émergence démographique et économique de l’Afrique francophone
La progression démographique du monde francophone résulte essentiellement du dynamisme de l’Afrique francophone, qui croît actuellement à un rythme annuel de 2,7 % (3,1 % pour sa partie subsaharienne). Ce vaste ensemble de 25 pays rassemble désormais 441 millions d’habitants (ou 82,3 % de la population de l’espace francophone) contre seulement 74 millions en 1950, soit à peu près autant que l’Allemagne seule, à ce moment-là (69,5 millions). Cette même année, la population du monde francophone était d’ailleurs estimée à seulement 128 millions d’habitants, soit quatre fois moins qu’aujourd’hui.
Ce dynamisme de l’Afrique francophone se traduit notamment par la montée en puissance des villes africaines, qui occupent désormais huit des dix premières places du classement mondial des métropoles francophones. Selon les projections publiées par l’ONU, dans son dernier rapport sur la démographie mondiale, rédigé en 2019, la capitale congolaise, Kinshasa, conforte sa position au sommet du classement avec une population pouvant être estimée à 15,3 millions d’habitants au 1er janvier 2021, et creusant ainsi considérablement l’écart avec la capitale française, Paris (11,1 millions). Suivent ensuite les agglomérations d’Abidjan (5,4 millions), de Montréal (4,3 millions), de Yaoundé (4,3), de Douala (3,9), de Casablanca (3,8), d’Antananarivo (3,6), de Dakar (3,3) et de Ouagadougou (3,0). Cette dernière aurait ainsi ravi en 2020 la dixième position à la ville d’Alger (2,8 millions), ville « arabo-berbéro-francophone » à l’instar de Casablanca, capitale économique du Maroc et qui viendrait, pour sa part, d’être dépassée par Douala, capitale économique du Cameroun. Il est également à noter que la capitale haïtienne, Port-au-Prince, arrive désormais juste après, à la 11e place (2,9 millions, devant Alger). Au cours de l’année 2020, Haïti était d’ailleurs redevenu le pays le plus peuplé de la Caraïbe, en devançant Cuba dont la population est en constante baisse. Avec ses 11,6 millions d’habitants actuels, Haïti venait ainsi de retrouver une place qu’il avait perdu il y a un peu plus de deux siècles, au cours de la première décennie du 19e siècle.
Mais cet essor démographique du monde francophone s’accompagne également, et globalement, d’un grand dynamisme économique, et notamment en Afrique francophone subsaharienne qui constitue le moteur de la croissance africaine, en plus d’être globalement et historiquement l’espace le plus stable au sud du Sahara (avec le moins de conflits, de tensions ethniques, et une moindre criminalité). Ainsi, cet ensemble de 22 pays a enregistré les meilleures performances économiques du continent pendant huit des neuf années de la période 2012-2020 (et pendant sept années consécutives, de 2014 à 2020), avec une croissance annuelle de 3,5 % en moyenne (4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme notamment dû aux nombreuses réformes accomplies par la plupart des pays afin d’améliorer le climat des affaires et de progresser en matière de diversification et de bonne gouvernance, et qui est particulièrement important dans les pays de l’UEMOA (majeure partie de l’Afrique de l’Ouest francophone), qui continue à être la plus vaste zone de forte croissance de l’ensemble du continent (5,6 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2020), et ce, bien qu’elle n’en soit pas la région la plus pauvre (place occupée par l’Afrique de l’Est). Par ailleurs, il convient de rappeler que l’espace UEMOA est également la zone la plus intégrée du continent, devant la CEMAC qui recouvre une partie de l’Afrique centrale francophone. Ces deux exemples d’intégration poussée, loin devant les autres ensembles régionaux, démontrent d’ailleurs que le panafricanisme est avant tout une réalité francophone.
Grâce à ces avancées, et avec un PIB par habitant de 2 326 dollars début 2021 (selon les dernières données de la Banque mondiale), la Côte-d’Ivoire est récemment devenue le premier pays africain disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique latine, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars (hors États de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Une performance réalisée après avoir dépassé le Kenya (1 879 dollars, et pays le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti), et surtout après avoir réussi l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria (2 205 et 2 097 dollars, respectivement), pays voisins regorgeant de richesses naturelles, avec des niveaux de production considérablement supérieures à ceux de la Côte d’Ivoire (à titre d’exemple, la production pétrolière du Nigeria est environ cinquante fois supérieure). Ce dernier devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, et à moyen terme par le Cameroun, qui réalisent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés (et qui affichent un PIB par habitant de 1 472 et de 1 537 dollars, respectivement, et loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 936 et 798 dollars, respectivement). La progression de la Côte d’Ivoire résulte d’une croissance de 7,4 % en moyenne sur la période 2012-2020, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces neuf années (après l’Éthiopie, dont la performance s’explique principalement par le fait qu’elle était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui connaît aujourd’hui une guerre civile ayant déjà fait quelques dizaines de milliers de morts).
Pour sa part, et grâce notamment à de nombreuses réformes, le Niger n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (568 dollars par habitant début 2021, contre 509 dollars). De plus, le pays pourrait, dès cette année, dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (633 dollars). Le Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasserait désormais non moins de 15 pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim (plus fiable sur ce point que l’ONU qui place systématiquement – et étrangement – le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est pourtant réputé être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée…).
Autre exemple de dynamisme, mais situé en Afrique centrale, le Gabon est devenu en 2020 le pays le plus riche d’Afrique (hors très petits pays, essentiellement insulaires), avec un PIB de 6 882 dollars par habitant début 2021, dépassant ainsi le Botswana, deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie (6 405 dollars). Une performance obtenue grâce aux grandes avancées réalisées au cours de la dernière décennie en matière de diversification et de bonne gouvernance.
La croissance globalement assez rapide de l’Afrique subsaharienne francophone est par ailleurs soutenue par une assez bonne maîtrise de la dette publique, cet ensemble demeurant la partie la moins endettée du continent, avec un taux global de dette publique qui s’établirait à 49,4 % du PIB début 2022, selon le FMI (58,4 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés, ainsi qu’à celui du reste de l’Afrique subsaharienne qui se situerait à 62,3 % (68,3 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone). Il est également à noter que seuls deux ou trois pays francophones font chaque année partie des dix pays les plus endettés du continent, et qu’aucun d’entre eux ne fait partie des cinq les plus endettés.
Désormais, seul un des quatre pays les plus pauvres du continent est francophone, à savoir le Burundi, qui se trouve aux côtés du Soudan du Sud, de la Somalie et du Mozambique, trois autres pays d’Afrique de l’Est, qui constitue également la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie). À ces conflits, s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles avaient déjà provoqué la mort de nombreuses personnes avant même le début de la guerre civile, fin 2020 (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an).
Enfin, il convient de rappeler que les pays francophones sont globalement moins inégalitaires. La République centrafricaine serait même le seul pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (selon les données de la Banque mondiale relatives à l’indice GINI, qui est toutefois insuffisamment fiable faute de données assez récentes).
Échanges, aides au développement et médias : l’irrationnel manque d’intérêt d’une France peu francophonophile, et dépourvue de vision à long terme.
Pourtant, force est de constater un certain manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone, qui n’a représenté que 3,6 % de son commerce extérieur en 2019 (et 1 % pour la partie subsaharienne). Cette situation, qui résulte notamment de la faiblesse des investissements productifs réalisés dans ce vaste ensemble (à l’exception de la Tunisie et du Maroc), se manifeste particulièrement en RDC, pays stratégique qui n’est autre que le premier pays francophone du monde, et où l’Hexagone brille par sa quasi-absence. En effet, la part de la France dans le commerce extérieur de la RDC, vaste comme plus de la moitié de l’UE, s’est établie à seulement 0,5 % en 2020 (comme en 2018), très largement derrière la Chine dont la part se situe chaque année autour de 30 % (36 % en 2020). Et comme les années précédentes, la RDC est arrivée bien au-delà de la 100e position dans le classement mondial des partenaires commerciaux de l’Hexagone, dont elle n’a représenté que 0,02 % du commerce extérieur (soit seulement 1 cinq-millième du total).
Ce désintérêt de la France se traduit également au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants présents en France (0,6 % du total pour l’année universitaire 2018-2019, et seulement 1,3 % des étudiants africains), de la part du pays dans les aides françaises au développement (0,5 % en 2019, et très majoritairement par la voie multilatérale, ce qui témoigne de l’extrême faiblesse des relations directes entre les deux pays), ou encore au niveau de la part infime des projets y étant réalisés par les collectivités et structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée (< 1 %). La France pourrait pourtant, et sans grande difficulté, accroître sa présence en RDC, dont la forte dépendance vis-à-vis de la Chine risque de nuire, à terme, à la souveraineté et aux intérêts du pays (la Chine a absorbé 41 % des exportations de la RDC en 2020, dont elle est également devenue le principal créancier bilatéral).
Le manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone s’observe également dans cet autre pays stratégique qu’est Djibouti, un des six pays de l’Afrique de l’Est francophone et qui est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international grâce à sa situation géographique stratégique et à des investissements massifs en provenance de Chine. Dans ce pays, qui a enregistré une croissance annuelle de près de 7 % en moyenne sur la période 2012-2019, la compagnie aérienne Air France n’assurait, juste avant le déclenchement de la pandémie, qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris, contre sept vols directs pour Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore trois liaisons pour le groupe Emirates vers Dubaï.
De plus, tout ce qui précède vient s’ajouter à une répartition défavorable des aides publiques au développement versées chaque année par la France, et qui ne bénéficient que très minoritairement au monde francophone, face à une Union européenne qui se taille constamment la part du lion. Ainsi, la part des 27 pays francophones du Sud, et leurs 453 millions d’habitants actuels, presque entièrement situés sur le continent africain, oscille généralement entre 15 et 20 % de l’enveloppe globale, avec une moyenne de 17,4 % sur la période de cinq années 2015-2019 (soit 2,9 milliards d’euros en moyenne annuelle, aides multilatérales et bilatérales confondues). Dans le même temps, celle de l’UE se situe en général à plus de 40 % de l’effort financier de la France, et essentiellement au bénéfice des 13 pays de sa partie orientale et de leurs 114 millions d’habitants seulement (des pays baltes, au nord, à Chypre au sud, et que l’on appellera UE-13). Sur la période 2015-2019, la part de l’UE s’est ainsi établie à 43,1 %, soit 7,2 Mds d’euros en moyenne annuelle (2).
Par conséquent, l’UE s’accapare chaque année l’écrasante majorité des dix premières places des principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement. En 2019, dernière année pour laquelle des données détaillées sont disponibles, sept des dix premières places étaient donc occupées par des pays membres de l’UE, contre seulement deux pour le monde francophone (le Cameroun, premier pays francophone n’arrivant qu’en septième position). Cette même année, la part du monde francophone n’a donc atteint que 20,5 % (soit 3,8 milliards d’euros), alors que celle de l’UE s’établissait à 41,4 % (ou 7,7 Mds d’euros). Quant aux pays de l’UE-13, ceux-ci ont bénéficié d’un effort financier 1,8 fois plus important que pour l’ensemble des 27 pays francophones du Sud (soit 6,7 Mds d’euros, frais administratifs inclus), en dépit d’une population près de 4 fois inférieure début 2019 (et répartie sur un espace 11 fois moins vaste), soit un volume d’aide par habitant 6,5 fois supérieur. Des aides publiques qui sont, de surcroît, octroyées à des conditions plus favorables aux pays de l’UE-13, car intégralement sous forme de dons (un sixième étant remboursable pour les pays francophones) et non assorties de la moindre condition, directe ou indirecte, ni même ponctuelle, en matière d’attribution de marchés.
Ainsi, et bien que peuplée de seulement 1,3 millions d’habitants, l’Estonie a reçu en 2019 une aide française au développement de 166,6 millions d’euros, soit largement davantage (+77 %) que l’aide reçue par le Congo-Kinshasa (93,9 millions), premier pays francophone du monde avec ses 85,7 millions d’habitants début 2019, et dont la capitale Kinshasa est désormais la plus grande des villes francophones avec ses 15 millions d’habitants (et ne cessant de creuser l’écart avec Paris, 11 millions d’habitants). En d’autres termes, le montant de l’aide française par habitant reçue par ce petit pays balte a été non moins de 115 fois supérieure à celle reçue par le Congo-Kinshasa (ou République démocratique du Congo, RDC), soit 125,7 euros par habitant contre seulement 1,1 euro. Autre exemple frappant, le Maroc, un des plus grands et sincères amis de la France, et modèle de développement et de bonne gouvernance pour le monde arabe et le continent africain, a reçu une aide de 243 millions d’euros, soit bien moins que la Pologne à laquelle a été octroyée une somme de 2,103 Mds d’euros. Et ce, pour une population à peu près égale (38 millions contre 36 début 2019 pour le royaume chérifien, qui la dépassera bientôt), et en dépit d’une politique économique et étrangère souvent contraire aux intérêts français.
Des écarts considérables que confirment d’ailleurs les moyennes des aides reçues sur la période de cinq années 2015-2019, la Pologne ayant bénéficié d’une enveloppe annuelle de 1,748 Md d’euros en moyenne, contre seulement 0,288 Md pour la Maroc. Quant à l’Estonie et la RDC, la première s’est vue allouer une aide annuelle moyenne de 96 millions d’euros, contre seulement 109 millions d’euros pour le Congo-Kinshasa. Des moyennes qui permettent d’ailleurs de constater une dégradation récente de la situation, et non l’inverse…
Cette politique d’aide au développement est contraire à toute logique économique ou géopolitique. D’un point de vue économique, d’abord parce que les pays de l’UE-13 s’orientent principalement et historiquement vers l’Allemagne, qui arrive très largement en tête des pays fournisseurs de la zone, avec une part de marché d’environ 20 % chaque année (19,5 % en 2019), contre toujours moins de 4 % pour la France, dont les aides massives reviennent donc quasiment à subventionner les exportations allemandes. Une politique que l’on pourrait résumer par la célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse », qui semble être désormais la doctrine de la politique étrangère de la France….
Ensuite, parce que toutes les études économiques démontrent que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays et peuples partageant une même langue. À ce sujet, un seul exemple suffit à prouver l’impact économique du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse générée dans un pays francophone au profit de l’économie locale finit par être intégrée en bonne partie au circuit économique d’autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone de coprospérité », qui est d’ailleurs une des traductions possibles du terme Commonwealth. Ce lien linguistique explique également en bonne partie la position globalement encore assez bonne de la France en Afrique francophone, dont elle demeure le second fournisseur en dépit d’un certain manque d’intérêt, avec une part de marché globale estimée à 11,5 % en 2019, derrière la Chine, 15,6 %. Une part largement supérieure à celle de l’Allemagne, estimée à 3,9 %, et qui arrive même derrière l’Espagne (7,3 % et troisième fournisseur), l’Italie et les États-Unis (5,5 % respectivement).
Enfin, parce que c’est dans cette même Afrique francophone qu’il convient d’investir massivement, d’une part afin de tirer pleinement profit des opportunités et du dynamisme que l’on trouve dans ce vaste ensemble de 25 pays, partie globalement la plus dynamique économiquement du continent et un de principaux relais de la croissance mondiale, et d’autre part car c’est bien en accélérant l’émergence économique de cet ensemble qu’augmentera encore plus fortement le nombre d’apprenants du français à travers le monde. Et ce, au bénéfice économique et géopolitique de la France, mais aussi au bénéfice de tous les pays francophones du monde.
Et pour ce qui est du niveau géopolitique, justement, le caractère irrationnel de la politique française d’aide au développement s’explique également par le fait que l’écrasante majorité des pays de l’UE, malgré les aides massives versées chaque année par l’Hexagone, vote régulièrement contre les positions françaises au sein des grandes instances internationales, au profit des États-Unis et contrairement à la majorité des pays francophones qui partage avec la France nombre de valeurs et d’orientations communes en matière de politique étrangère, et dont il convient alors d’accroître le poids.
Ainsi, l’intérêt pour la France de consacrer une part aussi importante de ses aides et de son énergie aux pays de l’UE-13 se révèle donc extrêmement marginal, en comparaison avec les avantages économiques et géopolitiques qu’elle tirerait d’une nouvelle répartition plus favorable aux pays du monde francophone. En d’autres termes, la prépondérance européenne dans les aides au développement ne fait incontestablement qu’affaiblir la France au niveau international, tant économiquement que géopolitiquement (les deux étant d’ailleurs, à terme, étroitement liés).
Certes, la France est une grande puissance mondiale, la deuxième ou troisième tous critères de puissance confondus (capacités militaires, économie, technologie, influence géopolitique et culturelle, territoire maritime…). Des critères qui doivent d’ailleurs toujours être pris en compte dans leur ensemble afin de pouvoir correctement apprécier le poids d’un pays (tout comme l’on compare toujours les élèves d’une même classe sur l’ensemble des matières étudiées, et non sur une seule d’entre elles). La France est territorialement présente sur quatre continents et militairement sur cinq continents, notamment grâce aux « DOM-TOM » (ce qui n’est pas le cas de la Russie, par exemple). Grâce à sa vaste zone économique exclusive (ZEE), la seconde plus vaste au monde avec des 10,2 millions de km2, elle compte non moins de 34 pays frontaliers à travers la planète (dont 23 uniquement par mer), ce qui constitue un record mondial, devant le Royaume-Uni (25 pays) et les États-Unis (18 pays). En tant que puissance mondiale, la France se doit donc d’être financièrement présente sur tous les continents, y compris en Europe. Mais afin de consolider ce statut, la France doit privilégier le vaste monde francophone, où le retour sur investissement est bien supérieur, à travers les grandes opportunités économiques qu’il présente désormais, et grâce à sa contribution considérable à l’augmentation du nombre d’apprenants du français à travers le monde, du fait de sa double émergence démographique et économique. La langue étant le principal vecteur d’influence culturelle, avec, in fine, d’importantes répercussions économiques et géopolitiques, la France doit donc investir prioritairement dans son espace linguistique afin d’amplifier la progression de la langue française dans le monde, aussi bien au bénéfice de ses propres intérêts que de ceux de l’ensemble des pays et peuples francophones du monde.
Par ailleurs, il convient de souligner que la priorisation de l’espace francophone est d’autant plus justifiée que la majorité des pays francophones du Sud ont réalisé de grandes avancées en matière de bonne gouvernance. Des avancées qui ont justement contribué à faire de l’Afrique subsaharienne francophone la partie globalement la plus dynamique économiquement et la moins endettée du continent africain, dont elle continue ainsi à être le moteur de la croissance.
Pourtant, les dernières évolutions de la politique française d’aide au développement ne permettent guère de déceler un réel changement d’attitude, et encore moins de paradigme, de la part des autorités françaises. En effet, les récentes augmentations du volume d’aide annoncées pour les années 2020 et 2021 ne changent pratiquement rien à la donne, car accompagnées d’une forte hausse parallèle de la contribution nette de la France au budget de l’UE, qui a augmenté de non moins de 23 % en 2020 (pour un total de 9,5 Mds d’euros), et ce afin de compenser la sortie du Royaume-Uni ainsi que la réduction exigée par certains pays d’Europe de l’Ouest de leur contribution au budget (les « Rabais »).
De toute façon, tant que le monde francophone continuera à ne recevoir qu’un cinquième ou un sixième du total des aides versées par l’Hexagone à des pays tiers, et tant que l’espace composé par les pays francophones du Sud recevra proportionnellement à sa population six, sept ou huit fois moins d’aides que l’ensemble composé par les pays de la partie orientale de l’UE, toutes les déclarations officielles en faveur de la « francophonie » ou de la « francophonie économique » ne seront guère à prendre au sérieux.
Mais toute redéfinition en faveur du monde francophone de la politique française d’aide au développement, au nom des intérêts économiques et géopolitiques de la France, grande puissance engluée, anesthésiée, par les obligations liées à son appartenance à l’UE, ne pourra se faire qu’à travers une redéfinition en profondeur du fonctionnement de celle-ci. Voire, si nécessaire, une sortie pure et simple de la France de cet ensemble qui ne fait que l’épuiser financièrement et l’affaiblir, en l’éloignant du monde francophone, et donc en l’alignant sur les intérêts économiques de l’Allemagne et économico-géopolitiques des États-Unis (notamment à travers une politique hostile à la Russie et une anglicisation forcenée, à laquelle échappent, à leur plus grand bénéfice, la Chine, la Russie et bien d’autres puissances).
Par ailleurs, ce manque d’intérêt des gouvernants français pour le monde francophone, et leur repli sur l’Union européenne, ont donc naturellement des répercussions fort négatives sur le niveau d’intérêt des Français eux-mêmes, qui, maintenus à l’écart, ignorent pratiquement tout de ce vaste espace. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française ne sait rien des Jeux de la Francophonie qui se tiennent tous les quatre ans (contraste frappant avec la couverture médiatique dont jouissent les Jeux du Commonwealth au Royaume-Uni), de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire (qui n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome), du concours musical « The Voice Afrique francophone » (qui fût dans sa saison 2016-2017, relayée par certains médias nationaux africains, le plus grand concours musical au monde en termes d’audience cumulée, avec son équivalent arabophone), ou encore du peuple acadien, que bon nombre de Français situent en Louisiane…
Or, cette large méconnaissance du monde francophone et de sa dimension mondiale, et outre le fait de faire perdre à nombre d’investisseurs et de représentants de la société civile de multiples opportunités d’échange et de partenariat mutuellement bénéfiques, a pour conséquence préjudiciable de réduire considérablement l’attachement des Français à leur langue. Eux, qui n’ont jamais été si peu intéressés par la promotion et la diffusion de celle-ci à travers le monde, alors même qu’elle n’a jamais été autant parlée et apprise. Et ce, au grand étonnement des francophones extra-européens, auxquels est aujourd’hui entièrement attribuable la progression constante de l’apprentissage du français hors espace francophone, face à une France qui est désormais clairement un frein, et même un obstacle, en la matière (et dont l’inconscience des graves conséquences économiques et géopolitiques de pareille attitude irresponsable dénote une certaine immaturité). Une ignorance française au sujet de l’espace francophone qui s’oppose d’ailleurs à la plus grande culture qu’ont les Britanniques de leur espace linguistique, et qui explique en bonne partie leur attachement viscéral à leur langue, à sa défense et à sa diffusion.
Au nom de leurs propres intérêts, les francophones situés en dehors du continent européen ne doivent donc pas suivre le mauvais exemple de la France en matière de promotion de la langue française, et devraient plutôt s’inspirer du modèle québécois (et britannique) et faire respecter leur langue commune au sein des différentes organisations régionales et internationales, politiques, économiques, culturelles et sportives, dont ils font partie ou avec lesquelles ils sont en étroite collaboration (et notamment au niveau de l’Union africaine et dans le cadre de leurs relations avec l’Union européenne, d’autant plus que l’Afrique francophone est la partie la plus dynamique économiquement, la moins endettée, la plus stable et la moins violente du continent).
À bien des niveaux, la France devrait donc s’inspirer du Royaume-Uni qui a toujours su faire preuve de pragmatisme, d’intelligence stratégique et de vision à long terme en privilégiant constamment son espace géolinguistique, dès les années 1 600 (quatre fois moins peuplée que la France d’alors, l’Angleterre, qui était pourtant très souvent engagée en Europe à travers de nombreuses guerres, investissait proportionnellement, et hors dépenses militaires, environ 30 fois plus que la France dans ses modestes territoires d’Amérique du Nord, très majoritairement française à l’époque…). Et ce, face à une France irrégulière, et qui a toujours fini par payer lourdement ses périodes d’irrationnelle obsession européiste.
De grands efforts doivent donc être faits dans l’Hexagone afin de rattraper un retard considérable en matière d’information et d’éducation. Par ailleurs, l’émergence démographique et économique de l’Afrique francophone devrait en toute logique s’accompagner, à terme, du transfert d’un certain nombre d’institutions panfrancophones des villes du Nord vers celles du Sud, et notamment vers Kinshasa et Abidjan, respectivement première et troisième ville francophone du monde.
1. Le monde arabophone recouvre l’ensemble des pays membres de la Ligue arabe (hors Djibouti et les Comores, où la présence de la langue arabe se limite principalement au domaine religieux), ainsi que les territoires majoritairement arabophones de la Turquie, d’Israël, de l’Iran, du Mali, du Niger et du Tchad.
2. Rapport détaillé du CERMF sur la politique française d’aide au développement (novembre 2021) : « Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019. Face à l’Union européenne qui se taille la part du lion, le monde francophone demeure le parent pauvre de l’aide française au développement » (www.cermf.org/le-monde-
2021
Report du sommet de l’OIF : l’obsession démocratique de la Francophonie, face à l’indifférence du Commonwealth
Alors que l’Organisation internationale de la Francophonie a décidé de reporter d’un an son sommet prévu pour les 20 et 21 novembre derniers en Tunisie, où le parlement a été provisoirement suspendu mais où règne la liberté d’expression, le Commonwealth ne voit aucune objection à la tenue de son prochain sommet au Rwanda, pays dirigé par un des régimes les plus totalitaires et sanguinaires de la planète. Une différence d’attitude qui explique probablement la demande d’adhésion adressée au Commonwealth par deux des pays les moins démocratiques d’Afrique francophone, alors qu’aucune démocratie francophone n’en a fait la démarche.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est récemment illustrée en sanctionnant la Tunisie à travers le report de son sommet biennal, qui aurait dû se tenir il y a quelques jours à Djerba. Pourtant, force est de constater que la liberté d’expression y est bien réelle, et que la justice continue à fonctionner en toute indépendance. La seule déficience en matière de démocratie consiste en la suspension provisoire des activités d’un parlement qui avait déjà perdu toute légitimité aux yeux de l’écrasante majorité de la population, accusé d’être davantage à la solde d’intérêts particuliers et de puissances étrangères qu’au service des intérêts du pays. En effet, la corruption et la mauvaise gouvernance ont atteint de tels niveaux au cours de la dernière décennie, que la Tunisie, autrefois modèle de développement économique et social pour l’ensemble du monde arabe et du continent africain, en dépit de certaines lacunes, fait désormais partie des dix pays les plus endettés du continent, en plus d’être sur le point de devenir le pays le plus pauvre de l’ensemble de l’Afrique du Nord.
Quant aux ingérences étrangères, celles-ci ont également atteint des niveaux records, et se sont notamment traduites par le maintien et le renforcement de l’accord commercial fort défavorable avec la Turquie, et par une interférence dans les affaires intérieures de la Libye, au bénéfice de cette même Turquie. Au niveau commercial, cette dernière est désormais, avec la Chine, le partenaire le plus défavorable des sept pays avec lesquels le niveau de commerce annuel de biens dépasse la barre du milliard de dollars. Ainsi, le taux de couverture des importations par les exportations n’a été que de 14 % en 2019, contre, par exemple, un taux de 142 % avec la France (la Tunisie, pays aux faibles richesses naturelles, réalisant ainsi un confortable excédent commercial avec la France, alors qu’elle enregistre un énorme déficit avec la Turquie, néfaste à son économie). Et pour ce qui est de la question libyenne, ces dernières années ont été marquées par le soutien publiquement affiché par le président du parlement tunisien au gouvernement provisoire de Tripoli, qui contrôle l’ouest de la Libye en s’appuyant notamment sur des milices criminelles et esclavagistes, pratiquant divers trafics illicites, le kidnapping et le commerce honteux de milliers de nos frères africains. En prenant ainsi ostensiblement position sur le dossier libyen, et en nouant une étroite relation avec les autorités de Tripoli (dont les dimensions ne sont peut-être pas encore toutes connues, compte tenu de ce qui se dit dans l’Est de la Libye…), le chef de parlement avait alors clairement outrepassé ses prérogatives, en empiétant volontairement sur le domaine réservé du chef de l’État.
Au passage, et concernant la traite d’esclaves en cours en Libye, il est à noter que celle-ci se déroule sans la moindre protestation de la Turquie, pourtant très influente politiquement et présente militairement dans cette partie du pays. Une indifférence regrettable, mais qui s’inscrit dans la droite ligne du lourd passé esclavagiste de la Turquie en Afrique. L’année 2026 correspondra d’ailleurs au cinquantième anniversaire de la mort d’Hayrettin Effendi, dernier eunuque africain, décédé soixante-dix ans après avoir été enlevé en Éthiopie, en 1906 et à l’âge de sept ou huit ans. Un enlèvement, précédant de quelques jours la castration, et qui fut encore possible dans ce pays car il s’agissait alors du seul territoire d’Afrique subsaharienne à ne pas être colonisé par une puissance occidentale (en dehors du Liberia, sous tutelle américaine). Par ailleurs, et de toutes les puissances coloniales non africaines ayant été présentes sur le continent, la Turquie fut la seule, avec le sultanat d’Oman, à pratiquer la castration d’hommes noirs. Une pratique barbare qui entraînait la mort dans la plupart des cas, dans d’atroces souffrances, et qui concerna un grand nombre d’hommes sur les millions d’africains arrachés à leur terre, et embarqués à destination de la Turquie et de ses possessions, des siècles durant. Cette politique (qui toucha aussi un certain nombre d’Est-Européens) explique d’ailleurs en bonne partie la quasi-inexistence de citoyens noirs dans la Turquie contemporaine. Pourtant, tout cela n’a guère empêché le président turque, Recep Tayyip Erdogan, d’affirmer une nouvelle fois, en octobre dernier lors d’une visite officielle en Angola, que son pays ne portait « aucune tache » de colonialisme ou d’impérialisme en Afrique. Affirmation d’ailleurs facilitée par le fait que toute critique publique de l’histoire coloniale et impériale du pays soit strictement interdite en Turquie (passible de prison, voire pire…).
Bien loin d’être une dictature, la Tunisie est donc un pays qui traverse une période de transition politique visant à consolider à la fois les acquis de la révolution et la souveraineté nationale, en sanctionnant les différentes parties ayant dévoyé cette révolution à leur profit personnel et à celui de puissances étrangères dont l’influence n’a guère été bénéfique au pays. Une période nécessaire afin que les institutions tunisiennes puissent redémarrer sur de saines et solides bases, et qui rappelle d’ailleurs celle qu’avait connue la France dans les six mois ayant suivi l’arrivée du Général de Gaulle au pouvoir, en juin 1958, afin de mettre fin à l’anarchie politique qui régnait dans le pays.
La Tunisie, où l’indépendance de la justice est bien réelle, où la liberté d’expression règne, et où le sang ne coule pas, est donc à des années lumières de pouvoir être comparée au futur pays hôte du sommet du Commonwealth, organisation dont les principales figures (et notamment la Reine Elisabeth II, cheffe de l’organisation, et Boris Johnson, Premier ministre britannique) ne voient aucune objection à la tenue du prochain sommet de 2022 dans un des pays les plus totalitaires et sanguinaires au monde, à savoir le Rwanda. En effet, ce pays d’Afrique de l’Est est officiellement dirigé depuis l’an 2000, et de facto depuis 1994, par un président qui n’est autre que le seul des dirigeants africains à continuer à se faire élire avec environ 99 % des voix (98,6 % lors des dernières élections de 2017), et qui a même changé la constitution en 2015 afin de pouvoir se maintenir en place jusqu’en 2034, soit 40 années de règne. Plus grave encore, le régime rwandais se distingue tristement par le fait d’être le champion du monde des assassinats politiques à l’extérieur des frontières du pays, ayant éliminé à lui seul plus d’opposants à l’étranger que l’ensemble des autres dictatures réunies de la planète. Rien que pour cette année, la presse internationale a abondamment relayé l’assassinat de deux opposants politiques, le premier en Afrique du Sud au cours de mois de février, et le second au Mozambique au mois de septembre. Ce dernier assassinat, unanimement attribué au régime rwandais, fut d’ailleurs facilité par l’intervention militaire et anti-djihadiste du Rwanda dans le nord du pays, de nature à pousser les autorités mozambicaines à fermer les yeux (intervention qui aurait été financée par la France, le Rwanda étant toujours un des pays les plus pauvres d’Afrique, contrairement à la propagande officielle, avec un PIB par habitant de seulement 798 dollars début 2021, selon la Banque mondiale).
Ainsi, la diaspora rwandaise est la diaspora la plus surveillée au monde, vivant dans un climat de terreur permanent, comme en témoigne la parution d’un long article sur le sujet en octobre 2019, publié par le grand média canadien francophone Radio Canada et intitulé « Des espions parmi nous ». Mais à ces crimes régulièrement commis à l’étranger, s’ajoutent d’autres crimes bien plus nombreux perpétrés dans le silence à l’intérieur même du pays, ainsi que de nombreuses incarcérations d’opposants qui sont alors systématiquement accusés de terrorisme. Et ce, à l’instar de l’ancien directeur de l’Hôtel des Mille Collines, mondialement respecté pour avoir sauvé la vie de plus d’un millier de Tutsis pendant le génocide de 1994, mais qui vient d’être condamné en septembre dernier à 25 ans de prison… après avoir été kidnappé lors d’une escale dans un pays étranger !
Et comme si tout cela n’était pas suffisant, ces nombreux crimes s’ajoutent également à tous ceux ayant été commis par le régime rwandais au Congo-Kinshasa voisin (ou République démocratique du Congo, RDC), où il est unanimement considéré comme le principal responsable du désordre frappant l’est du pays et de la mort de quelques millions de personnes au cours des deux décennies ayant suivi le génocide rwandais. Un désordre qui permet d’ailleurs au Rwanda d’exploiter dans la plus grande illégalité les richesses minières de la RDC, à tel point que le pays se classe régulièrement à la première ou seconde place mondiale des producteurs et exportateurs de tantale (un élément stratégique extrait à partir d’un minerai appelé coltan), malgré la pauvreté de son sous-sol en la matière. Ainsi, le Rwanda n’est autre aujourd’hui que le seul pays au monde à piller à grande échelle les richesses d’un pays voisin. Un pillage désormais reconnu de tous sur la scène internationale, et rendu possible grâce à une protection diplomatique totale et féroce de la part des États-Unis (tout comme pour Israël, au Moyen-Orient), qui avaient d’ailleurs œuvré dès la fin des années 1980 à l’installation au pouvoir de Tutsis anglophones venant de l’Ouganda, et descendants de rwandais exilés, afin de contrôler l’est de la RDC tout en faisant basculer le Rwanda dans l’espace anglophone.
Les nombreux massacres perpétrés à partir de l’Ouganda et au début des années 1990 par les forces armées et entrainées par les États-Unis, et qui s’ajoutaient ainsi au terrible souvenir du génocide commis contre les Hutus du Burundi voisin en 1972 par le pouvoir tutsi de l’époque (extermination des Hutus d’une partie du territoire, faisant entre 150 000 et 300 000 morts et provoquant la fuite vers l’étranger d’un nombre à peu près comparable de personnes, dans un pays de seulement trois millions de Hutus), firent émerger un climat de terreur et de paranoïa qui conduisit hélas au génocide de 1994. Un drame dont le fait déclencheur fut l’assassinat simultané de deux présidents, ceux du Rwanda et du Burundi, par le tir d’un missile ayant abattu l’avion qui les transportait (un double assassinat unique dans l’histoire de l’humanité). Dans ce cadre, il ne fait d’ailleurs jamais oublier les écrits de Boutros-Ghali, ancien secrétaire général égyptien de l’ONU, qui avait déclaré en 1998, deux ans après avoir quitté ses fonctions, que ce génocide « est à 100 % de la responsabilité américaine… Il est de la responsabilité de l’Amérique, aidée par l’Angleterre, mais il y a aussi la passivité des autres États ». Une déclaration exagérée, certes, mais qui révèle bien le niveau de responsabilité des États-Unis dans le génocide rwandais, et plus globalement dans les troubles de la région des grands lacs depuis la fin des années 1980 (les États-Unis interdirent même à l’ONU d’utiliser le terme « génocide » pendant 23 longues journées et quelques centaines de milliers de morts après que la France l’ai utilisé pour la première fois, le 16 mai 1994, et ce, afin d’empêcher toute condamnation internationale des massacres, et par conséquent toute intervention militaire de nature à arrêter rapidement le génocide… mais également la progression des Tutsis anglophones venant de l’Ouganda…).
Le Commonwealth s’accommode donc si bien des régimes totalitaires, à l’instar de ceux en place en Ouganda (depuis 1986) et en Eswatini (dernière monarchie absolue du continent africain, au sommet de laquelle trône un roi ne compte pas moins de quinze épouses, et également en place depuis 1986), que force est de constater que les seuls pays francophones lui ayant adressé une demande d’adhésion font partie des pays les moins démocratiques d’Afrique francophone (le Gabon et le Togo, dont le dossier semble bien avancé). En effet, il est intéressant de constater qu’aucune démocratie francophone africaine n’a demandé à adhérer à cette organisation, tout comme il est intéressant de noter qu’aucune dictature anglophone africaine n’ait pu adhérer à l’OIF au cours des trente dernières années (la Ghana et la Gambie étant déjà des démocraties à leur adhésion). Des éléments qui tendent à démontrer que la raison économique officiellement avancée par le Gabon et le Togo afin d’expliquer leur souhait d’adhérer au Commonwealth n’est qu’un prétexte ne reflétant pas leurs réelles motivations. Un doute qui n’est d’ailleurs plus vraiment permis lorsque l’on sait que l’Afrique subsaharienne francophone est économiquement la partie la plus dynamique du continent, dont elle continue à être le moteur de la croissance (mais aussi la moins endettée, et historiquement la plus stable d’Afrique subsaharienne). Ainsi, et malgré la pandémie, cet ensemble de 22 pays a globalement réalisé en 2020 les meilleures performances économiques pour la septième année consécutive et la huitième fois en neuf ans. Sur la période 2012-2020, soit neuf années, sa croissance annuelle s’est ainsi établie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, dont la production pétrolière a baissé presque aussi vite qu’elle n’avait augmenté au début des années 2000), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
Un dynamisme notamment tiré par l’espace UEMOA, plus proche de la Tunisie, qui regroupe sept des neufs pays francophones d’Afrique de l’Ouest (+ là très francophonophile Guinée-Bissau) et qui constitue la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle globale du PIB de 5,6 % en moyenne sur la période 2012-2020 (et 6,3 % sur la période 2012-2019). Une grande performance compte tenu du fait que cette région ne constitue pas la région la plus pauvre du continent, place occupée par l’Afrique de l’Est. Ainsi, la Côte d’Ivoire, qui a affiché une croissance de 7,4 % en moyenne sur cette même période de neuf années, est récemment devenue le pays le plus riche d’Afrique de l’Ouest en réussissant notamment l’exploit de dépasser le Nigeria, dont la production pétrolière est environ 50 fois supérieure (avec un PIB par habitant de 2 326 dollars pour la Côte d’Ivoire début 2021, contre 2 097 dollars). Le Nigeria devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, et à moyen terme par le Cameroun, qui réalisent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés. Parallèlement, la Côte d’Ivoire, qui continue à creuser l’écart avec le Kenya (1 838 dollars, et pays le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti, pays francophone), est récemment devenue le premier pays subsaharien disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires).
De son côté, le Niger, pays enclavé, n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (565 dollars par habitant début 2021, contre 484 dollars), et devant dépasser très rapidement le Liberia, autre pays anglophone côtier (583 dollars). Occasion de rappeler, au passage, que le Niger n’est certainement pas le pays où le niveau de vie est le plus faible au monde, puisqu’il dépasserait même non moins de 15 pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim (plus fiable sur ce point que l’ONU, qui place systématiquement – et étrangement – le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est pourtant réputé être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée…).
Autre exemple de dynamisme, mais plus au sud, en Afrique centrale, le Gabon, justement, est devenu l’année dernière le pays le plus riche d’Afrique continentale, en dépassant le Botswana anglophone, deuxième producteur mondial de diamants (après la Russie), grâce aux grandes avancées réalisées au cours de la dernière décennie en matière de diversification et de bonne gouvernance. Ces exemples, parmi bien d’autres, font que désormais seul un des quatre pays les plus pauvres du continent est francophone, à savoir le Burundi, qui se trouve aux côtés du Soudan du Sud, de la Somalie et du Mozambique, trois autres pays d’Afrique de l’Est, qui constitue également la partie la plus instable du continent. En effet, on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie), l’instabilité causée par le terrorisme islamique dans le nord du Mozambique, ou encore la guerre civile frappant actuellement l’Éthiopie, et faisant elle-même suite à des tensions interethniques qui avaient déjà causé la mort de nombreuses personnes (ce qui fait de l’Éthiopie l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an).
L’OIF peut donc s’enorgueillir de défendre la démocratie et les droits de l’homme, et il serait tout à son honneur de poursuivre sur cette voie, quitte à être la seule organisation interétatique linguistique à défendre réellement ces valeurs. Pour autant, elle devrait prendre soin de ne pas faire d’excès de zèle en la matière, en sanctionnant certains pays sans avoir suffisamment pris en compte le contexte politique et socio-économique local, et ce, afin de ne pas les pousser à s’éloigner de la grande famille francophone. Certes, une éventuelle adhésion de certains pays au Commonwealth ou à toute autre organisation linguistique ne signifie pas forcément un renoncement de leur part à la francophonie, tout comme l’adhésion de pays anglophones à la l’OIF n’entraîne pas pour autant un remplacement de l’anglais par le français. Toutefois, le risque existe toujours, à terme, et notamment dans le contexte actuel marqué par une vaste offensive médiatique menée par le Royaume-Uni post-Brexit sur le continent africain, et consistant à dénigrer assez régulièrement et de manière insidieuse l’Afrique francophone, à travers ses médias publics internationaux, et même à s’attaquer clairement et sans détour à la francophonie marocaine.
En effet, le Royaume-Uni ne se contente plus d’encourager les Marocains à apprendre l’anglais en tant que deuxième langue étrangère, et ne se gênant plus pour les appeler à remplacer carrément le français par la langue de Shakespeare, comme il est possible de le constater dans le document de propagande mis en ligne par le site marocain du British Council, en avril dernier et intitulé « Le passage du Maroc à l’anglais ». Et ce, en cachant volontairement le fait que ce pays d’Afrique du Nord, tout comme la Tunisie et grâce à un système éducatif assez performant, se classe déjà et constamment devant la grande majorité des pays arabes ayant été anciennement colonisés par les Britanniques, pour ce qui est du niveau en anglais de la jeunesse…
Imaginons que la France, souvent trop respectueuse (ou trop naïve…) se comporte de la même manière, en incitant clairement des pays comme le Ghana et la Gambie, non pas à améliorer leur niveau en français (dont l’apprentissage est d’ailleurs déjà obligatoire), mais à y passer entièrement, par élimination ou marginalisation de la langue anglaise… Pour l’instant, cela ne semble pas être à l’ordre du jour, bien qu’il soit plus qu’évident que pareil basculement serait fort bénéfique à chacun de ces deux pays, et particulièrement à la très pauvre Gambie dont la fusion avec le dynamique Sénégal permettrait, notamment, de mettre fin au plus aberrant et injuste des tracés frontaliers du continent.
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La politique française d’aide publique au développement
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019
Face à l’Union européenne qui se taille la part du lion,
le monde francophone demeure le parent pauvre de l’aide française au développement
Contrairement à une idée largement répandue, le monde francophone ne bénéficie que d’une partie très
minoritaire des aides publiques françaises au développement, face à une Union européenne qui se taille
constamment la part du lion. Une politique peu francophonophile, contraire aux intérêts de la France et
traduisant un manque de pragmatisme, d’intelligence stratégique et de vision à long terme. Et les récentes
augmentations annoncées ne changent pratiquement rien à la donne, car accompagnées d’une forte hausse
parallèle de la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne, notamment du fait du Brexit.
Selon les dernières données disponibles auprès de la Commission européenne et de l’OCDE, après détermination de la
contribution nette de la France au budget de l’Union européenne (UE) et après imputation des aides multilatérales pour
les pays situés en dehors de l’UE, la part du monde francophone dans les aides publiques françaises au développement
peut être estimée à environ 20,5 % en 2019, soit un montant d’environ 3,8 milliards d’euros. Un niveau se situant loin
derrière celui de l’UE, dont la part s’est établie à 41,4 % (ou 7,7 Mds d’euros), et essentiellement au bénéfice des 13
pays de sa partie orientale et de leurs 114 millions d’habitants seulement, début 2019.
Une politique qui demeure peu francophonophile
Les 27 pays francophones du Sud, et leurs 425 millions d’habitants début 2019, presque entièrement situés sur le
continent africain, ont donc continué à ne bénéficier que d’une faible partie des aides françaises au développement,
leur part oscillant généralement entre 15 et 20 % de l’enveloppe globale, avec une moyenne d’environ 17,4 % sur la
période de cinq années 2015-2019 (soit environ 2,9 milliards d’euros en moyenne annuelle, aides multilatérales et
bilatérales confondues). Un chiffre qui constitue une estimation, à quelques décimales près, compte tenu de l’existence
d’un certain nombre de dépenses ne faisant pas l’objet d’une répartition précise pour les pays bénéficiaires non
membres de l’UE, et concernant notamment les étudiants étrangers, les demandeurs d’« asile » et les frais
administratifs (qui sont alors répartis approximativement en fonction des données disponibles sur le poids de la
présence francophone dans ces différentes catégories de dépenses). Par ailleurs, cette estimation ne tient pas compte
des aides destinées à Wallis-et-Futuna, archipel du Pacifique Sud comptabilisé par le gouvernement français et l’OCDE,
mais ne pouvant pourtant être pris en considération puisqu’il s’agit d’un territoire français.
À l’inverse de l’espace francophone, l’UE continue donc à s’accaparer la part du lion, avec une part se situant en général
à plus de 40 % de l’effort financier de la France, et ayant même parfois dépassé la barre des 50 %. Sur la période 2015-
2019, cette part s’est établie à 43,1 %, soit 7,2 Mds d’euros en moyenne annuelle. Ainsi, l’UE s’accapare chaque année
l’écrasante majorité des dix premières places des principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement.
En 2019, sept des dix premières places étaient donc occupées par des pays membres de l’UE, contre seulement deux
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 2
pour le monde francophone (le Cameroun, premier pays francophone n’arrivant qu’en septième position). Trois ans
plus tôt, en 2016, neuf des dix premières places étaient occupées par des pays de l’UE, contre aucune pour le monde
francophone (le Maroc, alors premier bénéficiaire francophone, n’arrivant qu’en onzième position).
Par conséquent, force est de constater que les 13 pays situés dans la partie orientale de l’UE (des pays baltes au nord à
Chypre au sud, et que l’on appellera UE-13) ont bénéficié en 2019 d’un effort financier environ 1,8 fois plus important
que l’ensemble des 27 pays francophones du Sud (soit environ 6,7 Mds d’euros, frais administratifs inclus), en dépit
d’une population près de 4 fois inférieure début 2019 (et répartie sur un espace 11 fois moins vaste), soit un volume
d’aide par habitant environ 6,5 fois supérieur. Des aides publiques qui sont, de surcroît, octroyées à des conditions plus
favorables aux pays de l’UE-13, car intégralement sous forme de dons (un sixième étant remboursable pour les pays
francophones) et non assorties de la moindre condition, directe ou indirecte, ni même ponctuelle, en matière
d’attribution de marchés.
Ainsi, et bien que peuplée de seulement 1,3 millions d’habitants, l’Estonie a reçu en 2019 une aide française au
développement de 166,6 millions d’euros, soit largement davantage (+77 %) que l’aide reçue par le Congo-Kinshasa
(93,9 millions), qui n’est autre que le premier pays francophone du monde avec ses 85,7 millions d’habitants début
2019, et dont la capitale Kinshasa est désormais la plus grande des villes francophones avec ses 15 millions d’habitants
(et ne cessant de creuser l’écart avec Paris, 11 millions d’habitants). En d’autres termes, le montant de l’aide française
par habitant reçue par ce petit pays balte a été non moins de 115 fois supérieure à celle reçue par le Congo-Kinshasa
2015 2016 2017 2018 2019
Monde francophone Union européenne
Évolution de la part du Monde francophone et de l’Union européenne
dans l’aide publique française au développement sur la période 2015-2019
Le CERMF (à partir des données de l’OCDE et de la Commission européenne, au 05/11/2021)
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 3
(ou République démocratique du Congo, RDC), soit 125,7 euros par habitant contre seulement 1,1 euro. Autre exemple
frappant, le Maroc, un des plus grands et sincères amis de la France, et modèle de développement et de bonne
gouvernance pour le monde arabe et le continent africain, a reçu une aide de 243 millions d’euros, soit bien moins que
la Pologne à laquelle a été octroyée une somme de 2,103 Mds d’euros. Et ce, pour une population à peu près égale (38
millions contre 36 début 2019 pour le royaume chérifien, qui la dépassera bientôt), et en dépit d’une politique
économique et étrangère souvent contraire aux intérêts français. Des écarts considérables que confirment d’ailleurs les
moyennes des aides reçues sur la période de cinq années 2015-2019, la Pologne ayant bénéficié d’une enveloppe
annuelle de 1,748 Md d’euros en moyenne, contre seulement 0,288 Md pour la Maroc. Quant à l’Estonie et la RDC, la
première s’est vue allouer une aide annuelle moyenne de 96 millions d’euros, contre seulement 109 millions d’euros
pour le Congo-Kinshasa. Des moyennes qui permettent d’ailleurs de constater une dégradation récente de la situation,
et non l’inverve
Les 20 premiers pays bénéficiaires de l’aide publique française au développement en 2019*
(en millions d’euros, aides bilatérales et multilatérales confondues)
* sont désignés en rouge les pays francophones (hors Belgique
et Luxembourg qui bénéficient de fonds liés aux frais de fonctionnement de l’UE).
Le CERMF (à partir des données de l’OCDE
et de la Commission européenne, au 05/11/2021)
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 4
Certes, et outre le fait que les montants indiqués pour ces deux derniers pays francophones soient légèrement sous-
évalués (car s’y ajoutent un certain nombre d’aides versées à des étudiants et demandeurs d’asile, et n’ayant pas fait
l’objet d’une répartition précise par pays), il convient de rappeler que les aides françaises au développement ne
constituent pas les seuls flux financiers en provenance de France, puisque doivent être également pris en compte les
flux en provenance des diasporas francophones vivant dans l’Hexagone, ainsi que les investissements réalisés par les
entreprises françaises dans les pays francophones. Toutefois, et à l’exception du Maroc et de la Tunisie (qui comptent
une importante diaspora en France et accueillent de nombreuses entreprises tricolores qui y ont créé des dizaines de
milliers d’emplois, directs et indirects, et paient de nombreux impôts, sous différentes formes), la prise en compte de
ces flux supplémentaires ne change rien au fait que les transferts reçus par les pays francophones demeurent très en
deçà de ceux reçus, par habitant, par chacun des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE, et qui comptent d’ailleurs
également des ressortissants en France et reçoivent divers investissements français).
Les 20 premiers pays bénéficiaires par habitant de l’aide pubique française au développement en 2019*
(en euros, aides bilatérales et multilatérales confondues et hors pays de moins d’un million d’habitants)
Le CERMF (à partir des données de l’OCDE
et de la Commission européenne, au 05/11/2021)
* sont désignés en rouge les pays francophones (selon leur
population début 2019, comme pour les autres pays, et hors Belgique
et Luxembourg qui bénéficient de fonds liés aux frais de fonctionnement de l’UE).
bilatérales et multilatérales confondues pour les pays hors UE).
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 5
Une politique irrationnelle et contraire aux intérêts de la France
Cette politique d’aide au développement est contraire à toute logique économique ou géopolitique. D’un point de vue
économique, d’abord parce que les pays de l’UE-13 s’orientent principalement et historiquement vers l’Allemagne, qui
arrive très largement en tête des pays fournisseurs de la zone, avec une part de marché d’environ 20 % chaque année
(19,5 % en 2019), contre toujours moins de 4 % pour la France, dont les aides massives reviennent donc quasiment à
subventionner les exportations allemandes. Une politique que l’on pourrait résumer par la célèbre expression «
travailler pour le roi de Prusse », qui semble être désormais la doctrine de la politique étrangère de la France….
Ensuite, parce que toutes les études économiques démontrent que les échanges peuvent être bien plus importants
entre pays et peuples partageant une même langue. À ce sujet, un seul exemple suffit à prouver l’impact économique
du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes
américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse générée dans un pays
francophone au profit de l’économie locale finit par être intégrée en bonne partie au circuit économique d’autres pays
francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone
de coprospérité », qui est d’ailleurs une des traductions possibles du terme Commonwealth. Ce lien linguistique
explique également en bonne partie la position globalement encore assez bonne de la France en Afrique francophone,
dont elle demeure le second fournisseur en dépit d’un certain manque d’intérêt, avec une part de marché globale
estimée à 11,5 % en 2019, derrière la Chine, 15,6 %. Une part largement supérieure à celle de l’Allemagne, estimée à
3,9 %, et qui arrive même derrière l’Espagne (7,3 % et troisième fournisseur), l’Italie et les États-Unis (5,5 %
respectivement).
Europe orientale (13 pays) Afrique francophone (25 pays) Afrique subs. francophone (22 pays)
France Allemagne Chine
Parts de marché de la France, de l’Allemagne et de la Chine1
en Europe orientale et en Afrique francophone2 en 2019
1. Hong Kong inclus.
2. Estimations pour l’Afrique francophone.
Le CERMF (à partir des données du Comtrade,
de l’OMC et du CIA World Factbook, au 05/11/2021)
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 6
Enfin, parce que c’est dans cette même Afrique francophone qu’il convient d’investir massivement, d’une part afin de
tirer pleinement profit des opportunités et du dynamisme que l’on trouve dans ce vaste ensemble de 25 pays, partie
globalement la plus dynamique économiquement du continent et un de principaux relais de la croissance mondiale, et
d’autre part car c’est bien en accélérant l’émergence économique de cet ensemble qu’augmentera encore plus
fortement le nombre d’apprenants du français à travers le monde, et ce, au bénéfice économique et géopolitique de la
France, mais aussi au bénéfice de tous les pays francophones du monde.
Et pour ce qui est du niveau géopolitique, justement, le caractère irrationnel de la politique française d’aide au
développement s’explique également par le fait que l’écrasante majorité des pays de l’UE, malgré les aides massives
versées chaque année par l’Hexagone, vote régulièrement contre les positions françaises au sein des grandes instances
internationales, et ce, au profit des États-Unis et contrairement à la majorité des pays francophones qui partage avec
la France nombre de valeurs et d’orientations communes en matière de politique étrangère, et dont il convient alors
d’accroître le poids.
Ainsi, l’intérêt pour la France de consacrer une part aussi importante de ses aides et de son énergie aux pays de l’UE-
13 se révèle donc extrêmement marginal, en comparaison avec les avantages économiques et géopolitiques qu’elle
tirerait d’une nouvelle répartition plus favorable aux pays du monde francophone. En d’autres termes, la
prépondérance européenne dans les aides au développement ne fait incontestablement qu’affaiblir la France au niveau
international, tant économiquement que géopolitiquement (les deux étant d’ailleurs, à terme, étroitement liés).
Certes, la France est une grande puissance mondiale, la deuxième ou troisième tous critères de puissance confondus
(capacités militaires, économie, technologie, influence géopolitique et culturelle, territoire maritime…). Des critères qui
doivent d’ailleurs toujours être pris en compte dans leur ensemble afin de pouvoir correctement apprécier le poids d’un
pays (tout comme l’on compare toujours les élèves d’une même classe sur l’ensemble des matières étudiées, et non
sur une seule d’entre elles). La France est territorialement présente sur quatre continents et militairement sur cinq
continents, notamment grâce aux « DOM-TOM » (ce qui n’est pas le cas de la Russie, par exemple). Grâce à sa vaste
zone économique exclusive (ZEE), la seconde plus vaste au monde avec des 10,2 millions de km2, elle compte non moins
de 34 pays frontaliers à travers la planète (dont 23 uniquement par mer), ce qui constitue un record mondial, devant le
Royaume-Uni (25 pays) et les États-Unis (18 pays). En tant que puissance mondiale, la France se doit donc d’être
financièrement présente sur tous les continents, y compris en Europe. Mais afin de consolider ce statut, la France doit
privilégier le vaste monde francophone, où le retour sur investissement est bien supérieur, à travers les grandes
opportunités économiques qu’il présente désormais, et grâce à sa contribution considérable à l’augmentation du
nombre d’apprenants du français à travers le monde, du fait de sa double émergence démographique et économique
(le monde francophone venant d’ailleurs de dépasser démographiquement l’ensemble UE – Royaume-Uni, avec une
population estimée à 524 millions d’habitants début 2021, contre 514 millions, et ayant dépassé quelques années plus
tôt l’espace hispanophone, 470 millions d’habitants). Occasion de rappeler, au passage, que l’espace francophone est
près de quatre fois plus vaste que l’UE tout entière, contrairement à ce qu’indiquent la plupart des cartes géographiques
en circulation, qui en divisent la superficie par deux ou par trois). La langue étant le principal vecteur d’influence
culturelle, avec, in fine, d’importantes répercussions économiques et géopolitiques, la France doit donc investir
prioritairement dans son espace linguistique afin d’amplifier la progression de la langue française dans le monde, aussi
bien au bénéfice de ses propres intérêts que de ceux de l’ensemble des pays et peuples francophones du monde.
L’Afrique francophone subsaharienne, un espace de plus en plus propice à l’investissement
La priorisation du monde francophone est d’autant plus justifiée que la majorité des pays francophones du Sud ont
réalisé de grandes avancées en matière de bonne gouvernance, et qui ont contribué à faire de l’Afrique subsaharienne
francophone la partie la plus dynamique économiquement et la moins endettée du continent africain, dont elle
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 7
continue à être le moteur de la croissance. Ainsi, et malgré la pandémie, cet ensemble de 22 pays a globalement réalisé
en 2020 les meilleures performances économiques du continent pour la septième année consécutive et la huitième fois
en neuf ans. Sur la période 2012-2020, soit neuf années, la croissance annuelle de cet ensemble s’est ainsi établie à 3,5
% en moyenne (4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, dont la production pétrolière a baissé presque
aussi vite qu’elle n’avait augmenté au début des années 2000), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
Pour rappel, et juste avant la pandémie, la croissance globale annuelle s’était établie à 4,2 % pour l’Afrique
subsaharienne francophone sur la période 2012-2019 (4,7 % hors Guinée équatoriale), et à 2,8 % pour le reste de
l’Afrique subsaharienne.
De son côté, l’espace UEMOA constitue depuis plusieurs années la plus vaste zone de forte croissance du continent,
avec une hausse annuelle globale du PIB de 5,6 % en moyenne sur la période de neuf années 2012-2020 (et 6,3 % sur
la période 2012-2019). Une grande performance compte tenu du fait que cette région ne constitue pas la région la plus
pauvre du continent, place occupée par l’Afrique de l’Est. Ainsi, la Côte d’Ivoire, qui a affiché une croissance de 7,4 %
en moyenne sur la période 2012-2020, soit la deuxième plus forte progression au monde (et la plus importante pour la
catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), est récemment devenue le pays le
plus riche d’Afrique de l’Ouest continentale, en réussissant notamment l’exploit de dépasser le Nigeria, dont la
production pétrolière est environ 50 fois supérieure (avec un PIB par habitant de 2 326 dollars pour la Côte d’Ivoire
début 2021, contre 2 097 dollars, selon la Banque mondiale). Le Nigeria devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le
Sénégal, et à moyen terme par le Cameroun, qui réalisent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés
(et qui affichent un PIB par habitant de 1 488 et de 1 499 dollars, respectivement, et loin de pays comme l’Éthiopie ou
le Rwanda, où il s’établit à 936 et 798 dollars, respectivement). Parallèlement, la Côte d’Ivoire, qui continue à creuser
l’écart avec le Kenya (1 838 dollars, et pays le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti, pays
francophone), est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire disposant d’une production globalement
assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à
savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins
de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également
le Honduras, dont le PIB par habitant s’établissait à 2 406 dollars début 2021.
Pour sa part, et grâce notamment à de nombreuses réformes, le Niger n’est désormais plus le pays le plus pauvre
d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (565 dollars par habitant début 2021, contre 484
dollars). De plus, le pays pourrait dès cette année dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (583 dollars). Le
Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasserait désormais
non moins de 15 pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim
(plus fiable sur ce point que l’ONU qui place systématiquement – et étrangement – le Niger, au taux de fécondité le plus
élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est pourtant réputé
être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée…).
Désormais, seul un des quatre pays les plus pauvres du continent est francophone, à savoir le Burundi, qui se trouve
aux côtés du Soudan du Sud, de la Somalie et du Mozambique, trois autres pays d’Afrique de l’Est, qui constitue
également la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les
conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la
Somalie). À ces conflits, s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du
Mozambique…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles avaient déjà provoqué la mort de
nombreuses personnes avant même le début de la guerre civile, fin 2020 (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant
des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an).
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 8
Quant à l’endettement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure la partie la moins endettée du continent, avec
un taux global de dette publique qui devrait s’établir à 49,4 % du PIB fin 2021, selon le FMI (58,4 % pour l’ensemble de
l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés, ainsi
qu’à celui du reste de l’Afrique subsaharienne qui devrait se situer à 62,3 % (68,3 % pour l’ensemble de l’Afrique non
francophone). Il est également à noter que seuls deux ou trois pays francophones font chaque année partie des dix pays
les plus endettés du continent, et qu’aucun d’entre eux ne fait partie des cinq les plus endettés.
Enfin, les pays francophones sont globalement moins inégalitaires. La République centrafricaine serait même le seul
pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (selon les données de la Banque mondiale relatives
à l’indice GINI, qui est toutefois insuffisamment fiable faute de données assez récentes).
La progression de l’Afrique subsaharienne francophone résulte notamment des nombreuses réformes accomplies par
la majorité des pays en matière de diversification et d’amélioration du climat des affaires. Sur ce dernier point, certains
pays ont ainsi réalisé un bon considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale, et notamment le
Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la
123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place) et qui talonne ainsi désormais le Nigeria (131e), et fait
largement mieux que l’Angola (177e) ou encore que l’Éthiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile).
Au nom de ses propres intérêts, la France doit donc porter une attention plus importante au monde francophone, à
travers une répartition plus favorable à celui-ci de ses aides publiques au développement. Une nouvelle répartition qui
pourrait au minimum prendre la forme d’un rééquilibrage entre l’Union européenne et le monde francophone,
Afrique subs. francophone Afrique subs. non francophone
Afrique subs. francophone hors Guinée équatoriale
Évolution de la croissance économique sur la période 2012-2020 (9 années)
PIB aux prix du marché (USD constants 2010) Le CERMF (à partir des données de la Banque mondiale, au 15/09/2021)
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 9
et qui permettrait au moins à la France de renforcer ses positions dans les pays francophones du Sud, et en particulier
dans ceux où elle est assez faiblement présente. Et ce, comme en RDC, grand pays stratégique qui n’est autre que le
premier francophone du monde avec ses 93 millions d’habitants, et où la quasi-absence de la France constitue
probablement la meilleure illustration du manque d’intérêt de celle-ci pour l’espace francophone. En effet, la part de
la France dans le commerce extérieur de la RDC, vaste comme plus de la moitié de l’UE, s’est établie à seulement 0,5 %
en 2020 (comme en 2018), très largement derrière la Chine dont la part se situe chaque année autour de 30 % (36 %
en 2020). Et comme les années précédentes, la RDC est arrivée bien au-delà de la 100e position dans le classement
mondial des partenaires commerciaux de l’Hexagone, dont elle n’a représenté que 0,02 % du commerce extérieur (soit
seulement 1 cinq-millième du total). Ce désintérêt de la France se traduit également au niveau de la part des étudiants
originaires du pays dans l’ensemble des étudiants présents en France (0,6 % du total pour l’année universitaire 2018-
2019, et seulement 1,3 % des étudiants africains), de la part du pays dans les aides françaises au développement (0,5
% en 2019, et très majoritairement par la voie multilatérale, ce qui témoigne de l’extrême faiblesse des relations
directes entre les deux pays), ou encore au niveau de la part infime des projets y étant réalisés par les collectivités et
structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée en Afrique (< 2 %). La France pourrait
pourtant, et sans grande difficulté, accroître sa présence en RDC, dont la forte dépendance vis-à-vis de la Chine risque
de nuire, à terme, à la souveraineté et aux intérêts du pays (la Chine a absorbé 41 % des exportations de la RDC, dont
elle est également devenue le principal créancier bilatéral).
Aides publiques
monde
Aides publiques
hors UE
Coopération
décentralisée en
Afrique*
Étudiants
étrangers
Étudiants
africains
Commerce
extérieur
La France et la RDC en 2019 :
une relation quasi inexistante entre les deux premiers pays francophones du monde.
(part de la RDC en pourcentage)
Le CERMF (à partir des données de l’OCDE, de la Commission
européenne, du Sénat, de Campus France et du Comtrade)
* projets réalisés dans la seule Afrique
par les collectivités et structures intercommunales.
Le monde francophone n’a reçu que 20,5 % des aides françaises au développement en 2019 10
Des perspectives peu encourageantes
Les dernières évolutions de la politique française d’aide au développement ne permettent guère de déceler un réel
changement d’attitude, et encore moins de paradigme, de la part des autorités françaises. En effet, les récentes
augmentations du volume d’aide annoncées pour les années 2020 et 2021 ne changent pratiquement rien à la donne,
car accompagnées d’une forte hausse parallèle de la contribution nette de la France au budget de l’UE, qui a augmenté
de non moins de 23 % en 2020 (pour un total de 9,5 Mds d’euros), et ce afin de compenser la sortie du Royaume-Uni
ainsi que la réduction exigée par certains pays d’Europe de l’Ouest de leur contribution au budget de l’UE
(les « Rabais »).
De toute façon, tant que le monde francophone continuera à ne recevoir qu’un cinquième ou un sixième du total des
aides versées par l’Hexagone à des pays tiers, et tant que l’espace composé par les pays francophones du Sud recevra
proportionnellement à sa population six, sept ou huit fois moins d’aides que l’ensemble composé par les pays de la
partie orientale de l’UE, toutes les déclarations officielles en faveur de la « francophonie » ou de la « francophonie
économique » ne seront guère à prendre au sérieux.
Mais toute redéfinition en faveur du monde francophone de la politique française d’aide au développement, au nom
des intérêts économiques et géopolitiques de la France, grande puissance engluée, anesthésiée, par les obligations liées
à son appartenance à l’UE, ne pourra se faire qu’à travers une redéfinition en profondeur du fonctionnement de celle-
ci. Voire, si nécessaire, une sortie pure et simple de la France de cet ensemble qui ne fait que l’épuiser financièrement
et l’affaiblir, en l’éloignant du monde francophone, et donc en l’alignant sur les intérêts économiques de l’Allemagne
et économico-géopolitiques des États-Unis (notamment à travers une politique hostile à la Russie et une anglicisation
forcenée, à laquelle échappent, à leur plus grand bénéfice, la Chine, la Russie et bien d’autres puissances).
Cet éloignement vis-à-vis du monde francophone et ce repli de la France sur l’UE, ont notamment pour conséquence,
in fine, une grande méconnaissance de ce vaste espace de la part de la population française, qui en ignore pratiquement
tout. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française ne sait rien des Jeux de la Francophonie qui se
sont tenus en 2017 à Abidjan (contraste frappant avec la couverture médiatique dont jouissent les Jeux du
Commonwealth au Royaume-Uni), de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire (qui n’est
autre que le plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome), du concours
musical « The Voice Afrique francophone » (qui fût dans sa saison 2016-2017, relayée par certains médias nationaux
africains, le plus grand concours musical au monde en termes d’audience cumulée, avec son équivalent arabophone),
ou encore du peuple acadien, que bon nombre de Français situent en Louisiane…
Or, cette large méconnaissance du monde francophone et de sa dimension mondiale, et outre le fait de faire perdre à
nombre d’investisseurs et de représentants de la société civile de multiples opportunités d’échange et de partenariat
mutuellement bénéfiques, a pour conséquence préjudiciable de réduire considérablement l’attachement des Français
à leur langue. Eux, qui n’ont jamais été si peu intéressés par la promotion et la diffusion de celle-ci à travers le monde,
alors même qu’elle n’a jamais été autant parlée et apprise. Et ce, au grand étonnement des francophones extra-
européens, auxquels est aujourd’hui entièrement attribuable la progression constante de l’apprentissage du français
hors espace francophone, face à une France qui est désormais clairement un frein, et même un obstacle, en la matière
(et dont l’inconscience des graves conséquences économiques et géopolitiques de pareille attitude irresponsable
dénote une certaine immaturité). Une ignorance française au sujet de l’espace francophone qui s’oppose d’ailleurs à la
plus grande culture qu’ont les Britanniques de leur espace linguistique, et qui explique en bonne partie leur
attachement viscéral à leur langue, à sa défense et à sa diffusion.
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Au nom de leurs propres intérêts, les francophones situés en dehors du continent européen ne doivent donc pas suivre
le mauvais exemple de la France en matière de promotion de la langue française, pour s’inspirer plutôt du modèle
québécois (et britannique) et faire respecter leur langue commune au sein des différentes organisations régionales et
internationales, politiques, économiques, culturelles et sportives, dont ils font partie ou avec lesquelles ils sont en
étroite collaboration (et notamment au niveau de l’Union africaine et dans le cadre de leurs relations avec l’Union
européenne, d’autant plus que l’Afrique francophone est la partie la plus dynamique économiquement, la moins
endettée, la plus stable et la moins violente du continent).
À bien des niveaux, la France devrait donc s’inspirer du Royaume-Uni qui a toujours su faire preuve de pragmatisme,
d’intelligence stratégique et de vision à long terme en privilégiant constamment son espace géolinguistique, dès les
années 1 600 (quatre fois moins peuplée que la France d’alors, l’Angleterre, qui était pourtant très souvent engagée en
Europe à travers de nombreuses guerres, investissait proportionnellement, et hors dépenses militaires, environ 30 fois
plus que la France dans ses modestes territoires d’Amérique du Nord, très majoritairement française à l’époque…). Et
ce, face à une France irrégulière, et qui a toujours fini par payer lourdement ses périodes d’irrationnelle obsession
européiste.
Le 17 novembre 2021
Le CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
91, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris
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Les dix pays africains les plus endettés fin 2021
Certains pays africains connaissent un niveau d’endettement particulièrement élevé, et qui devrait même dépasser en fin d’année 2021 la barre symbolique des 100 % du PIB pour sept d’entre eux. Avec une stabilisation de sa dette globale au cours de cette même année, l’Afrique francophone demeure la partie la moins endettée du continent, notamment du fait du dynamisme économique de la majorité de ses pays.
Selon les dernières statistiques et prévisions du FMI, publiées au cours de ce mois d’octobre, les dix pays africains qui devraient afficher le taux d’endettement le plus élevé fin 2021 sont les suivants : le Soudan, avec une dette publique équivalant à 209,9 % du PIB, l’Érythrée (175,1 %), le Cap-Vert (160,7 %), le Mozambique (133,6 %), l’Angola (103,7 %), la Zambie (101,0 %), Maurice (101,0 %), l’Égypte (91,4 %), la Tunisie (90,2 %) et la République du Congo (ou Congo-Brazzaville, 85,4 %).
Les « constantes » et les nouveautés du classement
Le classement des pays les plus endettés du continent demeure donc dominé par le Soudan, pays d’Afrique de l’Est connaissant une grave crise économique et en période de transition politique depuis le coup d’État d’avril 2019. Une situation regrettable pour un pays qui jouit d’un potentiel économique important, en étant abondamment irrigué par le Nil (le plus long des fleuves africains) et ses affluents, ou encore en étant le troisième producteur d’or du continent (après le Ghana et l’Afrique du Sud) ainsi qu’un producteur, modeste mais non négligeable, de pétrole. Il est d’ailleurs à noter que le Soudan fait désormais partie des pays africains les plus pauvres, avec un PIB par habitant de seulement 595 dollars début 2021, selon la Banque mondiale.
Tout en demeurant à un niveau extrême, le taux d’endettement du Soudan a toutefois connu une baisse significative au cours de l’année 2021, puisqu’il devrait s’établir en fin d’année à 209,9 % du PIB, après avoir atteint un niveau de 272,9 % fin 2020. Cette réduction spectaculaire, mais encore largement insuffisante, est due à l’annulation d’une partie de la dette soudanaise en juillet dernier, lorsque les pays du Club de Paris avaient décidé d’effacer 14,1 des 23,5 milliards de dollars leur étant dus (sur un total de 56 milliards de dette soudanaise, toutes origines confondues). La France, un des principaux créanciers du pays, avait alors confirmé sa décision, annoncée lors d’un sommet international de soutien au Soudan organisé à Paris au mois de mai, d’annuler l’intégralité de la dette contractée auprès d’elle, et s’élevant à cinq milliards de dollars (soit un peu plus du tiers du volume global de l’annulation).
La gravité de la situation économique du Soudan s’est notamment traduite par la forte dépréciation de la monnaie nationale, la livre soudanaise, qui a été dévaluée de 85 % en février 2021. Par ailleurs, cette situation n’est pas non plus sans conséquences sur la politique étrangère du pays, et est probablement en partie à l’origine de deux décisions majeures ayant été prises au cours de l’année 2020, à savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec Israël en vue d’un rapprochement avec les États-Unis (et de la levée des sanctions américaines qui ont longuement frappé l’économie du pays, accusé de soutenir le terrorisme). Si l’application de l’accord avec la Russie n’avait pas été ensuite de facto suspendue, depuis la normalisation des relations avec les États-Unis, elle aurait fait du Soudan le premier pays africain à abriter une base militaire russe officielle (qui se serait ajoutée à une présence militaire non officielle, à travers l’armée de mercenaires de la compagnie Wagner). Quant à la seconde décision, localement impopulaire, elle a fait du pays le premier pays arabo-africain non frontalier à nouer des relations diplomatiques avec l’État hébreu.
Pour sa part, l’Angola continue à faire partie des cinq pays les plus endettés du continent. Une situation assez surprenante pour un pays qui dispose de gigantesques richesses naturelles, et en particulier en pétrole et en diamants pour lesquels il est le deuxième producteur continental (après le Nigeria et le Botswana, respectivement). Toutefois, et malgré ses atouts, l’Angola connaît aussi un déclin économique depuis quelques années, faute d’une gestion sérieuse des revenus colossaux amassés au cours des deux dernières décennies, et qui se manifeste notamment par l’absence de diversification de l’économie du pays, qui repose lourdement sur les activités extractives (les hydrocarbures et les industries minières étant à l’origine de non moins de 98 % des exportations nationales).
Du fait de cette mauvaise gouvernance, qui a empêché le pays de faire face à la baisse du cours des hydrocarbures observée ces dernières années et à l’épuisement progressif de certains gisements, l’Angola a enregistré une croissance annuelle négative de -1,6 % en moyenne, selon la Banque mondiale, sur la période de six années allant de 2015 à 2020, soit un taux largement inférieur à celui de sa croissance démographique (3,2 % en moyenne sur la même période). Par conséquent, le pays vient par exemple de se faire dépasser en richesse par habitant par la Côte d’Ivoire, dont la production pétrolière est environ 30 fois inférieure, mais qui peut s’appuyer sur une économie bien plus diversifiée, et qui lui avait d’ailleurs permis de devancer récemment le Nigeria, l’autre grand pays pétrolier du continent (avec une production environ 50 fois supérieure). Par ailleurs, il est à noter que l’évolution économique de l’Angola s’est également traduite par une baisse de 84 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014, dont l’ampleur rappelle la forte dévaluation récemment subie par la monnaie soudanaise… Et avec à la clé, là aussi, une forte inflation et une forte dollarisation de l’économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).
À l’instar de l’Angola, la Zambie demeure elle aussi bien installée dans la liste des pays africains les plus endettés, en dépit, là encore, des grandes ressources du pays, qui est notamment le deuxième producteur africain et le huitième mondial de cuivre. Toutefois, et faute de bonne gouvernance, la Zambie continue à ne pas réellement tirer profit de son potentiel, et avait même attiré les projecteurs de la presse internationale au second semestre de l’année 2020 en devenant le premier pays africain à faire défaut sur le remboursement de sa dette (majoritairement contractée auprès de la Chine, comme pour l’Angola). Outre le Soudan, l’Angola et la Zambie, l’Érythrée, le Cap-Vert, le Mozambique et l’Égypte continuent également à faire partie des pays dont la présence est bien enracinée au sein du groupe des dix pays les plus endettés du continent.
Côté nouveautés, la Tunisie devrait faire une entrée remarquée et historique dans ce groupe des dix, avec un niveau d’endettement passant de 89,7 % à 90,2 % du PIB. Une situation qui résulte de l’instabilité politique et de la grave crise économique qui ont touché le pays au cours de la dernière décennie, depuis la révolution tunisienne de janvier 2011. Autrefois considéré comme un modèle de développement économique et social pour l’ensemble de l’Afrique et du monde arabe, en dépit de certaines lacunes, parfois exagérées, la Tunisie a en effet connu une décennie perdue en enregistrant une croissance économique annuelle de seulement 0,7 % en moyenne sur la période de dix années 2011-2020. Par ailleurs, ce pays d’Afrique du Nord, qui jouissait auparavant d’une excellente réputation auprès des marchés financiers internationaux, sans égal sur le continent en dehors de l’Afrique du Sud de l’époque, n’est aujourd’hui plus en mesure de lancer le moindre emprunt obligataire à des conditions optimales (taux d’intérêt bas et proche de ceux dont bénéficient certains pays développés). Ce qui pousse le pays à recourir au FMI et à la Banque mondiale, et/ou à solliciter la garantie financière d’une grande puissance étrangère.
L’autre évolution notable dans ce dernier classement du FMI réside dans l’amélioration significative de la position du Congo-Brazzaville, qui devrait passer de la septième place fin 2020 à la dixième place fin 2021, et qui devrait même quitter de nouveau la liste des dix pays les plus endettés du continent d’ici à la fin de l’année 2022. Si les efforts du pays en matière d’assainissement des finances publiques sont à saluer, il convient désormais que les autorités s’attellent à réaliser de profondes réformes économiques, à travers la diversification des sources de revenus et l’instauration d’un cadre plus propice aux investissements. Le Congo-Brazzaville devrait notamment s’inspirer du Gabon voisin, avec lequel il partage nombre de points communs (caractéristiques géographiques et climatiques, production pétrolière significative, faible population…) et dont les grandes réformes de ces dernières années ont permis au pays de devenir récemment le plus riche du continent, en dépassant le Botswana en termes de richesse par habitant (et hors pays de taille et de population particulièrement réduites, à savoir les Seychelles, Maurice et la Guinée équatoriale).
Enfin, Maurice, récent nouveau venu qui avait fait son entrée parmi les dix pays les plus endettés du continent au cours de l’année 2019, selon les données révisées du FMI, continue à souffrir de l’effondrement du tourisme international, suite à la pandémie. Le pays devrait continuer un certain temps à avoir un niveau d’endettement assez élevé, au moins à court terme (et prévu à 99,8 % pour fin 2022).
L’Afrique francophone demeure la partie la moins endettée du continent
Trois pays francophones devraient donc terminer l’année parmi les dix pays africains les plus endettés, le premier n’arrivant qu’à la septième position, en l’occurrence Maurice (considéré comme à la fois francophone et anglophone, pour avoir connu dans le passé une double présence française et britannique, successivement), suivi par la Tunisie (9e) et le Congo-Brazzaville (10e). Une situation semblable à celle des années précédentes, au cours desquelles deux à trois pays francophones se trouvaient aussi dans la seconde moitié de la liste.
Plus globalement, l’Afrique francophone demeure la partie la moins endettée du continent, avec un taux d’endettement global prévu à 58,4 % du PIB fin 2021 pour cet ensemble de 25 pays, et à 49,4 % pour sa partie subsaharienne composée de 22 pays. Pour le reste du continent, le taux devrait s’établir à 68,3 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone, et à 62,3 % pour sa partie subsaharienne. Le niveau d’endettement de l’Afrique francophone, qui demeure d’ailleurs largement inférieur à celui de la majorité des pays développés, s’est ainsi globalement stabilisé en 2021, avec une légère hausse de 0,8 point de pourcentage (et 0,3 point pour sa partie subsaharienne). Quant à celui du reste du continent, il devrait connaître une baisse de 2,0 points pour l’ensemble de l’Afrique non francophone (et 2,8 points pour sa partie subsaharienne). Une diminution qui s’explique principalement par la forte hausse enregistrée en 2020, lorsque le niveau d’endettement avait progressé de 9,6 points (contre 7,9 points pour l’Afrique francophone), et de 9,2 points pour la partie subsaharienne (5,4 points pour l’Afrique subsaharienne francophone).
Cette assez bonne maîtrise de la dette, globalement, résulte notamment de la forte croissance économique que connaissent la plupart des pays d’Afrique subsaharienne francophone. Celle-ci constitue d’ailleurs la zone la plus dynamique – et historiquement la plus stable – du continent, dont elle a enregistré en 2020 les meilleures performances économiques pour la septième année consécutive et pour la huitième fois en neuf ans. Sur la période 2012-2020, la croissance annuelle de cet ensemble de 22 pays s’est ainsi établie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme qui est d’ailleurs particulièrement élevé au sein de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 5,6 % en moyenne sur cette même période de neuf années. Une grande performance, d’autant plus que cet espace ne constitue pas la région la plus pauvre du continent, place occupée par l’Afrique de l’Est.
Cette progression résulte elle-même des nombreuses réformes accomplies par la majorité des pays francophones, et notamment en matière de bonne gouvernance, de diversification et d’amélioration du climat des affaires. Sur ce dernier point, certains pays ont ainsi réalisé un bon considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place). Ce dernier, qui est sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent en termes de richesse par habitant, et qui dépasserait désormais non moins de 15 pays africains en matière de développement humain (selon le classement de la fondation Mo Ibrahim, plus fiable sur ce point que l’ONU qui place systématiquement – et étrangement – le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est réputé être le moins développé du continent – avec la Somalie, non classée), talonne ainsi désormais le Nigeria (131e), et fait largement mieux que l’Angola (177e) ou encore que l’Éthiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile).
Globalement, l’Afrique francophone a donc été mieux armée pour faire face à la crise majeure qui secoue le monde depuis début 2020, et financer le redémarrage de l’économie. Selon les dernières prévisions du FMI, cet ensemble devrait d’ailleurs globalement afficher de nouveau les meilleures performances économiques du continent en 2021, alors même qu’il avait connu un ralentissement bien moins important au plus fort de la pandémie, en 2020. Certes, le niveau d’endettement n’est pas le seul élément qui compte, mais il demeure incontestablement l’un de ceux ayant les conséquences les plus importantes.
Selon les données récemment publiées par la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire affichait un PIB par habitant de 2 326 dollars début 2021, dépassant ainsi désormais l’Angola dont la richesse par habitant, en baisse depuis quelques années, s’établissait à 1 896 dollars. Par ailleurs, la Côte d’ivoire continue à creuser l’écart avec le Nigeria (2 097 dollars) ou encore avec le Kenya (1 838 dollars).
Une grande performance due à une croissance record
Cette évolution constitue un véritable exploit pour la Côte d’Ivoire, dont les activités extractives (hydrocarbures et industries minières) demeurent encore assez modestes, notamment par rapport à l’Angola. Ce pays, à la population comparable (33 millions d’habitants contre 27 millions pour la Côte d’Ivoire), est en effet le deuxième producteur africain de diamants, après le Botswana (et le quatrième mondial), ainsi que le deuxième producteur de pétrole avec une production qui se situe encore, et malgré une baisse régulière ces dernières années, à environ 1,2 million de barils par jour, contre environ 35 mille seulement pour la Côte d’Ivoire. Une faible production ivoirienne qui est également très loin derrière celle du Nigeria (près de 2 millions de barils/jour, soit environ 50 fois plus), qu’elle avait aussi et récemment dépassé, et qui devrait également, tout comme l’Angola, être bientôt devancé par le Sénégal et le Cameroun, qui affichent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés.
L’importante progression de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de neuf années allant de 2012 à 2020, période suffisamment longue pour pouvoir établir des comparaisons internationales, la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, avec une croissance annuelle de 7,4 % en moyenne. Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012. La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, qui a connu une croissance annuelle de 8,9 % en moyenne. Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 936 dollars début 2021 (soit au début de l’actuelle guerre civile).
De son côté, et sur cette même période de neuf années, l’Angola a enregistré une croissance de seulement 0,9 % en moyenne annuelle, tandis que le Nigeria a affiché une progression annuelle de 2,3 %. De même, il est à noter que la croissance ivoirienne a également été largement supérieure à celle de l’Afrique du Sud, géant minier du continent (premier producteur africain de charbon, de fer, de manganèse ou encore de nickel, deuxième producteur d’or…), et dont la hausse annuelle moyenne du PIB s’est établie à seulement 0,4 % sur la période.
Par ailleurs, il est à signaler que la Côte d’Ivoire est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire (et le seul encore aujourd’hui) disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, du moins jusqu’à présent, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant se situait à 2 406 dollars.
Dans un autre registre, il est à noter que les performances économiques de la Côte d’Ivoire se sont accompagnées d’une maîtrise de l’endettement, avec un niveau de dette publique qui s’établissait à seulement 45,7 % du PIB début 2021, selon le FMI, contre non moins de 127,1 % pour l’Angola, quatrième pays le plus endetté d’Afrique malgré ses énormes richesses. Le niveau d’endettement de la Côte d’Ivoire demeure également largement inférieur à celui de pays comme l’Afrique du Sud (77,1 %), le Ghana (78,0 %) ou encore le Kenya (68,7 %).
Enfin, la forte croissance de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’un bon contrôle de l’inflation, qui s’est située à seulement 0,8 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2019 (8 années), contre non moins de 16,3 % et 11,6 % pour l’Angola et le Nigeria, respectivement. Deux pays dont les populations les plus fragiles ont été grandement pénalisées par la forte hausse du prix des produits de base. Les graves difficultés économiques de l’Angola et du Nigeria se sont notamment traduites par une importante dépréciation de leur monnaie nationale, qui ont respectivement perdu environ 85 % et 60 % de leur valeur face au dollar depuis 2014 (et, depuis sa création, plus de 99 % de sa valeur pour la monnaie nigériane). Une situation qui a notamment pour conséquence une forte dollarisation de l’économie de ces deux pays, c’est-à-dire une large utilisation du dollar pour les transactions économiques au détriment de la monnaie nationale, considérée comme risquée.
Réformes et diversification active
Les résultats de la Côte d’Ivoire s’expliquent par les profondes réformes réalisées par le pays afin d’améliorer le climat des affaires et d’attirer les investisseurs, ainsi que par une politique de diversification des sources de revenus et de grands travaux d’infrastructure.
Suite à de nombreuses réformes administratives, juridiques et fiscales, la Côte d’Ivoire a réussi à instaurer un cadre propice à l’entreprenariat local et aux investissements étrangers. Le pays a ainsi fait un bond considérable dans le classement international relatif au climat des affaires, publié chaque année par la Banque mondiale, en passant de la 167e place en 2012 à la 110e pour l’année 2020. Même si elle demeure moins bien classée que des pays comme le Maroc (53e) ou l’Afrique du Sud (84e), la Côte d’Ivoire fait toutefois désormais largement mieux que le Nigeria (131e), l’Angola (177e) ou encore l’Éthiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile). Au passage, il convient de rappeler que la maîtrise de l’inflation, élément ayant une incidence certaine sur l’environnement des affaires, n’est hélas pas prise en compte dans l’élaboration du classement annuel de la Banque mondiale, ce qui n’est pas à l’avantage de la Côte d’Ivoire où l’inflation est bien plus faible que dans les pays précédemment cités.
Ces réformes se sont accompagnées de la réalisation de grands travaux à travers le pays (routes, ponts, transports publics – comme le futur tramway d’Abidjan, centrales électriques, réseaux de télécommunications, logements sociaux…), ainsi que d’une politique active de diversification des sources de revenus, en s’appuyant notamment sur le développement du secteur agricole, des industries de transformation, ou encore de la production d’électricité. Déjà premier producteur mondial de cacao depuis longtemps, la Côte d’Ivoire s’est ainsi également hissée au cours de la dernière décennie au premier rang mondial pour la production de noix de cajou, et au premier rang africain (et quatrième mondial) pour le caoutchouc naturel, dont elle assure désormais près de 80 % de la production continentale, suite à un quintuplement de la production nationale. Le pays est également le second producteur africain d’huile de palme (derrière le Nigeria), et est récemment devenu le deuxième producteur continental de coton (après le Bénin). Par ailleurs, le pays dispose d’un secteur halieutique assez important, étant notamment le premier producteur africain de thon.
Parallèlement à la hausse de la production agricole, le pays a également porté une attention particulière à la transformation locale de la production, source d’une valeur ajoutée bien plus importante pour le pays, dont elle contribue également à l’industrialisation. Ainsi, et grâce à la multiplication des usines de transformation, encouragées par un cadre propice à l’investissement, la Côte d’Ivoire transforme aujourd’hui localement (tous stades de transformation confondus) les deux tiers de sa production de caoutchouc naturel et de thon, près du quart de sa production de cacao et environ 12 % sa production de noix de cajou. Le pays a d’ailleurs pour objectif d’augmenter encore ces niveaux de transformation locale, et notamment dans les filières cacao et noix de cajou, pour lesquelles il espère atteindre un niveau de 50 % d’ici 2025. Très récemment, en juin dernier, la plus grande des usines de transformation de noix de cajou du pays vient justement d’entrer en production. Une usine qui se distingue comme étant la plus moderne du monde dans son domaine, avec un taux d’automatisation de plus de 90 %, et qui devrait même devenir la plus grande usine de transformation au monde après la construction d’une unité de valorisation des coques pour la production d’électricité.
La production d’électricité est d’ailleurs un des domaines dans lesquels le pays a fortement investi au cours de la dernière décennie, avec pour résultat une hausse de deux tiers de la production nationale (assortie d’une part grandissante pour les énergies renouvelables : solaire, biomasse, hydroélectricité…). Disposant désormais du troisième plus grand système de production électrique du continent, selon la Banque mondiale, le pays est même devenu un des principaux exportateurs en la matière à l’échelle continentale, acheminant environ 11 % de sa production vers six pays d’Afrique de l’Ouest. Au niveau national, le taux de couverture est passé de 33 % des localités ivoiriennes début 2012 à plus de 75 % aujourd’hui, couvrant ainsi plus de 90 % de la population (même si une partie minoritaire de la population de ces localités ne bénéficie pas encore de l’électricité à domicile).
L’électrification du pays constitue en effet un élément de grande importance pour la réussite de toute politique de développement économique et social. Outre les activités précédemment citées, elle est aussi cruciale pour le développement du secteur des nouvelles technologies, ou encore pour la mise en place d’un réseau scolaire étendu et performant à travers le pays, soit deux domaines eux aussi en forte progression. À titre d’exemple, les premiers ordinateur et téléphone portable (intelligent) assemblés localement ont été présentés aux médias en juin dernier, ce qui constitue un cas encore assez rare en Afrique subsaharienne. Quant à l’éducation, les cinq dernières années ont vu l’ouverture d’autant de classes à travers le pays qu’au cours des vingt années précédentes. Une accélération qui s’explique, notamment, par la scolarisation rendue obligatoire à partir de la rentrée 2015 pour les enfants âgés de 6 à 16 ans.
Grâce à la diversification des sources de revenus, les activités directement liées aux industries extractives (hydrocarbures et industries minières), et malgré l’augmentation de leur production au cours des dernières années, ne représentent aujourd’hui qu’environ 30 % des exportations de biens du pays, dont l’économie est ainsi plus robuste et résiliente face aux crises internationales que celles de l’Angola, du Nigeria ou encore de l’Afrique du Sud. En effet, ces activités pèsent pour environ 98 % des exportations angolaises de biens et 93 % de celles du Nigeria, ou encore pour près de 60 % des exportations sud-africaines. En d’autres termes, les activités non directement liées aux industries extractives représentent environ 70 % des exportations ivoiriennes de biens, alors qu’elles ne sont à l’origine que d’environ 40 % des exportations de l’Afrique du Sud, et d’environ 7 % et 2 % seulement de celles du Nigeria et de l’Angola, respectivement. Grâce à sa plus grande solidité, l’économie ivoirienne a ainsi enregistré une croissance économique de 6,4 % en moyenne sur la période de six années 2015-2020, marquée notamment par la baisse considérable – et probablement durable – du cours des hydrocarbures, tandis que le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud ont affiché respectivement des taux de 0,7 %, -1,6 % et -0,5 % (la croissance négative de ces deux derniers s’expliquant également par l’épuisement de certains gisements).
Par ailleurs, il est à noter que la diversification de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’une diversification des partenaires économiques du pays, dont la Chine est désormais le premier partenaire commercial avec une part de 9,4 % du commerce extérieur en 2019 (devant la France, deuxième, avec une part de 8,1 %). La présence chinoise se manifeste surtout au niveau des importations du pays, dont elle a fourni 17,2 % des besoins cette même année, devant le Nigeria (13,5 %, essentiellement des hydrocarbures), et loin devant la France, qui arrive troisième (10,7 %). La Chine demeure toutefois un très modeste client de la Côte d’Ivoire, dont elle n’a absorbé que 2,9 % des exportations en 2019, se classant ainsi à la 14e position, loin derrière les Pays-Bas qui se placent en première position, devant les États-Unis et la France.
Enfin, la diversification de l’économie ivoirienne devrait également se renforcer avec le développement attendu du secteur touristique, encore embryonnaire. En effet, et contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, deux des destinations phares du tourisme sur le continent, la Côte d’Ivoire et plus globalement l’Afrique francophone subsaharienne ont largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel, faisant ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune, d’une flore et de paysages exceptionnels et comparables à ce qui peut être observé dans certains pays anglophones du continent. Une situation fort regrettable pour un pays qui ne manque pourtant pas d’atouts en la matière, notamment grâce à ses plages, ses parcs nationaux ou encore sa basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro (plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome, et dont l’existence même est ignorée par la quasi-totalité des chrétiens des pays du Nord, y compris en France…). Occasion de rappeler, au passage, que la Côte d’Ivoire est un pays bien plus grand que ne l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation (y compris en Afrique), étant légèrement plus étendue que l’Italie et un tiers plus vaste que le Royaume-Uni, et non deux ou trois plus petite… Des cartes qui dressent généralement une représentation terriblement déformée des continents, en réduisant considérablement la taille des pays du Sud. Ce qui amène également à rappeler que la Côte d’Ivoire demeure assez faiblement peuplée, puisqu’elle devrait compter non moins de 89 millions et 64 millions d’habitants, respectivement, si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni et l’Italie.
La Côte d’Ivoire peut donc se féliciter d’être parvenue à atteindre ce niveau de développement économique, et d’être aujourd’hui l’économie la plus dynamique du continent en tenant compte à la fois de ses niveaux de croissance et de richesse actuels (la réalisation de forts taux de croissance par des pays se classant parmi les plus pauvres, comme l’Éthiopie ou le Rwanda, n’étant pas une chose exceptionnelle), et ce, avant de devenir un important producteur de pétrole. En effet, et suite à la récente découverte d’un gisement majeur au large de ses côtes, le pays devrait prochainement faire partie des principaux producteurs de pétrole d’Afrique subsaharienne, avec un niveau de production comparable à ceux, actuels, du Ghana et du Gabon. Mais afin de lui être réellement profitable, cette nouvelle et importante manne qui s’annonce ne devra pas entraver la poursuite des réformes et des efforts de diversification de l’économie du pays, qui devra notamment s’inspirer des pays pétroliers du Nord (Norvège, Royaume-Uni, Canada, États-Unis) qui ont toujours su développer les différents pans de l’économie, au nom de leur indépendance nationale, tout en atteignant un niveau élevé en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et les détournements de fonds.
Les 22 pays africains qui importent leur monnaie d’Angleterre et d’Allemagne
Plusieurs décennies après leur indépendance, la Guinée, l’Éthiopie, le Rwanda et 14 autres pays africains continuent à faire imprimer leurs billets de banque au Royaume-Uni, tandis que d’autres ont recours à l’Allemagne. Toutefois, les populations de ces pays ignorent dans leur immense majorité le fait que leur monnaie soit fabriquée à l’étranger, contrairement à celles des pays de la zone CFA, bien mieux informées en la matière.
17 pays africains importent leur monnaie du Royaume-Uni
Selon les données disponibles, compte tenu d’un certain manque de communication dans ce domaine, aussi bien de la part des États que des fabricants, 17 pays africains sont répertoriés comme faisant imprimer leurs billets de banque au Royaume-Uni, et plus précisément en Angleterre. Par ordre alphabétique, il s’agit des pays suivants : l’Angola, le Botswana, le Cap-Vert, l’Éthiopie, la Gambie, la Guinée, le Lesotho, la Libye, le Malawi, Maurice, le Mozambique, l’Ouganda, le Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, les Seychelles, la Sierra Leone et la Tanzanie (qui fait également imprimer ses billets dans deux autres pays).
Ces pays ont tous pour point commun d’importer leur monnaie de la société britannique De La Rue, qui fabrique également la majeure partie de celle du Royaume-Uni et qui est un des leaders mondiaux en la matière. Ils se répartissent principalement entre anciennes colonies britanniques et portugaises, auxquelles s’ajoutent la Guinée, le Rwanda, l’Éthiopie et la Libye (qui fait également appel à la Russie). Pour ce qui est du processus de production, il est à noter la récente ouverture d’un site à Nairobi, en 2019, dans le cadre d’une joint-venture avec le gouvernement kenyan en vue d’assurer une partie de la fabrication des devises.
Par ailleurs, il convient de citer le cas particulier du Somaliland, territoire couvrant le nord-ouest de la Somalie et ayant proclamé son indépendance. Bien que non reconnu par la quasi-totalité de la communauté internationale, celui-ci a néanmoins créé sa propre monnaie pour se démarquer de la Somalie, et la fait fabriquer par le Royaume-Uni, qui administrait autrefois le territoire (contrairement au reste de la Somalie, qui était une colonie italienne).
Le recours à une entité extérieure peut surprendre pour une partie de ces pays, comme l’Éthiopie et la Tanzanie, qui disposent d’une importante population, ou encore la Guinée et le Rwanda, compte tenu de certains discours politiques. Mais le cas le plus surprenant est peut-être celui de la Libye, au regard de ses très importantes capacités financières, largement supérieures à celles des quelques pays africains fabriquant eux-mêmes leur monnaie nationale, comme le Maroc, l’Afrique du Sud et la République démocratique du Congo (la Libye étant un grand producteur de pétrole, dont elle possède les plus importantes réserves du continent). En fait, cela semble démontrer une nouvelle fois le manque de sincérité de l’ancien régime de Kadhafi lorsque ce dernier se présentait comme le champion du panafricanisme et de l’indépendance des peuples africains. Une posture qui s’inscrivait donc plutôt dans le cadre d’une stratégie de communication organisée par le régime, qui n’avait pas véritablement essayé de développer le pays et d’en assurer la souveraineté (les hydrocarbures représentant autour de 95 % des exportations), et qui avait même souvent semé le trouble en Afrique (tentative d’invasion du Tchad, de déstabilisation de la Tunisie…). Et ce, probablement afin de s’assurer la sympathie et le soutien des opinions publiques africaines, en vue d’obtenir la levée des sanctions internationales et de garantir la poursuite d’un règne sans partage qui durait depuis déjà 41 ans au moment du soulèvement du peuple libyen, et faisant de Kadhafi le dirigeant à la plus grande longévité de l’Afrique post-coloniale. Une stratégie de communication qui continue encore aujourd’hui à avoir une certaine efficacité…
Au moins six pays africains importent leur monnaie d’Allemagne
En plus des pays précédemment cités, cinq autres sont répertoriés comme faisant imprimer leurs billets de banque en Allemagne, auxquels s’ajoute la Tanzanie qui a également recours au Royaume-Uni (ainsi qu’aux États-Unis). Ces six pays faisant donc appel à l’Allemagne sont les suivants : l’Érythrée, la Mauritanie, le Soudan du Sud, l’Eswatini, la Tanzanie et la Zambie. Cette dernière fait aussi imprimer une partie de sa monnaie en France.
Cependant, les données très partielles transmises par le fabricant allemand de billets de banque Giesecke+Devrient (G+D), qui n’indique pas dans le détail les banques centrales clientes à travers le monde (et à quoi s’ajoute l’opacité entretenue par de nombreux États eux-mêmes), laissent penser que d’autres pays africains font également appel, au moins ponctuellement, à l’Allemagne pour la fabrication de leur monnaie nationale (comme peut-être l’Éthiopie, qui avait dans le passé médiatisé la signature d’un contrat, en 2008).
43 pays africains importent leur monnaie de l’étranger
En tenant compte des devises fabriquées dans des pays autres que le Royaume-Uni et l’Allemagne, et en dehors des cas particuliers de la Somalie et du Zimbabwe, en faillite et sans véritable monnaie, ce sont donc 43 pays africains au total qui ont recours à un pays étranger, soit 21 pays de plus que ceux précédemment cités. Selon les informations disponibles, 20 de ces autres pays font appel à la France (qui imprime également une partie de la monnaie de la Zambie, déjà mentionnée), tandis qu’un d’entre eux à recours aux États-Unis, en l’occurrence le Liberia, qui avait été créé à partir de 1821 par l’American Colonization Society (et qui s’ajoute – au moins – à la Tanzanie, dont ils fabriquent partiellement la monnaie).
Ainsi, et selon les données disponibles, la France imprime la monnaie de 21 pays africains au total, à savoir celle de 16 de ses anciennes colonies (12 pays de la zone CFA, les Comores, Madagascar, Djibouti et la Tunisie), auxquelles s’ajoutent la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale (membres de la zone CFA, et respectivement ancienne colonie portugaise et espagnole), le Burundi (ancienne colonie belge), et enfin la Namibie et la Zambie, deux anciennes colonies britanniques. Le processus de fabrication est assuré par la Banque de France pour 17 de ces pays, tandis que quatre autres ont recours à l’entreprise privée Oberthur Fiduciaire, un des trois leaders mondiaux de la fabrication des billets de banque, avec le britannique De La Rue et l’Allemand Giesecke & Devrient. Mais là encore, le nombre réel de pays faisant appel, au moins ponctuellement, aux services de cette entreprise française est probablement plus élevé.
Neuf pays africains fabriquent eux-mêmes leur monnaie nationale
En dehors de ces 43 pays externalisant la fabrication de leur monnaie nationale auprès d’une entité étrangère, neuf pays africains assument donc eux-mêmes ce processus, à savoir le Maroc, l’Algérie, l’Égypte, le Soudan, le Ghana, le Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC), le Kenya et l’Afrique du Sud. Toutefois, et sans que cela n’ait de lien avec le caractère local de la fabrication de la monnaie, il convient de rappeler, pour contrer une certaine propagande, que cinq de ces neufs pays souffrent d’une forte dollarisation de leur économie (le Soudan, le Ghana, le Nigeria, la RDC et le Kenya), c’est-à-dire d’une importante utilisation du dollar dans les transactions économiques internes, par refus de la monnaie locale, considérée comme risquée. Le cas du Nigeria illustre bien la principale raison de cette situation, avec une monnaie ayant perdu près de 60 % de sa valeur par rapport au dollar depuis 2014, et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973 (lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 527 au 1er avril 2021).
Cependant, l’existence d’un certain nombre de pays africains fabriquant eux-mêmes leur monnaie nationale, et malgré les graves difficultés financières rencontrées par certains d’entre eux (comme le Soudan, dont la Livre vient d’être dévaluée de 85 %, en février dernier, et qui est désormais un des cinq pays les plus pauvres d’Afrique et le pays le plus endetté du continent), prouve bien que d’autres pays pourraient également assumer cette tâche. Et ceci est encore plus vrai pour ceux ayant l’avantage de faire partie d’un ensemble régional disposant d’une monnaie unique et d’une population suffisamment importante, à savoir les pays appartenant à l’UEMOA et à la CEMAC, les deux ensembles les plus intégrés, et de loin, du continent (et qui démontrent, au passage, que le panafricanisme est avant tout une réalité francophone).
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Explication : Dans le cadre d’un article publié en décembre 2020 (https://www.bbc.com/afrique/
Autre élément regrettable : dans ce même article, un invité sénégalais affirme (entre autres choses inexactes) que son pays, qui serait mal géré à cause du franc CFA, est le deuxième pays le plus endetté de la Cedeao, après le Cap-Vert. Or, non seulement la vérité est différente, mais en plus, il faut savoir que le Sénégal ne fait même pas partie depuis longtemps des quatre pays les plus endettés de la Cedeao… et qu’il n’y a même désormais aucun pays francophone parmi les cinq pays les plus endettés de cet ensemble (données semestrielles du FMI sur la dette publique).
Il est ainsi déplorable de constater que la BBC, qui se veut une des références mondiales en matière d’information, se mette elle aussi à diffuser périodiquement des informations erronées ou incomplètes. En cette période post-Brexit, marquée par un intérêt accru du Royaume-Uni pour l’Afrique, espérons que la BBC ne suive pas les traces des médias financés par la Turquie, qui excellent en la matière…
la récente intervention d’Ilyes Zouari sur Sud Radio, dans le cadre de la 26ème semaine de la langue française et de la francophonie (émission présentée par M. Berkoff et Mme Alonzo, et avec la présence de M. Bernard Cerquiglini).
Occasion de rappeler certaines vérités sur diverses questions (monde francophone et francophonie, Afrique, Québec, aides publiques au développement…).
L’Afrique subsaharienne francophone continue à tirer l’économie africaine
En dépit d’une année particulièrement difficile, marquée par la pandémie, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent pour la septième année consécutive et la huitième fois en neuf ans, tout en en demeurant, et plus qu’auparavant, la partie la moins endettée. La tendance devrait se maintenir pour l’année 2021, avec un rebond attendu de l’activité, même si les prévisions en la matière restent, à ce stade, assez hasardeuses.
Pour la septième année consécutive et pour la huitième fois en neuf ans, l’Afrique subsaharienne francophone a affiché les meilleures performances du continent en termes de variation de PIB, selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier. Globalement, cet ensemble de 22 pays est ainsi parvenu à limiter la baisse de l’activité résultant de la crise liée au Covid-19, en enregistrant une croissance négative de -2,1 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de -4,3 % *. Du côté de la dette publique, et selon les dernières données du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réussi à maîtriser son niveau d’endettement, qui était déjà le plus faible du continent, avec une hausse de 4,1 points de pourcentage du poids global de la dette publique par rapport au PIB, contre une hausse de 8,3 points pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
Une croissance globale négative de -2,1 %
La croissance de l’Afrique subsaharienne francophone a donc connu une importante baisse par rapport à l’année précédente, lorsqu’elle s’était établie à 4,1 % (4,6 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale). Cette même année, en 2019, la croissance avait été de 1,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la Guinée Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), qui rassemble 54 % de la population de l’Afrique francophone subsaharienne (et 43 % de celle de l’Afrique francophone), la croissance est passée de 3,9 % en 2019 à -1,6 % (ou de 4,6 % à -1,1 %, hors Guinée équatoriale). Dans cet espace, la zone UEMOA continue à se distinguer en ayant réussi à enregistrer une évolution légèrement positive (0,2 %), à l’inverse de la zone CEMAC dont les trois pays les plus dépendants des hydrocarbures ont fait baisser la moyenne globale de la croissance économique.
En 2020, et même en répertoriant Maurice et les Seychelles parmi les pays francophones (deux pays considérés comme à la fois francophones et anglophones*), quatre des douze pays d’Afrique subsaharienne ayant affiché une croissance négative de plus 5 % sont francophones (ou seulement deux sur dix, si l’on ne tient pas compte des deux pays précédemment cités). Un an plus tôt, soit avant l’apparition de la pandémie, seuls deux des huit pays subsahariens ayant connu une variation négative (< 0 %) étaient francophones.
En Afrique subsaharienne non francophone, la Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, trois des principales économies de la zone, ont été durement touchés par la crise économique internationale, alors que ces pays étaient déjà en grande difficulté depuis plusieurs années, notamment en raison du déclin progressif de leur très importante production pétrolière (pour le Nigeria et l’Angola, respectivement premier et deuxième producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne), ou aurifère (cas de l’Afrique du Sud, désormais second producteur du continent, après avoir été récemment dépassée par le Ghana). Ces pays ont ainsi respectivement affiché une croissance négative de -4,1 %, -7,8 % et -4,0 %, après avoir réalisé d’assez mauvaises performances en 2019 (2,2 %, 0,2 % et -0,9 %, respectivement).
Ce manque de dynamisme semble durablement installé selon les prévisions de la Banque mondiale, qui continue de tabler sur des croissances anémiques pour ces trois pays au cours des quelques années à venir, au moins. Le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola sont donc des pays en voie d’appauvrissement, puisqu’ils affichent désormais constamment des taux de croissance largement inférieurs à leur croissance démographique (contrairement aux pays francophones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nigeria, qui enregistre les taux de croissance économique les plus élevés de ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que de 0,3 % en moyenne annuelle sur les six dernières années (et de 1,2 % sur la période 2015-2019) contre une croissance démographique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la même période. Par ailleurs, le Nigeria et l’Angola ont connu une importante dépréciation de leur monnaie, dont la valeur a baissé de près de 60 % et 85 %, respectivement, par rapport au dollar depuis 2014. Avec à la clé une forte inflation et le maintien d’une forte dollarisation de leur économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).
Sur la période 2012-2020, soit neuf années, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors Guinée équatoriale, et 5,6 % pour la zone UEMOA). Ce taux a été de 1,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Pour rappel, la croissance globale annuelle s’était établie à 4,2 % pour l’Afrique subsaharienne francophone pendant les huit années de la période 2012-2019, juste avant la pandémie (4,8 % hors Guinée équatoriale), et à 2,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Quant aux quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, et sur la période de neuf années 2012-2020 (donc pandémie incluse), la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 7,5 %, 5,1 %, 3,9 % et 5,1 % en moyenne. De leur côté, les quatre premières économies en début de période pour le reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola et le Kenya (l’Angola ayant été remplacée par l’Éthiopie en 2019), ont respectivement connu une progression annuelle de 2,1 %, 0,3 %, 1,0 % et 4,8 %.
Une Afrique de l’Ouest francophone assez résiliente
Après avoir réalisé une croissance globale supérieure à 6 % pendant six années consécutives (de 2014 à 2019), et enregistré une croissance annuelle de 6,3 % en moyenne sur les huit années de la période 2012-2019, la zone UEMOA (huit pays, dont la lusophone, mais très francophonophile, Guinée-Bissau) a connu un important ralentissement de l’activité économique en 2020, mais est tout de même parvenue à afficher une croissance légèrement positive et s’établissant à 0,2 %. Cette même année, quatre des sept pays francophones de la zone monétaire ont enregistré une évolution positive (Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Togo), avec un maximum de 2 % pour le Bénin. À l’inverse, les trois autres pays francophones ont enregistré une croissance négative, avec un plus bas de -2 % pour le Mali et le Burkina Faso (suivis de la Guinée-Bissau, en dernière position de la zone avec une taux de -2,4 %). L’espace UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de stabilité du continent, après en avoir également été la plus vaste zone de forte croissance sur la période de huit années 2012-2019, avant l’apparition de la pandémie dont les conséquences ont affecté l’ensemble du continent.
Hors UEMOA, la Guinée a également affiché une croissance positive, en raison de la hausse des activités extractives avec l’entrée en production de nouvelles mines. Ainsi, l’Afrique de l’Ouest francophone (soit la zone UEMOA + Guinée et Mauritanie, situées hors zone CFA), a concentré à elle seule cinq des sept pays francophones d’Afrique subsaharienne étant parvenus à réaliser une croissance positive en 2020.
Il convient de souligner que le statut de zone la plus dynamique du continent constitue une réelle performance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n’en est pas la plus pauvre, cette place étant occupée par l’Afrique de l’Est. Ainsi, à titre d’exemple, et hors Djibouti (pays francophone), seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2020 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (1 816 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 122 dollars, selon les dernières données disponibles). À la même date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (2 276 dollars), le Sénégal (1 447 dollars) et le Bénin (1 219). Et même quatre pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, important producteur de pétrole et premier producteur africain d’or). Par ailleurs, l’Afrique de l’Est abrite les cinq pays les plus pauvres du continent, à savoir le Soudan du Sud, le Soudan, la Somalie, le Malawi et le Burundi (quatre pays anglophones et un francophone, ayant tous un PIB par habitant inférieur à 450 dollars, début 2020. Enfin, l’Afrique de l’Est est également la partie la plus instable du continent, marquée par de nombreux problèmes sécuritaires et abritant, notamment, les deux pays connaissant les conflits les plus meurtriers d’Afrique subsaharienne, proportionnellement à la population locale, en l’occurrence la Somalie et le Soudan du Sud. Deux conflits auxquels s’est récemment ajoutée la guerre civile ayant frappé l’Éthiopie fin 2020, un des pays les plus pauvres d’Afrique et où les tensions interethniques et les répressions policières avaient déjà fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, faisant de ce pays l’un de ceux connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).
En Afrique de l’Ouest francophone, et grâce à une croissance de 8,2 % en moyenne sur la période 2012-2019, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces huit années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), la Côte-d’Ivoire vient, par exemple, de dépasser le Nicaragua en termes de richesse par habitant, pour devenir le premier pays africain au sous-sol globalement pauvre de l’histoire à devancer un pays d’Amérique hispanique (hors très petits États de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Une performance réalisée après avoir dépassé le Kenya, et surtout après avoir réussi l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria, deux pays voisins regorgeant de richesses naturelles, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (le Ghana et le Nigeria étant à des niveaux de production de pétrole et/ou d’or de très loin supérieurs à ceux de la Côte d’Ivoire). Par ailleurs, et selon les prévisions de croissance pour les quelques années à venir, ces deux derniers pays devraient également être prochainement dépassés par le Sénégal, lui aussi pauvre en richesses naturelles. Quant au Niger, il vient de réussir la performance de devancer la Sierra Leone, quittant ainsi la place peu enviable de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest (554 dollars par habitant, contre 527 dollars), ainsi que la liste des dix pays les plus pauvres du continent. Compte tenu des prévisions, le Niger devait également très prochainement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier d’Afrique de l’Ouest.
Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes entreprises par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu’en matière de bonne gouvernance. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance a été de 5,7 % en moyenne annuelle sur la période de huit années 2012-2019. Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2020, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.
À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola, respectivement première, troisième et cinquième économie d’Afrique subsaharienne selon la Banque mondiale (du fait de leur très importante production pétrolière et/ou population), se classent à la 131e, 159e et 177e place, respectivement. Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure désormais parmi les six derniers pays de ce classement international, places désormais majoritairement occupées par des pays anglophones.
Dans un autre registre, et mis à part l’année très particulière qui vient de s’écouler, il est utile de souligner que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone est globalement et régulièrement deux fois supérieure à sa croissance démographique, contredisant ainsi certaines théories assez médiatisées. Grâce au cadre plus favorable instauré par les différentes réformes en matière d’économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités. Il convient d’ailleurs de rappeler que la plupart des pays francophones de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité, bien trompeuse, des cartes en circulation dans les médias et établissements publics ou privés), ne comptent respectivement que 13 et 21 millions d’habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’Ivoire, un tiers plus étendue mais ne comptant que 26 millions d’habitants, elle abriterait aujourd’hui une population de 89 millions d’habitants si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni.
Une situation contrastée en Afrique centrale
En Afrique centrale francophone, la croissance globale a elle aussi connu une forte baisse, passant de à 2,2 % en 2019 à -3,3 % en 2020. Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiée de la région, la croissance a été négative en s’établissant à -2,5 %. Avec une variation annuelle du PIB qui devrait continuer à être en moyenne deux fois plus favorable que celle du Nigeria voisin, comme depuis plusieurs années, le Cameroun devrait lui aussi, prochainement, dépasser ce pays en termes de richesse par habitant, rejoignant ainsi la Côte d’Ivoire et très probablement le Sénégal (le PIB par habitant du pays étant de 1 507 dollars début 2020). Pour sa part, la République démocratique du Congo (RDC), première économie d’Afrique centrale francophone, a enregistré une croissance négative de -1,7 % (contre 4,4 % un an plus tôt). Bien que le ralentissement de l’économie y ait été assez limité, comme au Cameroun, il n’en demeure pas moins que ce taux reste plutôt décevant pour un pays qui se classe parmi les plus pauvres du continent (581 dollars par habitant, début 2020).
En zone CEMAC (dont ne fait pas partie la RDC), la variation du PIB est passée de 1,4 % en 2019 à -3,8 % en 2020, Guinée équatoriale incluse (ou de 2,7% à -3,0 %, hors Guinée équatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas très particulier qu’il convient régulièrement de rappeler, car de nature à fausser l’interprétation des statistiques régionales. Peuplé d’environ un million d’habitants, seulement, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapidement sa production commencer à décliner, au début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il a donc connu une forte chute de son PIB et aligné une sixième année consécutive de croissance négative (-9,0 % en 2020, pour une moyenne annuelle de -7,5 % sur les six dernières années).
Au Gabon, la croissance est passée de 3,9 % en 2019 à -2,4 % en 2020, et devrait connaître un rebond à 1,9 % en 2021. Bien que modéré, ce rebond constitue néanmoins une meilleure performance que celle attendue par les deux grands et proches pays pétroliers que sont le Nigeria et l’Angola. Une situation qui s’explique notamment par les efforts réalisés en matière de diversification (Plan stratégique Gabon émergent – PSGE), qui lui permettent d’afficher régulièrement une croissance hors hydrocarbures supérieure à celle de ces deux autres pays. Sur la période de six années 2015-2020, la variation totale du PIB s’est ainsi établie à 1,4 % en moyenne annuelle pour le Gabon, contre 0,3 % pour le Nigeria et une évolution négative de -1,5 % pour l’Angola (dont les prévisions de croissance pour 2021 s’établissent à 1,1 % et à 0,9 %, respectivement).
Si le Gabon et le Cameroun s’emploient à réformer et à diversifier leur économie, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été réellement entrepris au Congo voisin (tout comme en Guinée équatoriale), qui a enregistré une évolution fortement négative de son PIB de 8,9 %, après avoir déjà enregistré une baisse assez importante de 3,5 % l’année précédente (et dont la croissance devrait également être négative en 2021). Une baisse importante du PIB qui traduit l’absence de réformes économiques profondes et courageuses, comme l’atteste le fait que le pays continue à occuper l’une des dernières places du classement Doing Business, en arrivant 180e sur un total de 190 pays étudiés (et se classant donc, à peu près, au même niveau que l’Angola, 177e, ou encore que la RDC, 183e). Autre conséquence de ce manque de réformes, le Congo a vu sa dette publique considérablement augmenter en 2020, passant de 83,7 % du PIB fin 2019 à 104,5 %, selon les dernières estimations du FMI, et rétrogradant ainsi à la septième place des pays les plus endetté du continent (lui qui était déjà en huitième position un an plus tôt, ainsi que le pays francophone le plus endetté d’Afrique).
Une activité globale en forte baisse en Afrique de l’Est francophone
La croissance globale de cette partie du continent a connu une baisse particulièrement forte, passant d’environ 4 % par an (3,8 % en 2019) à -7,6 % en 2020. Ce ralentissement brutal de l’activité s’explique par l’importance du secteur touristique dans la moitié des six pays de la région, et en particulier à Maurice et aux Seychelles dont le PIB a chuté, respectivement, de 12,9 % et de 15,9 %, suite à l’effondrement du tourisme international. Pour sa part, Madagascar, plus grand pays de la région, a enregistré une baisse assez importante de 4,2 % de son PIB (après une croissance positive de 4,8 % un an plus tôt).
De leur côté, les pays non dépendants du tourisme ont été ceux ayant réalisé les moins mauvaises performances. Djibouti a ainsi connu une croissance négative de -1,0 % en 2020, et qui pourrait rebondir à 7,1 % en 2021 pour retrouver son niveau des années précédentes. En effet, le pays avait réalisé une progression annuelle moyenne de 7,1 % également sur la période de six années allant de 2014 à 2019, et ce, en tirant profit de sa situation géographique stratégique qui lui permet de devenir progressivement une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seule une dizaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul et unique vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
Cette faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et pour lequel l’hexagone n’est que le 11e fournisseur et le 24e client (ne pesant que pour moins de 2 % du commerce extérieur annuel du pays, contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce, … au plus grand bénéfice d’autres puissances.
Enfin, le Burundi et les Comores ont respectivement enregistré des taux de croissance de 0,3 % et de -1,4 %. La variation légèrement positive affichée par le Burundi s’expliquant principalement par le très faible niveau de développement du pays, qui se classe parmi les cinq pays les plus pauvres du continent (avec notamment le Malawi et le Soudan du Sud, qui font également partie de la minorité de pays ayant réalisé une croissance positive en 2020).
Un endettement globalement maîtrisé en Afrique subsaharienne francophone
La dette publique a globalement été maîtrisée en Afrique subsaharienne francophone, qui demeure, et de plus en plus, la partie la moins endettée du continent. En 2020, et au niveau de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, 10 des 28 pays ayant observé une hausse supérieure à cinq points de pourcentage du poids de la dette par rapport au PIB sont francophones (soit moins de la moitié des pays francophones, même en y incluant les Seychelles), et 5 des 14 pays ayant connu une hausse supérieure à dix points sont francophones (Seychelles inclus).
Parmi les 10 pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne (et également du continent) au terme de l’année 2020, trois sont francophones, dont les Seychelles et Maurice. Le Congo-Brazzaville, pays francophone le plus endetté, n’arrive qu’à la septième place au niveau subsaharien comme au niveau continental. Le Congo faisant partie des cinq pays francophones subsahariens ayant connu la hausse la plus importante de leur niveau d’endettement en 2020, avec deux autres pays pétroliers d’Afrique centrale (le Gabon et la Guinée équatoriale), les Seychelles (extrêmement dépendants du tourisme) et la Guinée (très dépendante des industries minières).
Si trois des pays de la zone Cemac ont connu une importante augmentation de leur endettement, les autres pays de cette même zone monétaire, comme le Cameroun, sont à l’inverse parvenus à en assurer la stabilité, à l’instar de la quasi-totalité des pays francophones de la zone UEMOA, qui a été, là aussi, la zone la plus stable du continent. En effet, et selon les estimations du FMI, l’UEMOA est l’ensemble ayant connu la plus faible hausse de son endettement au cours de l’année 2020, avec une augmentation globale de seulement 3,4 points (passant de 45,0 % à 48,4 %). Dans cet espace, seul un des sept pays francophones membres a vu son niveau d’endettement croître de plus de cinq points de pourcentage, à savoir le Niger (+ 6,3 points, soit une hausse modérément forte). Pour sa part, le Sénégal est le pays ayant connu la variation la plus légère (+1,3 point).
Pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, aucun des cinq pays le plus endettés n’est francophone (le Togo n’arrivant qu’à la sixième position), et aucun des quatre pays ayant connu une hausse supérieure à dix points de leur niveau d’endettement en 2020 ne fait partie de la zone UEMOA (le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert). Parmi ces quatre pays, le Ghana a connu une hausse assez brutale de sa dette publique, dont le niveau est passé de 62,8 % à 76,7 % du PIB, soit près du double de celui de la Côte d’Ivoire voisine (41,7 %, contre 37,9 % en 2019). Le Ghana a donc désormais un endettement à peu près aussi important que celui de l’Afrique du Sud, dont la dette publique a également connu une très forte hausse, passant de 62,2 % à 78,8 % et rapprochant ainsi le pays de la liste des dix pays les plus endettés du continent (14e). Parmi ces dix pays, six font partie de ceux ayant connu la plus forte augmentation de leur dette publique en 2020, alors même qu’ils faisaient déjà partie des dix pays le plus endettés un an plus tôt (le Soudan, le Cap-Vert, le Mozambique, l’Angola, la Zambie et le Congo). Arrivant une nouvelle fois en tête du classement des pays les plus endettés, le Soudan continue à traverser une grave crise économique et financière. Une situation qui n’est pas sans conséquences, et qui est probablement, entre autres, à l’origine de deux décisions majeures ayant marqué la politique étrangère du pays au cours de l’année 2020, et passées relativement inaperçues, à savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation prochaine d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec Israël en vue d’un rapprochement avec les États-Unis. Deux décisions faisant du Soudan le premier pays africain à abriter une base militaire russe, ainsi que le premier pays arabo-africain non frontalier à nouer des relations diplomatiques avec l’État hébreu.
Globalement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure donc la partie la moins endettée du continent, tout en creusant l’écart un an après le déclenchement de la pandémie. Début 2021, le taux d’endettement global de cet ensemble composé de 22 pays s’établit à 47,7 % du PIB, en hausse de 4,1 points sur un an (57,3 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés. Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, le taux se situe à 64,3 %, en hausse de 8,3 points (69,1 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone). Un an plus tôt, l’écart entre l’Afrique subsaharienne francophone et le reste de l’Afrique subsaharienne était déjà de 12,4 points (et de 11,1 points entre l’ensemble de l’Afrique francophone et le reste du continent).
Un rebond attendu dans un contexte international et africain plus favorable
Même s’il convient de faire toujours preuve de prudence au sujet des prévisions établies en cours d’année pour les pays en développement, en de surcroît dans la période actuelle, marquée par une pandémie non encore maîtrisée, l’Afrique subsaharienne francophone devrait une nouvelle fois être la partie la plus dynamique du continent en 2021, tout en en demeurant la partie la moins endettée.
Le contexte international devrait être favorable à un redémarrage progressif de l’activité, avec une situation sanitaire qui semble s’améliorer petit à petit, et avec des cours des hydrocarbures qui devraient se maintenir, en dépit d’une récente hausse, à un niveau raisonnable pour les pays importateurs de pétrole et de gaz (notamment à cause de la progression constante de la part des énergies renouvelables, et des efforts en matière de réduction des gaz à effet de serre), et soutenir ainsi la croissance de la plupart des pays francophones, assez pauvres en richesses naturelles. Pour leur part, les pays de la zone CFA (soit 13 des 22 pays francophones subsahariens et la Guinée-Bissau, et auxquels l’on peut aussi ajouter les Comores, dont la monnaie est également arrimée à l’euro), devraient continuer à bénéficier, dans leurs efforts de diversification, d’un euro assez bon marché, compte tenu de la crise économique que connaissent les pays européens partageant cette monnaie unique, et notamment l’Allemagne dont l’économie était déjà en difficulté en 2019 (avec une croissance de seulement 0,6 %, contre 1,5 % pour la France).
Première puissance exportatrice d’Europe, l’Allemagne, qui a historiquement toujours été en faveur d’un euro fort, au risque de pénaliser les pays de la zone CFA dont la monnaie y est arrimée (et de nuire ainsi, doublement, aux intérêts de la France), n’a aujourd’hui d’autre choix que de maintenir l’euro à un niveau raisonnable. Et ce, d’une part à cause de la crise économique internationale et de la baisse de la croissance chinoise, et d’autre part, parce qu’elle devrait être également pénalisée par l’accord commercial signé en 2019 entre les États-Unis et la Chine, et selon lequel celle-ci s’engageait à importer pour 200 milliards de dollars de produits et services américains supplémentaires au cours des deux années suivantes (au détriment donc, probablement, d’un certain nombre de produits et de services allemands). Un accord qui demeure en vigueur, même si sa mise en application a pâti de la pandémie, et qu’une renégociation partielle pourrait prochainement avoir lieu.
Par ailleurs, et parallèlement à l’amélioration du contexte international, le contexte africain devrait lui aussi connaître une évolution favorable à la croissance économique, avec la mise en place progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), entamée le 1er janvier 2021. Du moins d’un point de vue théorique, puisque qu’il convient de rappeler que la hausse des échanges entre pays ne dépend pas seulement de l’abaissement ou de l’élimination des barrières douanières entre ces mêmes pays, mais également et surtout de la capacité de ces derniers à produire des biens et services, à travers la mise en place préalable d’un environnement national favorable à l’investissement (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures et formation, devant permettre à la fois de produire des biens et services et d’en assurer la compétitivité). L’évolution marginale des échanges au sein des ensembles régionaux ayant déjà abaissé ou supprimé les taxes douanières est là pour le démontrer.
Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est de la question d’une monnaie unique, à l’instar de l’Eco que les pays d’Afrique de l’Ouest, membres de la CEDEAO, semblent souhaiter mettre en place. Ainsi, force est de constater que les pays de la zone UEMOA, qui bénéficient déjà, et depuis longtemps, d’une vaste zone de libre-échange doublée d’une monnaie unique, n’ont vu leurs échanges que faiblement augmenter à l’intérieur de cet espace, et demeurer à des niveaux globalement assez bas. Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de cette monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant l’adoption d’une monnaie unique…
Une prudence qui s’impose avant l’adoption d’une éventuelle monnaie ouest-africaine
Si la réduction significative des barrières douanières et la mise en place d’une quasi-zone de libre-échange à l’échelle continentale demeurent un élément favorable, à terme, au développement des pays du continent, ceux-ci doivent donc toutefois et parallèlement poursuivre leurs réformes économiques afin de tirer pleinement profit de l’ouverture des différents marchés africains. Des réformes qui ont d’ailleurs déjà été nombreuses dans la majorité des pays francophones, et en particulier dans ceux d’Afrique de l’Ouest membres de la zone UEMOA. Mais ces derniers, et afin de conserver les bénéfices de leurs efforts, devront faire preuve à l’avenir de la plus grande prudence avant d’adhérer à une éventuelle monnaie unique couvrant l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, et ne pas agir avec précipitation.
En attendant, les pays de zone UEMOA doivent déjà prochainement sortir du franc CFA pour le remplacer par une nouvelle monnaie plus indépendante de la France, qui en resterait la garante. Une importante réforme qui comprend, entre autres, la fin de l’obligation historique et souvent critiquée de centraliser en France 50 % des réserves en devises des pays de la zone (ce qui n’était pourtant qu’une question technique, n’en déplaise à certains qui le reconnaissent indirectement aujourd’hui en minimisant l’importance de la réforme, et dont l’abandon, déjà ratifié par la France, ne modifiera pas les capacités financières des pays de l’espace UEMOA, mais permettra par contre à la France de ne plus avoir à verser des intérêts à des taux souvent supérieurs à ceux dont elle peut bénéficier sur les marchés internationaux).
Une fois cette réforme effectuée, et même si la création ultérieure d’une monnaie unique ouest-africaine prendra encore de nombreuses années, principalement du fait de l’impréparation des pays non membres de l’UEMOA (pays anglophones, Cap-Vert et Guinée) qui sont loin de remplir les critères de convergence, faute d’être habitués, à l’inverse de leurs voisins francophones, aux principes de discipline budgétaire et monétaire qu’impose l’adoption d’une monnaie unique (ce qui explique le report permanent de la création d’un Eco ouest-africain depuis déjà quelques décennies), les pays francophones de l’UEMOA, devront faire preuve d’une approche purement rationnelle et non « affective » lorsque les autres pays de la région seront prêts à adhérer à une monnaie unique (et dont le cours sera probablement déterminé en fonction d’un panier de devises pour aboutir à un taux de change flexible, ce qui constitue une solution préférable à long terme pour l’ensemble des pays de la région, même si de nombreux pays dans le monde ont aujourd’hui une monnaie arrimée à une autre devise, y compris en Afrique non francophone).
Une réflexion qui s’imposera notamment lorsqu’il s’agira d’examiner une éventuelle adhésion du Nigeria, dont le poids démographique, d’une part, et les graves difficultés économiques, d’autre part, sont probablement incompatibles avec les intérêts des autres pays de la région, qu’ils soient francophones, lusophones ou anglophones (comme le Ghana, par exemple). En effet, et bien qu’en voie d’appauvrissement, le Nigeria continuera tout de même à peser assez lourdement en Afrique de l’Ouest du simple fait de son poids démographique (et, in fine, économique). Une adhésion de sa part à une monnaie ouest-africaine représenterait ainsi une grave menace pour la souveraineté de l’ensemble des pays de la région, dont l’influence sur la gestion de cette monnaie supranationale pourrait être limitée. La fermeture récente fin 2019 des frontières du Nigeria aux marchandises venant des pays frontaliers de la CEDEAO, sans concertation préalable et en dehors des règles mêmes de l’organisation, était d’ailleurs assez révélatrice de ce que pourrait être l’attitude du pays dans le cadre de la gestion d’une monnaie commune ouest-africaine (qui aurait probablement pour principal objectif de servir avant tout les intérêts du Nigeria).
À cela, s’ajoutent donc les graves difficultés structurelles auxquelles fait face le Nigeria, qui connaît une croissance économique très faible depuis plusieurs années (largement inférieure à sa croissance démographique, contrairement aux pays francophones frontaliers), une inflation assez forte (11,6 % en moyenne annuelle sur les huit années de la période 2012-2019, soit à peu près comme le Ghana, 11,9 %, mais très largement au-dessus de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal, respectivement 0,8 % et 0,7 %), une monnaie ayant perdu près de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014 (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973, lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 530 au 15 février 2021), et dont 94 % des exportations reposent encore aujourd’hui sur le pétrole et le gaz (le pays n’étant toujours pas parvenu, plus de 60 ans après son indépendance, à diversifier son économie et à mettre en place un tissu industriel capable d’exporter).
L’intégration d’une économie en aussi mauvaise santé et en déclin comme celle du Nigeria à une monnaie ouest-africaine semble être incontestablement de nature à déstabiliser profondément les économies de tous les autres pays qui partageraient cette même monnaie, à travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnée, de surcroît, d’une politique monétaire plus adaptée à un pays en crise (le Nigeria, par son poids démographique et donc économique, dictant probablement en grande partie cette politique), et ne correspondant donc pas aux besoins des pays dynamiques de la région. À commencer par ceux de l’UEMOA, zone la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest et de l’ensemble du continent, qui verraient ainsi leur dynamisme baisser significativement et assez rapidement. Par ailleurs, le déclin économique du Nigeria est de nature, à terme, à accroître considérablement l’émigration de Nigérians, en quête d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Sénégal, le Cameroun et le Gabon. Des pays qui devront alors faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire, compte tenu de la population du Nigeria, et, pour l’Afrique de l’Ouest, des règles de la CEDEAO qui prévoient la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres.
Mais si l’intégration du Nigeria à une zone monétaire ouest-africaine mérite réflexion (sachant d’ailleurs que la zone UEMOA représente déjà un vaste territoire et un vaste marché), celle d’un pays comme le Ghana semble à l’inverse bien plus compatible. En effet, et même si le Ghana est un important producteur d’or et de pétrole, très dépendant du cours de ces deux matières premières (qui représentent plus des deux tiers de ses exportations, à peu près à part égales), et qu’il souffre d’une assez forte inflation et d’un niveau élevé d’endettement, celui-ci a toutefois le double avantage d’avoir une population comparable en nombre à celle d’autres pays de la région, et de faire partie des rares pays dont l’économie peut s’appuyer sur deux richesses naturelles dont les cours évoluent souvent de manière opposée (la baisse du prix de l’une étant plus ou moins compensée par la hausse du cours de l’autre). Chose qui contribue à la stabilité du Ghana, qui, et en dépit de taux de croissance parfois assez faibles, n’a jamais enregistré de croissance négative au cours des dix dernières années. L’enthousiasme manifesté par le président ghanéen fin 2019, lorsqu’il avait annoncé sa volonté de rejoindre au plus vite les pays de la zone UEMOA dans leur projet de création d’une nouvelle monnaie unique devant se substituer au franc CFA, témoigne d’ailleurs de la proximité et de la compatibilité du pays avec ces voisins. Mais le président ghanéen avait dû ensuite rapidement revenir sur ses propos, non pas au nom des intérêts de son pays (qui bénéficierait grandement d’un rapprochement avec l’espace UEMOA, compte tenu de ses difficultés), mais suite aux pressions exercées par le Nigeria, et dictées par les intérêts de ce dernier.
* Ayant la particularité d’être à la fois francophones et anglophones (pour avoir connu dans le passé une double présence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisés deux fois, aussi bien pour le calcul de la croissance globale de l’Afrique subsaharienne francophone que pour le calcul de la croissance de l’Afrique subsaharienne non francophone. Ce qui n’a, toutefois, aucune incidence sur ces mêmes taux de croissance (arrondis à une décimale), compte tenu du faible poids économique de ces deux pays par rapport aux deux ensembles cités. Il en va de même pour le calcul des taux d’endettement globaux, pour lequel ils sont également doublement comptabilisés.
La France est le seul des pays possédant de lointains territoires à accorder les mêmes droits civiques à l’ensemble de ses nationaux : pas de sous-citoyens, pas de discrimination, ni de ségrégation déguisée. Une réalité que devraient connaître tous les Français, de 7 à 107 ans.
https://www.cermf.org/la-
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Terre d’immigration, la Guyane française frôle les 300 mille habitants
Grâce à une natalité élevée et à une forte immigration, la Guyane française a multiplié sa population par onze depuis 1950. Facilement accessible et très dynamique, cette terre d’Amérique du Sud reçoit désormais des migrants et des réfugiés venant de nombreux pays et de différents continents.
Selon les données publiées au mois de janvier par l’Insee (l’institut national français de la statistique), la population guyanaise est officiellement estimée à 288 mille habitants au 1er janvier 2020, soit au début de l’année précédente. Compte tenu de l’importante croissance démographique et de la difficulté de recenser l’intégralité des immigrés clandestins présents dans le département, la population actuelle de la Guyane française peut être estimée à presque 300 mille personnes, voire légèrement davantage.
Un grand dynamisme démographique
Située en Amérique du Sud, entre le Brésil et le Suriname, la Guyane a donc vu sa population considérablement augmenter depuis sa départementalisation en 1946, année à partir de laquelle les autorités françaises commencèrent à s’intéresser réellement à ce territoire presque aussi grand que le Portugal, et recouvert à plus de 90% par la forêt amazonienne. Un département qui comptait un peu plus de 25 mille habitants en 1950, principalement d’origine africaine et européenne, et qui vit quelques années plus tard la construction d’un vaste centre spatial à partir duquel sont aujourd’hui lancées les fusées franco-européennes Ariane, leader mondial du lancement de satellites. La Guyane abrite également une base militaire, et constitue un important terrain d’entraînement pour la Légion étrangère.
Ce dynamisme démographique s’explique par les niveaux élevés de fécondité et d’immigration, qui font de la Guyane le territoire ayant à la fois la plus forte natalité (3,6 enfants par femme) et la plus forte immigration de l’ensemble du continent américain, proportionnellement à sa population. Sur les cinq dernières années, le département a reçu près de 4 000 demandeurs d’asile par an, en moyenne, et venant s’ajouter à l’immigration régulière ainsi qu’aux immigrés clandestins ne formulant pas une demande d’asile. Désormais, plus du tiers de la population guyanaise est étrangère, et environ 70 % des nouveau-nés ont au moins un parent de nationalité étrangère (ceux de nationalité française pouvant eux-mêmes être d’origine étrangère).
Le territoire européen le plus accessible au monde
Si la Guyane a longtemps reçu des migrants venant essentiellement d’Haïti et des deux pays frontaliers, le Suriname et le Brésil, ce département français d’outre-mer accueille aujourd’hui un nombre grandissant de migrants aux lointaines origines. Et ce, surtout depuis la quasi-fermeture des frontières de l’Union européenne, sur le vieux continent, et la quasi-fermeture de la frontière américano-mexicaine (avec la construction d’un mur et l’installation de grillages et de barbelés le long d’une partie de cette frontière, et la signature d’accords avec le Mexique en vue d’en éloigner les migrants, en les maintenant dans le sud du pays).
Compte tenu de ses plus de 1200 km de frontières (difficilement contrôlables, car principalement fluviales et en pleine forêt amazonienne), du coût élevé des expulsions des migrants vers leurs lointains pays d’origine, et de la politique très souple menée par certains pays voisins en matière d’octroi de visas, la Guyane française est donc devenue le territoire européen le plus facilement accessible au monde. Ainsi, de nombreux migrants venant du bassin méditerranéen transitent par le Brésil afin d’atteindre la Guyane française, qui a reçu, par exemple et rien que pour le premier trimestre de l’année 2020, environ 500 réfugiés syriens et moyen-orientaux avant la quasi-interruption des liaisons aériennes entre le Brésil et les pays du Moyen-Orient. Une facilité qui contraste avec les difficultés inhérentes aux voies traditionnelles vers l’Union européenne, désormais dangereuses et souvent meurtrières (par la méditerranée, voire également le Sahara).
Mais en dépit de ce dynamisme démographique, la Guyane demeure toutefois très largement sous-peuplée. À titre de comparaison, sa population est encore inférieure à celle de l’île de la Martinique, autre territoire français des Amériques, qui compte environ 360 mille habitants pour une superficie 74 fois plus petite (et, de surcroît, à 42 % recouverte de forêts). Le département devrait cependant bientôt dépasser la Martinique, puis la Guadeloupe, et devenir ainsi le territoire français le plus peuplé du continent.
Une économie dynamique
Portée par sa croissance démographique, la Guyane connaît également un assez important dynamisme économique, et affiche régulièrement le taux de croissance le plus élevé de l’ensemble des départements français (environ 3 % en moyenne, et 4,1 % en 2019). La Guyane française se présente comme un véritable chantier à ciel ouvert, où se multiplient les grands travaux : infrastructures, logements, établissements scolaires…
Si le secteur du bâtiment et des travaux publics est particulièrement dynamique, et source de nombreuses opportunités d’affaires et d’investissement, le département est également à la pointe de la haute technologie, et en particulier dans le domaine spatial (avec le centre spatial de Kourou, et les nombreuses entreprises qui y sont liées) et dans celui des énergies renouvelables. Sur ce dernier point, la Guyane produit aujourd’hui 68 % de son électricité à partir d’énergies vertes (hydraulique, solaire et biomasse), ce qui constitue, de très loin, le taux le plus élevé de l’ensemble des départements français. Ce taux devra d’ailleurs être porté à 100 % d’ici 2030, conformément à la politique gouvernementale qui impose à l’ensemble des départements français d’outre-mer, dépourvus de ressources énergétiques fossiles, d’être totalement autonomes en matière de production électrique d’ici à la fin de la décennie. Dans ce cadre, les grands projets se succèdent sur le territoire, où une troisième centrale biomasse vient d’entrer en production, en décembre 2020, et où une importante centrale électrique solaire devrait voir le jour en 2023. Cette dernière a même pour particularité d’être, à l’heure actuelle, le plus grand projet au monde de stockage d’énergies renouvelables intermittentes grâce à l’hydrogène (capacité de stockage de 120 MWh par ce procédé, sur un total de 140 MWh).
Conséquence de ce dynamisme, et malgré un niveau de vie globalement inférieur à celui de la France métropolitaine, du fait des multiples répercussions de l’éloignement, la Guyane française constitue le territoire le plus riche de l’ensemble de l’Amérique du Sud continentale, avec un PIB par habitant de 15 163 euros début 2020 (soit 16 983 dollars), devant l’Uruguay (16 190 dollars), le Chili (14 896 dollars) et l’Argentine (9 912).
Les ultramarins français : des citoyens à part entière
Tout comme les autres citoyens français d’outre-mer, au nombre de 2,7 millions, les Guyanais jouissent exactement des mêmes droits civiques que leurs compatriotes de France métropolitaine. Une égalité en droits qui paraît évidente, mais qui constitue pourtant une différence radicale avec la situation qui prévaut dans les territoires d’outre-mer appartenant au Royaume-Uni, aux États-Unis et aux Pays-Bas, soit les trois autres pays ayant de lointaines possessions. En effet, si les ultramarins français, quel que soit le niveau d’autonomie de leur territoire, peuvent participer à l’ensemble des élections nationales (présidentielle, législatives et sénatoriales) et être représentés au sein des institutions politiques nationales (Assemblée nationale et Sénat), ceci n’est absolument pas le cas des ultramarins britanniques et de la grande majorité des ultramarins américains et néerlandais, auxquels interdiction est donc faite de prendre part à la gestion des affaires de la nation, et d’avoir la moindre possibilité d’influer sur son présent et sur son avenir. Un schéma de type colonial et une approche quasi ségrégationniste qui régissent encore aujourd’hui la relation de ces pays avec leurs territoires d’outre-mer, majoritairement peuplés de personnes aux origines non européennes.
Ainsi, les ultramarins britanniques ne peuvent prendre part à aucune élection nationale, ni être représentés dans aucune institution politique nationale. Côté néerlandais, 92 % des populations d’outre-mer n’ont pas le droit de participer aux élections nationales, ni d’être représentés dans les institutions politiques nationales. Les 8 % restants, bénéficiant des mêmes droits civiques que leurs compatriotes de métropole, correspondent aux habitants des trois territoires d’outre-mer les moins peuplés (Bonaire, Saint-Eustache et Saba), et n’ont obtenu cette égalité de traitement qu’en 2010.
Enfin, et à l’exception des habitants d’Hawaï, les populations des territoires américains d’outre-mer ne peuvent participer ni aux élections présidentielles, ni aux sénatoriales. Toutefois, ils ont le droit de prendre part aux élections législatives, …mais pour élire un député qui n’a guère le droit de voter à la Chambre des représentants (équivalent américain de l’Assemblée nationale). Ce qui revient donc à considérer, de facto, que ces ultramarins américains ne peuvent prendre part à aucun scrutin national, ni être représentés dans aucune des instances politiques nationales. Quant à l’Etat de Hawaï, l’exception dont bénéficie ce territoire s’explique probablement par son caractère hautement stratégique (situé à peu près au milieu du Pacifique Nord, et ayant joué un rôle crucial pendant la seconde guerre mondiale), et peut-être également par le fait que près de la moitié de la population de l’archipel était blanche anglo-saxonne au moment où celui-ci acquit le statut d’État en 1959, et par la même des droits identiques à ceux des 49 autres États fédérés des États-Unis (il s’agissait alors du territoire d’outre-mer américain ayant la population blanche non hispanique la plus importante en pourcentage, particularité toujours valable aujourd’hui).
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La population du monde francophone atteint 524 millions d’habitants (11/01/2021)
Après avoir récemment dépassé l’Union européenne, dans ses anciennes frontières incluant le Royaume-Uni, le monde francophone compte désormais 524 millions d’habitants. Une progression essentiellement due à l’Afrique francophone, dont l’émergence démographique et économique mériterait davantage d’intérêt de la part des pays francophones du Nord, et notamment de la France.
En se basant sur les statistiques démographiques détaillées publiées en juillet dernier par le PRB (Population Reference Bureau), organisme privé américain et une des références mondiales en matière de démographie, la population du monde francophone, qui avait atteint la barre des 500 millions d’habitants fin 2018, peut être estimée à 524,0 millions au 1er janvier 2021. Soit une hausse de près de 2,3 % sur un an (512,3 millions début 2020), et une population désormais supérieure à celle de l’ensemble constitué par l’Union européenne et le Royaume-Uni (515,8 millions).
524 millions d’habitants début 2021
Cette estimation correspond à la population du monde francophone dans sa définition géographique la plus stricte et la plus sérieuse, qui ne tient compte que des pays et territoires réellement francophones, dans lesquels la population est en contact quotidien avec la langue française, et où l’on peut donc « vivre en français ». Un ensemble qui rassemble 33 pays répartis sur quatre continents, et dans lequel ne sont ainsi pas comptabilisés les territoires non francophones de pays comme la Belgique, la Suisse ou le Canada, tout comme un certain nombre de pays membres à part entière de l’organisation internationale de la francophonie (OIF), mais ne remplissant pas les critères nécessaires afin de pouvoir être considérés comme francophones (tels que le Liban, la Roumanie ou encore le Rwanda). Et ce, en vertu du fait que le français n’y est pas, seul ou avec une langue locale partenaire, la langue de l’administration, de l’enseignement pour l’ensemble de la population scolaire (au moins à partir d’un certain âge), des affaires et des médias (ou au moins la langue maternelle de la population, sous sa forme standard ou sous une forme créolisée, un peu comme l’arabe dialectal par rapport à l’arabe standard dans les pays du Maghreb).
Dans ce vaste espace, qui s’étend sur près de 16,3 millions de km2, soit près de quatre fois l’Union européenne tout entière (et auxquels s’ajoutent de vastes zones économiques exclusives maritimes – ZEE, dont celle de la France, seconde plus grande au monde avec ses près de 10,2 millions de km2), les cinq premiers pays francophones sont aujourd’hui la République démocratique du Congo (RDC, 91,1 millions d’habitants), la France (67,9 millions, territoires ultramarins inclus), l’Algérie (44,8), le Maroc (36,8) et Madagascar (28,1). Vient ensuite la Côte d’Ivoire, en sixième position (26,5 millions).
Avec une croissance démographique de 2,3 % en 2020, le monde francophone constitue l’espace linguistique le plus dynamique au monde, devant l’espace arabophone (2,0 %, et 454 millions d’habitants *), et avait dépassé en 2012 l’espace hispanophone dont la population est aujourd’hui estimée à 470 millions d’habitants (+ 1,0 %). Cette croissance devrait demeurer supérieure à celle des autres espaces linguistiques, et porter la population de l’ensemble francophone à un peu plus d’un milliard d’habitants en 2060. Le rythme de cette progression démographique est toutefois sur une tendance baissière, principalement du fait de la baisse continue du taux de fécondité en Afrique subsaharienne francophone, qui s’établit désormais à 5,5 enfants par femme contre 7 enfants en 1975 (cette diminution progressive étant encore masquée par les conséquences démographiques de la hausse de l’espérance de vie). Au passage, il convient toutefois de rappeler que l’espace francophone demeure assez largement sous-peuplé, même en tenant compte des territoires désertiques ou recouverts par de denses forêts équatoriales. À titre d’exemple, sa population actuelle est à peu près égale à celle de l’ensemble Union européenne – Royaume-Uni, qui est pourtant réparti sur une superficie près de quatre fois moins étendue.
Par ailleurs, il convient aussi de rappeler que le chiffre de 300 millions de francophones fréquemment avancé par l’OIF, ne correspond à aucune réalité géopolitique ou économique (la population totale d’un pays ou territoire francophone étant le seul critère à prendre en compte pour évaluer l’importance d’un marché). De même, il est également largement inapproprié d’un point de vue social pour la simple raison que de nombreuses choses de la vie courante se font en français dans les pays et territoires francophones, où l’ensemble de la population est en contact quotidien avec la langue française, y compris dans les zones les plus reculées et dans lesquelles le pourcentage de personnes ayant une bonne maîtrise de la langue française est moins élevé (médias, internet, administration publique, documents commerciaux et comptables…).
Toute statistique ne tenant pas compte de l’ensemble de la population des pays et territoires francophones, et diffusée à un large public (au-delà, donc, de certains hauts fonctionnaires, notamment au sein de l’Éducation nationale en vue d’aider à l’élaboration des politiques d’enseignement et de scolarisation), n’a donc pour seule et unique conséquence que d’induire en erreur les acteurs et décideurs économiques et politiques, ainsi que l’ensemble de la société civile, en dévalorisant considérablement à leurs yeux le monde francophone et la langue française.
L’émergence démographique et économique de l’Afrique francophone
La progression démographique du monde francophone résulte essentiellement du dynamisme de l’Afrique francophone, qui croît actuellement à un rythme annuel de 2,7 % (3,0 % pour sa partie subsaharienne). Ce vaste ensemble de 25 pays rassemble désormais 430 millions d’habitants (ou 82,0 % de la population de l’espace francophone) contre seulement 74 millions en 1950, soit à peu près autant que l’Allemagne seule, à ce moment-là (69,5 millions). Cette même année, la population du monde francophone était d’ailleurs estimée à seulement 128 millions d’habitants, soit quatre fois moins qu’aujourd’hui.
Ce dynamisme de l’Afrique francophone se traduit notamment par la montée en puissance des villes africaines, qui occupent désormais huit des dix premières places du classement mondial des métropoles francophones. À partir des dernières données publiées par l’ONU, dans son rapport « Les villes du monde en 2018 », la capitale congolaise, Kinshasa, conforte sa position au sommet du classement avec une population pouvant être estimée à 14,6 millions d’habitants au 1er janvier 2021, et creusant ainsi considérablement l’écart avec la capitale française, Paris (11,1 millions). Suivent ensuite les agglomérations d’Abidjan (5,3 millions), de Montréal (4,3 millions), de Yaoundé (4,0), de Casablanca (3,8), de Douala (3,7), d’Antananarivo (3,4), de Dakar (3,2) et de Ouagadougou (2,8). Cette dernière viendrait ainsi de ravir la dixième position à la ville d’Alger (2,8 millions), ville « arabo-berbéro-francophone » à l’instar de Casablanca, et qui occuperait désormais la 11e place du classement. Il est également à noter que la capitale haïtienne, Port-au-Prince, arrive juste après en occupant la 12e place (2,8 millions également, après arrondissement). Au cours de l’année 2020, Haïti est d’ailleurs redevenu le pays le plus peuplé de la Caraïbe, avec 11,5 millions d’habitants et devançant Cuba, dont la population est en constante baisse. Il retrouve ainsi une place qu’il avait perdu il y a un peu plus de deux siècles, au cours de la première décennie du 19e siècle.
Mais cet essor démographique s’accompagne également d’un grand dynamisme économique, et notamment en Afrique francophone subsaharienne qui constitue le moteur de la croissance africaine, en plus d’être globalement et historiquement l’espace le plus stable au sud du Sahara (avec le moins de conflits, de tensions ethniques, et une moindre criminalité). Ainsi, cet ensemble de 22 pays a enregistré les meilleures performances économiques du continent pendant sept des huit années de la période 2012-2019, avec une croissance annuelle de 4,4 % en moyenne (5,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme notamment dû aux nombreuses réformes accomplies par une majorité de pays afin d’améliorer le climat des affaires et de progresser en matière de bonne gouvernance, et qui est particulièrement important dans les pays de l’UEMOA (majeure partie de l’Afrique de l’Ouest francophone), qui continue à être la plus vaste zone de forte croissance de l’ensemble du continent (6,4 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2019), en plus d’en être la zone la plus intégrée, devant la CEMAC (qui recouvre une partie de l’Afrique centrale francophone). Ces deux exemples d’intégration poussée, loin devant les autres ensembles régionaux, démontrent d’ailleurs que le panafricanisme est avant tout une réalité francophone.
Grâce à ces avancées, la Côte-d’Ivoire vient, par exemple, de dépasser le Nicaragua en termes de richesse par habitant, pour devenir le premier pays africain au sous-sol globalement pauvre de l’histoire à devancer un pays d’Amérique hispanique, avec un PIB par habitant de 2 286 dollars début 2020 (hors très petits États de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Une performance réalisée après avoir dépassé le Kenya, et surtout après avoir réussi l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria, deux pays voisins regorgeant de richesses naturelles, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (le Ghana est le premier producteur africain d’or et le quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, tandis que le Nigeria est le premier producteur continental de pétrole. Tous deux étant à des niveaux de production de très loin supérieurs à ceux de la Côte d’Ivoire). La progression du pays résulte d’une croissance de 8,2 % en moyenne sur la période 2012-2019, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces huit années (après l’Éthiopie, dont la performance s’explique principalement par le fait qu’elle était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui vient de connaître une guerre civile, fin 2020).
Cette croissance globalement assez rapide de l’Afrique francophone est par ailleurs soutenue par une assez bonne maîtrise de la dette publique, les pays francophones n’étant même qu’au nombre de deux parmi les dix pays les plus endettés de l’ensemble du continent (et n’arrivaient qu’aux 8e et 9e place début 2020, juste avant la crise sanitaire et selon les données révisées du FMI). Par ailleurs, il est à noter qu’il n’y a désormais plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays les plus pauvres du continent (à savoir le Burundi, avec quatre pays anglophones que sont le Soudan du Sud, pays le plus pauvre du monde, le Malawi, la Somalie et le Soudan).
Échanges, aides au développement et médias : le manque d’intérêt de la France
Pourtant, force est de constater un certain manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone, qui n’a représenté que 3,6 % de son commerce extérieur en 2019 (dont 1 % pour la partie subsaharienne). Cette situation, qui résulte notamment de la faiblesse des investissements productifs réalisés dans ce vaste ensemble (à l’exception de la Tunisie et du Maroc), se manifeste particulièrement en RDC, pays stratégique qui n’est autre que le plus grand et le plus peuplé des pays francophones du monde, et où l’Hexagone brille par sa quasi-absence. En effet, la part de la France dans le commerce extérieur de la RDC, vaste comme plus de la moitié de l’UE, s’est établie à seulement 1,8 % en 2019, faisant d’elle le 11e fournisseur et le 24e client du pays, très largement derrière la Chine dont la part se situe chaque année autour de 30 %. Toujours en 2019, la RDC n’a donc été que le 107e partenaire commercial de la France au niveau mondial (106e fournisseur et 108e client), et n’a pesé que pour 0,02 % du commerce extérieur français (soit seulement 1 cinq-millième du total, et un montant de 205 millions d’euros).
Cette quasi-absence de la France en RDC se traduit également au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants présents en France (0,6 % du total pour l’année universitaire 2018/2019, et seulement 1,3 % des étudiants africains), de la part du pays dans les aides françaises au développement (environ 1% en moyenne), ou encore au niveau de la part infime des projets y étant réalisés par les collectivités et structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée en Afrique (< 2 %). La France pourrait pourtant, et sans grande difficulté, accroître sa présence en RDC, dont la forte dépendance vis-à-vis du partenaire chinois risquerait, à terme, de nuire à la souveraineté et aux intérêts du pays (la Chine absorbe environ 40 % des exportations de la RDC, dont elle est également devenue le principal créancier bilatéral).
Le manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone s’observe également dans cet autre pays stratégique qu’est Djibouti, un des six pays de l’Afrique de l’Est francophone et qui est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international grâce à sa situation géographique stratégique et à des investissements massifs en provenance de Chine. Dans ce pays, qui a enregistré une croissance annuelle de près de 7 % en moyenne sur la période 2012-2019, la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris, contre sept vols directs pour Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore trois liaisons pour le groupe Emirates vers Dubaï.
De plus, tout ce qui précède vient s’ajouter à une répartition défavorable des aides publiques au développement versées chaque année par la France, et qui ne bénéficient que très minoritairement au monde francophone. Ainsi, les 27 pays francophones du Sud ne reçoivent chaque année que 15 à 20 % du montant total de ces aides, qui demeurent principalement destinées aux pays membres de l’UE (autour de 50 % chaque année, dont environ 90 % en faveur des treize pays membres d’Europe orientale – UE 13, pourtant déjà assez développés et ne rassemblent que 114 millions d’habitants… soit une enveloppe globale par habitant parfois 10 fois supérieure).
Cette politique d’aide au développement, qui n’a guère évolué depuis plusieurs années, est contraire à toute logique économique ou géopolitique. D’un point de vue économique, parce que les principaux pays bénéficiaires de l’UE s’orientent principalement et historiquement vers l’Allemagne, qui enregistre chaque année une part de marché d’environ 20 % dans les pays de l’UE 13 (19,5 % en 2019), contre toujours moins de 4 % pour la France (3,6 % en 2019, et dont les aides massives reviennent donc quasiment à subventionner les exportations allemandes, politique que l’on pourrait résumer par la célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse »). Par ailleurs, toutes les études économiques démontrent clairement que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays et peuples partageant une même langue. À ce sujet, un seul exemple suffit à démontrer l’impact économique du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. Ce lien linguistique explique également en bonne partie la position globalement bien meilleure de la France en Afrique francophone qu’en Europe de l’Est, en dépit de son manque d’intérêt et de la concurrence chinoise.
Enfin, parce que c’est en Afrique francophone qu’il convient d’investir massivement, d’une part afin de tirer pleinement profit des opportunités et du dynamisme que l’on trouve dans ce vaste ensemble, un de principaux relais de la croissance mondiale, et d’autre part car c’est bien en accélérant l’émergence économique de ce dernier qu’augmentera encore plus fortement le nombre d’apprenants du français à travers le monde, et ce, au bénéfice économique et géopolitique de la France, mais aussi au bénéfice de l’ensemble des pays du monde francophone. Quant au niveau géopolitique, justement, le caractère irrationnel de la politique française d’aide au développement s’explique également par le fait que l’écrasante majorité des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE, et malgré les aides massives versées chaque année par la France, vote régulièrement contre les positions françaises au sein des grandes instances internationales, contrairement à la majorité des pays francophones avec qui la France partage nombre de valeurs et d’orientations communes en matière de politique étrangère.
Ainsi, l’intérêt pour la France de consacrer une part aussi importante de ses aides et de son énergie aux 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE est donc extrêmement marginal, en comparaison avec les avantages économiques et géopolitiques qu’elle tirerait d’une nouvelle répartition de ses aides en faveur des pays du monde francophone. En d’autres termes, la prépondérance européenne dans les aides françaises au développement ne fait incontestablement qu’affaiblir la France au niveau international, tant économiquement que géopolitiquement (les deux étant souvent reliés).
Par ailleurs, ce manque d’intérêt des gouvernants français pour le monde francophone a donc naturellement des répercussions très négatives sur le niveau d’intérêt des Français eux-mêmes, qui, maintenus dans une certaine ignorance, ne savent pratiquement rien de ce vaste espace. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française ignore tout des Jeux de la Francophonie qui se sont tenus en juillet 2017 à Abidjan (contraste frappant avec la couverture médiatique dont jouissent les Jeux du Commonwealth au Royaume-Uni), de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire (qui n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome), du concours musical « The Voice Afrique francophone » (qui fût dans sa saison 2016-2017, relayée par certains médias nationaux africains, le plus grand concours musical au monde en termes d’audience cumulée, avec son équivalent arabophone), ou encore du peuple acadien, que bon nombre de Français situent en Louisiane…
Cette large méconnaissance du monde francophone et de sa dimension mondiale a des conséquences fortement préjudiciables, faisant perdre à bon nombre de citoyens français (investisseurs et société civile) de nombreuses opportunités d’échange et de partenariat mutuellement bénéfiques, et réduisant considérablement l’attachement des Français à leur langue. Eux, qui n’ont jamais été si peu intéressés par la promotion et la diffusion de celle-ci à travers le monde, alors même qu’elle n’a jamais été autant parlée et apprise. Et ce, au grand étonnement des francophones extra-européens, auxquels est aujourd’hui entièrement attribuable la progression constante de l’apprentissage du français dans le monde en tant que langue étrangère, face à une France qui constitue plutôt un frein en la matière (et qui est inconsciente des graves conséquences économiques et géopolitiques de cette attitude irresponsable, et dénotant une certaine immaturité). Au nom de leurs intérêts, les francophones situés en dehors du continent européen ne devraient donc plus suivre le mauvais exemple de la France, pour s’inspirer plutôt du modèle québécois et faire respecter leur langue commune au sein des différentes organisations régionales et internationales dont ils font partie, ou avec lesquelles ils sont en étroite collaboration (et notamment au niveau africain et dans le cadre de leurs relations avec l’Union européenne, d’autant plus que l’Afrique francophone est la partie la plus dynamique, la moins endettée, la plus stable et la moins violente du continent).
De grands efforts doivent donc être faits dans l’Hexagone afin de rattraper un retard considérable en matière d’information et d’éducation. Par ailleurs, l’émergence démographique et économique de l’Afrique francophone devrait en toute logique s’accompagner, à terme, du transfert d’un certain nombre d’institutions panfrancophones des villes du Nord vers celles du Sud, et notamment vers Abidjan et Kinshasa, respectivement troisième et première ville francophone du monde.
* Le monde arabophone recouvre l’ensemble des pays membres de la Ligue arabe (hors Djibouti et les Comores, où la présence de la langue arabe se limite principalement au domaine religieux), ainsi que les territoires majoritairement arabophones de la Turquie, d’Israël, d’Iran, du Mali, du Niger et du Tchad.
2020
Le dixième septentrional et habitable de la Guyane souffre de son sous-peuplement (densité dix fois inférieure à celle de la Martinique, entre autres). Le peuplement de ce territoire doit toutefois se faire à travers un rééquilibrage des sources de l’immigration internationale. Et la Guyane est très méconnue en Amérique hispanique (seul 1 réfugié vénézuélien sur 10 000 environ a choisi la Guyane, soit env. 500 sur 5 millions ! Un terrible gâchis…).
Communiqué de presse du 09/12/2020 (la version en espagnol est disponible sur notre site)
Le CERMF souhaite la bienvenue en Guyane aux Cubains bloqués au Suriname.
Face à la grave crise économique sévissant à Cuba et au Suriname, le Cermf appelle les autorités guyanaises à faciliter l’arrivée et l’intégration de nos frères latins de Cuba se trouvant actuellement au Suriname, près de la frontière avec le Guyana, et souhaitant se rendre aux États-Unis.
Compte tenu de l’extrême dangerosité de la route terrestre menant vers l’Amérique du Nord, qui pourrait entraîner la mort de bon nombre de ces migrants, le Cermf estime que la Guyane voisine s’honorerait d’offrir une alternative sûre et latine à nos frères cubains. Ceux-ci pourraient ainsi rejoindre les nombreuses communautés étrangères résidant en Guyane, et contribuer à leur tour au développement de ce département français d’outre-mer, territoire le plus riche d’Amérique du Sud.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
https://www.14ymedio.com/
L’histoire d’Haïti mérite d’être mieux connue, afin de ne plus être facilement manipulable par certains (… qui n’aideront jamais le pays à se relever.
www.cermf.org/haiti-redevient-
L’histoire d’Haïti est celle d’un terrible gâchis, qui dure encore…
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Deux siècles après, Haïti redevient le pays le plus peuplé de la Caraïbe
Deux siècles après l’avoir perdue au profit de Cuba, Haïti vient de reprendre la place de pays le plus peuplé de l’espace Caraïbe. Celui-ci, à l’histoire particulièrement mouvementée, continue à avoir d’importants atouts qui pourraient rapidement le sortir de la pauvreté.
11,4 millions d’habitants mi-2020
Selon le PRB, organisme privé américain et une des références mondiales en matière de démographie, la population haïtienne s’élève à 11,4 millions d’habitants au 1er juillet 2020. Le pays devance ainsi Cuba (11,3 millions) et accentue son avance sur la République dominicaine voisine, qui l’avait momentanément dépassé (10,5 millions). Viennent ensuite, mais largement derrière, l’île américaine de Porto Rico (3,2 millions), la Jamaïque (2,8 millions) et les nombreux pays et territoires des « petites Antilles ».
Haïti a donc retrouvé le rang de pays le plus peuplé de la Caraïbe, qu’il avait cédé à Cuba au cours de la première décennie du 19e siècle suite à la révolution et à la guerre d’indépendance. La population cubaine avait ensuite largement dépassé celle d’Haïti jusqu’à devenir près de deux fois plus importante en 1950 (5,9 millions contre 3,2).
Le renversement de situation de ces dernières décennies résulte d’une natalité plus importante côte haïtien, où le taux de fécondité est aujourd’hui estimé à 3,0 enfants par femme, contre seulement 1,6 pour Cuba, dont la population est désormais en baisse constante. Un niveau de fécondité également plus élevé que celui de la République dominicaine (2,3 enfants), mais sans pour autant pouvoir être considéré comme particulièrement élevé.
Avec une superficie de 27 750 km2, soit une taille presque exactement égale à celle du Burundi (27 830 km2) et comparable à celle de la Belgique (30 688 km2), Haïti est aujourd’hui l’un des pays les plus densément peuplés au monde, avec une densité de population proche de celle de ces deux autres pays, dont la population s’élève, respectivement, à 11,9 et 11,5 millions d’habitants. Haïti demeure toutefois encore assez loin d’être aussi peuplé que des pays comme Taïwan (23,6 millions d’habitants, pour 36 200 km2) et le Liban (6,8 millions d’habitants pour un territoire de 10 450 km2, soit 2,7 fois plus petit). Avec une densité égale à chacun de ces deux pays, il compterait aujourd’hui une population d’un peu plus de 18 millions d’habitants.
Une histoire particulièrement mouvementée
Si Taïwan, un des pays les plus riches au monde, a des caractéristiques géographiques assez semblables à celles d’Haïti (État insulaire, très montagneux, régulièrement frappé par des cyclones et proche d’un vaste marché, en l’occurrence la Chine), force est de constater que ces deux pays n’ont pas suivi la même trajectoire au cours des deux derniers siècles. En effet, et avant de devenir la première République noire de l’histoire, au tout début du 19e siècle, Haïti était la plus riche des colonies au monde, fournissant environ la moitié de la production mondiale du sucre, de café et de coton, après l’introduction des cultures correspondantes à partir de la fin du 17e siècle. Surnommée la « perle des Antilles », elle fut même la plus prospère de toutes les colonies françaises de l’histoire, assurant à elle seule plus du tiers des exportations de la France à la veille de sa révolution, et exportant davantage que les États-Unis à la même date (contrairement à tant d’autres possessions qui coûtaient plus cher qu’elles ne rapportaient).
Cette richesse considérable poussa même les Britanniques à essayer d’en prendre le contrôle en y envoyant plus de 20 000 soldats à partir de 1793, au début de la révolution haïtienne. Une intervention qui se solda par l’une des plus grandes débâcles de l’histoire militaire britannique, avec la mort de plusieurs milliers d’hommes, essentiellement de la fièvre jaune, et un retrait total des troupes en 1798 (après avoir néanmoins conclu un accord avec Toussaint Louverture, selon lequel les Haïtiens s’engageaient à ne pas soutenir une éventuelle révolte des esclaves de la Jamaïque).
Le 1er janvier 1804, Haïti déclara son indépendance, notamment obtenue avec l’aide des Britanniques qui s’étaient entre temps rangés de leur côté. Mais cette indépendance fut suivie par deux siècles d’une gestion calamiteuse des affaires de l’État, marquée par la corruption et les détournements de fonds à grande échelle, la brutalité de dictatures sanguinaires jusqu’à la fin des années 1980, et l’instabilité politique de ces trente dernières années. À peine la souveraineté acquise, Jean-Jacques Dessalines, premier chef de l’État haïtien (et autoproclamé « Empereur » quelques mois plus tard) ordonna dès le mois de février l’extermination totale des quelques milliers de Français qui avaient choisi de rester dans le pays, contrairement à la grande majorité de leurs compatriotes (à l’exception de quelques rares personnes considérées comme « utiles », comme les médecins et les prêtres, ainsi que les femmes acceptant d’épouser un homme noir). Cet ordre d’extermination, correspondant à la définition du génocide et qui eut un retentissement international fort contreproductif, causa la mort d’environ 4 000 civils en quelques semaines. Une tuerie de masse, qui fut suivie un an plus tard par le massacre de plusieurs milliers de personnes en République dominicaine voisine (alors colonie française, avant de redevenir espagnole, et d’obtenir son indépendance en 1821), avec l’extermination complète des populations d’origine européenne d’un certain nombre de villages et de petites villes.
Vingt ans plus tard, et en guise de compensation pour les expropriations et pour le génocide, la France imposa à Haïti le paiement d’une importante somme d’argent, initialement fixée à 150 millions de francs-or en 1825 avant d’être réduite à seulement 90 millions en 1838. Une dette assez importante mais dont le pays aurait dû pouvoir s’acquitter sans difficulté, compte tenu de l’énorme potentiel économique du territoire, qui n’était autre que la plus riche des colonies au monde, et compte tenu également du fait qu’Haïti venait de réunifier la totalité de l’île de Saint-Domingue par l’annexion de la République dominicaine en 1822, ce qui avait alors presque triplé sa superficie.
Cette réunification fut d’ailleurs soutenue par une grande partie des élites économique, militaire et religieuse de la République dominicaine, qui accueillit favorablement une armée haïtienne ayant pris le contrôle du pays sans combattre. Ainsi et pour la première fois de l’histoire, des élites blanches, attirées par les perspectives de développement économique, souhaitaient faire partie d’un pays gouverné par des dirigeants noirs. Toutefois, la mauvaise gestion du pouvoir haïtien et ses méthodes violentes à l’égard des Dominicains, Blancs et Noirs, poussèrent ceux-ci à se révolter pour recouvrer leur indépendance, qu’ils finissent par obtenir en 1844. Mais quelques années plus tard, la République dominicaine redevenait une colonie espagnole, en 1861, après avoir elle-même demandé à l’Espagne sa réintégration à l’empire colonial pour se protéger des nombreuses attaques haïtiennes. Ainsi, et pour la première – et unique – fois de l’histoire récente, une colonie devenue indépendante demandait à redevenir une colonie.
La mauvaise gouvernance et la corruption à grande échelle continuèrent à appauvrir Haïti pendant les décennies qui suivirent, et retardèrent grandement le paiement des sommes dues à la France, qui s’étendit jusqu’en 1952 (il y a maintenant près de 70 ans). Toutefois, cette dette était progressivement devenue minoritaire dans la dette totale du pays, qui avait considérablement augmenté du fait de l’incompétence de ses dirigeants, et qui était majoritairement contractée auprès des États-Unis à la fin du 19e siècle. L’ampleur de cette dette entraîna une prise de contrôle progressive du pays de la part de ces derniers, jusqu’à ce qu’ils en fassent une colonie en 1915 (les États-Unis se sont bel et bien constitué un empire colonial, sans jamais en prononcer le nom, qui s’étendait des Caraïbes au Pacifique, en passant par l’Amérique centrale, avec de nombreux territoires comme Porto Rico et les Philippines, pris aux Espagnols en 1898). Cette occupation fut d’ailleurs précédée d’une intervention militaire en décembre 1914, et pendant laquelle des forces spéciales américaines investirent la Banque nationale d’Haïti afin de prendre possession de la totalité des réserves en or du pays, immédiatement transférées aux États-Unis. Une action qualifiée alors d’acte de « piraterie internationale » par certains dirigeants haïtiens.
Après le départ des Américains en 1934, affaiblis par la grande crise économique de 1929 et à l’issue d’une occupation assez dure et rejetée par les Haïtiens, le pays subit à nouveau le joug de dictatures corrompues et responsables de milliers d’exécutions. Dans le même temps, Haïti continuait à inspirer la plus grande méfiance à la République dominicaine, qui culmina lors du terrible massacre de plus de 25 mille Haïtiens durant la première semaine d’octobre 1937. Mais une fois la dynastie des Duvalier écartée, en 1986, le pays plongea dans une grande instabilité politique dont il n’est toujours pas sorti, et continue à être gangrené par la corruption et les privilèges. Une situation qui explique notamment le bilan particulièrement lourd du tremblement de terre de janvier 2010, qui fit plus de 200 mille morts.
Un potentiel pourtant considérable
Épuisée par deux siècles de mauvaise gestion, l’ancienne « perle des Antilles » est aujourd’hui un des pays les plus pauvres au monde, avec un PIB par habitant de seulement 755 dollars début 2020, soit un niveau inférieur à celui de la majorité des pays d’Afrique subsaharienne, et comparable à ceux de la Gambie (751 dollars) ou du Rwanda (802 dollars). Haïti est également devenu un grand pays d’émigration, avec une importante diaspora répartie dans de nombreux pays, et en particulier en Amérique du Nord, dans les Caraïbes (notamment les territoires français) et de plus en plus en Amérique du Sud. Depuis le durcissement de sa politique migratoire en 2015, la République dominicaine expulse chaque année plusieurs dizaines de milliers d’Haïtiens, dans des conditions parfois contestables.
Pourtant, Haïti jouit d’un important potentiel de développement, et qui résulte désormais en bonne partie de sa situation géographique qui le place à grande proximité des États-Unis et du marché nord-américain (le pays n’étant qu’à 930 km des côtes de la Floride). Grâce à cette proximité géographique et à la faiblesse du coût de la main d’œuvre, largement inférieur à ceux du Mexique et de la République dominicaine, Haïti pourrait rapidement devenir un des principaux fournisseurs des États-Unis en produits manufacturés, notamment dans le cadre de la sous-traitance, dans un premier temps. Ces atouts ne sont pourtant guère exploités par le pays, qui n’a exporté en 2019 que pour 1,0 milliard de dollars de marchandises diverses en direction des États-Unis, contre environ 6 milliards pour la République dominicaine (dont la population est moins importante). Par ailleurs, les atouts dont bénéficie Haïti sont de nature à permettre un développement considérable du secteur touristique, qui demeure pourtant embryonnaire. À titre de comparaison, le pays n’a reçu en 2019 qu’un peu plus de 300 mille touristes au total, soit bien moins des 6,4 millions ayant visité la République dominicaine (environ 20 fois plus). Quant aux recettes liées au tourisme, celles-ci ne se sont élevées qu’à 0,5 milliard de dollars, contre 7,5 milliards pour le voisin dominicain.
De plus, le caractère francophone d’Haïti constitue lui aussi un avantage considérable pour le pays, pouvant lui donner un accès privilégié au marché québécois afin de mieux tirer profit des nombreuses opportunités qu’il présente. Et ce, notamment en matière touristique, sachant que plus de 700 mille Québécois se rendent chaque année en Floride dans le but d’y passer une partie de l’hiver, en y séjournant trois à quatre semaines en moyenne. Cet atout linguistique (que ne possèdent ni la Floride ni la République dominicaine) et des prix plus compétitifs devraient permettre à Haïti de devenir une destination phare pour ces touristes québécois, fuyant l’hiver et dont l’importance est considérable compte tenu de leur nombre et de la durée moyenne du séjour, bien supérieure à la moyenne mondiale. Un grand gisement totalement inexploité…
Enfin, l’appartenance d’Haïti à l’espace francophone est également de nature à aider au renforcement des liens avec un certain nombre de pays d’Afrique francophone, dont sont originaires la plupart des Haïtiens. En 2015, le pays a d’ailleurs obtenu le statut de membre associé de l’Union africaine, après une demande qu’il avait lui-même émise et traduisant sa volonté de rapprochement avec le continent. Un renforcement éventuel et plus concret des liens entre Haïti et l’Afrique pourrait peut-être inciter les autorités haïtiennes à s’inspirer des nombreux pays africains ayant récemment fait de très importantes avancées sur la voie de la bonne gouvernance et du développement…
https://www.cermf.org/la-
– La France vient d’être dépassée par le Royaume-Uni (67,2 millions d’habitants mi-2020 selon le PRB, contre 67,1 millions).
– La France est presque le bonnet d’âne de la croissance démographique en Europe de l’Ouest, classée 17ème sur les 18 pays de la région en 2019 (selon Eurostat, et hors micro-États comme Monaco ou Saint-Marin).
– Si la France métropolitaine, 2,3 fois plus grande, était aussi peuplée que le Royaume-Uni (RU), elle compterait 151,5 millions d’habitants.
– Le RU a une croissance démographique annuelle 2 fois supérieure à celle de la France : + 99 % sur la période 2015-2020, et + 103 % en 2019 (hors ajustements de l’Insee, qui accentuent l’écart).
– Le RU avait déjà dépassé la France métropolitaine il y a une dizaine d’années, mais cette évolution était masquée par l’intégration des DOM français (au passage, le « TOM » ne sont pas pris en compte par l’Insee pour le calcul de la population française !).
– Si la France, longtemps « homme malade » de la démographie européenne, avait suivi la même trajectoire que le RU depuis 1750, elle compterait aujourd’hui 203 millions d’habitants.
– Entre 1750 et 1950, la France n’a perdu que 4 millions d’âmes, contre plus de 20 millions pour le RU (émigration et guerres prises en compte).
– Si la France métropolitaine était proportionnellement aussi peuplée que la Corée du Sud (5,5 fois plus petite pour 52 millions d’habitants), elle compterait 283 millions d’habitants.
– Si la France métropolitaine était aussi peuplée que l’Égypte non saharienne, qui vient de franchir les 100 millions d’habitants (101 millions, sur un territoire 9,2 fois plus petit), elle abriterait 922 millions d’habitants.
– Les Égyptiens sont si heureux qu’ils devraient être près de 158 millions en 2050, soit l’équivalent d’une population d’un milliard 444 millions d’habitants pour la France métropolitaine.
– N’oublions pas que la Terre peut abriter une population bien plus élevée que son niveau actuel, et même très largement plus importante que les 10 milliards prévus pour 2050. Et ce, grâce aux grands espaces disponibles, au gigantissime potentiel en énergies renouvelables, aux progrès permanents de la science (agriculture, traitement des déchets, architecture…) ou encore aux colossales réserves en énergies non renouvelables (sur terre et en mer, et dans le proche univers).
– N’oublions pas non plus que la microscopique Guadeloupe pourrait abriter à elle seule l’ensemble des habitants de la planète, placés côte à côte…
– Concernant l’agriculture, l’aéroponie permet de se passer désormais de terre, de soleil et même de pesticides, le tout pour un rendement 80 et 100 fois supérieur à l’hectare qu’avec l’agriculture classique. Je vous laisse donc calculer ce que cela signifie en termes de population…
– Tout ce qui précède, c’est est le monde réel, n’en déplaise aux idéologues de la surpopulation et de la fin du monde, auxquels l’histoire a toujours fini par donner tort… depuis l’Antiquité.
– En attendant, la France et l’Occident s’autodétruisent. La France, sans doute le pays le plus contaminé par les idées malthusiennes farfelues et par le talibanisme écologique (seul pays au monde à avoir interdit l’exploitation d’hydrocarbures, seul pays au monde à empêcher toute exploitation industrielle de ses gisements d’or, un des très rares pays à rendre très difficile la construction de gratte-ciels…). Quand on est seul contre dix, on a peut-être raison. Quand on est seul contre 20, on a encore peut-être raison. Mais quand on est seul contre 200, c’est qu’on est à côté de la plaque, et idiot.
PS : Dans un tout autre registre, et selon le dernier classement EF EPI, récemment publié, la France se classe devant non moins de 19 ex-colonies britanniques ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto, pour ce qui est du niveau en anglais de sa population. La France est également largement plus anglicisée que les autres grandes puissances non anglophones, et que les principales puissances des autres grands espaces linguistiques. Une situation ubuesque, honteuse, et un important pas franchi dans la défrancisation de la France et son affaiblissement au niveau international. Anglicisation à outrance oblige, n’oubliez pas de faire vos achats lors du prochain « Black Friday »…
Ilyes Zouari
Devançant la Sierra Leone, le Niger n’est plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest
En venant de dépasser en richesse par habitant la Sierra Leone, pays anglophone côtier, le Niger enclavé a quitté la place longtemps occupée de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ainsi que les dix dernières places du continent africain.
Selon les données de la Banque mondiale, le Niger affichait un PIB par habitant de 555 dollars fin 2019, dépassant ainsi le niveau de richesse de la Sierra Leone (504 dollars), désormais pays le plus pauvre de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. L’évolution positive du Niger, géographiquement pénalisé par son enclavement, est le fruit des nombreuses réformes accomplies, et consolidées par l’environnement favorable que présente l’espace UEMOA. Toutefois, le pays devra prochainement relever d’importants défis afin de poursuivre son développement.
Un pays réformateur et en forte croissance…
Cette progression résulte de la forte croissance enregistrée ces dernières années par ce pays de 24 millions d’habitants, et qui a atteint une moyenne annuelle de 6,3 % sur la période de huit années allant de 2012 à 2019. Sur cette même période, la Sierra Leone (8 millions d’habitants) affichait une hausse annuelle de son PIB de 4,2 % en moyenne, malgré le faible niveau de développement du pays. Certes, le Niger affichait déjà un PIB total près de trois fois supérieur à celui de la Sierra Leone, mais il n’était pas pour autant plus riche, le critère du PIB par habitant étant le plus pertinent pour comparer le niveau réel de richesse (le simple montant global du PIB donnant toujours un grand avantage aux pays les plus peuplés, même si leur économie est sous-développée).
La croissance robuste du Niger résulte en bonne partie des réformes accomplies, et notamment en matière de bonne gouvernance et d’amélioration du climat des affaires. Ainsi, et sur ce dernier point, le pays a fait un bond considérable dans le classement international Doing Business de la Banque mondiale, passant de la 173e place en 2012 à la 132e place en 2020, et talonnant désormais le Nigeria (131e). Le Niger fait même largement mieux que des pays comme l’Angola (177e, et une des principales économies d’Afrique subsaharienne, du fait de son importante production pétrolière), ou encore l’Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place. Cette dernière, où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs l’un des pays connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an). Pour sa part, la Sierra Leone occupe aujourd’hui la 163e place du classement.
Au passage, il convient de noter que la performance du Niger contredit clairement les propos régulièrement tenus par un certain nombre de commentateurs, et selon lesquels une forte croissance démographique empêcherait un pays de progresser et de se développer. Une théorie qui vise d’ailleurs souvent le Niger, dont le taux de fécondité est le plus élevé au monde, avec une moyenne estimée à 7,1 enfants par femme en 2019 (et toutefois en baisse, par rapport à un niveau de 7,6 enfants en 2015). Ce taux est d’ailleurs bien supérieur à celui de la Sierra Leone, estimé à 4,2 enfants. De plus, il est également intéressant de noter que le Niger ne fait désormais plus partie des dix pays les plus pauvres du continent, se plaçant aujourd’hui à la 11e place des pays les moins riches (le Soudan du Sud arrivant en dernière position, dans un classement où il n’y a aujourd’hui plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays africains les plus pauvres, à savoir le Burundi). Cette évolution favorable s’observe également au niveau du taux de pauvreté, passé de 50,6 % en 2011 à 40,8 % en 2019. Un taux encore assez élevé, mais qui a baissé de près de 20 % en seulement huit ans.
Les avancées réalisées par le Niger devraient d’ailleurs lui permettre de quitter prochainement les toutes dernières places du classement international relatif à l’indice de développement humain (IDH), publié chaque année par l’Onu, mais qui a pour défaut de se baser sur des données souvent relativement anciennes pour les pays en développement, et ne prenant donc pas en considération les toutes dernières évolutions économiques et sociales (le Soudan du Sud, pays le plus pauvre du monde, exsangue et en partie détruit par une terrible guerre civile, demeure ainsi mieux classé que le Niger…). De même, certains pays ne sont pas répertoriés faute de données disponibles, comme la Somalie (qui est probablement, avec le Soudan du Sud, l’un des deux pays les moins bien classées en matière de développement humain).
Par ailleurs, les réformes accomplies par le pays, ainsi que l’environnement favorable que présente l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur la longue période de huit années allant de 2012 à 2019, devraient permettre au Niger de dépasser assez rapidement un second pays ouest-africain, également côtier, à savoir le Liberia. En Effet, ce dernier affichait un PIB de 622 dollars par habitant fin 2019, après une croissance annuelle moyenne s’étant établie à seulement 1,8 % environ sur la période 2012-2019 (chiffre approximatif, les données relatives à l’année 2015 étant imprécises). Une croissance qui devrait se maintenir à un niveau assez faible pour les quelques prochaines années, selon les prévisions de la Banque mondiale.
… mais d’importants défis à relever
Si le Niger est sur la voie du progrès, le pays devra toutefois faire face à d’importants défis dans les années à venir, et en particulier en ce qui concerne la bonne gestion des futures ressources qui proviendront de la montée en puissance de la production pétrolière, d’une part, et la lutte contre la menace terroriste venant de l’extérieur et d’intérieur de ses frontières, d’autre part.
En effet, le Niger est sur le point de devenir l’un des principaux producteurs de pétrole du continent, avec un volume qui devrait atteindre les 500 000 barils par jour d’ici 2025 (contre seulement 20 000 aujourd’hui), et lui permettre de disputer au Ghana le rang de troisième producteur d’Afrique subsaharienne (la production ghanéenne devant passer d’environ 200 000 à 500 000 barils par jour sur la même période). Cette augmentation considérable de l’activité pétrolière procurera au pays de très importants revenus, de l’ordre de plusieurs milliards de dollars par année et dépassant très largement les recettes liées à l’extraction de l’uranium. Ainsi, le pétrole pourrait représenter non moins de 68 % des recettes d’exportation du pays en 2025, soit bien davantage que l’uranium pour lequel le pays n’est d’ailleurs plus aussi stratégique que par le passé. En effet, il en est aujourd’hui le cinquième producteur mondial avec une part de seulement 6 % en 2019, loin derrière le Kazakhstan (42 %), le Canada (13 %), l’Australie (12 %) et la Namibie (10 %), premier producteur africain en la matière (le Niger ne fournit d’ailleurs plus que 32 % de l’uranium importé par la France).
Si l’émergence d’une nouvelle source de revenus est une chose théoriquement positive, force est de constater, toutefois, que l’existence d’importantes recettes liées à l’exploitation pétrolière s’accompagne souvent, dans les pays du Sud, par un développement considérable des phénomènes de corruption et de détournements de fonds publics, empêchant les populations locales de bénéficier pleinement de ces richesses. Par ailleurs, l’importance de ces revenus est souvent de nature à éloigner les pays concernés de l’accomplissement des réformes nécessaires à un développement solide et durable, qui ne peut passer que par la diversification de l’économie. Les méfaits potentiels d’une importante production d’hydrocarbures peuvent d’ailleurs s’observer au Nigeria voisin, pays gangréné par la corruption et la mauvaise gestion, et dont les hydrocarbures représentent encore 94 % des exportations du pays, 60 ans après son indépendance. Un pays qui est aujourd’hui en déclin (avec une croissance économique largement inférieure à sa croissance démographique), qui a récemment été dépassé en richesse par habitant par la Côte d’Ivoire (devenue le pays le plus riche d’Afrique de l’Ouest), et dont la monnaie a perdu près de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014… et plus de 99 % depuis sa création en 1973.
Le Niger, qui n’avait déjà pas toujours été exemplaire dans la gestion de recettes liées à l’exploitation de l’uranium, devra donc démontrer que les mauvaises expériences vécues par de nombreux pays ne sont pas une fatalité, d’autant plus que les pays du Nord ayant une importante production pétrolière et gazière (comme la Norvège, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis) parviennent à gérer correctement leurs ressources. Mais le Niger devra également faire face à un autre défi au cours des prochaines années, et qui à trait aux activités terroristes menées sur son territoire, qu’elles soient réalisées par des individus en provenance d’autres pays du Sahel ou d’Afrique du Nord, à l’ouest et au nord, ou du Nigeria au Sud.
L’armée nigérienne, qui est d’ailleurs une des armées les mieux structurées de la région, pourra compter sur l’appui militaire de la France et des États-Unis. De plus en plus présents, les américains ont notamment construit une importante base de drones à Agadez, dans le nord du pays (et qui s’ajoute, entre autres, à leur grande base militaire de Djibouti, de loin la plus importante des bases étrangères en Afrique, avec environ 4 000 hommes). Toutefois, cela ne devrait pas empêcher le Niger de demeurer dans une situation sécuritaire précaire, et ce, notamment du fait de la probable montée du terrorisme venant de l’intérieur même du pays, conséquence du développement d’un extrémisme religieux alimenté par des idéologies en provenance de l’extérieur. Des idéologies contraires aux traditions religieuses de ce pays presque entièrement musulman depuis de nombreux siècles, et qui semblent, hélas, s’enraciner davantage au Niger que dans les autres pays francophones du Sahel.
Le Niger devra donc lutter activement contre ces dérives qui constituent une véritable menace pour sa sécurité et ses intérêts. Le pays devrait notamment prendre des mesures courageuses visant à empêcher la tenue de discours extrémistes par des personnes étrangères ou par des nationaux ayant été formés dans des pays connus pour abriter des idéologies contraires aux traditions nigériennes. Cependant, cette lutte ne pourra être menée avec succès que si le pays continue à progresser parallèlement sur la voie de la transparence et de la bonne gouvernance, afin de parvenir à une réduction importante et durable de la pauvreté par une bonne répartition des richesses actuelles et futures, d’une part, et par la mise en place d’une économie diversifiée et non dépendante d’une seule activité, d’autre part.
https://www.cermf.org/les-dix-
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Les dix pays africains les plus endettés (… et à la grande fragilité face à la crise)
Plusieurs pays africains connaissent un niveau élevé d’endettement, les rendant plus fragiles face à la crise mondiale actuelle. Mais les pays les plus endettés du continent sont loin d’être ceux auxquels l’on pourrait penser.
Selon les dernières statistiques du FMI, les dix pays africains affichant le taux d’endettement le plus élevé début 2020 sont les suivants : le Soudan, avec une dette publique équivalant à 207 % du PIB, l’Érythrée (165,1 %), le Cap-Vert (123,5 %), le Mozambique (108,8 %), l’Angola (95,0%), la Zambie (91,6 %), l’Égypte (84,9%), la Gambie (80,9%), la Mauritanie (78,5 %) et la République du Congo (ou Congo-Brazzaville, 78,5 %).
Ce classement correspond donc au niveau d’endettement des pays africains juste à la veille de la crise économique actuelle, liée au Covid-19. À ce stade, ces données peuvent être considérées comme étant les plus pertinentes pour effectuer des comparaisons, vu que les conséquences économiques de la pandémie actuelle pour l’année en cours ne peuvent encore être correctement estimées, et en particulier pour les pays en développement.
Les « surprises » du classement
Le classement est donc dominé par le Soudan, pays d’Afrique connaissant une grave crise économique et qui est en période de transition politique depuis le coup d’État d’avril 2019. Une situation regrettable pour un pays qui n’est autre que le second producteur d’or du continent, après le Ghana, et qui a le grand avantage d’être abondamment irrigué par le Nil, le plus long des fleuves africains, et ses affluents. Il est d’ailleurs à noter que le Soudan fait désormais partie des cinq pays les plus pauvres du continent, avec un PIB par habitant de seulement 442 dollars début 2020.
Un autre élément surprenant du classement consiste en la place occupée par l’Angola, qui arrive au cinquième rang des pays africains les plus endettés. En effet, ce pays dispose également de très importantes richesses naturelles, et en particulier le pétrole dont il est le deuxième producteur continental, après le Nigeria. Toutefois, et comme pour ce dernier, l’Angola connaît aussi un déclin économique et un appauvrissement, avec en moyenne une croissance annuelle négative de -1,0 % sur la période de cinq années allant de 2015 à 2019 (et seulement 1,2 % pour le Nigeria), soit un taux largement inférieur au taux de croissance démographique du pays (3,3 % en moyenne sur la même période). Une évolution qui s’est notamment traduite par une baisse de 85 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014 (près de 60% pour le Nigeria), et qui devrait se poursuivre pendant les quelques prochaines années, au moins, selon les prévisions en la matière, et comme pour le Nigeria. Ces deux pays souffrent notamment d’une tendance à la baisse de leur production pétrolière, et ne sont pas parvenus à diversifier leur économie et leurs exportations, qui reposent toujours presque uniquement sur les hydrocarbures (98 % pour l’Angola, et 94 % pour le Nigeria).
Enfin, ce classement fait apparaître qu’il n’y a que deux pays francophones parmi les dix pays les plus endettés du continent, et qui ne sont qu’à la 9e et à la 10e place, à savoir la Mauritanie et la République du Congo. Cette dernière devrait d’ailleurs sortir des dix premières positions au cours de l’année 2020 (mais il convient là de rappeler, encore une fois, qu’il est encore trop tôt pour avancer des estimations suffisamment fiables pour l’année en cours, compte tenu du contexte très particulier que le monde connaît actuellement).
L’Afrique francophone, partie la moins endettée du continent
L’Afrique francophone est d’ailleurs globalement la partie la moins endettée du continent, avec un taux d’endettement global de 50,1 % du PIB pour cet ensemble de 25 pays début 2020, et de 44,1 % pour sa partie subsaharienne composée de 22 pays (en tenant compte de la dette publique et du poids de chacune de leurs économies, selon les données disponibles mi-2020). Pour le reste du continent, le taux s’établit à 58,9 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone, et à 53,4 % pour sa partie subsaharienne. Le niveau d’endettement global de l’Afrique francophone est d’ailleurs largement inférieur à celui de la majorité des pays développés.
Cette assez bonne maîtrise de la dette, dans l’ensemble, résulte en grande partie de la forte croissance économique que connaissent la plupart des pays d’Afrique subsaharienne francophone. Celle-ci constitue d’ailleurs la zone la plus dynamique – et historiquement la plus stable – du continent, dont elle a enregistré en 2019 les meilleures performances économiques pour la sixième année consécutive et pour la septième fois en huit ans. Sur la période 2012-2019, la croissance annuelle de cet ensemble de 22 pays s’est ainsi établie à 4,4% en moyenne (5,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,8% pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme qui est particulièrement élevé au sein de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur cette même période de huit années.
Grâce à ce dynamisme, la Côte-d’Ivoire vient par exemple de dépasser le Nicaragua en termes de richesse par habitant, pour devenir le premier pays africain au sous-sol pauvre de l’histoire à devancer un pays d’Amérique hispanique, avec un PIB par habitant de 2 286 dollars début 2020, contre 1 913 dollars (hors très petits pays de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Et ce, tout en ayant réussi l’exploit de dépasser le Ghana et le Nigeria, deux voisins disposant d’immenses richesses naturelles, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (2 202 dollars et 2 230 dollars par habitant, respectivement pour ces derniers). Quant au Niger, géographiquement pénalisé par son enclavement, il vient de réussir la performance de dépasser la Sierra Leone, et de quitter ainsi la place peu enviable de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest (555 dollars par habitant, contre 504 dollars). Enfin, et au niveau continental, il est à noter qu’il n’y a désormais plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays les plus pauvres, tous situés en Afrique de l’Est (à savoir le Burundi, et les quatre pays anglophones que sont le Soudan du Sud, devenu le pays le plus pauvre du monde, le Malawi, la Somalie et le Soudan).
Globalement, les pays francophones sont donc mieux armés pour faire face à la crise majeure que traverse aujourd’hui le monde. Certes, le niveau d’endettement n’est pas le seul élément qui compte, mais il demeure incontestablement l’un des plus importants, avec de sérieuses conséquences aussi bien sur la capacité d’un pays à se relever que sur sa souveraineté.
Le CERMF demande la révocation du journaliste Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro.
Le CERMF condamne fermement les contrevérités anti-francophones et anti-françaises assenées par le journaliste incompétent Yves Thréard, au mépris de la sécurité physique de nos compatriotes, lors de l’émission « C’est dans l’air » du mardi 24 décembre 2019. À savoir :
– que « le dynamisme économique de l’Afrique de l’Est est un dynamisme beaucoup plus fort que celui de l’Afrique de l’Ouest (francophone) ».
– que les pays d’Afrique de l’Est s’en sortent mieux que les pays francophones d’Afrique de l’Ouest (« L’Afrique de l’Est, qui, elle, s’en sort plutôt pas mal »).
Ces deux éléments ayant, par ailleurs, été précédés des quelques mots suivants : « il ne faut pas oublier que… ».
En effet, et en réponse à cette désinformation (a), le CERMF rappelle que (b) :
1. L’Afrique de l’Ouest francophone est bien la partie la plus dynamique du continent, dont elle constitue depuis plusieurs années la plus vaste zone de forte croissance, avec une hausse annuelle globale du PIB de l’espace UEMOA de 6,4 % en moyenne sur la période de huit années allant de 2012 à 2019. Au cours de cette dernière année, cette zone monétaire composée de huit pays (sept francophones + la lusophone et très francophonophile Guinée Bissau) a enregistré un progression globale supérieure à 6 % pour la sixième année consécutive, et la septième fois en huit ans. Toujours en 2019, les sept pays francophones de la zone monétaire ont enregistré une croissance supérieure ou égale à 5 %.
2. L’Afrique de l’Est est la région la plus pauvre du continent, dont elle abrite notamment les cinq pays les plus pauvres, à savoir le Soudan du Sud, désormais en dernière position, le Soudan, la Somalie, le Malawi et le Burundi (soit quatre pays anglophones et un francophone). À ceux-ci, s’ajoutent trois autres pays faisant également partie des plus pauvres du continent, à savoir l’Ouganda, l’Éthiopie et le Rwanda. Trois pays plus pauvres, par exemple, que le Bénin et le Mali, qui ne comptent pourtant pas parmi les plus riches d’Afrique de l’Ouest. Ainsi, et selon les données de la Banque mondiale au 1er octobre 2020, l’Éthiopie et le Rwanda avaient un PIB par habitant de 857 et de 802 dollars, début 2020 et respectivement, contre 1219 et 891 dollars pour le Bénin et le Mali. Quant à l’Ouganda, il avait un PIB par habitant de seulement 777 dollars.
3. La Côte d’Ivoire, qui a de nouveau affiché en 2019 la croissance la plus élevée de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest (6,9 %, comme le Bénin), est devenue le pays le plus riche de toute cette partie du continent, en réussissant l’exploit de dépasser ses deux voisins regorgeant de richesses naturelles, que sont le Ghana et le Nigeria (avec un PIB par habitant de 2 286 dollars pour la Côte d’Ivoire). La pauvreté du sous-sol ivoirien, aux richesses globalement négligeables, contraste en effet avec les gigantesques richesses du Ghana (premier producteur d’or du continent, devant le Soudan et l’Afrique du Sud, et quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, devant le Gabon), et du Nigeria (premier producteur de pétrole du continent, avec une production environ 50 fois supérieure, en moyenne, à celle de la Côte d’Ivoire). Ce dernier devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, pour lequel est prévue une progression annuelle bien supérieure pour les quelques prochaines années.
Parallèlement, la Côte d’Ivoire a continué à creuser l’écart avec le Kenya, qu’elle avait précédemment devancé (1 816 dollars par habitant, pour ce pays qui est le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti).
4. La Côte d’Ivoire vient de devenir le premier pays africain au sous-sol pauvre de l’histoire à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua (1 913 dollars par habitant). Cet évènement historique est le résultat de sa croissance record, qui a été la deuxième plus élevée au monde sur la période de huit années 2012-2019, pays extrêmement pauvres inclus, avec un taux annuel moyen de 8,2 %). Compte tenu de son niveau actuel de richesse et de sa forte croissance, la Côte d’Ivoire est incontestablement l’économie la plus dynamique de l’ensemble du continent.
5. L’Afrique de l’Est est globalement la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment les deux pays connaissant les conflits les plus meurtriers, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie). À ces conflits, s’ajoutent un certain nombre de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles ont déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes ces quelques dernières années (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses près de 15 000 homicides par an).
Occasion de rappeler que les pays francophones sont globalement les moins inégalitaires du continent, la République centrafricaine étant même le seul pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (arrivant à la cinquième position pour l’indice GINI, selon les données de la Banque mondiale – toutefois basées sur des enquêtes pas toujours récentes en la matière).
6. Enfin, il convient de souligner que l’Afrique francophone est globalement la partie la moins endettée du continent. À titre d’exemple, et comme un an plus tôt, seuls deux pays appartenant à cet ensemble faisaient partie des dix pays africains les plus endettés au début de l’année 2020 (la Mauritanie, 9e, et le Congo-Brazzaville, 10e, selon le FMI). Une maîtrise de la dette qui fait que l’Afrique francophone est globalement mieux armée pour faire face à la présente crise économique internationale.
Le CERMF rappelle les conséquences potentiellement tragiques de toute désinformation anti-francophone et anti-française. Une désinformation dont sont abreuvés les terroristes ayant frappé, ou projetant de la faire, nos compatriotes de France ou de l’étranger.
Le maintien dans ses fonctions du journaliste incompétent Yves Thréard, au sein de la rédaction du quotidien Le Figaro, est donc de nature à porter atteinte à la crédibilité de ce même journal, ainsi qu’à la sécurité physique de nos concitoyens.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone).
Spécialiste du monde francophone, conférencier.
a. Le CERMF tient à remercier tous les lanceurs d’alerte à travers le monde, qui contribuent à le maintenir informé de l’actualité de l’espace francophone.
b. Des données statistiques supplémentaires et détaillées sont disponibles :
– dans notre dernier rapport annuel sur la croissance en Afrique subsaharienne francophone :
L’Afrique subsaharienne francophone demeure la locomotive de la croissance africaine (25/02/2020).
www.cermf.org/lafrique-
(L’édition 2018 de ce rapport avait été retweetée par le Vice-Président Afrique de la Banque mondiale de l’époque, M. Mokhtar Diop).
– ainsi que dans nos derniers articles, et notamment :
La Côte d’Ivoire devient le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (14/09/2020).
www.cermf.org/cote-divoire-
Veuillez trouver ci-dessous le lien vers notre dernier article, intitulé « La Côte d’Ivoire devient le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest ».
www.cermf.org/cote-divoire-
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier.
La Côte d’Ivoire devient le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest
Après avoir dépassé le Kenya, la Côte d’Ivoire, pays francophone au sous-sol pauvre, a réussi l’exploit de dépasser ses deux voisins regorgeant de richesses naturelles que sont le Ghana et le Nigeria, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest, selon les données révisées de la Banque mondiale.
Selon les statistiques récemment publiées par la Banque mondiale, le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire s’établissait à 2 286 dollars fin 2019, soit un niveau désormais supérieur à ceux du Ghana (2 202 dollars) et du Nigeria (2 230 dollars). Et ce, contrairement à ce que laissaient prévoir les données publiées ces dernières années par l’organisme, avant que la Côte d’Ivoire ne bénéficie, à son tour, d’une mise à jour de la base de calcul de son PIB. Un niveau qui, par ailleurs, dépasse maintenant largement celui du Kenya, qui s’élève à 1816 dollars.
Un véritable exploit, dû à une croissance record
Cette grande performance constitue un véritable exploit pour la Côte d’Ivoire, dont le sous-sol pauvre en matières premières contraste avec ceux du Ghana et du Nigeria. En effet, le Ghana est devenu le premier producteur d’or du continent, avec une production plus de quatre fois supérieure à celle de la Côte d’Ivoire (142,4 tonnes en 2019, contre seulement 32,5 tonnes, soit + 338 %). De plus, le pays fait désormais partie des pays pétroliers du continent, se classant aujourd’hui à la quatrième position en Afrique subsaharienne, devant le Gabon (avec une production d’environ 200 000 barils par jour, contre moins de 40 000 pour le pays d’Houphouët-Boigny, soit cinq fois plus). Et ce, dans un domaine qui continue à être largement dominé par le Nigeria, premier producteur d’or noir du continent, avec une production annuelle qui se situe, en moyenne, à environ deux millions de barils par jour.
L’importante progression de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de huit années allant de 2012 à 2019, période suffisamment longue pour pouvoir établir des comparaisons internationales (et hors micro-États, et plus précisément Nauru, pays insulaire du Pacifique sud ne comptant que 11 mille habitants et pour un territoire de seulement 21 km2), la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, avec une croissance annuelle de 8,2 % en moyenne (6,9 % en 2019). Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012. La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, qui a connu une croissance annuelle de 9,2 % en moyenne (8,3 % en 2018). Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012 et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 857 dollars, fin 2019 (soit près de 2,7 fois moins que la Côte d’Ivoire). Sur cette même période de huit années, le Ghana et le Nigeria ont enregistré, respectivement, une croissance annuelle de 5,7 % et de 2,9 % en moyenne.
Un pays particulièrement dynamique et en chantier
Les résultats de la Côte d’Ivoire s’expliquent par les profondes réformes réalisées par le pays afin d’améliorer le climat des affaires, ainsi que par une politique de développement tous azimuts et se matérialisant notamment par de nombreux chantiers d’envergure à travers le pays. Plusieurs mesures ont en effet été prises afin de faciliter et de sécuriser les investissements, en vue d’instaurer un environnement favorable à ces derniers : mise en place d’un nouveau code des investissements en 2012, d’un guichet unique de création d’entreprises, d’une plateforme d’échanges pour centraliser les appuis des partenaires au développement de l’environnement des affaires… Le tout, assorti d’une assez faible pression fiscale, de l’ordre de 14 % du PIB au total pour l’année 2019 (cotisations de sécurité sociale incluses).
L’ensemble de ces mesures a ainsi permis à la Côte d’Ivoire de faire un bond considérable dans le classement international Doing business, publié chaque année par la Banque mondiale et relatif au climat des affaires, en passant de la 167e place en 2012 à la 110e pour l’année 2020. Dans ce classement, elle fait donc désormais largement mieux que le Nigeria (131e), ou encore que l’Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place sur la même période. Ce pays, où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs l’un des pays qui connaissent les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).
Cette importante progression de la Côte d’Ivoire s’accompagne également d’une remarquable maîtrise de l’inflation (comme dans l’ensemble de l’espace UEMOA), qui s’est située à seulement 0,8 % en moyenne annuelle sur la période de huit années allant de 2012 à 2019, selon les dernières données de la Banque mondiale. Un taux particulièrement bas, notamment en comparaison avec le Ghana et Nigeria, dont les populations ont grandement souffert d’une inflation qui s’est établie à 11,9 % et à 11,6 % par an, en moyenne et respectivement, et ce malgré une croissance largement inférieure à celle de la Côte d’Ivoire. Ces deux pays souffrent d’ailleurs également d’une importante dollarisation de leur économie, la monnaie nationale étant souvent refusée et substituée par le dollar dans les échanges économiques quotidiens. Enfin, la Côte d’Ivoire n’oublie pas d’investir massivement dans l’éducation et la formation, dont les dépenses avaient atteint jusqu’à 27 % du budget national en 2017 (un des taux les plus élevés du continent). Sur les cinq dernières années, autant de classes ont d’ailleurs été ouvertes à travers le pays qu’au cours des vingt années précédentes. Une accélération qui s’explique, notamment, par la scolarisation rendue obligatoire à partir de la rentrée 2015 pour les enfants âgés de 6 à 16 ans. Au passage, il convient de rappeler que la maîtrise de l’inflation et la formation, deux éléments ayant une incidence certaine sur l’environnement des affaires, ne sont pas pris en compte par l’enquête annuelle Doing business de la Banque mondiale. Ce qui constitue une lacune fort regrettable, et pénalisante pour le classement de la Côte d’Ivoire (tout comme le sont, dans un autre registre, les données servant à l’ONU de base de calcul pour l’indice de développement humain, mais qui sont en général relativement anciennes pour les pays en développement, et qui ne prennent donc pas en considération les toutes dernières évolutions économiques et sociales).
Cet environnement particulièrement favorable aux investissements que connait aujourd’hui la Côte d’Ivoire s’accompagne d’une politique ambitieuse de développement et de grands chantiers, dans tous les domaines : routes, ponts, transports publics (comme le futur tramway d’Abidjan), centrales électriques, hôpitaux, réseaux de télécommunications, industries de base… et ce, sans oublier l’agriculture qui continue à se développer, le pays étant même devenu récemment le premier producteur mondial de noix de cajou (en plus d’être déjà le premier producteur de cacao). Des noix de cajou qui sont d’ailleurs partiellement transformées par des machines de fabrication ivoirienne, grâce à une entreprise locale qui la seule du type en Afrique subsaharienne. Pour leur part, les secteurs de la technologie et de l’informatique se développent eux aussi assez rapidement, notamment avec la multiplication des jeunes pousses (ou start-up), ou encore avec la construction d’une usine d’assemblage d’ordinateurs qui contribue à la réalisation du projet national « un citoyen, un ordinateur ». Une fabrication locale qui constitue une avancée rare sur le continent. Quant à l’électrification du pays, point d’une grande importance pour la réussite de toute politique de développement, le taux de couverture est passé de 33 % des localités ivoiriennes début 2012 à 73 % au mois de mai 2020. Et ce, avec une augmentation parallèle du taux d’accès à l’électricité, qui atteint désormais près de 90 % de la population du pays. Sur la même période, celui-ci a connu une progression d’environ 60 % de sa production d’électricité, devenant un des principaux exportateurs en la matière sur le continent (11 % de la production ivoirienne est actuellement exportée vers un total de six pays d’Afrique de l’Ouest).
Par ailleurs, la Côte d’Ivoire commence enfin à s’intéresser au développement du secteur touristique, encore embryonnaire. Une situation totalement anormale pour un pays qui ne manque pas d’atouts en la matière, et que le monde doit enfin connaître et découvrir. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française (et donc également des autres populations occidentales) ignore l’existence même de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, qui n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, et quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome. Une situation absurde qui résulte de la longue négligence dont a souffert le secteur du tourisme, contrairement à ce que l’on observe dans des pays comme le Kenya ou l’Afrique du Sud, ou encore la Tunisie et le Maroc, qui investissent depuis longtemps dans ce domaine qui contribue de manière importante à leur développement. Au passage, il convient de rappeler que la Côte d’Ivoire est un pays bien plus grand qu’on ne le pense, étant, par exemple, légèrement plus étendue que l’Italie et un tiers plus vaste que le Royaume-Uni, et non deux ou trois plus petite comme l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation (y compris en Afrique). Des cartes qui dressent généralement une représentation terriblement déformée des continents, en réduisant considérablement la taille des pays du Sud.
La rapide progression de l’Afrique subsaharienne francophone
Ces différents éléments font que la Côte d’Ivoire devrait continuer à connaître une croissance robuste dans les prochaines années, du moins une fois que la crise mondiale majeure liée au Covid-19 sera passée (et dont les conséquences définitives pour l’année en cours, et pour l’ensemble du continent, ne peuvent encore être correctement estimées). Le pays devrait même, à moyen terme, dépasser en richesse la Tunisie, pour devenir le premier pays d’Afrique subsaharienne au sous-sol pauvre à dépasser, dans l’histoire, un pays d’Afrique du Nord. La Côte d’Ivoire fait d’ailleurs partie de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur la période de huit années allant de 2012 à 2019. Un espace faisant lui-même partie de l’Afrique subsaharienne francophone, qui constitue globalement la zone la plus dynamique – et historiquement la plus stable – du continent, dont elle a enregistré en 2019 les meilleures performances économiques pour la sixième année consécutive et pour la septième fois en huit ans. Sur la période 2012-2019, la croissance annuelle de cet ensemble de 22 pays s’est ainsi établie à 4,4% en moyenne (5,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,8% pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
Un dynamisme par ailleurs soutenu par une assez bonne maîtrise de la dette publique, les pays francophones n’étant qu’au nombre de deux parmi les dix pays les plus endettés du continent (à savoir la Mauritanie et le Congo-Brazzaville, qui n’arrivent, respectivement, qu’à la 9e et à la 10e place début 2020, selon le FMI). Une maîtrise de la dette qui fait que l’Afrique francophone sera globalement mieux armée pour faire face à la présente crise économique internationale. Pour la Côte d’Ivoire, cette dette s’est établie à 38 % du PIB fin 2019 (après rebasage tardif du PIB), soit un niveau largement inférieur à celui de la grande majorité des pays développés, et un des taux les plus faibles du continent (par exemple, largement inférieur à ceux du Ghana, 63,8 %, et du Kenya, 61,6 %).
Par ailleurs, il est à noter qu’il n’y a désormais plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays les plus pauvres du continent, tous situés en Afrique de l’Est (en l’occurrence le Burundi, avec quatre pays anglophones que sont le Soudan du Sud, devenu le pays le plus pauvre du monde, le Malawi, la Somalie et le Soudan). Enfin, il n’y a aujourd’hui plus aucun pays francophone dans les six dernières places du classement international relatif au climat des affaires de la Banque mondiale, désormais majoritairement occupées par des pays anglophones (en 2012, cinq des six derniers pays étaient francophones).
Cette évolution globalement favorable de l’Afrique francophone n’était d’ailleurs pas aussi facilement prévisible il y a quelques décennies, au moment des indépendances. En effet, il convient de rappeler que le Royaume-Uni avait pris le contrôle des terres les plus fertiles du continent (le Ghana, la Nigeria – avec le delta du fleuve Niger et ses affluents, le Soudan et le Soudan su Sud – avec le Nil et ses affluents, la Tanzanie, le Zimbabwe…), ainsi que des territoires les plus riches en matières premières (les trois premiers pays producteurs d’or du continent, que sont le Ghana, le Soudan et l’Afrique du Sud – longtemps premier producteur mondial en la matière, le premier producteur de pétrole qu’est le Nigeria – devant l’Angola, ancienne colonie portugaise, le premier producteur de diamants qu’est le Botswana, ou encore le deuxième producteur de cuivre qu’est la Zambie). L’Afrique francophone a donc réussi son rattrapage par rapport au reste du continent, dont elle constitue même désormais la partie la plus prospère, globalement (ou la moins pauvre, selon la manière de voir les choses). Des pays comme le Mali et Bénin, qui ne font pourtant pas partie des pays les plus riches d’Afrique de l’Ouest, ont même un PIB par habitant supérieur à des pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, situés en Afrique de l’Est et bénéficiant étrangement d’une couverture médiatique exagérément favorable.
Le déclin économique du Nigeria, et son incidence sur une éventuelle monnaie unique ouest-africaine
Depuis plusieurs années, l’économie du Nigeria est en déclin et le pays en voie d’appauvrissement constant. En effet, celui-ci (et comme l’Afrique du Sud, par ailleurs), affiche chaque année un taux de croissance économique très faible et largement inférieur à son taux de croissance démographique, contrairement aux pays francophones qui l’entourent. Ainsi, la hausse du PIB n’a été que 1,2 % en moyenne annuelle sur les cinq dernières années (2015-2019), contre une croissance démographique de 2,6 % en moyenne sur la même période (comparable à celle de la Côte d’Ivoire, 2,4 %). Le Sénégal et le Cameroun devraient d’ailleurs assez rapidement dépasser à leur tour le Nigeria en matière de richesse par habitant (chose assez méconnue, le Cameroun connaît régulièrement une croissance économique deux à trois fois supérieure à celle du Nigeria). À cette situation, s’ajoutent de graves difficultés structurelles auxquelles fait face le pays, et qui se manifestent notamment par une inflation assez forte (11,6 % en moyenne annuelle sur les huit années de la période 2012-2019, contre 0,8 % pour la Côte d’Ivoire), une monnaie ayant perdu près de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014 (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973, lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 488 au 10 septembre 2020), et par des exportations qui reposent encore à près de 95 % sur le pétrole et le gaz (le Nigeria n’étant toujours pas parvenu à mettre en place un tissu industriel capable de le sortir de sa dépendance aux hydrocarbures, en diversifiant les exportations).
Au passage, il est à noter qu’il est toujours assez surprenant de voir régulièrement paraître en Afrique des articles présentant le Nigeria comme étant le pays le plus riche du continent, et ce, au détriment d’autres pays et en se basant donc uniquement sur le critère du PIB global, qui dépend pourtant en bonne partie du poids démographique. Une méthode de comparaison de la richesse que l’on observe uniquement en Afrique, seul continent au monde dans lequel sont publiés par les médias des articles se basant sur le critère du PIB global, au lieu de prendre en compte celui du PIB par habitant, universellement considéré comme étant le critère de comparaison le plus rationnel et le plus pertinent. Au niveau international, classer le niveau de richesse des pays en fonction du poids de leur PIB reviendrait à dire, par exemple, que la Turquie et le Mexique sont à peu près aussi riches que l’Arabie Saoudite et l’Espagne, respectivement. Ce qui serait d’une grande absurdité…
L’intégration d’une économie en aussi mauvaise santé et en déclin comme celle du Nigeria à une monnaie ouest-africaine, quelle qu’elle soit, est donc incontestablement de nature à déstabiliser profondément les économies de tous les autres pays qui partageraient la même monnaie, à travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnée, de surcroît, d’une politique monétaire plus adaptée à un pays en crise (le Nigeria, par son poids démographique, décidant de l’essentiel de cette politique), et ne correspondant donc pas aux besoins des pays dynamiques de la région. À commencer par ceux de l’UEMOA, plus vaste zone de forte croissance du continent, qui verraient ainsi leur dynamisme se réduire assez rapidement, ainsi que leur niveau de souveraineté. La fermeture récente des frontières du Nigeria aux marchandises venant des pays frontaliers de la CEDEAO, sans concertation préalable et en dehors des règles mêmes de l’organisation, est d’ailleurs assez révélatrice de ce que pourrait être l’attitude du pays dans le cadre de la gestion d’une monnaie unique ouest-africaine.
Par ailleurs, et dans un autre registre, il convient de souligner que le déclin de l’économie nigériane est de nature, à terme, à accroître considérablement l’émigration de Nigérians, en quête d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Ghana. Ces pays doivent donc se préparer à faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire, compte tenu de la population du Nigeria, et notamment les pays de la CEDEAO dont les règles prévoient la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres. Des règles qu’il faudra peut-être songer à revoir en fonction des intérêts des autres pays de la région, francophones et anglophones.
Enfin, et pour revenir à la question d’une monnaie commune, il est utile de rappeler que l’argument selon lequel une monnaie ouest-africaine permettrait de stimuler les échanges commerciaux entre les pays de la région, est un argument erroné qui ne correspond pas à la réalité des choses (et qui rappelle, d’ailleurs, une certaine propagande ayant précédé la création de l’Euro, pour une partie des pays de l’Union européenne). À titre d’exemple, les échanges entre les pays francophones de la zone UEMOA n’ont que très marginalement bénéficié de l’existence d’une monnaie commune à ces pays, et demeurent même encore globalement très faibles. Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de la monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant la création de la monnaie unique… Ainsi, la hausse des échanges entre pays d’une région donnée ne dépend pas de l’existence d’une même monnaie qu’ils auraient en partage, mais simplement de leur capacité à exporter des produits, à travers la mise en place préalable d’un environnement favorable pour y parvenir (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures, formation, accords commerciaux, et en s’appuyant, surtout dans le cas de certaines industries nécessitant de lourds investissements, sur un marché assez important… comme le sont déjà ceux de l’UEMOA et de la CEDEAO).
L’Afrique subsaharienne francophone demeure la locomotive de la croissance africaine ».
https://www.cermf.org/
Se basant sur les données les plus récentes, cet article contient de nombreuses statistiques, comme :
– les taux de croissance globaux et régionaux de l’Afrique subsaharienne francophone.
– des comparaisons entre les croissances économique et démographique des principales économies francophones et non francophones.
– le classement des dix pays les plus endettés du continent.
et bien d’autres également…
Le Cermf est le seul organisme qui présente chaque année un rapport sur la croissance de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne francophone, ainsi que de chacune de ses zones géographiques.
Les données fournies par ce rapport contredisent donc clairement les affirmations erronées et régulièrement diffusées par certains, qui semblent méconnaître la réalité des choses et qui, volontairement ou involontairement, sont ainsi des propagateurs de haine anti-francophone et anti-française (dont, hélas, un certain nombres de personnes en France même). Une désinformation aux conséquences toujours préjudiciables, et parfois tragiques.
Nous tenons à remercier nos chers et fidèles lecteurs, présents dans les quatre coins du vaste monde francophone (et au-delà), ainsi que tous les sites d’information ayant relayé ce rapport.
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier.
L’Afrique subsaharienne francophone demeure la locomotive de la croissance africaine
En 2019, pour la sixième année consécutive et la septième fois en huit ans, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent. La tendance devrait se maintenir en 2020, mais une certaine vigilance s’impose à moyen terme avec le passage de certains pays à l’Eco, dont l’élargissement ne doit se faire dans la précipitation.
Pour la sixième année consécutive et pour la septième fois en huit ans, l’Afrique subsaharienne francophone a affiché les meilleures performances du continent, selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier. Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 4,5 % (4,9 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 1,9 % *.
Une croissance globale en hausse
La croissance de l’Afrique subsaharienne francophone a donc connu une hausse par rapport à l’année précédente (4,3 %, ou 4,9 % hors Guinée équatoriale). Dans le même temps, l’écart s’est accru avec le reste de l’Afrique subsaharienne (2,0 % en 2018), et dont la croissance avait été quatre fois inférieure en 2016 (0,7 % contre 2,8 %). Cette hausse résulte du redémarrage progressif de l’activité dans certains pays d’Afrique centrale encore très dépendants des hydrocarbures. En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la Guinée Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), la croissance est passée de 4,0 % en 2018 à 4,4 % (ou de 4,9 % à 5,1 %, hors Guinée équatoriale). Une moyenne est à nouveau tirée par l’espace UEMOA, qui continue à être la plus vaste zone de forte croissance du continent (> 6 % par an). Ce léger écart entre la hausse du PIB de l’ensemble de la zone CFA et celle de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne francophone, en faveur de cette dernière, s’explique par l’absence de pays dépendants des hydrocarbures en dehors de la zone CFA.
Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, la croissance globale demeure notamment affectée par les graves difficultés des trois principales économies de la zone (le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola), par la stagnation ou le recul de l’activité dans la majorité des pays d’Afrique australe, en plus de l’Afrique du Sud (en Namibie, en Zambie, au Zimbabwe, au Mozambique et au Swaziland, désormais dénommé Eswatini), ainsi que par les taux de croissance négatifs observés au Liberia (en Afrique de l’Ouest) et au Soudan (en Afrique de l’Est, une région également secouée par les deux conflits les plus meurtriers d’Afrique subsaharienne, proportionnellement à la population locale, en l’occurrence en Somalie et au Soudan du Sud). En 2019, cinq des six pays d’Afrique subsaharienne ayant enregistré une croissance négative se situent en dehors de la partie francophone (et trois sur quatre en 2018).
Au Nigeria, en Afrique du Sud et en Angola, la situation reste très difficile, notamment en raison du déclin progressif de leur très importante production pétrolière (pour le Nigéria et l’Angola, respectivement premier et deuxième producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne), ou aurifère (cas de l’Afrique du Sud, désormais second producteur du continent, après avoir été récemment dépassé par le Ghana). Ces pays ont ainsi respectivement affiché une croissance de 2,0 %, de 0,4 % et une évolution négative de -0,7 %, contre respectivement 1,9 %, 0,8 % et -1,2 % en 2018. Pour l’Afrique du Sud, cette croissance anémique se poursuit depuis plusieurs années, et semble durablement installée selon les prévisions de la Banque mondiale, qui prévoit également de faibles hausses pour les PIB du Nigeria et de l’Angola pour les quelques années à venir, au moins. Le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola sont donc des pays en voie d’appauvrissement, puisqu’ils affichent désormais constamment des taux de croissance largement inférieurs à leur croissance démographique (contrairement, donc, aux pays francophones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nigeria, qui enregistre les taux de croissance le plus élevés parmi ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que 1,1 % en moyenne annuelle sur les cinq dernières années (2015-2019), contre une croissance démographique annuelle de 2,6 % en moyenne sur la même période. Par ailleurs le Nigeria et l’Angola ont connu une importante dépréciation de leur monnaie, dont la valeur a baissé d’environ 55 % et 80 %, respectivement, par rapport au dollar depuis novembre 2014. Avec à la clé une forte inflation et le maintien d’une forte dollarisation de leur économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).
Sur la période 2012-2019, soit huit années, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 4,4 % en moyenne (5,0 % hors Guinée équatoriale, et 6,4 % pour la zone UEMOA). Ce taux a été de 2,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Sur cette même période, les quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 8,4 %, de 6,0 %, de 4,7 % et de 5,9 % en moyenne. De leur côté, les quatre premières économies du reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola et le Kenya, ont respectivement connu une progression annuelle de 2,8 %, de 1,3 %, de 1,7 % et de 5,6 % (croissance tirée par les trois premières années de la période, pour les trois premiers pays).
Une Afrique de l’Ouest francophone particulièrement dynamique
Pour la sixième année consécutive et la septième fois en huit ans, la zone UEMOA (huit pays, dont la lusophone, mais très francophile, Guinée-Bissau) a enregistré une croissance globale supérieure à 6 % (6,4 % en 2019, et 6,6 % un an plus tôt). En 2019, les sept pays francophones de la zone monétaire ont enregistré une croissance supérieure ou égale à 5 %, et cinq d’entre eux ont connu une progression supérieure 6 % (le taux le plus faible, de 5,0%, ayant été enregistré aux Mali, qui pâtit de problèmes sécuritaires affectant une partie de son territoire). La zone UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, et d’important relais de la croissance mondiale.
Hors UEMOA, la Guinée confirme le redémarrage de son économie depuis 2016, avec une hausse de son PIB de 5,9 % (5,8 % en 2018). De son côté, la Mauritanie (située hors zone CFA comme la Guinée), et après avoir affiché d’assez décevantes performances ces dernières années, a enregistré une croissance de 6,4% en 2019, et devrait également connaître une progression d’environ 6 % dans les quelques années à venir. Pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone (Guinée et Mauritanie incluses), la croissance globale a aussi été de 6,4 %.
Le statut de plus vaste zone de forte croissance du continent constitue une réelle performance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n’est pas la plus pauvre du continent, cette place étant occupée par l’Afrique de l’Est. Ainsi, à titre d’exemple, et hors Djibouti (pays francophone), seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2019 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (1 710 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 051 dollars). À la même date, deux pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient largement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (1 715 dollars) et le Sénégal (1 522 dollars). Et même trois pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, à la production pétrolière grandissante et aujourd’hui premier producteur d’or du continent). Par ailleurs, l’Afrique de l’Est abrite les quatre pays les plus pauvres du continent, à savoir le Soudan du Sud (désormais en dernière position), la Somalie, le Malawi et le Burundi (trois pays anglophones et un francophone, ayant tous un PIB par habitant inférieur à 400 dollars, début 2019, selon les dernières données disponibles).
Avec une croissance 7,3 % en 2019, la Côte d’Ivoire a de nouveau affiché la meilleure performance de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. Après avoir dépassé le Kenya en 2018 (pays anglophone le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale), en matière de richesse par habitant, la Côte d’Ivoire creuse ainsi l’écart avec ce dernier, qui a affiché une croissance de 5,9 % en 2019, et qui devrait également être prochainement dépassé par le Sénégal (dont la hausse du PIB a été de 6,3 %, et qui devrait connaître une progression annuelle de près de 7 % pour les quelques prochaines années, contre une croissance inférieure ou égale à 6,0 % pour le Kenya).
Toujours selon les prévisions de la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, pays pauvres en richesses naturelles, devraient également bientôt réaliser une autre importante performance, à savoir celle de dépasser en richesse par habitant des pays très bien dotés en matières premières comme le Nigeria (2028 dollars par habitant, début 2019, et premier producteur de pétrole du continent) et le Ghana (2202 dollars, premier producteur d’or du continent, et en passe de devenir le troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne).
Enfin, il convient de noter que la Côte d’Ivoire est parvenue à réaliser le troisième taux de croissance le plus élevé d’Afrique en 2019, après l’Éthiopie (9,0 %) et le Rwanda (8,5 %), et ce, malgré son niveau de richesse déjà assez élevé pour le continent. En effet, l’Éthiopie et Rwanda sont des pays d’Afrique de l’Est faisant partie des pays les plus pauvres du continent, ce qui explique en bonne partie leur taux de croissance élevé. Ainsi, l’Éthiopie (qui était le deuxième pays le moins développé au monde en 2011) et le Rwanda avaient, début 2019, un PIB par habitant inférieur à des pays comme le Mali et le Bénin, qui ne comptent pourtant pas parmi les plus riches d’Afrique de l’Ouest (772 dollars pour l’Éthiopie, 773 dollars pour Rwanda, contre 900 dollars pour le Mali et 901 dollars pour le Bénin).
Par ailleurs, il est utile de rappeler que les performances affichées par le Rwanda doivent continuer à être prises avec la plus grande précaution, et ce, pour les trois raisons suivantes : premièrement, parce que de nombreux experts indépendants remettent régulièrement en cause les taux de croissance officiels affichés par le régime rwandais. Deuxièmement, parce que le Rwanda est depuis 2013 le premier producteur et exportateur mondial de tantale, un élément stratégique obtenu à partir d’un minerai appelé coltan, mais qu’il extrait en bonne partie et en toute illégalité du territoire de la RDC voisine (qui en détient, à elle seule, plus de 60 % des réserves mondiales). Un pillage de type « colonial », dont l’existence n’est plus contestée et qui constitue un cas unique dans le monde d’aujourd’hui. Enfin, troisièmement, parce que le Rwanda est depuis plus de deux décennies l’un des tous premiers pays bénéficiaires des aides publiques au développement dans le monde (alors que le régime répète régulièrement que les pays africains ne doivent compter que sur eux-mêmes…). Ainsi, le pays s’est classé troisième sur le continent en la matière sur la période de cinq années allant de 2013 à 2017, proportionnellement à sa population (selon les données de l’OCDE, et hors pays en guerre, comme le Soudan du Sud, et très petits pays de moins d’un million d’habitants, essentiellement insulaires). Avec une enveloppe annuelle de 1,116 milliard de dollars en moyenne, il n’a été devancé, par habitant, que par le Liberia et la Sierra Leone (deux pays anglophones faisant partie des trois pays le plus pauvres d’Afrique de l’Ouest, avec le Niger). À titre de comparaison, le Burundi voisin et le Bénin, dont la population est à peu près égale à celle du Rwanda, n’ont reçu que 522 et 572 millions de dollars d’aide par année en moyenne. En d’autres termes, le Rwanda a bénéficié de 91 % et de 81 % d’aides par habitant en plus que le Burundi et le Bénin, respectivement. De même, le pays a proportionnellement reçu 116 % d’aides supplémentaires par habitant par rapport à l’Ouganda, son voisin du nord (et huitième pays le pauvre du continent, avec un PIB de 643 dollars, début 2019).
Ces aides massives proviennent principalement des États-Unis et du Royaume-Uni, et s’expliquent par l’alliance stratégique (géopolitique, militaire et financière) scellée entre ces deux puissances et les hauts dignitaires du régime rwandais actuel, alors en exil, à la fin des années 1980. Et suite à laquelle se multiplièrent les attaques terroristes et meurtrières au Rwanda, à partir de l’Ouganda, créant ainsi un climat de peur et paranoïa collective qui mena, hélas, au triste génocide (déclenché le lendemain de l’assassinat simultané de deux présidents, ceux du Rwanda et du Burundi, par le tir d’un missile ayant abattu l’avion qui les transportait. Un double assassinat unique dans l’histoire de l’humanité). Le Rwanda qui demeure, malheureusement, l’une des quatre dictatures les plus totalitaires du continent africain, qui sont au degré « zéro » en matière de liberté d’expression (avec trois autres pays non francophones, à savoir l’Érythrée, l’Égypte, au régime bien plus autoritaire que sous Moubarak, et le Eswatini, dernière monarchie absolue du continent).
Si le niveau raisonnable des cours des matières premières a également eu un impact positif, les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes mises en œuvre par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu’en matière de bonne gouvernance. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance s’est établie à 6,0 % en 2019 (6,8 % en 2018). Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2020, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.
À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria et l’Angola, respectivement première et troisième économie d’Afrique subsaharienne (du fait de leur très importante production pétrolière), se classent à la 131e et à la 177e place, respectivement. Par ailleurs, il est à noter que le dernier classement Doing Business met en évidence une détérioration considérable de climat des affaires en Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place entre les années 2012 et 2020. Ce pays, qui peine à développer ses zones rurales et où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs l’un des pays connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an). Enfin, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure désormais parmi les six derniers pays de ce classement international, places désormais majoritairement occupées par des pays anglophones (en 2012, cinq des six derniers pays étaient francophones).
Dans un autre registre, il est utile de souligner que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone continue à être globalement deux fois supérieure à sa croissance démographique, pourtant légèrement supérieure à la moyenne subsaharienne. Grâce au cadre plus favorable instauré par les différentes réformes en matière d’économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, la plupart des pays de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité, trompeuse, des cartes en circulation), ne comptent respectivement que 12 et 20 millions d’habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni.
Une croissance en hausse en Afrique centrale
Grâce, notamment, à l’assouplissement progressif des mesures d’austérité budgétaire dans les pays pétroliers de la zone CEMAC, faisant lui-même suite à la remontée des cours du pétrole observée fin 2017, la croissance globale en Afrique centrale francophone a poursuivi sa hausse pour s’établir à 2,7 % en 2019, contre 2,3 % un an plus tôt (et 0,7 % en 2017). Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiée de la région, la croissance s’est maintenue à environ 4 % (4,0 %, et 4,1 % en 2018). Avec une hausse annuelle du PIB qui devrait continuer à être au moins deux fois supérieure à celle du Nigeria voisin, le Cameroun devrait lui aussi, prochainement, dépasser ce pays en termes de richesse par habitant, comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal (le PIB par habitant du pays étant de 1 534 dollars début 2019). Pour sa part, la République démocratique du Congo (RDC), située en dehors de la zone CEMAC (et donc du franc CFA), est parvenue à atteindre une croissance de 4,3 % (contre 5,8 % un an plus tôt), ce qui reste toutefois assez décevant pour un pays qui demeure un des plus pauvres du continent (562 dollars par habitant, début 2019).
En zone CEMAC, la variation du PIB est passée de 1,2 % en 2018 à 2,1 % en 2019, Guinée équatoriale incluse (ou de 2,6 % à 3,3 %, hors Guinée équatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas très particulier qu’il convient systématiquement de rappeler, car de nature à fausser l’interprétation des statistiques régionales. Peuplé d’environ un million d’habitants, seulement, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapidement sa production commencer à décliner, au début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il vient donc d’enregistrer sa cinquième année consécutive de croissance négative en huit ans (-4,3 % en 2019, et une moyenne annuelle fortement négative de -6,6 % sur les cinq dernières années).
Au Gabon, la croissance est passée de 0,8 % en 2018 à 2,9 % en 2019, et devrait de nouveau dépasser la barre des 3,0 % pour les trois prochaines années. Ce qui constitue une performance assez remarquable (mais toutefois insuffisante) pour un pays avant l’un des PIB par habitant les plus élevés du contient (7 952 dollars, devant l’Afrique du Sud, dont la croissance stagne pourtant autour de 1 % chaque année). Ceci s’explique notamment par les efforts réalisés en matière de diversification (Plan stratégique Gabon émergent – PSGE), qui lui permettent d’afficher une croissance hors hydrocarbures supérieure à celle des deux grands et proches pays pétroliers que sont le Nigeria et l’Angola. Sur la période triennale 2016-2018, et selon le FMI (dans son rapport « Perspectives économiques régionales », publié en octobre 2018), la croissance hors hydrocarbures aurait ainsi atteint une moyenne annuelle de 2,4 % au Gabon, contre seulement 0,6 % au Nigeria et 1,3 % en Angola. Sur la même période, la variation totale du PIB s’était établie à 1,1 % pour le Gabon, en moyenne annuelle, contre 0,4 % au Nigéria et -1,3 % en Angola.
Si le Gabon et le Cameroun s’emploient à reformer et à diversifier leur économie (et dans une moindre mesure le Tchad, dont la croissance est passée de 2,6 % à 3,0 %, et devrait remonter au-dessus des 5 % en 2020), force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été réellement entrepris au Congo voisin, qui a enregistré une évolution de son PIB de seulement 2,2 % (contre 1,6 % en 2018), et dont la croissance devrait demeurer assez faible d’ici 2022, au moins. Autre indicateur allant dans ce sens, ce pays, et en dépit de ses nombreux atouts, continue à occuper l’une des dernières places du classement Doing Business, en arrivant 180e sur un total de 190 pays étudiés (et se classant donc, à peu près, au même
niveau que l’Angola, 177e et autre pays pétrolier, ou encore que la RDC, 183e). Néanmoins, et si d’importants efforts restent donc à accomplir, il convient toutefois de saluer les grands efforts réalisés par le pays afin de réduire considérablement une dette publique qui s’établissait à 119 % du PIB début 2017, et qui faisait du Congo le 5e pays le plus endetté du continent (et le premier pays francophone). Grâce, entre autres, à ces efforts, et notamment suite à une ambitieuse politique d’assainissement des finances publiques, le Congo a ainsi vu sa dette baisser spectaculairement à 78 % du PIB début 2020 (soit un niveau inférieur à celui de plusieurs pays d’Europe de l’Ouest), ce qui le classe désormais à la dixième place des pays les plus endettés du continent. Une évolution positive, et qui devrait aider et « encourager » à instaurer un environnement plus favorable à une croissance économique plus forte. Enfin, et toujours en matière d’endettement, il est utile de rappeler que l’Afrique francophone est globalement la partie la moins endettée du continent. Ainsi, et à titre d’exemple, seuls deux pays francophones font partie des dix pays les plus endettés du continent (nombre assez stable depuis plusieurs années). Début 2020, il s’agit de la Mauritanie (9e) et du Congo (ou République du Congo, 10e).
Une croissance stable en Afrique de l’Est francophone
La croissance de cette partie du continent est restée stable à 4,2 % en 2019. Plus grand pays de la région, Madagascar confirme le redémarrage progressif de son économie, entamé en 2016, et semble être enfin sorti d’une longue période de stagnation économique, due à une instabilité politique. Le pays a ainsi enregistré une progression de son PIB de 4,7 % en 2019 (5,1 % en 2018), et devrait de nouveau repasser au-dessus de la barre des 5 % en 2020.
De son côté, Djibouti a connu une forte croissance de 7,2 % en 2019 (contre 5,5 % l’année précédente), réalisant ainsi une progression annuelle de 6,8 % en moyenne sur la période de huit années allant de 2012 à 2019. Ce pays continue à tirer pleinement profit de sa situation géographique stratégique, et est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seule une dizaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
Cette très faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et où l’hexagone ne pèse que pour environ 3 % du commerce extérieur (contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce, … au plus grand bénéfice d’autres puissances.
Enfin, le Burundi (1,8 %) et les Comores (1,7 %) continuent à afficher les moins bonnes performances de la région (la croissance devant toutefois rebondir à près de 5 %, en 2020, pour les Comores), tandis que Maurice et les Seychelles maintiennent une croissance honorable compte tenu de leur niveau de développement, déjà assez élevé (quasi stable à 3,9 % pour le premier, et en baisse à 3,5 % pour le second).
Un dynamisme global qui devrait se maintenir en 2020
Même s’il convient toujours de demeurer prudent au sujet des prévisions faites en cours d’année pour les pays en développement, l’Afrique francophone subsaharienne devrait une nouvelle fois être la partie la plus dynamique du continent en 2020.
Les pays de la zone CFA, telle que définie fin de 2019 (soit 13 des 22 pays francophones subsahariens et la Guinée Bissau, et auxquels l’ont peut aussi rajouter les Comores, dont la monnaie est également arrimée à l’euro), devraient continuer à bénéficier d’un euro assez bon marché, compte tenu de la baisse importante de la croissance allemande et des menaces qui pèsent sur elle pour l’année à venir. D’ailleurs, l’Allemagne, première puissance exportatrice d’Europe, et qui a historiquement toujours été en faveur d’un euro fort, au risque de pénaliser les pays de la zone CFA dont la monnaie y est arrimée (et de nuire ainsi, doublement, aux intérêts de la France), n’a aujourd’hui d’autre choix que de maintenir l’euro à un niveau raisonnable. Et ce, d’une part car son économie souffre de la baisse de la croissance chinoise, accentuée par la crise liée au coronavirus (désormais nommé Covid-19), et d’autre part, parce qu’elle devrait aussi être prochainement pénalisée par l’accord commercial signé récemment entre les États-Unis et la Chine, et selon lequel celle-ci s’engage à importer pour 200 milliards de dollars de produits et services américains supplémentaires au cours des deux prochaines années (au détriment donc, probablement, d’un certain nombre de produits et de services allemands).
Par ailleurs, et compte tenu du contexte international, le prix des hydrocarbures devrait également se maintenir à un niveau raisonnable pour les pays importateurs de pétrole et de gaz, et soutenir ainsi la croissance de la majorité des pays francophones, assez pauvre en richesses naturelles (et par conséquent, assez peu exposée au ralentissement de l’économie chinoise, aux importants besoins en matières premières).
Un élargissement de l’Eco à entreprendre avec rationalité et sans précipitation
Pour revenir aux pays de la zone CFA, et bien que le taux de change fixe par rapport à l’euro n’ait objectivement pas entravé le développement économique des pays concernés ces dernières années (l’Afrique francophone étant la partie la plus dynamique du continent, et en particulier la zone UEMOA), l’arrimage à l’euro, ou à toute autre monnaie étrangère, constitue toutefois une menace potentielle pour les économies de la zone (comme pour tous les autres pays dans le monde à être dans le même cas, à l’instar du Cap Vert, membre de la CEDEAO situé au large du Sénégal, et dont le cours de la monnaie est également fixe par rapport à l’euro). La volonté réaffirmée des pays de l’espace UEMOA, qui ont récemment décidé d’abandonner le franc CFA pour passer à l’Eco, de parvenir à terme à une monnaie commune à taux de change flexible, et dont le cours serait, par exemple, basé sur un panier de devises (en particulier l’euro, le dollar et le yuan chinois), constitue donc une nouvelle rassurante pour l’avenir des pays de la région. De même, le caractère progressif de cette transition et à saluer, car de nature à ne pas provoquer de fuite brutale de capitaux et à ne pas déstabiliser cette zone qui est la plus dynamique du continent.
Ceci est d’ailleurs l’occasion de rappeler, et comme le savent tous les experts en la matière, que la décision qui avait été prise par les pays de la CEDEAO d’instaurer dès l’année 2020 une monnaie unique à l’ensemble des pays de la zone, francophones, anglophones et lusophones, n’a bien évidemment aucune chance d’être respectée. Et ce, pour la simple raison qu’aucun des pays de la région, à l’exception du Togo, ne respecte les critères de convergence. Et en particulier les pays anglophones (+ le Cap Vert) qui ne sont pas habitués, à l’inverse de leurs voisins francophones de l’UEMOA, aux principes de discipline budgétaire et monétaire qu’impose l’adoption d’une monnaie unique. Par conséquent, les pays de la CEDEAO se réuniront une nouvelle fois, au cours de l’année 2020, pour annoncer un énième report de quelques années de la création de cette monnaie ouest-africaine, comme ils l’ont déjà fait à plusieurs reprises au cours des dernières décennies (le Nigeria vient d’ailleurs de demander ce report, le 10 février dernier).
L’attitude de certains commentateurs et responsables politiques de la région, faisant croire que la non adoption d’une monnaie unique pour l’ensemble de la zone dès 2020 résulterait d’un « court-circuitage » de la France, relève donc d’une habitude, tristement bien enracinée chez certains, de rejeter systématiquement sur autrui la responsabilité de leurs échecs, plutôt que sur eux-mêmes. Dans le même registre, il est intéressant de noter que la plupart des détracteurs les plus médiatiques du franc CFA considèrent aujourd’hui que la fin de l’obligation historique de centraliser en France 50 % des réserves en devises des pays de la zone UEMOA, n’est qu’un détail sans grande importance par rapport à la question du maintien – provisoire – d’un taux de change fixe pour l’eco vis-à-vis de l’euro (comme avec le franc CFA). Or, ces mêmes personnes considéraient il y a encore quelques mois que ce dépôt obligatoire de la moitié des devises constituait l’aspect le plus inacceptable du franc CFA, étant même présenté comme un symbole du soi-disant pillage des ressources financières de ces pays africains. Ce changement soudain d’attitude sur cette question (qui n’a, en réalité, et en tenant compte de l’ensemble des paramètres, toujours été qu’un détail technique, sans incidence sur le développement des pays de la zone, notamment parce que tous les pays du monde mettent toujours de côté une partie importante de leurs réserves en devises) est assez révélateur du manque cruel d’objectivité de certaines personnes, qui profitent, hélas, de leur accès aux médias pour manipuler les masses.
Puisque la volonté d’aller vers une monnaie commune partagée par le plus grand nombre de pays d’Afrique de l’Ouest semble être assez largement répandue auprès des opinions publiques, les pays francophones de la zone UEMOA devraient alors bien se garder de faire preuve de précipitation en la matière, et privilégier une approche purement rationnelle, et non « affective ». Et ce, surtout lorsqu’il s’agira d’examiner une éventuelle adhésion du Nigeria, dont le poids démographique, d’une part, et les graves difficultés économiques, d’autre part, constituent une menace réelle pour les intérêts de l’ensemble des pays de la région, qu’ils soient francophones, lusophones ou anglophones (comme le Ghana, par exemple). En effet, et bien qu’en voie d’appauvrissement, le Nigeria continuera toute de même à peser assez lourdement en Afrique de l’Ouest du fait de son poids démographique (et, in fine, économique). Une adhésion de sa part à une monnaie ouest-africaine représenterait ainsi une grave menace pour la souveraineté de l’ensemble des pays de la région, qui n’auraient pas vraiment leur mot à dire sur la gestion de cette monnaie supranationale. La fermeture récente des frontières du Nigeria aux marchandises venant des pays frontaliers de la CEDEAO, sans concertation préalable et en dehors des règles mêmes de l’organisation, est d’ailleurs assez révélatrice de ce que pourrait être l’attitude du pays dans le cadre de la gestion d’une monnaie commune ouest-africaine (qui aurait probablement pour principal objectif de servir avant tout les intérêts du Nigeria).
À cela, s’ajoutent donc les graves difficultés structurelles auxquelles fait face le Nigeria, qui connait une croissance économique très faible depuis plusieurs années (largement inférieure à sa croissance démographique, contrairement aux pays francophones frontaliers), une inflation assez forte (11,7 % en moyenne annuelle sur les sept années de la période 2012-2018, soit à peu près comme le Ghana, 12,9 %, mais très largement au-dessus de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal, respectivement 1,1 % et 0,5 %), une monnaie ayant perdu plus de 50 % de sa valeur face au dollar depuis 2014 (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa création en 1973, lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 474 au 15 février 2020), et dont 95 % environ des exportations reposent encore sur le pétrole et le gaz (le pays n’étant toujours pas parvenu à mettre en place un tissu industriel capable de le sortir de sa dépendance aux hydrocarbures, en en diversifiant les exportations).
L’intégration d’une économie en aussi mauvaise santé et en déclin comme celle du Nigeria à une monnaie ouest-africaine est incontestablement de nature à déstabiliser profondément les économies de tous les autres pays qui partageraient la même monnaie, à travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnée, de surcroît, d’une politique monétaire plus adaptée à un pays en crise (le Nigeria, par son poids démographique et donc économique, dictant l’essentiel de cette politique), et ne correspondant donc pas aux besoins des pays dynamiques de la région. À commencer par ceux de l’UEMOA, plus vaste zone de forte croissance du continent, qui verraient ainsi leur dynamisme baisser significativement et assez rapidement.
Par ailleurs, et dans un autre registre, indépendant de la question d’une éventuelle monnaie régionale, il convient de souligner que le déclin de l’économie nigériane est de nature, à terme, à accroître considérablement l’émigration de Nigérians, en quête d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Ghana. Ces pays doivent donc se préparer à faire face à ce qui pourrait être un véritable choc migratoire, compte tenu de la population du Nigeria, et notamment les pays de la CEDEAO dont les règles prévoient la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres. Des règles qu’il faudra peut-être songer à revoir en fonction des intérêts des autres pays de la région, francophones et anglophones.
Enfin, et pour revenir à la question d’une monnaie commune, il est utile de rappeler que l’argument selon lequel une monnaie ouest-africaine permettrait de stimuler les échanges commerciaux entre les pays de la région, est un argument erroné qui ne correspond pas à la réalité des choses (et qui rappelle, d’ailleurs, une certaine propagande ayant précédé la création de l’Euro, pour une partie des pays de l’Union européenne. Une monnaie à laquelle n’auraient, d’ailleurs, probablement jamais accepté d’adhérer des pays comme la France et l’Italie si l’Allemagne comptait 600 millions d’habitants…). À titre d’exemple, les échanges entre les pays francophones de la zone UEMOA n’ont que très marginalement bénéficié de l’existence d’une monnaie commune à ces pays, et demeurent même encore globalement très faibles. Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de la monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant la création de la monnaie unique… Ainsi, la hausse des échanges entre pays ne dépend pas de l’existence d’une même monnaie, mais simplement de la capacité des pays à exporter des produits, à travers la mise en place préalable d’un environnement favorable pour y parvenir (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures, formation, accords commerciaux, et en s’appuyant, dans le cas de certaines industries nécessitant de lourds investissements, sur un marché assez important… comme le sont déjà ceux de l’UEMOA et de la CEDEAO).
* Faute de données disponibles, les estimations relatives aux taux de croissance de l’Érythrée, du Soudan du Sud, de Sao Tomé-et-Principe et de la République centrafricaine sont tirées du dernier rapport « Perspectives économiques régionales » du FMI (octobre 2019).
Par ailleurs, et ayant la particularité d’être à la fois francophones et anglophones (pour avoir connu dans le passé une double présence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisés deux fois, aussi bien pour le calcul de la croissance globale de l’Afrique subsaharienne francophone que pour le calcul de la croissance de l’Afrique subsaharienne non francophone. Ce qui n’a, toutefois, aucune incidence sur ces mêmes taux de croissance (arrondis à une décimale), compte tenu du faible poids économique de ces deux pays par rapport aux deux ensembles cités.
2019
Ilyes Zouari
10 choses à savoir sur le Rwanda… afin de ne plus se faire piéger
Si tous les pays du monde, y compris les pays occidentaux, pratiquent la propagande d’une manière ou d’une autre, ce qui est différent dans le cas du Rwanda est que le régime à la tête de ce pays se livre à un usage excessif de cette arme de communication. Une méthode qui nous rappelle celle de certains pays communistes de l’époque de la guerre froide, et un niveau de propagande qui n’avait encore jamais été atteint par un autre pays africain.
Un an après la désignation de l’ancienne numéro deux du régime rwandais à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), lors du sommet d’Erevan des 11 et 12 octobre 2018, voici donc dix points à connaitre sur le Rwanda afin de rétablir la vérité : cinq points d’ordre économique et social, et cinq autres d’ordre politique.
1. Le Rwanda est l’un des pays les plus pauvres du continent, avec un PIB par habitant de seulement 773 dollars début 2019, selon les données fournies par la Banque mondiale. Un niveau plus faible que celui de nombreux pays d’Afrique subsaharienne pauvres en richesses naturelles, comme la Sénégal (1522 dollars, soit +97 %), le Mali (901 dollars, soit +17 %), le Bénin (902 dollars, soit +17%) ou encore la Côte d’Ivoire (1715 dollars, soit +122 %). Un écart très important avec ce dernier pays, mais qui n’a pourtant pas permis au Rwanda de réaliser une croissance économique supérieure ou égale sur les sept dernières années (période 2012- 2018).
2. De 2014 à 2018, des populations du sud et du nord-est du pays ont été frappées par une grave crise alimentaire, suite à une sécheresse ayant également touché d’autres pays d’Afrique de l’Est. Cependant, le gouvernement rwandais a été le dernier des gouvernements de la région à reconnaître cette situation dramatique et à demander, en catimini en 2016, l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM, une des structures de l’ONU), préférant ainsi laisser se dégrader la santé d’une partie de la population plutôt que de faire connaître son échec à subvenir aux besoins les plus élémentaires des habitants du pays. Une attitude qui rappelle, justement, celle de pays totalitaires communistes de l’époque de la Guerre froide.
Le mot N’arama, qui signifie « que ta vie soit longue » en Kinyarwanda (première langue du pays), est d’ailleurs un des termes utilisés par les populations concernées pour désigner discrètement cette période de quasi-famine, afin de ne pas se faire arrêter par la police ou par l’armée.
Mais à cette crise alimentaire s’ajoute à un autre problème structurel et touchant, à divers degrés, toutes les régions rurales du pays : celui de la malnutrition chronique des enfants de moins de cinq ans. Selon les dernières données disponibles (officielles et reprises par l’ONU), 37 % des enfants rwandais de cette tranche d’âge étaient frappés par ce problème en 2017. À titre de comparaison, ce taux n’était pas bien plus important en RDC voisine (43%), qui connaît pourtant de graves difficultés.
3. Dans le « pays des mille collines », de nombreux chômeurs sont officiellement considérés comme des « agricultures », profession automatiquement inscrite sur leur carte d’identité. De même, de nombreuses personnes se livrant, hélas, à la prostitution, sont également « agricultrices ». Cette politique permet ainsi de présenter des statistiques officielles fort éloignées de la réalité, sur le niveau réel de pauvreté dans le pays.
À tel point que nombreux sont les experts, travaillant au sein d’institutions internationales ou pour des organismes de recherche privés, à ne plus accorder le moindre crédit aux chiffres officiels présentés par le régime. En se basant sur différentes données, un expert international belge était parvenu à la conclusion que la grande pauvreté aurait progressé de six points de pourcentage entre 2010 et 2014 (passant de 44,9 % à près de 51 %, avant la sécheresse), alors que les autorités annonçaient une baisse significative et du même ordre, à 39,1% ! Autre exemple, un ancien expert de la Banque mondiale, Bert Ingelaere, publiait en 2017 un article intitulé « Le président pour toujours du Rwanda », et dans lequel il disait que sa hiérarchie avait décidé de détruire toutes les informations récoltées sur place lors d’une vaste étude sur la pauvreté, menée par lui-même et par d’autres spécialistes de l’organisation, suite aux pressions exercées par le régime rwandais et avant que la moindre analyse des données ne soit effectuée. Par ailleurs, d’autres experts affirment également que le gouvernement rwandais a tendance à gonfler les taux de croissance réalisés par le pays, ou encore à réduire considérablement les taux réels d’inflation.
De fortes critiques qui, toutefois, ne se font pas entendre au plus haut niveau de ces institutions, le régime rwandais bénéficiant d’une protection totale et très active des États-Unis et du Royaume-Uni, qui avaient patiemment œuvré à installer Paul Kagame au pouvoir (en finançant et en armant le FPR – Front patriotique rwandais, qui, dirigé par Paul Kagame, avait multiplié les attaques meurtrières au Rwanda à partir de l’Ouganda au début des années 1990, sans ne jamais respecter le moindre accord de cessez-le-feu, et créant ainsi une climat de peur et de paranoïa ayant tristement conduit au génocide. Un drame dont le fait déclencheur fut l’assassinat simultané de deux présidents, ceux du Rwanda et du Burundi, par le tir d’un missile ayant abattu l’avion qui les transportait. Un double assassinat unique dans l’histoire de l’humanité).
4. Depuis plus de 20 ans, le Rwanda est l’un des tous premiers pays bénéficiaires de l’aide publique au développement (APD) dans le monde. Sur la période de cinq années allant de 2013 à 2017, selon les dernières données de l’OCDE et proportionnellement à sa population, le Rwanda a été le troisième principal bénéficiaire d’aides étrangères sur l’ensemble du continent africain (hors pays en guerre, comme le Soudan du Sud, et hors très petits pays de moins d’un million d’habitants, essentiellement insulaires). Avec une enveloppe annuelle de 1,116 milliard de dollars en moyenne, il n’a été devancé, par habitant, que par le Liberia et la Sierra Leone (deux pays anglophones faisant partie des trois pays le plus pauvres d’Afrique de l’Ouest, avec le Niger).
À titre de comparaison, le Bénin et le Burundi (pays voisin du Rwanda, et un des quatre pays le plus pauvres du continent, avec le Malawi, le Soudan du Sud et la Somalie), comptent une population à peu égale à celle du Rwanda (10,6 et de 10,2 millions d’habitants en moyenne sur cette période, respectivement, contre 11,4 millions, selon l’ONU), mais n’ont reçu que 572 et 522 millions de dollars d’aide par année en moyenne, respectivement. En d’autres termes, le Rwanda a reçu 81 % et 91 % d’aides par habitant en plus que le Bénin et le Burundi, respectivement. Autre comparaison possible, l’Ouganda, autre pays voisin du Rwanda et huitième pays le pauvre du continent (avec un PIB de 643 dollars, début 2019), n’a bénéficié que de moitié plus d’aides sur la même période (1,745 Md de dollars par année en moyenne), alors que le pays est 3,4 fois plus peuplé. Ainsi, le Rwanda a proportionnellement reçu 116 % d’aides supplémentaires par habitant que son voisin du nord.
Ces financements massifs que reçoit le régime rwandais sont principalement versés par les États-Unis et le Royaume-Uni, ce qui démontre bien que la Rwanda est particulièrement « ciblé » par les aides américaines et britanniques. Compte tenu de la grande pauvreté qui frappe encore le pays (en dehors de sa capitale Kigali), de la très petite taille du territoire rwandais (12 fois plus petit que la Côte d’Ivoire, par exemple, ce qui rend facilement accessible l’intégralité du territoire, et bien plus facile la mise en œuvre d’une politique nationale de développement), et compte tenu des éléments se trouvant dans le point n°5 (ci-dessous), la question qu’il convient de se poser légitimement est donc la suivante : où va l’argent ?
5. Depuis 2013, le Rwanda est le premier producteur et exportateur mondial de tantale, un élément stratégique extrait à partir d’un minerai appelé coltan. Pourtant, le sous-sol rwandais est très pauvre en coltan, dont le Congo-Kinshasa (ou RDC) détient, à lui seul, plus de 60 % des réserves mondiales (pourtant dispersées sur plusieurs continents). Ce paradoxe s’explique, simplement et tristement, par le pillage massif et systématique des riches naturelles de l’est de la RDC voisine.
Un pillage de type « colonial » (et même plus grave encore, la RDC n’en retirant aucun bénéficie), qui n’existe plus ailleurs sur le contient, qui se fait au vu et au su de tous, et ce, sans la moindre sanction internationale. Il est d’ailleurs regrettable de constater une certaine indifférence des pays africains eux-mêmes, qui s’honoreraient à se montrer plus solidaires du peuple congolais frère, véritable victime du régime rwandais depuis de nombreuses années. Un régime dont le président est parfois surnommé le « Hitler africain » par les Congolais, étant responsable de la mort de millions de personnes dans l’est du pays, sur les 25 dernières années (la plus grande catastrophe humaine depuis la seconde guerre mondiale). Une responsabilité qui a encore été récemment rappelée par le très respectable et respecté M. Faustin Twagiramungu, homme de paix et de dialogue ayant perdu 36 membres de sa famille lors du génocide, et qui avait occupé la fonction de Premier ministre du Rwanda au lendemain de ce drame (et non avant, point important à souligner). Une personnalité aujourd’hui en exil, et en danger.
Ce génocide rwandais qui est « à 100 % de la responsabilité américaine… Il est de la responsabilité de l’Amérique, aidée par l’Angleterre, mais il y a aussi la passivité des autres États », selon les propres termes de l’ancien secrétaire général de l’ONU, M. Boutros-Ghali, en 1998, près de deux années après avoir quitté ses fonctions à la tête de l’organisation. Une affirmation bien sûr exagérée (ceux ayant commis les massacres étant les premiers responsables), mais fort révélatrice du niveau d’implication américaine dans ce terrible drame. Les États-Unis, qui avaient longtemps interdit à l’ONU d’utiliser – et donc de reconnaître – le terme « génocide » afin d’empêcher toute intervention visant à arrêter les massacres, et ce, jusqu’au 08 juin 1994, soit 23 jours après la France (qui avait été la première grande puissance à parler ouvertement de génocide, dès le 16 mai 1994) et des centaines de milliers de morts plus tard.
Un blocage volontaire des États-Unis, pour qui il fallait absolument que le FPR du Paul Kagame prenne d’abord le contrôle de la majeure partie du pays, avant de reconnaître le génocide et de permettre ainsi à l’ONU de demander une intervention militaire humanitaire. Quitte à laisser se faire massacrer presque tous les Tutsis du pays et les Hutus qui leur étaient proches (et auxquelles s’ajoutent les dizaines de milliers de civils hutus massacrés par les forces du FPR). Et une fois le feu vert de l’ONU obtenu, et même si elle aurait pu faire davantage, la France fut tout de même la seule puissance à accepter d’intervenir, sauvant ainsi la grande majorité des survivants tutsis du sud-ouest du pays. Dans un monde « juste et parfait », Bill Clinton comparaitrait devant un tribunal pénal international, de préférence situé en Afrique, afin d’être jugé pour complicité de génocide.
6. Le Rwanda est l’un des quatre régimes les plus totalitaires du continent africain, qui sont au « degré zéro » de liberté d’expression (avec l’Égypte, l’Érythrée et le Eswatini, anciennement Swaziland et dernière monarchie absolue du continent). Tous les opposants politiques qui ne quittent pas le pays sont soit exécutés, d’une manière ou d’une autre, soit jetés en prison.
7. Le régime rwandais est celui ayant commis le plus grand nombre d’assassinats d’opposants politiques en dehors de ses propres frontières (au Kenya, en Afrique du Sud, en Ouganda, en RDC, et auxquels s’ajoutent des tentatives d’assassinat en Belgique et au Royaume-Uni, empêchés in extemis par les autorités locales, qui se refusent toutefois et étrangement de protester). Chose qui est pourtant extrêmement rare dans le monde, mais qui est habituelle pour ce régime.
8. Paul Kagame, officiellement au pouvoir depuis l’an 2000, mais de facto depuis 1994, a modifié la constitution de son pays en 2015 afin d’être en mesure de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, soit 40 années de règne. Kagame est d’ailleurs le seul dictateur africain à oser encore « se faire élire » avec des taux de 99 % (98,6 % lors de la dernière élection présidentielle de 2017).
9. Le régime totalitaire du Rwanda, et l’impunité la plus totale dont il jouit, est hélas en train d’inspirer d’autres pouvoirs africains qui s’appuient sur cet exemple afin d’interrompre un processus de démocratisation en cours. Et notamment dans la région de Grands lacs, et en particulier en Ouganda et au Burundi (dont le président a récemment procédé à un véritable « copier-coller » de la nouvelle constitution rwandaise).
Plus loin sur le continent, il est également regrettable d’observer la dérive autoritaire que connaît aujourd’hui le Bénin, qui fut pourtant le deuxième pays d’Afrique continentale à devenir une démocratie, après le Botswana et dès 1990 (au Sénégal, Léopold Sédar Senghor avait été le premier président, hors Afrique du Sud – non encore véritablement démocratique pour cause d’apartheid, à quitter le pouvoir de lui-même, fin 1980. Mais la démocratie ne fut instaurée que bien plus tard). Le Bénin, un pays dont le président est bien connu pour être un ami proche de Kagame…
10. Louise Mushikiwabo, ancienne numéro deux de régime rwandais, avait invité en 2017 le directeur général d’Human rights watch, une importante ONG internationale de défense des droits de l’homme, à se faire soigner dans un hôpital psychiatrique, après que celui-ci ait courageusement qualifié le pouvoir en place de « dictature meurtrière ».
Cet ancien haut dignitaire du régime rwandais, totalitaire et de surcroît totalement anglophone (comme l’atteste le fait qu’aucun des nombreux sites internet gouvernementaux ne dispose de la moindre version, ni du moindre paragraphe, en langue française – même si certaines indications trompeuses font parfois croire le contraire, ou encore l’absence totale d’une version en français sur le site internet du tour cycliste du Rwanda, une compétition à laquelle participent, en plus, de nombreux francophones), est aujourd’hui à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie… Une organisation qui affiche une totale indifférence à l’aspect totalitaire et anti-francophone du régime, et qui perd donc presque toute crédibilité et légitimité.
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Version courte (les versions courte et longue sont disponibles sur notre site)
La France meilleure en anglais que 17 ex-colonies britanniques : une grave erreur stratégique
Contrairement à une idée entretenue par certains, les Français excellent presque en anglais, dans une France qui subit une anglicisation à outrance. Une situation pourtant clairement contraire à ses intérêts de grande puissance.
Selon le dernier classement international EF EPI (Education First, English proficiency index), publié en ce début novembre, l’Hexagone se classe 31e pour ce qui est du niveau en anglais de sa population.
La France loin devant de nombreux pays anglophones et autres puissances
La France dépasse ainsi non moins de 17 ex-colonies britanniques ayant l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto, comme Hong Kong (33e), l’Inde (34e), les Émirats arabes unis (70e), la Jordanie (75e) ou le Sri Lanka (78e).
Mais elle est aussi la grande puissance non anglophone la plus anglicisée, et se classe devant les chefs de file des autres espaces linguistiques, à savoir la Chine (40e), la Russie (48e), le Brésil (59e), le Mexique (67e) et l’Arabie saoudite (98e). Elle devance aussi le Japon (53e), dont la société est technologiquement la plus avancée au monde, et qui exporte largement plus que l’Hexagone (+ 27 % en 2018 selon l’OMC, soit + 156 Mds de dollars).
Une anglicisation à outrance…
Cette situation ubuesque est en bonne partie due à cette anglicisation à outrance de la France, où l’on ne compte plus les entreprises au site internet exclusivement en anglais, les salons internationaux où le français est banni de l’affichage, et les Grandes écoles au site internet majoritairement en anglais. Choses impensables en Afrique francophone, Maghreb inclus, et au Québec. Le Québec où, et contrairement à une France sans repères, les intitulés de fonction et de formation diplômantes sont toujours en français, tout comme les noms des établissements d’enseignement supérieur francophones, très majoritaires (ou encore les slogans publicitaires…). Un Hexagone qui manque de respect aux touristes francophones, de l’intérieur et de l’étranger, en leur remettant de plus en plus de documents en anglais, ou avec une version quasi « microscopique » en français. Une France dont des diplomates affichent des messages d’absence en anglais, à l’inverse de leurs confrères francophones, et ce, sans aucune réaction.
À cette attitude s’ajoute celle de l’Union européenne (UE), qui mène une politique de quasi-éradication de la langue française, avec la bienveillance des acteurs économiques et politiques français. À titre d’exemple, la récente réglementation « SERA – Partie C » qui vise à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes privés et les six principaux aéroports métropolitains. Aberration qui n’existe ni au Québec ni en Afrique francophone, où il faudra alors, à son entrée en vigueur, « s’exiler » afin de vivre sa passion en français.
…et contraire aux intérêts de la France
Alors que le monde francophone, vaste comme quatre fois l’UE, a dépassé les 500 millions d’habitants (espace linguistique à la croissance la plus élevée), alors que l’Afrique francophone est le moteur de la croissance économique du continent (dont elle a réalisé les meilleurs performances six des sept dernières années), alors que le Québec est un pôle technologique majeur, avec le taux de chômage le plus faible du Canada (la ville de Québec ayant même toujours le taux le plus bas parmi les 10 principales villes du pays – 2,6 % en août 2019 !), la France s’emploie donc activement à entraver la dynamique favorable au français à travers le monde. Tel un enfant, qui sur une plage, prendrait un malin plaisir à venir régulièrement détruire un château de sable patiemment édifié par d’autres enfants.
Une terrible erreur stratégique, la langue étant une question d’influence culturelle, géopolitique et de parts de marché. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les Québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les Américains à venir en France…et à y dépenser. Ou si les premiers pays à avoir interdit le niqab étaient francophones, en Europe et en Afrique, suivis ensuite par des pays francophonophiles.
Une attitude sur laquelle s’appuient désormais certains au sein même de l’espace francophone, afin de pousser à faire de l’anglais la première langue étrangère (pays du Maghreb) ou la seconde langue officielle (Burkina Faso, Gabon, Madagascar). Et ce, au mépris des intérêts de leur pays, et alors que le français n’a jamais été autant parlé dans le monde.
La France est donc bien la principale menace qui pèse sur la langue et la culture françaises. La France, qui est probablement la seconde puissance mondiale après les États-Unis, tous critères de puissance confondus (économie, armée, influence géopolitique et culturelle, sans parler de son immense territoire maritime), et où certains souhaitent pourtant aller plus loin sur la voie de défrancisation, en ayant rendu désormais obligatoire l’apprentissage d’une langue étrangère – donc neuf fois sur dix l’anglais – dès le CP (chose que même trois des quatre pays scandinaves n’ont osé faire), en encouragent la création de classes bilingues, ou encore, pour d’autres, en souhaitant la diffusion en version originale des films américains.
Comme l’avait dit le général de Gaulle, « le snobisme anglo-saxon de la bourgeoisie française est quelque chose de terrifiant. […] Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres.». Quels qu’ils soient et où qu’ils soient, les responsables de ce processus d’éradication du français doivent être écartés. Il ne doit y avoir de place, en France, pour des individus hostiles à la langue française, et donc à la France et au monde francophone.
Le Sénégal atteint les 16 millions d’habitants, mais demeure sous-peuplé
Selon le dernier rapport sur la population mondiale publié en septembre par l’organisme américain PRB (Population Reference Bureau), une des références mondiales en matière de démographie, la population du Sénégal aurait atteint 16,3 millions d’habitants au 1er juillet 2019.
Mais en dépit de ce formidable dynamisme démographique, grâce auquel le Sénégal est passé d’environ 2,5 millions d’habitants en 1950 à plus de 16 millions aujourd’hui, le pays demeure sous-peuplé par rapport à de nombreux pays développés de taille comparable ou plus modeste.
Un pays faiblement peuplé, et plus vaste qu’on ne le croît
Avec ses 196 700 km2 environ, une superficie quasi intégralement habitable car située en dehors des zones arides du continent (le désert de Lompoul ne couvrant que 18 km2, soit moins de 0,01% du territoire), le Sénégal est non moins de 4,7 fois plus vaste que les Pays-Bas (41 500 km2), qui sont pourtant plus peuplés avec leurs 17,3 millions d’habitants (pour leur partie européenne, ou « métropolitaine », donc hors territoires insulaires des Caraïbes). En d’autres termes, le Sénégal devrait compter aujourd’hui 82,0 millions d’habitants pour avoir la même densité de population que les Pays-Bas. Autre exemple, le pays de Léopold Sédar Senghor n’est même pas moitié plus peuplé que la Belgique (11,5 millions), alors qu’il est 6,4 fois plus étendu que cet autre pays européen (30 700 km2). Ainsi, il devrait abriter 73,9 millions d’habitants pour être aussi densément peuplé que la Belgique. Autre comparaison possible, la population du Sénégal n’est pas encore deux fois plus élevée que celle de la Suisse (8,6 millions), alors que son territoire est 4,8 fois plus important. En d’autres termes, le Sénégal devrait avoir 40,9 millions d’habitants pour être proportionnellement aussi populeux.
Ainsi, et même sans être un grand pays, le Sénégal est tout de même près de 26% plus vaste que l’ensemble formé par la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark (métropolitains), quatre pays prospères d’Europe de l’Ouest, et totalisant 43,0 millions d’habitants. Par conséquent, il devrait compter non moins de 54,0 millions d’habitants pour être proportionnellement aussi peuplé que cet ensemble. Enfin, et toujours sur le continent européen, il est également possible de citer, parmi d’autres, l’exemple du Royaume-Uni, dont la population est de 66,8 millions d’habitants pour un territoire légèrement plus étendu que celui du Sénégal (243 500 km2, Irlande du Nord incluse, soit + 24 % seulement). En d’autres termes, le Sénégal devrait compter, là aussi, 54,0 millions d’habitants pour être au même niveau de densité démographique.
Ceci est d’ailleurs l’occasion de rappeler que la plupart des cartes géographiques en circulation (en particulier celles basées sur la projection de Mercator), dressent une représentation largement déformée de la planète en réduisant considérablement la taille des pays du Sud. Ainsi, la Côte d’Ivoire est par exemple un tiers plus grande que le Royaume-Uni, et non deux à trois fois plus petite. Autre cas intéressant, l’Algérie n’est pas trois ou quatre fois moins étendue que le Groenland, mais 10 % plus vaste !
Mais le sous-peuplement du Sénégal est davantage mis en évidence lorsque l’on effectue des comparaisons avec des pays asiatiques. Ainsi, le Sénégal compte bien moins d’habitants que la Corée du Sud, grande puissance économique et sixième exportateur mondial de biens avec ses 51,8 millions d’habitants répartis sur un territoire pourtant presque deux fois plus petit (100 200 km2). Le Sénégal devrait ainsi compter non moins de 101,7 millions d’habitants pour être au même niveau de densité de population que le « pays du matin calme », qui, par ailleurs, est presque aux deux tiers recouverts de forêts (part en forte hausse par rapport aux années 1960). Autre exemple assez révélateur, le Sénégal a toujours moins d’habitants que la richissime Taiwan, seizième exportateur mondial de biens et dont les 23,6 millions d’habitants se répartissent sur un territoire 5,4 fois moins étendu (36 200 km2) ! En d’autres termes, le Sénégal abriterait aujourd’hui 128,2 millions d’habitants s’il était aussi densément peuplé que Taiwan, pays lui aussi à la nature luxuriante et recouvert à près de 55% de forêts.
Sans aller géographiquement aussi loin, de simples comparaisons avec un certain nombre de pays africains, situés principalement dans la partie anglophone du continent, permet là aussi de constater la faiblesse du peuplement du pays. Ainsi, le Sénégal compte, par exemple, moins d’habitants que le Malawi (18,6 millions), alors que son territoire est 66% plus vaste que ce pays d’Afrique australe (118 500 km2). S’il était proportionnellement aussi peuplé, il abriterait alors 30,9 millions d’habitants. Plus au nord, l’Ouganda a une population aujourd’hui estimée à 44,3 millions d’habitants, pour un territoire qui n’est que 22 % plus étendu (241 000 km2). Chose qui signifie que le Sénégal devrait avoir 36,1 millions d’habitants pour être aussi densément peuplé. Autre exemple, et pour revenir en Afrique de l’Ouest, le Sénégal devrait compter non moins de 42,8 millions d’habitants pour être au même niveau de densité démographique que le Nigeria. Pourtant, il est intéressant de noter que le Nigeria et l’Ouganda continuent à avoir un taux de fécondité supérieur à celui du Sénégal, avec respectivement des taux de 5,3 et de 5,1 enfants par femme pour les deux premiers pays, et de 4,6 pour le troisième (taux qui sont, par ailleurs, sur une pente baissière depuis les années 1980, lorsqu’ils se situaient à environ 7 enfants par femme).
Au passage, il convient également de rappeler que le fait de ne pas être l’un des pays les plus peuplés du continent n’est nullement de nature à empêcher le Sénégal, qui ne manque pas d’atouts, d’en devenir l’une des principales puissances économiques. À titre d’exemple, un pays comme Taïwan et ses 23,6 millions d’habitants seulement, avait, fin 2018, un PIB 48 % supérieur à celui du Nigeria, première économie du continent, dont il est également la première puissance démographique (198,4 millions d’habitants).
Après avoir connu une croissance annuelle de 5,8 % en moyenne sur la période septennale 2012-2018, l’une des meilleurs performances africaines, le Sénégal, qui est pourtant l’un des pays les plus riches d’Afrique subsaharienne (avec un PIB par habitant de 1522 dollars fin 2018, selon la Banque mondiale, soit, par exemple, 97% de plus que le Rwanda – 773 dollars, un pays bénéficiant d’une très forte et trompeuse propagande), devrait continuer à enregistrer une croissance soutenue, de l’ordre de 7 % par an pour les quelques années à venir, au moins. Dans le même temps, des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola ont connu une progression annuelle de 2,8 %, de 1,4 % et de 2,2 %, seulement et respectivement sur cette même période septennale, et devraient encore afficher une croissance assez faible pour les quelques prochaines années, au moins.
Si la tendance se poursuit, le Sénégal, peuplé de 16 millions d’habitants, et du double d’ici 2050, peut donc parfaitement devenir, lui aussi, une des premières puissances économiques du continent, sinon la première (et après avoir dépassé, entre temps, un certain nombre de pays développés). Tout dépendra alors de la capacité des Sénégalais à faire émerger une société organisée, disciplinée et innovante.
Un pays au grand potentiel agricole, une nature généreuse et sous-exploitée
Par ailleurs, il convient de rappeler que le pays de Sédar Senghor a le grand avantage d’avoir un territoire quasi intégralement exploitable, et ce, contrairement à de nombreux pays dans le monde, comme la plupart des pays du Sahel ou encore comme la Suisse, la Corée du Sud et Taïwan, précédemment cités et dont le territoire est en bonne partie montagneux. Cet inconvénient est d’ailleurs particulièrement important pour la Suisse et Taïwan, pays aux deux tiers montagneux, dont une partie importante du territoire est située à plus de 1 000 mètres d’altitude (environ 50 % pour le premier et 40 % pour la second) et qui comptent plusieurs dizaines de sommets de plus de 3000 mètres. Un relief largement désavantageux, et qui rend inhabitable et difficilement accessible une partie non négligeable du pays.
Mais en plus de sa topographie très favorable, le Sénégal a également la chance de pouvoir compter sur d’assez importantes ressources hydrauliques, grâce aux nombreux cours d’eau qui le sillonnent et aux précipitations assez importantes qu’il reçoit sur la grande majorité de son territoire, y compris dans la moitié sud de la zone sahélienne du pays, contrairement à une idée assez largement répandue. À titre d’exemple, les villes de Linguère et d’Ourossogui, situées dans le nord du pays, bénéficient, respectivement, d’une pluviométrie annuelle moyenne d’environ 400 et 390 millimètres, soit bien davantage qu’un certain nombre de grandes régions agricoles situées dans la partie sud du pourtour méditerranéen. Comme, par exemple, celle de Sfax, deuxième ville de Tunisie, et qui, avec une moyenne de seulement 230 mm de précipitations par an, est réputée pour ses millions d’oliviers qui font d’elle la principale région productrice d’huile d’olive du pays (deuxième exportateur mondial en la matière, et premier producteur et exportateur mondial d’huile d’olive biologique). Avec une pluviométrie environ 70 % plus importante que cette région méditerranéenne mondialement connue, et grâce aux différentes techniques de récupération et de stockage de l’eau pouvant être mises en œuvre, ces deux régions sahéliennes du Sénégal pourraient alors, elles aussi, devenir de grandes zones agricoles exportant leurs produits dans le monde entier.
Comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Tunisie et bien d’autres pays encore, le Sénégal a donc bel et bien un important potentiel agricole. Un potentiel dont une infime partie est aujourd’hui exploitée, ce qui est d’autant plus regrettable qu’une plus grande utilisation des atouts agricoles du pays serait de nature à contribuer grandement à son industrialisation, à travers les industries agroalimentaires. Le développement de l’agriculture et des industries agroalimentaires contribuerait alors à pérenniser la forte croissance économique que connaît actuellement le pays. Il convient d’ailleurs de rappeler ici que la Sénégal fait partie de la plus vaste zone de forte croissance du continent qu’est l’UEMOA, un espace de huit pays dont le PIB global a connu une hausse annuelle de 6,3% en moyenne sur la période de sept années allant de 2012 à 2018. Une performance unique sur le continent pour une zone aussi vaste, et qui a contribué à faire de l’Afrique francophone subsaharienne le moteur de la croissance africaine, arrivant en tête pendant six des sept dernières années (et pour la cinquième fois consécutive en 2018) et affichant une croissance annuelle globale de 4,2 % en moyenne (4,9 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne sur la période 2012-2018. Par ailleurs, il est intéressant de constater que la croissance économique enregistrée par l’espace UEMOA sur ces sept dernières années a ainsi été deux fois plus importante que sa croissance démographique annuelle, d’environ 3,0 %. Chose qui contredit clairement les affirmations de certains commentateurs, selon lesquelles une forte croissance démographique serait un frein à la croissance économique.
La Sénégal, et plus globalement les pays du Sud, doivent donc continuer à œuvrer à la défense de leurs intérêts, à l’accroissement de leur visibilité sur la scène internationale, et ce, sans se préoccuper des déclarations de certains commentateurs ou de certaines personnalités venant d’autres continents, et dont les intentions ne sont pas toujours les meilleures (ou dont l’attitude est motivée par la crainte des flux migratoires). La croissance démographique, et même la surpopulation (concept dont la définition est très difficile à établir, en plus d’être variable d’une génération à une autre, depuis l’antiquité…) n’ont jamais été de nature à empêcher un pays de se développer. Comme le démontre l’exemple de nombreux pays asiatiques et européens, fortement peuplés et faiblement dotés en ressources naturelles, le développement économique d’une nation repose d’abord et essentiellement sur le respect des trois conditions suivantes : l’organisation, le travail et la discipline.
Enfin, et pour ce qui est de la protection de l’environnement, il convient de rappeler que l’humanité, qui n’a d’ailleurs jusqu’ici utilisé que moins de 5% de l’ensemble des richesses naturelles de la planète (sur terre et en mer), malgré plusieurs siècles d’exploitation, utilise aujourd’hui moins de 1% du potentiel mondial en matière d’énergies renouvelables, considérées comme non polluantes et qui sont donc à privilégier (énergies solaire, éolienne et hydraulique, géothermie et biomasse). Une très large sous-exploitation de ces énergies qui est également valable pour la Sénégal, même si celui-ci vient d’inaugurer d’assez importantes centrales solaires. Ainsi, et compte tenu des grands espaces encore disponibles, du potentiel considérable en énergies renouvelables, et des progrès permanents de la science (dans l’agriculture, les énergies renouvelables, le traitement des déchets, l’architecture…), la Terre pourrait aisément abriter bien davantage que sa population actuelle. Et même, et n’en déplaise à certains, beaucoup plus que le niveau autour duquel devrait se stabiliser la population mondiale selon les projections les plus récentes (autour de 11 milliards d’habitants à la fin du siècle, avant de diminuer).
le lien vers ce manifeste en faveur de la défense et de la promotion de la langue française, publié le 16 juin dernier par le journal Le Parisien.
En tant que président du Cermf et premier expert mondial du monde francophone, je ne pouvais bien sûr que soutenir et signer ce texte rédigé par « Le collectif Langue française », assez récemment fondé par M. Louis Maisonneuve, de France, et M. Philippe Carron, de Suisse. Un manifeste signé par de nombreuses personnalités venant de divers pays francophones.
ou : collectif-langue-francaise.blogspot.com
Toujours au sujet de la langue française, je vous propose de lire cet article que j’avais publié en mars 2018, et intitulé « Semaine de la langue française : sept mots québécois à retenir… et à utiliser ». Un article qui met en exergue cet important décalage qui existe désormais entre la France et le Québec, tout en rappelant l’attractivité et la puissance économique de ce dernier (trop souvent sous-estimées en France).
ou : www.cermf.org/sept-mots-quebecois-a-retenir-et-a-utiliser
Enfin, et si vous souhaitez en savoir davantage sur la réalité du français au Québec, ainsi que dans le reste du Canada, vous trouverez ci-dessous le lien vers le résumé d’une conférence riche en statistiques et « sans langue de bois », que j’avais faite sur le sujet fin 2017 :
https://www.cermf.org/francophonie-canadienne-realites-et-perspectives (La francophonie canadienne : réalités et perspectives)
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
le dernier article du Cermf, intitulé « La Côte d’Ivoire, vice-championne du monde de la croissance sur la période 2012-2018 ». Le texte est également disponible plus bas.
Cet article a été publié sur le site d’information Afrikipresse.fr. Une version courte en a été publiée sur le site du journal Les Échos.
version courte :
www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-la-cote-divoire-ou-la-ferrari-de-lafrique-1005497
ou sur notre site :
www.cermf.org/la-cote-divoire-vice-championne-du-monde-de-la-croissance
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
La Côte d’Ivoire, vice-championne de monde de la croissance sur la période 2012-2018
Sur la période septennale 2012-2018, la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars. Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus. Un pays réformateur et en chantier, et qui peut devenir, à terme, la première puissance économique du continent.
Avec une croissance annuelle de 8,6 % en moyenne, selon les données de la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire a enregistré la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, sur la période de sept années allant de 2012 à 2018, soit une période suffisamment longue afin de pouvoir établir des comparaisons internationales. Plus impressionnant encore, le pays arrive en deuxième position toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012.
La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, quai a connu une croissance annuelle de 9,4 % en moyenne (et de 7,7 % en 2018, soit légèrement plus que la Côte d’Ivoire, 7,4 %). Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012 et qui demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 770 dollars environ, fin 2017 (contre 1 540 pour la Côte d’Ivoire, soit exactement le double, selon les derniers chiffres disponibles auprès de la Banque mondiale).
Toutes catégories confondues de pays souverains, et hors pays en guerre ou « microscopiques », qui affichent parfois des évolutions extravagantes de leur PIB dans un sens ou dans l’autre (en l’occurrence la Libye, d’une part, et Nauru, d’autre part, État insulaire du Pacifique sud ne comptant que 11 000 habitants et pour un territoire de seulement 21 km2), la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie sont suivies par le Turkménistan (8,1 % en moyenne par année), l’Irlande (7,4 %, qui s’est remise de la quasi-faillite qu’elle avait connue il y a une dizaine d’années) et la Laos (7,3 %).
Cette bonne performance a ainsi permis à la Côte d’ivoire de faire un bond spectaculaire de huit places en seulement six années dans le classement des pays en fonction de leur richesse par habitant (et probablement un petit peu plus encore en tenant compte de l’année 2018), et ce, malgré une importante croissance démographique. Fin 2017, elle devançait 41 pays dans le monde, dont non moins de 10 situés en dehors du continent africain (comme l’Ouzbékistan, une des anciennes républiques de l’Union soviétique, en Asie centrale, et un des derniers à avoir été dépassé).
Un pays réformateur et en chantier
Ces résultats exceptionnels de la Côte d’Ivoire s’expliquent par les profondes réformes réalisées par le pays afin d’améliorer le climat des affaires, ainsi que par une politique de développement tous azimuts et se matérialisant notamment par d’innombrables chantiers à travers l’ensemble du pays. De nombreuses mesures ont en effet été prises afin de faciliter et de sécuriser les investissements, en vue d’instaurer un environnement favorable à ces derniers : mise en place d’un nouveau code des investissements en 2012, d’un guichet unique de création d’entreprises, d’une plateforme d’échanges pour centraliser les appuis des partenaires au développement de l’environnement des affaires… Le tout, en veillant au maintien d’une faible pression fiscale, de l’ordre de 18 % du PIB au total pour l’année 2017 (cotisations de sécurité sociale incluses).
L’ensemble de ces mesures a ainsi permis à la Côte d’Ivoire de faire un bond considérable dans le classement international Doing business, publié chaque année par la Banque mondiale et relatif au climat des affaires, en passant de la 167e place en 2012 à la 122e pour l’année 2019. Dans ce classement, elle fait donc désormais largement mieux que des pays comme le Nigeria (146e) et l’Angola (troisième économie d’Afrique subsaharienne du fait de son importante production pétrolière, comme le Nigeria, et qui occupe la 173e position). Par ailleurs, le pays fait également bien mieux que l’Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place sur la même période. Ce pays, où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs l’un des pays qui connaissent les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).
Mais cette importante progression de la Côte d’Ivoire s’accompagne également d’une impressionnante maîtrise de l’inflation (comme dans l’ensemble de l’espace UEMOA), qui s’est située à seulement 1,2 % en moyenne annuelle sur la période de six années allant de 2012 à 2017, selon les dernières données pays par pays de la Banque mondiale. Un taux particulièrement bas, notamment en comparaison avec certains pays proches comme le Ghana et Nigeria, dont les populations ont grandement souffert d’une inflation qui s’est établie à 13,5 % et à 11,6 % par an, en moyenne et respectivement, et ce malgré une croissance largement inférieure à celle de la Côte d’Ivoire. Ces deux pays souffrent d’ailleurs également d’une importante dollarisation de leur économie, la monnaie nationale étant souvent substituée par le dollar dans les échanges économiques quotidiens. Enfin, la Côte d’Ivoire n‘oublie pas d’investir massivement dans l’éducation et la formation, qui ont pesé pour environ 27 % du budget national en 2017 (un des taux les plus élevés du continent). Cependant, il convient de rappeler que la maîtrise de l’inflation et la formation, deux éléments ayant une incidence certaine sur l’environnement des affaires, ne sont pas pris en compte par l’enquête annuelleDoing business de la Banque mondiale. Ce qui constitue une lacune fort regrettable.
Cet environnement particulièrement favorable aux investissements que connait aujourd’hui la Côte d’Ivoire s’accompagne d’une politique ambitieuse de développement et de grands chantiers, dans tous les domaines : routes, ponts, centrales électriques, hôpitaux, réseaux de télécommunications, industries de base… et ce, sans oublier l’agriculture qui continue à se développer, le pays étant même devenu récemment le premier producteur mondial de noix de cajou (en plus d’être déjà le premier producteur de cacao). Des noix de cajou qui sont d’ailleurs partiellement transformées par des machines de fabrication ivoirienne, grâce à une entreprise locale qui la seule du type en Afrique subsaharienne. Pour leur part, les secteurs de la technologie et de l’informatique se développent eux-aussi assez rapidement, notamment avec la multiplication des jeunes pousses (ou start-up), ou encore avec la construction d’une usine d’assemblage d’ordinateurs qui contribue à la réalisation d’un projet national baptisé « un citoyen, un ordinateur ». Une fabrication locale qui constitue une avancée rare sur le continent.
Par ailleurs, la Côte d’Ivoire commence enfin à s’intéresser au développement du secteur touristique, encore embryonnaire. Une situation totalement anormale pour un pays qui ne manque pas d’atouts en la matière, et que le monde doit enfin connaître et découvrir. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française (et donc également des autres populations occidentales) ignore tout la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, qui n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, et quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome. Une situation absurde qui résulte de la longue négligence dont a souffert le secteur du tourisme, contrairement à ce que l’on observe dans des pays comme le Kenya ou l’Afrique du Sud, ou encore la Tunisie et le Marc, qui investissent depuis longtemps dans ce domaine qui contribue de manière importante à leur développement.
Ces différents éléments font que la Côte d’Ivoire devrait continuer à connaître une croissance robuste dans les quelques prochaines années au moins, de l’ordre de 7 % par an selon la Banque mondiale. Le pays fait d’ailleurs partie de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,3 % en moyenne sur la période septennale 2012-2018 (et de 6,4% en 2018). Un espace faisant lui-même partie de l’Afrique subsaharienne francophone, qui constitue globalement la zone la plus dynamique – et historiquement la plus stable – du continent, dont elle a enregistré en 2018 les meilleures performances économiques pour la cinquième année consécutive et pour la sixième fois en sept ans. Sur la période 2012-2018, la croissance annuelle de cet ensemble de 22 pays s’est ainsi établie à 4,2% en moyenne (4,9% hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,9% pour le reste de l’Afrique subsaharienne (et à 3,9% en 2018 – 4,6% hors Guinée équatoriale, contre 2,2%).
Un dynamisme par ailleurs soutenu par une assez bonne maîtrise de la dette publique, les pays francophones ne représentant d’ailleurs que deux des dix pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne (le Congo, 4e, et le Togo, 10e, selon le FMI. Le Congo étant même le seul parmi les dix plus endettés du continent, en tenant compte de l’Égypte, en Afrique du Nord). Pour la Côte d’Ivoire, cette dette s’est établie à près de 49% du PIB fin 2018, soit un niveau largement inferieur à celui de la grande majorité des pays développés, par exemple. Enfin, il est à noter que l’émergence économique et démographique de l’Afrique francophone (Maghreb inclus, où le Maroc vient notamment d’inaugurer le premier train à grande vitesse du continent, un TGV français en l’occurrence), contribue en bonne partie à la hausse constante du nombre d’apprenants de la langue française à travers le monde. Et ce, en particulier en Afrique subsaharienne non francophone, où ce nombre a augmenté d’environ 126 % entre les rentrées scolaires 2013 et 2017, selon le dernier rapport sur « La langue française dans le monde » publié fin 2018 par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Sur le continent, le français est désormais une matière obligatoire dans tous les pays non francophones d’Afrique de l’Ouest, au moins à partir de l’enseignement secondaire, et son apprentissage est maintenant accessible dans la quasi-totalité des autres pays non francophones du continent (tout en y étant obligatoire dans de nombreux établissements privés).
Un pays qui peut devenir la première puissance économique du continent
Après avoir connu une croissance annuelle de 8,6 % en moyenne sur la période septennale 2012-2018, la Côte d’Ivoire devrait donc continuer à enregistrer une forte croissance dans les quelques années à venir, au moins, de l’ordre de 7% par an. Dans le même temps, des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola ont connu une progression annuelle de 2,8 %, de 1,4 % et de 2,2 %, seulement et respectivement, et devraient encore afficher une croissance assez faible dans les quelques prochaines années.
Si la tendance se poursuit, la Côte d’Ivoire, qui ne manque pas d’atouts (situation géographique et climat favorables, entre autres), peut donc très bien devenir, sur le long terme, la première puissance économique d’Afrique, et ce, même sans en être le pays le plus peuplé. À titre d’exemple, un pays comme Taïwan et ses 23 millions d’habitants, soit à peu près autant que la Côte d’Ivoire, avait fin 2017 un PIB 52 % supérieur à celui du Nigeria, première économie du continent, dont il est également la première puissance démographique. Peuplée de 25 millions d’habitants, et du double d’ici 2050, la Côte d’Ivoire peut donc très bien devenir, elle aussi, la première puissance économique du continent (tout en ayant dépassé auparavant un certain nombre de pays développés). Occasion de rappeler, au passage, que la Côte d’Ivoire est un pays bien plus grand qu’on ne le pense, puisqu’elle est, par exemple, légèrement plus étendue que l’Italie et un tiers plus vaste que le Royaume-Uni, et non deux ou trois plus petite comme l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation (y compris en Afrique). Des cartes qui dressent généralement une représentation terriblement déformée des continents en réduisant considérablement la taille des pays du Sud, dont ceux du contient africain.
Tout dépendra alors de la capacité des Ivoiriens à faire émerger une société organisée, disciplinée et innovante. Mais afin d’y parvenir, les Ivoiriens doivent travailler tous ensemble, main dans la main, en mettant de côté leurs différences ainsi que les désaccords qu’ils ont pu avoir dans le passé, afin de ne regarder que vers l’avenir. Condition sine qua non pour pouvoir avancer, comme pour tout autre pays dans le monde. De même, les Ivoiriens doivent également faire preuve de patience et ne pas se précipiter à réclamer les fruits de la forte croissance économique du pays. Comme plus tôt pour les sociétés actuellement avancées, le développement d’un pays est en effet un processus long qui ne commence à avoir un impact significatif sur le niveau de vie de la population qu’au bout de plusieurs années. Le non-respect de ces deux conditions fondamentales serait de nature à mettre gravement en péril la poursuite du décollage du pays, en risquant de « casser une machine qui marche », ou de briser le moteur d’un pays qui est la véritable Ferrari du continent africain.
L’actuelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » est l’occasion de connaître ces quelques mots massivement utilisés au Québec, et que vous trouverez dans cet article du Cermf précédemment publié sur le site du journal Les Echos. Ces quelques termes s’accompagnent d’un rappel de la puissance économique du Québec, terre de prospérité et de créativité (et sans lequel le Canada serait presque un pays quelconque… 🙂 ).
Semaine de la langue française : sept mots québécois à retenir… et à utiliser
Article également disponible sur le site du Cermf :
www.cermf.org/sept-mots-quebecois-a-retenir-et-a-utiliser).
Petite mise à jour : la ville de Québec demeure la championne de l’emploi au Canada, avec un taux de chômage de seulement 3,3% en janvier 2019 (soit le plein-emploi).
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier.
Tél. : 01 41 51 20 59
ou : 06 19 84 50 75
Semaine de la langue française : sept mots québécois à retenir… et à utiliser
L’actuelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » peut aussi être l’occasion de connaître quelques mots utilisés dans le domaine des affaires au Québec. Une terre de prospérité économique, qui s’affirme de plus en plus comme la référence mondiale en matière de langue française.
Le Québec est déjà connu depuis longtemps comme étant le principal foyer d’enrichissement de la langue française dans le monde. Et ce, notamment grâce à son prestigieux « Office québécois de la langue française » (OQLF), dont le travail est soutenu par l’exemplarité de la population québécoise, toutes catégories confondues.
Mais avant de citer ces quelques mots, à l’occasion de la nouvelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » qui s’étend cette année du 17 au 25 mars, il convient d’abord de rappeler certains éléments mettant en évidence la puissance économique du Québec. Débordant de dynamisme et de créativité, celui-ci compte de nombreuses grandes entreprises mondialement connues, comme Bombardier (numéro un mondial de la construction ferroviaire et numéro quatre de la construction aéronautique), Hydro-Québec (quatrième producteur mondial d’hydroélectricité), la SNC-Lavalin(un des leaders de l’ingénierie et de la construction, avec plus de 51 000 employés à travers le monde) ou encore le Cirque du Soleil, numéro un mondial dans son domaine avec ses près de 4 000 salariés !
Capitale économique de la province et haut lieu de la haute technologique, Montréal est également le troisième pôle mondial pour l’aéronautique (derrière Seattle et Toulouse) et l’industrie du jeu vidéo, et le quatrième centre mondial pour le secteur des effets spéciaux cinématographiques. Mais le Québec, c’est aussi une croissance économique annuelle globalement deux fois supérieure à celle de la France depuis 2012 (3,0% en 2017), un taux de chômage au plus bas depuis 1976 (5,6 % en février 2018) et une capitale nationale (la ville de Québec) affichant le taux de chômage le plus faible parmi les 10 principales villes de l’ensemble du Canada (3,2 % en février 2018)… et qui commence à concurrencer Montréal en matière d’innovation technologique.
Sauf qu’au Québec, dynamisme et modernité se vivent en français, comme le démontrent les quelques termes suivants, sélectionnés parmi tant d’autres :
– Sociofinancement : équivalent québécois du terme « crowdfunding », massivement utilisé en France et parfois traduit par « financement participatif » (appellation assez longue, reconnaissons-le). Ce mot a pour particularité de ne pas avoir inventé par l’OQLF, mais par une plateforme de sociofinancement elle-même (la plateforme « Haricot »). Et pourtant, ce terme fut à son tour rapidement repris par l’ensemble de la presse et de la population québécoises, avec le sens de la logique et la discipline qu’on leur connait et qui font leur force.
– Réseautage : mot correspondant au « networking » (action visant à se constituer un réseau de contacts sociaux et/ou professionnels).
– Plan d’affaires : au Québec, inutile de chercher un banquier qui vous demandera le « business plan » de votre projet, car ceci n’existe pas.
– Infolettre : équivalent en français québécois du mot « newsletter », lui aussi assez lourd à prononcer, comme les termes crowdfunding, networking et bien d’autres encore utilisés par les Français…
– Magasiner : au Québec, on ne va pas « faire du shopping », mais on va « magasiner ». Là encore, logique et simplicité.
– Courriel : bien que déjà connu en France, cet équivalent québécois du terme « e-mail » (ou email, ou mail, ou encore « mél »… ) tarde encore à s’imposer, bien qu’il soit utilisé depuis déjà de nombreuses années au Québec (et plus globalement dans toutes les localités francophones du Canada, comme pour l’ensemble des mots de cette liste).
– AECG : sigle utilisé par le Canada francophone pour la dénomination « Accord économique et commercial global », relative au traité de libre-échange récemment signé entre L’Union européenne et le Canada, et désigné par les francophones du continent européen par l’acronyme anglais CETA (Comprehensive and economic trade agreement). Il est ainsi plus que surprenant de constater que francophones de part et d’autre de l’Atlantique n’utilisent guère le même sigle afin de désigner un même traité dont ils sont, de surcroît, partie prenante !
Québec/France : un fossé linguistique grandissant
Ces termes sont utilisés par l’ensemble de la population québécoise : médias, classe politique, milieux d’affaires et particuliers (à la seule exception du sigle AECG, qui ne l’est que par… la quasi-intégralité des Québécois, tout comme le CETA l’est par la quasi-totalité des Français). Il n’y a donc aucune raison logique ni rationnelle pour que ces termes ne soient pas également utilisés sur l’intégralité du territoire français, et par l’intégralité du peuple de France.
Le Québec, où le français est globalement en progression constante depuis les années 1850 (période critique de l’histoire de cette grande province, lorsque les francophones étaient devenus minoritaires sur de nombreuses parties du territoire), s’affirme donc de plus en plus comme la référence mondiale en matière de langue française. La primauté du français, seule langue officielle du Québec depuis 1974, est ainsi scrupuleusement respectée dans l’affichage et les sites internet de l’ensemble des événements internationaux (salons et autres manifestations). Même chose pour toutes les universités et Grandes écoles québécoises francophones (très majoritaires), dont les noms et les intitulés de formation diplômante sont, par ailleurs, exclusivement en français (et dont les cours sont toujours essentiellement prodigués dans la langue de Molière). À tout cela, s’ajoutent également les slogans publicitaires, les intitulés de fonction et cartes de visites (quel que soit le domaine d’activité), ou encore les menus des bars et restaurants, les noms des films et des séries télévisées…
Et ce, y compris à Montréal, dont l’agglomération de 4,2 millions d’habitants concentre aujourd’hui l’essentiel de la minorité anglophone de la province, mais qui est désormais francophone à 78,1 % selon les données du recensement de 2016 et le selon le critère de la première langue officielle canadienne parlée (en hausse de 0,5 point de pourcentage par rapport au précédent recensement de 2011). Une ville-monde, où la grande majorité des non francophones maîtrise aujourd’hui au moins assez bien la langue française afin d’être en mesure de mener une vie normale sur ce territoire qui, au passage, a été élu meilleure ville étudiante au monde en 2017 par le classement international QS Best Student Cities (établi par le cabinet britannique Quacquarelli Symonds), ainsi que « Communauté intelligente de l’année 2016 » par l’organisme américain Intelligent Community Forum (en raison, notamment, de son avance en matière de technologie numérique et d’intelligence artificielle).
Ces différents exemples mettent en évidence un contraste saisissant avec une France où la langue française est désormais lingua non grata dans bien des endroits, et qui subit une anglicisation à outrance depuis plusieurs années, menée par des décideurs irresponsables, dépourvus de toute vision à long terme et faisant preuve, en définitive, d’une incompétence les rendant inemployables au Québec. À tel point que l’Hexagone est désormais meilleur en anglais que dix ex-colonies britanniques ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto (comme les Émirats arabes unis, le Qatar, le Sri Lanka ou le Pakistan), selon les deux dernières éditions du célèbre classement international EF EPI (Education First, English Proficiency Index). Une France, qui est également la grande puissance non anglophone la plus anglicisée au monde, se classant largement devant les chefs de file des autres principaux espaces géolinguistiques, à savoir la Russie, la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Arabie saoudite (ou l’Égypte). Ou encore devant le Japon, dont la société est technologiquement la plus avancée au monde.
Et comme si cela ne suffisait pas, la nouvelle réglementation européenne SERA – Partie C vise à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes privés français et les six principaux aéroports métropolitains. Si cette nouvelle réglementation devait entrer en vigueur, tôt ou tard, sous pression européenne et avec les probables complicité des autorités françaises et inertie de l’OIF, il ne restera plus à nos pilotes privés que de s’exiler au Québec (ou en Afrique francophone) afin de pouvoir continuer à exercer leur passion en français.
Ce fossé linguistique s’agrandissant d’année en année, entre un Québec de plus en plus francophone et une France en voie de défrancisation, espérons que Québécois et Français pourront toujours se comprendre dans quelques générations. En attendant, la « Semaine de mode » de Montréal (que l’on pourrait certainement raccourcir en « Semaine mode ») commencera le 20 mars au prochain, soit deux semaines après la fin de la « Fashion week » de Paris, autrefois première ville francophone du monde (désormais devancée par Kinshasa, et ses 13 millions d’habitants).
N’en déplaise à certains qui diffusent régulièrement de fausses informations, par ignorance ou par malhonnêteté, et sans se soucier des conséquences multiples,l’Afrique francophone est bien, globalement, la partie la plus dynamique du continent. Cet article est ainsi une occasion de remettre « les pendules à l’heure ».
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Veuillez donc trouver, ci-dessous, le lien vers le dernier article du Cermf, intitulé « L’Afrique subsaharienne francophone continue à être le moteur de la croissance africaine »
https://www.cermf.org/lafrique-francophone-moteur-de-la-croissance-africaine-2018 (le texte est également disponible plus bas).
Une version très courte a aussi été publiée sur le site du journal Les Échos, avec un titre différend :
Le Cermf est le seul organisme qui présente chaque année un rapport sur la croissance de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne francophone, ainsi que de chacune de ses zones géographiques.
Nous tenons à remercier nos chers et fidèles lecteurs, présents dans les quatre coins du vaste monde francophone (et au-delà).
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Ancien secrétaire général adjoint et trésorier adjoint de la revue “Population & Avenir” (démographie et géographie humaine)
L’Afrique subsaharienne francophone continue à être le moteur de la croissance africaine
En 2018, et pour la sixième fois en sept ans, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent. La tendance devrait se maintenir en 2019, même si une certaine vigilance s’impose.
Pour la cinquième année consécutive et pour la sixième fois en sept ans, l’Afrique subsaharienne francophone a affiché les meilleures performances du continent, selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier. Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 3,9 % (4,6 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 2,2 % * (1) (2)
Une croissance globale en hausse
La croissance de l’Afrique subsaharienne francophone a donc connu une hausse par rapport à l’année précédente (3,4 %, ou 3,9 % hors Guinée équatoriale). Dans le même temps, l’écart s’est accru avec le reste de l’Afrique subsaharienne (2,2% également en 2017), et dont la croissance avait été quatre fois inférieure en 2016 (0,7 % contre 2,9 %).
Cette hausse résulte du redémarrage progressif de l’activité dans certains pays d’Afrique centrale encore très dépendants des hydrocarbures, et d’une hausse de la croissance en Afrique de l’Est francophone. En zone CFA, qui regroupe 14 des 22 pays francophones, ainsi que la Guinée Bissau, la croissance est passée de 3,2 % en 2017 à 3,8 % (ou de 3,9 % à 4,8 %, hors Guinée équatoriale). Cette moyenne est à nouveau tirée par l’espace UEMOA, qui continue à être la plus vaste zone de forte croissance du continent (> 6 % par an).
Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, la croissance globale demeure notamment affectée par les graves difficultés des trois principales économies de la zone (le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola), par la stagnation de l’activité dans des pays d’Afrique australe, autres que l’Afrique du Sud (en Namibie, au Lesotho et au Swaziland, désormais dénommé Eswatini), ainsi que par la très mauvaise situation qui continue à prévaloir dans deux pays d’Afrique de l’Est qui connaissent les conflits les plus longs et les plus meurtriers d’Afrique subsaharienne (le Soudan du Sud et la Somalie).
Au Nigeria, en Afrique du Sud et en Angola, la situation reste très difficile malgré une hausse des cours des matières premières. Ces pays ont ainsi respectivement affiché une croissance de 1,9 %, de 0,9 % et une croissance négative de -1,8 %, contre respectivement 0,8 %, 1,3 % et -0,1 % en 2017. Pour l’Afrique du Sud, cette croissance anémique se poursuit depuis plusieurs années, et semble durablement installée. Le PIB de ce pays devrait d’ailleurs, à moyen terme, être dépassé par celui de l’Algérie, située à l’autre extrémité du continent et au niveau de développement à peu près comparable, et dont la progression annuelle est presque toujours deux à trois fois supérieure (2,5% en 2018, et le plus souvent plus de 3% sur la dernière décennie), même hors hydrocarbures. Quant au Nigeria et à l’Angola, leurs économies peinent à redémarrer en dépit d’une dépréciation – probablement trop brutale – de leur monnaie, dont la valeur a baissé de plus de 50 % par rapport au dollar depuis novembre 2014.
Sur la période 2012-2018, soit sept années, la croissance annuelle moyenne de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 4,2 % (4,9 % hors Guinée équatoriale, et 6,3 % dans la zone UEMOA). Ce taux a été de 2,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Sur cette même période, les trois premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC et le Cameroun, ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 8,6 %, de 6,0 % et de 4,8 % en moyenne. De leur côté, les trois premières économies du reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, ont respectivement connu une progression annuelle de 2,8 %, de 1,4 % et de 2,2 %.
Une Afrique de l’Ouest francophone particulièrement dynamique
Pour la cinquième année consécutive et la sixième fois en sept ans, les huit pays de la zone UEMOA (dont la lusophone, mais très francophile, Guinée-Bissau) ont enregistré une croissance globale supérieure à 6 % (6,4 %, et 6,6 % un an plus tôt). La zone UEMOA confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, et d’important relais de la croissance mondiale. Hors UEMOA, la Guinée confirme le redémarrage de son économie depuis 2016, avec une hausse de son PIB de 5,8 % (8,2 % en 2017). Pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone (Guinée et Mauritanie incluses), la croissance globale a été de 6,2 %.
La Côte d’Ivoire et le Sénégal ont à nouveau affiché les meilleures performances de la région. Avec une croissance 7,5 %, la Côte d’Ivoire n’a été dépassée sur le continent, et de peu, que par l’Éthiopie (7,7 %), dont les performances résultent essentiellement du très faible niveau de développement du pays, avec un PIB par habitant qui n’était encore que de 770 dollars début 2018 (contre de 1540 dollars pour la Côte d’Ivoire). La Côte d’Ivoire continue aussi à faire mieux que le Kenya, économie la plus développée d’Afrique de l’Est continentale, dont la croissance a été de 5,7 % en 2018 (et au PIB par habitant situé à un niveau à peu près similaire, à 1600 dollars à la même date). Sur la période 2012-2018, la croissance annuelle a été de 8,6 % en moyenne en Côte d’Ivoire et de 5,4 % au Kenya.
De son côté, le Sénégal a continué à afficher une croissance de plus de 6 % (6,6 %), réalisant ainsi la cinquième meilleure performance du continent bien qu’ayant un des PIB par habitant les plus élevés d’Afrique subsaharienne, situé à 1330 dollars début 2018. Un niveau bien supérieur à celui de pays d’Afrique de l’Est comme l’Ouganda et le Rwanda qui font également partie des pays ayant réalisé les meilleurs performances en 2018 (respectivement 6,1 % et 7,2 %), mais qui font toujours partie des pays les plus pauvres du continent (610 et de 750 dollars par habitant, respectivement). Le Rwanda qui demeure, hélas, l’un des quatre seuls pays africains – et non francophones – dans lesquels il n’existe aucune liberté d’expression, avec l’Érythrée, l’Égypte (au régime bien plus autoritaire que sous Moubarak) et le Eswatini (dernière monarchie absolue du continent).
Si le niveau raisonnable des cours des matières premières a également eu un impact positif, les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes mises en œuvre par les pays de la région. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance s’est établie à 6,0 % en 2018. Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2019, et notamment la Côte d’Ivoire (passée de la 167e place à la 122e place), la Guinée (de la 179e et de la 152e), le Togo (de la 162e à la 137e), le Bénin (de la 175e à la 153e) et le Sénégal (de la 154e à la 141e).
En dehors de la Côte d’Ivoire, bien mieux classée, tous les pays francophones de la région se situent désormais à peu près au même niveau que le Nigeria (146e). Par ailleurs, il est à noter que le dernier classement Doing Business met en évidence une détérioration considérable de climat des affaires en Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place. Ce pays, qui peine à développer ses zones rurales et où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d’ailleurs le pays qui connaît les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).
Enfin, il est à noter que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone continue à être globalement plus de deux fois supérieure à sa croissance démographique, pourtant légèrement supérieure à la moyenne subsaharienne. Cet essor démographique contribue à ce dynamisme économique, en permettant au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, la plupart des pays de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité des cartes en circulation), ne comptent respectivement que 12 et 20 millions d’habitants, contre près de 67 millions pour le Royaume-Uni.
Une Afrique centrale qui redémarre progressivement
Grâce notamment à la remontée des cours des matières premières et à l’assouplissement progressif des mesures d’austérité budgétaire dans les pays de la zone CEMAC, l’activité a entamé son redémarrage en Afrique centrale avec une croissance passant de 0,5 % en 2017 à 1,7 % en 2018 (ou de 1,3 % à 3,1 %, hors Guinée équatoriale). La République démocratique du Congo (RDC) est parvenue à atteindre une croissance de 4,1 % (3,4 % un an plus tôt), ce qui reste toutefois assez décevant pour un pays qui demeure un des plus pauvres du continent. En zone CEMAC, la variation du PIB est passée de -0,4 % à +0,9 %, Guinée équatoriale incluse (ou de +0,5 % à +2,7 %, hors Guinée équatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas très particulier qu’il convient toujours de rappeler, car de nature à fausser l’interprétation des statistiques régionales. Peuplé d’environ 1 million d’habitants, seulement, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir sa production commencer à décliner dès le début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il vient donc d’achever sa sixième année consécutive de croissance – souvent – fortement négative (-8,8 % en 2018, et une moyenne annuelle de -6,2 % sur les six dernières années !).
En zone CEMAC, le Cameroun (3,8 %) et le Gabon (2,0 %) sont les pays qui ont le mieux résisté à la baisse des cours de ces dernières années. Et ce, grâce aux efforts en matière de diversification (plan Cameroun émergence 2035, et Plan stratégique Gabon émergent – PSGE) qui leur ont permis d’afficher une croissance hors hydrocarbures supérieure à celle des deux grands pays pétroliers voisins que sont le Nigeria et l’Angola (même si elle demeure assez faible au Gabon). Sur la période triennale 2016-2018, et selon le FMI (dans son rapport « Perspectives économiques régionales », publié en octobre 2018), la croissance hors hydrocarbures devrait ainsi avoir atteint une moyenne annuelle de 4,9 % au Cameroun et de 2,4 % au Gabon, et se situer à seulement 0,6 % au Nigeria et à 1,3 % en Angola. Sur la même période, la croissance totale du PIB a été de 4,0 % pour le Cameroun et de 1,5 % pour le Gabon, en moyenne annuelle, tandis qu’elle a été de 0,4 % au Nigéria de -1,5 % en Angola.
À l’inverse, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été entrepris au Congo et au Tchad, qui ont enregistré une évolution de leur PIB de 1,0 % et de 3,1 % respectivement, et dont la croissance avait été fortement négative en 2017 (environ -3% chacun). Par ailleurs, ces deux pays continuent à occuper les dernières places du classement Doing Business, en étant respectivement à la 180e et la 181e place sur un total de 190 pays étudiés (et en faisant même moins bien que l’Angola, 173e). De plus, le Congo se classe étonnamment à la quatrième place des pays africains les plus endettés (101 % du PIB fin 2018, selon le FMI). Même s’il convient, toutefois, de saluer les importants efforts réalisés par le pays, et qui ont contribué à réduire considérablement une dette qui s’établissait à 131 % du PIB fin 2017. Par ailleurs, il est utile de rappeler que les pays francophones ne représentent que deux des dix pays les plus endettés du continent, le Congo étant suivi par le Togo (10e, avec 76 % du PIB, soit un niveau qui demeure toutefois inférieur à celui de nombreux pays d’Europe de l’Ouest). Enfin, il convient également de noter que plus aucun pays francophone ne figure désormais parmi les six derniers pays du classement international Doing Business, places désormais occupées pour moitié par des pays anglophones (en 2012, cinq des six derniers pays était francophones).
Une croissance en hausse en Afrique de l’Est francophone
La croissance de cette partie du continent a dépassé les 4 % en 2018, pour s’établir à 4,4 %, en hausse par rapport à l’année précédente (3,9 %). Plus grand pays de la région, Madagascar confirme le redémarrage progressif de son économie, entamé en 2016, et semble être enfin sorti d’une longue période de stagnation économique, due à une instabilité politique. Le pays a ainsi enregistré une progression de son PIB de 5,2 % en 2018, après avoir observé une hausse de 4,2 % un an plus tôt.
De son côté, Djibouti a une nouvelle fois connu une croissance supérieure à 6 % (6,7 %), réalisant ainsi une progression annuelle moyenne de 7,0 % sur la période de sept années allant de 2012 à 2018. Ce pays continue à tirer pleinement profit de sa situation géographique stratégique, et est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seule une dizaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste frappant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
Cette très faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et où l’hexagone ne pèse qu’environ 3 % du commerce extérieur (contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone… au plus grand bénéfice d’autres puissances.
Enfin, le Burundi (1,9 %) et les Comores (2,7 %) continuent à afficher les moins bonnes performances de la région, tandis que Maurice et les Seychelles continuent à afficher une croissance honorable compte tenu de leur niveau de développement, déjà assez élevé (stable à 3,9 % pour le premier, et en baisse à 3,6 % pour le second).
Une conjoncture internationale à surveiller en 2019
Même s’il convient toujours de demeurer prudent sur les prévisions faites en cours d’année pour les pays en développement, l’Afrique francophone subsaharienne devrait une nouvelle fois être la partie la plus dynamique du continent en 2019.
Cependant, et en entraînant à sa suite une hausse significative des prix des matières premières, une importante baisse du dollar, cette année ou ultérieurement, pourrait affecter négativement les économies de la majorité des pays francophones, assez pauvre en richesses naturelles. Et en particulier les pays de l’ouest de la zone CFA, qui seraient alors doublement pénalisés en étant également affectés par un euro trop fort (oscillant aujourd’hui autour de 1,13 dollar).
De la même manière que le cours trop élevé de l’euro au début des années 2010 découlait en bonne partie d’une obstination de l’Allemagne, puissance surtout économique, la France devrait alors prendre toutes ses responsabilités afin d’éviter que la politique monétaire de la zone euro ne soit contraire aux intérêts de l’Afrique francophone, et donc à ses propres intérêts. À défaut, l’arrimage actuel du franc CFA à l’euro (souvent moins flexible que le dollar, auquel sont également arrimés plusieurs pays) devrait alors être remis en cause, en optant de préférence pour un panier de devises qui inclurait, notamment, le dollar et le yuan chinois.
Enfin, notons que l’émergence économique et démographique de l’Afrique francophone (Maghreb inclus, où le Maroc vient notamment d’inaugurer le premier train à grande vitesse du continent, un TGV français en l’occurrence), contribue en bonne partie à la hausse constante du nombre d’apprenants du français dans le monde. Et ce, en particulier en Afrique subsaharienne non francophone, où ce nombre a augmenté d’environ 126 % entre les rentrées scolaires 2013 et 2017, selon le dernier rapport sur « La langue française dans le monde » publié fin 2018 par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Sur le continent, le français est désormais une matière obligatoire dans tous les pays non francophones d’Afrique de l’Ouest, au moins à partir de l’enseignement secondaire, et son apprentissage est maintenant accessible dans la quasi-totalité des autres pays non francophones du continent (tout en y étant obligatoire dans un certain nombre d’établissements privés). La France se doit donc d’accompagner et d’amplifier cette évolution favorable à la langue française dans le monde, plutôt que de constituer manifestement un frein en la matière (contrairement à un Québec exemplaire, par exemple).
- Faute de données disponibles, les estimations relatives aux taux de croissance de l’Érythrée, du Soudan du Sud et de Sao Tomé-et-Principe sont tirées du dernier rapport « Perspectives économiques régionales » du FMI (octobre 2018).
- Ayant la particularité d’être à la fois francophones et anglophones (pour avoir connu dans le passé une double présence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisés deux fois, aussi bien pour le calcul de la croissance globale de l’Afrique subsaharienne francophone que pour le calcul de la croissance de l’Afrique subsaharienne non francophone.
Le CERMF salue le lancement, aujourd’hui 22 novembre, du projet d’une Assemblée nationale de l’Acadie.
Le CERMF salue le lancement, en cette date du 22 novembre 2018, du projet d’une « Assemblée nationale de l’Acadie » (1). Une structure devant réunir des représentants des différentes régions acadiennes des provinces canadiennes de l’Atlantique, afin de réfléchir aux moyens à même d’assurer l‘avenir des communautés et territoires acadiens du pays. Cette assemblée aura pour objectif de proposer d’ici l’automne 2020 un projet d’autonomie régionale pour l’Acadie, dont les contours seront donc à définir.
Le CERMF rappelle d’ailleurs l’importance de cette initiative, à laquelle sont notamment appelées à participer différentes personnalités acadiennes de la société civile et de la classe politique, dans un contexte fort difficile pour la francophonie canadienne hors Québec (contrairement aux déclarations, évidemment politiques, émises au niveau fédéral ou par certains milieux fédéralistes). Un contexte que l’on retrouve également en Acadie du Nouveau-Brunswick, seule partie du reste du Canada à compter encore de nombreux territoires très majoritairement francophones et ayant donc le potentiel de le demeurer sur le long terme.
En effet, et comme le décrivent, d’une part, le long et détaillé article publié en septembre 2017 par le président du CERMF dans le principal journal acadien du Canada (2), et, d’autre part, la conférence bien documentée et parfaitement objective tenue par celui-ci sur la francophonie canadienne en décembre de la même année (dont le résumé est désormais disponible en ligne (3)), c’est bien en Acadie du Nouveau-Brunswick que le combat pour la langue française doit désormais être mené. Et non plus au Québec, province qui connait un processus de refrancisation progressive depuis les années 1850, contrairement au discours régulièrement tenu par certains, là aussi pour des raisons politiques (et qui ne devrait nullement franchir les frontières du pays, tant ses effets sont contre-productifs dans le reste du monde francophone). Le CERMF remercie au passage les responsables du projet de l’Assemblée nationale de l’Acadie d’avoir cité et référencé l’article concernant l’Acadie du Nouveau-Brunswick sur leur site internet (4), et en particulier M. Daniel LeBlanc, instigateur du projet.
Ces différents travaux de recherche, assez poussés et qui sont parfois les premiers du genre, traduisent le fort attachement du CERMF à l’Acadie et à son peuple, qui ont pleinement vocation à avoir une visibilité sur la scène internationale. Le CERMF souhaite donc un plein succès à la future Assemblée, dont l’une des premières missions sera de sensibiliser la population acadienne aux enjeux actuels et à la gravité de la situation présente, et ce, dans un paysage médiatique, y compris local, qui semble en être encore insuffisamment conscient. Une assemblée, financièrement dotée d’un fonds en cours de constitution, qui devra ensuite se pencher sur les voies les plus à même à assurer son avenir à l’Acadie. Un avenir qui, selon le CERMF, ne peut désormais être garanti que par un degré élevé d’auto-administration, et ce, dans un territoire aux délimitations clairement définies.
Le monde francophone a besoin d’une Acadie rayonnante, forte et prospère. Une Acadie qui fait honneur aux ancêtres du peule acadien, à leur courage et aux lourds sacrifices qu’ils ont consenti.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone).
Spécialiste du monde francophone, conférencier.
2. « Le peuple acadien devra faire preuve de courage s’il veut survivre » (ou « Province acadienne ou hausse de la natalité, uniques solutions »), Acadie Nouvelle, Ilyes Zouari, septembre 2017.
www.acadienouvelle.com/mon-
www.cermf.org/province-
3. La francophonie canadienne : réalités et perspectives (ou : La francophonie canadienne, entre mythes et réalités).
www.cermf.org/francophonie-
4. https://anacadie.ca/
Chers amis,
Veuillez trouver, ci-dessous, le lien vers le dernier rapport du CERMF au sujet de l’aide française au développement, basé sur les dernières données détaillées disponibles. Le PDF du rapport est également disponible en PJ (ainsi que le texte, plus bas, mais sans les graphiques).
www.cermf.org/le-monde-
Ce rapport s’adresse à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à l’espace francophone, et auxquels il peut servir de base de travail (politiques, entrepreneurs, journalistes, associations, enseignants, étudiants…).
Ce document est volontairement assez court – une dizaine de pages seulement – afin qu’il soit aisément consultable par le plus grand nombre. Le caractère exhaustif des informations qui y sont présentes n’est autre que le fruit de l’indépendance du CERMF, libre de toute pression politique visant à influencer le contenu de ses publications.
Le CERMF est le seul organisme qui analyse l’aide française au développement d’un point de vue francophone.
C’est également le seul organisme qui calcule la part de marché de la France dans l’ensemble des pays d’Europe orientale membres de l’UE (et le seul pour l’Europe de l’Est également), afin de juger de la pertinence d’accorder un volume d’aides aussi important à cette partie du monde.
Le CERMF est aussi le seul à établir la part de marché de la France en Afrique francophone (ainsi que pour chacune de ses régions), et le seul à calculer le taux de croissance global de l’Afrique francophone (de même que pour chacune de ses zones géographiques).
Par ailleurs, une version courte de ce rapport vient également d’être publiée sur le site des Échos (mais dépourvue de bon nombre de données, ainsi que des graphiques) :
Nous tenons à remercier tous nos chers et fidèles lecteurs, présents dans les quatre coins du vaste monde francophone.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Le monde francophone demeure le parent pauvre de l’aide française au développement
En 2016, moins d’un euro sur six versés par la France a été affecté au vaste monde francophone. Une situation qui traduit un manque de vison à long terme, et qui s’oppose à la politique du Royaume-Uni qui privilégie toujours son espace géolinguistique. Et les perspectives sont peu encourageantes.
Selon les dernières statistiques détaillées publiées par l’OCDE, la France n’a consacré que 32 % de ses aides relevant de la catégorie dite de l’Aide publique au développement (APD) à des pays francophones en 2016. En y rajoutant sa lourde contribution nette au budget de l’Union européenne (UE), selon les données fournies par le Sénat, la part du monde francophone (en l’occurrence l’Afrique francophone, Haïti et le Vanuatu) s’établit à environ 15 % du volume global des aides au développement versées par l’Hexagone à des pays étrangers.
Une politique peu francophonophile
Concernant la partie relative à l’APD (qui se rapporte aux pays à revenu faible ou intermédiaire, et non membres de l’UE), et comme à peu près comme chaque année, seuls deux des dix premiers pays bénéficiaires, aides bilatérales et multilatérales confondues, étaient des pays francophones : le Maroc (2e) et le Cameroun (4e). Les autres principaux bénéficiaires étaient dans l’ordre : la Turquie (1e), la Jordanie (3e), l’Égypte (5e), l’Inde, la Colombie, le Mexique, l’Éthiopie et le Brésil.
Pour ce qui est des aides bilatérales, qui représentent environ 60% de l’APD française (58% en 2016), celles-ci se sont à nouveau principalement orientées vers des pays non francophones. En effet, seuls trois des dix premiers pays récipiendaires étaient francophones, à savoir le Maroc (1e), le Cameroun (3e) et l’Algérie (10e, et qui refait son apparition dans les 20 premiers du classement). Les autres principaux pays bénéficiaires étant la Jordanie (2e), l’Égypte (4e), la Colombie, le Mexique, l’Inde, le Brésil et la Turquie (9e). Cinquième en 2016, la Colombie s’était classée première en 2015, seconde en 2014 et quatrième en 2013. Pour sa part, le Brésil, pourtant déjà assez développé et concurrençant même la France dans certains domaines, arrivait en quatrième position des pays bénéficiaires de l’aide bilatérale française en 2014 et en 2015, et en deuxième position en 2012.
Au total, environ 32 % de l’APD française a ainsi été affectée aux pays du monde francophone, soit 2,7 milliards d’euros sur une enveloppe globale de 8,5 Mds (chiffres hors Wallis-et-Futuna, archipel qui ne peut naturellement être pris en compte puisqu’il s’agit d’un territoire français). Ce taux est approximatif, à quelques décimales près, puisqu’il inclut quelques éléments n’ayant pas fait l’objet d’une répartition précise par pays, et qui concernent notamment des aides répertoriées comme « régionales », certains frais administratifs, ainsi qu’une partie des coûts liés aux étudiants et aux demandeurs d’asile présents sur le territoire français.
Cette part se retrouve également au niveau du groupe AFD, qui gère environ la moitié de l’APD bilatérale française, et dont 32 %, approximativement, du volume global des autorisations de financement accordées à des pays étrangers ont été consacrés au monde francophone. Comme chaque année ou presque, seuls trois des dix principaux pays bénéficiaires étaient francophones, à savoir : la Côte d’Ivoire (2e), le Maroc (6e) et le Sénégal (8e). Il est d’ailleurs à noter que le Brésil se classe deuxième des pays bénéficiaires sur l’ensemble de la période quinquennale 2012-2016, et que la part des aides non remboursables (subventions, contrats de désendettement, bonification de prêts…) n’a représenté qu’environ 35 % des financements accordés aux pays francophones.
Mais aux aides relevant de l’APD, il convient naturellement d’ajouter celles versées annuellement à un certain nombre de pays européens membres de l’Union européenne, et essentiellement situés en Europe orientale. Ceci est d’autant plus justifié que ces aides se caractérisent par leur totale gratuité, étant ni remboursables ni assorties de conditions au profit de l’économie française. Et ce, contrairement aux aides relevant de l’APD dont le tiers, environ, est remboursable (le quart environ pour les pays francophones), et qui sont parfois assorties de certaines conditions plus ou moins indirectes.
Or, la contribution nette de la France au budget de l’UE s’est élevée à non moins de 9,216 milliards d’euros en 2016, qui viennent donc s’ajouter aux 8,518 Mds de l’APD. Ainsi, la part du monde francophone s’est établie à environ 15,4 % du total des aides allouées par la France à des pays tiers, soit seulement 1 euro sur 6,5 euros versés. Cette part est même en baisse par rapport aux deux années précédentes, puisqu’elle s’établissait à environ 18,1 % en 2015 et 17,5 % en 2014. Par ailleurs, il est à noter que le Maroc, premier pays francophone bénéficiaire, arrive alors à la onzième place d’un classement global où il est l’un des deux seuls pays francophones (avec le Cameroun) à faire partie des vingt premiers bénéficiaires de l’aide française au développement.
Manque de vison à long terme
Pourtant, force est de constater que toutes les études économiques démontrent clairement que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays et peuples partageant une même langue, comme le rappelait si bien le rapport Attali sur la francophonie, publié en 2014. Un seul exemple suffit d’ailleurs à démontrer l’impact économique du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse générée dans un pays francophone au profit de l’économie locale finit par revenir en bonne partie dans le circuit économique des autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone de coprospérité », une des traductions possibles du terme Commonwealth.
Cependant, la France consacre chaque année l’essentiel de ses aides à des pays non francophones, et en particulier aux treize pays d’Europe orientale membres de l’UE (ou UE13 : 11 pays d’Europe de l’Est + la Grèce et Chypre). Ces derniers, ayant reçu, en 2016, 89,3 % de l’ensemble des aides versées par le budget de l’UE, la part de la France à destination de ces pays s’est donc élevée à 8,226 milliards d’euros, soit 3,0 fois plus que pour l’ensemble du monde francophone (autour de +202 %). Pourtant, la population totale de cette partie de l’UE (au passage déjà assez développée) n’était que de près de 115 millions d’habitants mi-2016, soit moins du tiers de la population totale des pays francophones du Sud (environ 385 millions à la même date), ce qui correspond donc à un aide à peu près 10,1 fois plus importante par habitant (71,8 euros/hab. contre environ 7,1 euros/hab.). Ainsi, un petit pays comme l’Estonie, peuplé alors de seulement 1,3 million d’habitants, a reçu de la France la somme de 128 millions d’euros (ou l’équivalent de 97 euros par habitant), soit davantage que la Tunisie, berceau des révolutions arabes et seul pays à avoir réussi sa transition politique (115 millions d’euros, aides bilatérales et multilatérales confondues, pour 11,3 millions d’habitants mi-2016, soit 10,2 euros/hab.), que le Sénégal (102 millions d’euros pour 15,4 millions d’hab., soit 6,6 euros/hab.), que le Niger (106 millions d’euros pour 19,7 millions d’hab., soit 5,4 euros/hab.) ou encore que la RDC (111 millions d’euros pour 79,8 millions d’hab., soit 1,4 euros/hab.).
Pour sa part, le Maroc, premier pays francophone bénéficiaire de l’APD française (364 millions d’euros pour 35,3 millions d’hab., soit 10,3 euros/hab.) se trouve ainsi largement dépassé par la Slovaquie (530 millions d’euros pour 5,4 millions d’hab., soit 98 euros/hab.), tout comme par la Pologne et la Roumanie qui sont les deux premiers bénéficiaires des aides françaises au développement avec, respectivement, 1,863 milliard (pour 38,4 millions d’hab., soit 49 euros/hab.) et 1,592 milliard d’euros (pour 19,8 millions d’hab., soit 81 euros/hab.).
Compte tenu de l’existence, au niveau de l’APD française, de certains montants n’ayant pas fait l’objet d’une répartition détaillée par pays, comme indiqué précédemment, les chiffres donnés pour les pays francophones sont donc probablement légèrement sous-estimés. Par ailleurs, il convient de ne pas oublier les flux financiers en provenance des diasporas francophones vivant en France, et qui sont particulièrement importants pour le Maroc, la Tunisie et le Sénégal. Pour les deux premiers pays, s’ajoutent également d’importants flux financiers en provenance des très nombreuses entreprises françaises qui y sont implantées, qui y investissent, paient des impôts (souvent de manière indirecte) et emploient des dizaines de milliers de personnes. Toutefois, la prise en compte de ces différents éléments ne change rien au fait que les transferts reçus par les pays francophones demeurent très en deçà des flux reçus, par habitant, par chacun des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE (qui comptent, eux aussi, de fortes diasporas en Europe de l’Ouest, et qui reçoivent également de nombreux investissements).
La politique française en matière d’aide au développement semble donc assez irrationnelle, d’autant plus que la part de marché de l’Hexagone n’a été que de 3,9 % en 2016 pour l’ensemble des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE (3,8 % en 2015), selon les dernières données complètes disponibles au niveau du Comtrade, un des départements de l’ONU (et 3,8 % pour les 11 pays d’Europe de l’Est). À titre d’exemple, cette part a été de 2,6 % en Estonie, de 3,1 % en Slovaquie, de 5,5 % en Roumanie, de 3,9 % en Pologne et de 4,4 % en Grèce. La France se trouve ainsi loin derrière l’Allemagne qui arrive très largement en tête des pays fournisseurs de la zone, avec une part de marché de 20,8 % (21,5 % pour les 11 pays d’Europe de l’Est), et assez loin également du second fournisseur qu’est la Chine, grâce notamment à ses produits bon marché (8,6 % pour l’ensemble de la région).
A contrario, et concernant les pays précédemment cités, la part de marché de la France a été la même année de 15,4 % en Tunisie (1e fournisseur étranger), de 13,2 % au Maroc (2e fournisseur, récemment dépassé par l’Espagne), de 15,9 % au Sénégal (1e fournisseur) et de 28,3 % au Niger (1e fournisseur), arrivant à chaque fois assez largement devant la Chine, et loin devant l’Allemagne. Et pour ce qui est de l’Afrique francophone dans son ensemble, et malgré une forte concurrence de la Chine dont les produits bon marché sont particulièrement appréciés sur le continent, la France est tout de même parvenue à maintenir un écart assez limité avec celle-ci en arrivant seconde avec une part de marché globale estimée à 11,9 %, contre 13,7 % pour la Chine (7,7 % pour l’Espagne, troisième, et seulement 5,2 % environ pour l’Allemagne, qui arriverait de peu en quatrième position, devant les États-Unis).
Ainsi, la politique étrangère de la France consiste à financer essentiellement des pays qui continuent à s’orienter systématiquement en premier vers l‘Allemagne, 27 ans après la chute de l’URSS, ce qui revient donc à subventionner l’économie allemande et ses industries (aux gigantesques excédents commerciaux). La célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse » semble ainsi être la doctrine de la politique étrangère de la France. Cette situation est d’autant plus injustifiée que les pays d’Europe orientale votent régulièrement contre les positions françaises au sein des grandes instances internationales (ONU…), et ce, contrairement à la majorité des pays francophones avec qui la France partage de nombreuses valeurs communes en matière de politique étrangère.
Cette approche contreproductive de la France se manifeste particulièrement en RDC, pourtant premier pays francophone du monde avec ses 83 millions d’habitants, et dont la capitale Kinshasa est désormais la plus grande ville francophone du monde (13 millions d’hab.) devant Paris (11 millions). Vaste comme plus de la moitié de l’UE, ce pays ne bénéficie chaque année que de moins de 1 % des aides versées par l’Hexagone à des pays tiers (0,6 % du total en 2016, et 1,3 % de l’APD). Ce désintérêt français à l’égard de la RDC s’observe également au niveau de l’AFD (moins de 0,2 % des autorisations de financement du groupe accordées à des pays étrangers en 2016 !), au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants présents en France (0,5 % du total, et un peu plus de 1,0 % des étudiants africains), ou encore au niveau de la part des projets y étant réalisés par les collectivités et structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée en Afrique (< 1 %).
Pourtant, et malgré ce qui peut être considéré comme un abandon, la France parvient tout de même à avoir dans ce pays une part de marché plus importante que celle qui est la sienne dans la quasi-totalité des pays d’Europe orientale, grâce notamment au lien linguistique (5,2 % en 2016 selon le CIA World Factbook, à défaut de données disponibles au niveau du Comtrade).
Toutefois, elle arrive bien loin derrière la Chine qui aurait fourni 20,2 % des importations congolaises en 2016. Pourtant, la France pourrait sans grande difficulté accroître sa présence en RDC, dont la forte dépendance vis-à-vis du partenaire chinois pourrait, à terme, nuire aux intérêts du pays (la Chine aurait notamment absorbé 35,3 % des exportations de la RDC la même année).
Mais ce manque de vision de la France se manifeste également à Djibouti, un des six pays de l’Afrique de l’Est francophone. Un pays qui a enregistré en 2017 une croissance supérieure à 6 % pour la quatrième année consécutive (7,1 %), et qui est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international grâce à sa situation géographique stratégique et à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, moins d’une dizaine d’entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.
En RDC et à Djibouti, la France se contente de construire des centres culturels (en RDC) ou de maintenir une base militaire (à Djibouti). Tout comme, bien naïve (contrairement à la Grande-Bretagne, de surcroît trois fois moins peuplée à l’époque), et toutes proportions gardées, elle pensait au temps de Louis XIV et de Louis XV que la simple construction de forts militaires, sans presque aucune activité autour, lui permettrait de maintenir son influence en Amérique du Nord, alors très majoritairement française.
Cette situation est d’autant plus regrettable que l’Afrique francophone, ensemble de 25 pays regroupant 390 millions d’habitants et s’étendant sur une superficie de 14,0 million de km2 (soit 3,1 fois l’UE tout entière), constitue, malgré tout, la zone la plus dynamique du continent, et notamment dans sa partie subsaharienne (22 pays). En 2017, et pour la cinquième fois en six ans, l’Afrique subsaharienne francophone a ainsi de nouveau été le moteur de la croissance continentale avec un hausse globale de son PIB de 3,2 % (3,9 % hors cas très particulier le Guinée équatoriale), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne (selon les données fournies par la Banque mondiale en janvier 2018). Sur la période 2012-2017 (6 années), et grâce aux nombreuses réformes accomplies par une majorité de pays pour améliorer le climat des affaires et progresser en matière de bonne gouvernance, cet ensemble a enregistré une croissance globale annuelle de 4,2 % en moyenne (4,9 % hors Guinée équatoriale), contre 3,0 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme particulièrement visible dans l’espace UEMOA, qui constitue la plus vaste zone de forte croissance du continent (6,5 % en 2017, et moyenne de 6,4 % par an sur la période 2012-2017).
La France a donc tout intérêt à financer davantage les pays francophones du Sud afin de tirer plus amplement profit de leur croissance économique (notamment grâce au lien linguistique), tout en l’accélérant. Et en particulier dans les pays où elle se trouve fortement concurrencée par la Chine, voire largement dépassée (surtout en RDC).
Certes, la France est une grande puissance mondiale, territorialement présente sur quatre continents et militairement sur cinq continents, notamment grâce aux « DOM-TOM » (ce qui n’est pas le cas de la Russie, par exemple). Grâce à sa vaste zone économique exclusive (ZEE), la seconde plus vaste au monde avec des 11,0 millions de km2, la France compte aussi non moins de 34 pays frontaliers à travers la planète (dont 23 uniquement par mer), ce qui constitue un record mondial devant le Royaume-Uni (25 pays) et les États-Unis (18 pays). Afin de conserver ce statut de grande puissance, la France se soit donc d’être financièrement présente sur tous les continents et auprès de tous les pays, y compris en Europe où elle aspire à jouer un rôle important. Mais à condition toutefois de ne pas négliger le vaste monde francophone (dont la superficie réelle est d’ailleurs souvent divisée par deux ou trois par la majorité des cartes géographiques en circulation). En effet, et en plus des éléments économiques et géopolitiques précédemment cités, c’est en grande partie grâce à l’émergence démographique et économique de l’espace francophone que l’apprentissage du français est en progression constante à travers le monde (à l’exception notable de l’UE, zone anormalement la plus anglicisée au monde), et en particulier en Asie et en Afrique subsaharienne non francophone. La langue étant le principal vecteur d’influence culturelle, avec, in fine, des répercussions là aussi économiques et géopolitiques, la France doit donc investir prioritairement dans son espace linguistique afin d’amplifier cette progression, au bénéfice de ses propres intérêts à moyen et long termes (ainsi que de ceux de l’ensemble des pays ayant le français en partage).
Le Royaume-Uni, un modèle d’intelligence stratégique
Contrairement à la France, assez irrégulière, le Royaume-Uni a constamment fait preuve d’une vision à long terme depuis les années 1600 (à une époque où il ne s’agissait encore que du royaume d’Angleterre). Ainsi, il continue aujourd’hui à consacrer une partie importante de ses efforts aux pays appartenant à son espace linguistique. En 2016, ces derniers ont représenté sept des vingt premiers pays bénéficiaires de l’ensemble des aides britanniques au développement (APD et contribution nette au budget de l’UE), contre seulement deux pays francophones parmi les vingt premiers bénéficiaires de l’aide française. Et concernant celles relevant de la catégorie de l’APD, les pays anglophones ont représenté six des dix premiers pays récipiendaires du total de la catégorie, mais surtout huit des dix premiers récipiendaires de l’aide bilatérale, comme presque chaque année (et 16 des 20 premiers !). Cette écrasante prépondérance au niveau de l’aide bilatérale démontre bien que la priorité donnée aux pays anglophones est avant tout le résultat d’une volonté politique bien affirmée, et qu’elle n’est pas simplement due à leur nombre.
Au final, le Royaume-Uni a ainsi consacré environ 58 % de son APD à son espace géolinguistique (32% pour la France). Et en tenant compte de sa contribution nette au budget de l’UE (6,272 Mds d’euros, dont une partie très marginale de 52 millions d’euros pour trois petits pays anglophones membres de l’UE : l’Irlande, Malte et Chypre), cette part s’est ainsi élevée à environ 41,7 % du total des aides versées à des pays étrangers en 2016 (contre environ 15,4 % pour la France). Cette priorité accordée aux pays anglophones n’a d’ailleurs pas empêché le Royaume-Uni d’être davantage présent que l’Hexagone dans le reste du monde, et ce, grâce à l’importance du volume de son APD qui s’est élevée à 15,86 Mds d’euros (hors Sainte-Hélène et Montserrat bien sûr, car territoires britanniques), soit presque le double de l’APD française (+ 86 %). En effet, le Royaume-Uni est parvenu à consacrer la somme de 6,7 Mds d’euros à des pays situés hors espace anglophone, soit 0,9 Md de plus que le montant alloué par la France à des pays situés hors espace francophone (5,8 Mds).
Au passage, il est intéressant de constater que la RDC continue à être l’un des rares pays non anglophones à faire partie des principaux bénéficiaires de l’APD britannique, en se classant à la 10eposition pour le total des aides bilatérales et multilatérales reçues. En 2016, 292 millions d’euros ont ainsi été alloués à la RDC, soit 2,6 fois plus (+ 163 %) que les 111 millions d’euros octroyés par la France. Et sur la période quinquennale 2012-2016, le montant alloué par le Royaume-Uni a été en moyenne de 328
Certes, cette politique britannique à l’égard de la RDC puise certainement une partie de ses origines dans la responsabilité du Royaume-Uni dans l’instabilité chronique dont souffrent certaines zones de l’est de la RDC depuis le génocide rwandais de 1994. Et ce, pour avoir (avec les États-Unis) encadré et financé des milices armées anglophones qui multiplièrent, à partir de l’Ouganda voisin, les attaques meurtrières au Rwanda au début des années 1990, propageant ainsi un climat de paranoïa collective qui fut à l’origine du triste génocide (déclenché au lendemain de l’assassinat simultané de deux présidents de pays souverains – le Rwanda et le Burundi, cas unique dans l’histoire), et du long chaos qui s’en suivit dans l’est de la RDC voisine, avec pour résultat la mort d’environ quatre millions de civils. Toutefois, et quelles que soient les raisons de l’importance de l’aide britannique (à laquelle s’ajoute également une importante aide américaine), rien ne peut justifier la si grande faiblesse de l’intérêt de la France pour ce pays qui est le premier pays francophone du monde. Tout argument invoqué pour justifier cette situation est simplement irrecevable.
Avec un montant de 15,9 Mds d’euros en 2016 (16,2 Mds en 2015), l’APD britannique est donc désormais considérablement supérieure à celle de la France (8,5 Mds d’euros en 2016, et 8,0 Mds en 2015). Alors que la France et le Royaume-Uni étaient historiquement à peu près au même niveau jusqu’en 2007, ce dernier a par la suite fortement augmenté son APD jusqu’à devenir l’un des rares pays développés – et la seule grande puissance – à atteindre le niveau recommandé par les Nations Unies de 0,7 % du Revenu national brut (RNB), malgré la terrible crise économique et financière que connut le pays pendant plusieurs années. De son côté, l’APD française pour l’année 2016 était exactement au même niveau qu’en 2007 (0,38 % du RNB)…
L’importance de l’APD britannique s’explique par deux des plus importantes décisions prises par le Royaume-Uni au cours des quatre dernières décennies, et dont ont résulté, d’une part, la plus faible contribution du pays au budget de l’UE (6,3 Mds d’euros en 2016, contre 9,2 Mds pour la France), et d’autre part, le maintien de la souveraineté monétaire du Royaume, libre des contraintes frappant les pays membres de la zone euro. Et ce, contrairement donc à une France « engluée » dans ses obligations européennes, qui l’éloignent du reste du monde et l’empêchent désormais d’assumer pleinement son statut de grande puissance mondiale.
Cet européocentrisme de la France se traduit d’ailleurs dans l’évolution récente de son commerce extérieur, différente de celle d’un Royaume-Uni plus ouvert sur le monde. Ainsi, et alors que la part de l’UE (selon ses frontières actuelles) dans les exportations des deux pays était à peu près la même en 2006 (65,6 % pour la France et 62,7% pour le Royaume-Uni, selon Eurostat), celle-ci baissa assez modestement pour la France pour atteindre 58,8 % en 2017, tandis qu’elle baissa fortement pour le Royaume-Uni en descendant sous la barre des 50 % (47,6 %). L’écart entre les deux pays est encore plus évident en ce qui concerne les importations, qui étaient à 69,8 % d’origine européenne pour la France en 2017 (en hausse par rapport à 2006 !), contre seulement 51,8 % pour le Royaume-Uni. Un pays parfaitement conscient du fait qu’une grande puissance ne peut consacrer l’essentiel de son énergie à son seul continent, au détriment du reste du monde.
Le repli de la France sur l’UE constitue ainsi une menace pour la puissance du pays et son indépendance, l’isolant partiellement du reste du monde et notamment du vaste monde francophone, dont les Français ignorent presque tout. À titre d’exemple, la quasi-intégralité de la population française ignore tous des Jeux de la Francophonie qui se sont tenus en juillet 2017 à Abidjan (contraste saisissant avec la couverture médiatique dont jouissent les Jeux du Commonwealth au Royaume-Uni), de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire (qui n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome), du concours musical The Voice Afrique francophone (qui fût dans sa saison 2016-2017 le plus grand concours musical au monde en termes d’audience cumulée), ou encore du peuple acadien – au Canada et non en Louisiane – et de leur drapeau, qui n’est autre que le drapeau tricolore orné d’une petite étoile aux couleurs papales et symbole de la Vierge Marie.
Une ignorance dont la responsabilité est à imputer en premier aux responsables politiques, à un certain nombre de hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale et aux médias, et qui s’oppose à la plus grande culture qu’ont les Britanniques au sujet des pays du Commonwealth. Une bien meilleure connaissance qui explique en bonne partie leur attachement viscéral à leur langue, à sa défense et à sa diffusion. Et ce, contrairement à une majorité de Français qui, maintenus dans une certaine ignorance, se désintéressent consciemment ou inconsciemment de la leur, car ignorant sa dimension mondiale.
Des perspectives peu encourageantes
Certes, le gouvernement français a annoncé son intention de porter son APD à 0,55 % du RNB d’ici à 2022. Et selon les dernières données disponibles, mais non encore détaillées, l’APD française a atteint 0,43 % du RNB en 2017, soit un montant de 10,1 Mds d’euros (Wallis-et-Futuna ici inclus, soit probablement environ 0,1 Md à déduire). Cependant, l’expérience démontre qu’il convient toujours de demeurer prudent quant à ce genre de déclarations, d’autant plus que l’APD de la France pourrait souffrir de toute éventuelle nouvelle crise économique en raison des contraintes budgétaires liées à l’appartenance du pays à la zone euro, et auxquelles échappe le Royaume-Uni. De plus, le Brexit pourrait avoir pour conséquence une augmentation de la contribution nette de la France au budget de l’UE, au détriment de l’APD.
Par ailleurs, et même si cet objectif devait être atteint, l’APD française se monterait alors, à PIB constant base 2016, à près de 12,50 Mds d’euros, soit encore assez loin des près de 16 Mds d’euros alloués annuellement par le Royaume-Uni (15,9 Mds en 2016 et 15,9 Mds en 2017, Sainte-Hélène et Montserrat inclus pour cette dernière année, soit probablement environ 0,1 Md à déduire). Un écart qui correspondrait d’ailleurs, à peu près, à celui existant entre les deux pays au niveau de leur contribution nette au budget de l’UE (2,9 Mds d’euros en 2016, selon les dernières données disponibles et au détriment de la France). Enfin et surtout, rien ne laisse penser à ce stade que cette éventuelle hausse de l’APD française profiterait principalement aux pays du monde francophone, tout comme l’APD britannique profite principalement aux pays anglophones.
De toute façon, tant que le monde francophone continuera à recevoir un sixième seulement de la somme totale des aides versées par l’Hexagone à des pays étrangers, et tant que cet ensemble de pays francophones recevra proportionnellement à sa population environ 10 fois moins d’aides que l’ensemble composé par les pays d’Europe orientale membres de l’UE (UE13), toutes les déclarations officielles favorables à la « francophonie » et mettant en avant la nécessité d’aller vers une francophonie économique ne seront guère à prendre au sérieux.
L’actualité récente vient d’ailleurs de fournir un indice supplémentaire sur le niveau de sincérité de l’engagement de la France pour le monde francophone, avec le soutien officiellement apporté par celle-ci à la candidature d’un pays totalement anglophone à la présidence de l’OIF, en l’occurrence le Rwanda. Un pays qui, de surcroît, a l’un des régimes les plus totalitaires de la planète, un des rares au monde à être encore au niveau « zéro » en matière de liberté d’expression, le seul probablement avec la Corée du Nord à avoir pour habitude de faire assassiner ses opposants même en pays étranger, et dont le président, de facto au pouvoir depuis 1994 (mais officiellement depuis 2000) a modifié la constitution du pays en 2015 afin d’être en mesure de se maintenir à son poste jusqu’en 2034 (soit 40 années de règne). Par ailleurs, une présidence rwandaise de l’OIF aurait pour conséquence de disqualifier cette organisation en matière de francophonie et de promotion de la langue française, ainsi qu’une matière de promotion de la démocratie et des droits de l’homme (tout comme la diplomatie française…).
Penser que le régime rwandais, qui s’est souvent montré hostile à l’OIF, et même agressif à l’égard de certains pays membres de cette organisation (le RDC et du Burundi voisins), pourrait se mettre à mener une politique favorable au français et aux pays francophones, et qu’il cesserait de défendre les intérêts des puissances étrangères qui ont l’ont installé et le financent massivement (faisant du Rwanda un des pays les plus aidés au monde sur ces 20 dernières années, mais qui demeure pourtant l’un des pays les plus pauvres du continent avec un PIB par habitant d’environ 720 dollars seulement, soit moins de la moitié du niveau du proche Kenya ou de la Côte d’Ivoire), relève d’une grande naïveté, une des plus grandes de l’histoire de la diplomatie française.
Paris, le 21 mai 2018
Communiqué de presse :
Le CERMF condamne toute candidature rwandaise à la présidence de l’OIF
Selon les dernières informations disponibles, la candidature du Rwanda à la présidence de l’Organisation internationale
Le CERMF condamne toute éventuelle candidature rwandaise à la présidence de l’OIF pour les deux simples raisons suivantes :
– un pays anglophone ne peut être élu à la présidence de l’OIF ;
– un des régimes les plus totalitaires de la planète ne peut être élu à la présidence de l’OIF.
En effet :
– le régime rwandais est une des quatre pires dictatures du continent africain, qui sont au degré « zéro » en matière de liberté d’expression (avec l’Égypte, l’Érythrée et le Swaziland) ;
– le régime rwandais est probablement le seul au monde avec celui de la Corée du Nord à avoir pour habitude de faire assassiner ses opposants même en pays étranger ;
– le dictateur rwandais est de facto au pouvoir depuis 1994 (officiellement depuis 2000) et a modifié la constitution du pays en 2015 afin d’être en mesure de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, soit 40 années de règne. Le totalitarisme du régime rwandais a d’ailleurs une influence directe sur nombre de pays africains de la région qui sont en train de revenir sur le processus de démocratisation qu’ils avaient amorcé. Encouragés, inspirés et « rassurés » par l’« exemple » rwandais.
– enfin, rappelons que le président rwandais est responsable de la mort de plusieurs dizaines de milliers de civiles dans l’est de la RDC voisine dans les années 1990 et 2000.
Une présidence rwandaise de l’OIF aurait donc pour conséquences :
– de disqualifier totalement l’OIF en matière de langue française et de francophonie ;
– de disqualifier totalement l’OIF en matière de démocratie et de droits de l’homme.
…et donc d’ôter à l’OIF le peu de crédibilité qui lui reste encore (elle qui, pour ce qui est du premier point et contrairement au Commonwealth, compte de nombreux pays ne partageant pas la langue officielle de l’organisation, et qui, de surcroît, ne respectent aucun de leurs engagements).
Par ailleurs, un soutien français à une probable candidature du régime rwandais à la présidence de l’OIF aurait également pour conséquences :
– de discréditer la diplomatie française en matière de langue française et de francophonie ;
– de discréditer la diplomatie française en matière de démocratie et de droits de l’homme.
Enfin, le CERMF condamne fermement la visite prochaine du dictateur rwandais à Paris et sa rencontre prévue avec le président français. Par ailleurs, et malgré une forte propagande officielle (digne d’une compagne permanente de marketing), il convient de rappeler que le Rwanda demeure un des pays les plus pauvres du continent (environ 720 dollars par habitant, soit moitié moins que la moyenne subsaharienne). Et ce, alors même que c’est un des pays en développement les plus massivement aidés au monde depuis une vingtaine d’années, proportionnellement à sa population et grâce à ses relations particulièrement étroites avec certaines grandes puissances étrangères qui avaient aidé les dirigeants actuels du pays à multiplier, à partir de l’Ouganda, les attaques meurtrières au Rwanda dans les années qui précédèrent le génocide, avant de prendre le pouvoir (1,090 milliard de dollars par an en moyenne sur la période triennale 2014-2016 selon l’OCDE).
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
L’actuelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » est l’occasion de connaître ces quelques mots utilisés dans le domaine des affaires au Québec. Une terre de prospérité économique, qui s’affirme de plus en plus comme la référence mondiale en matière de langue française.
Ci-dessous, le lien vers ce dernier article du CERMF, publié sur le site des Échos :
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier.
Semaine de la langue française : sept mots québécois à retenir (…et à utiliser)
L’actuelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » peut aussi être l’occasion de connaître quelques mots utilisés dans le domaine des affaires au Québec. Une terre de prospérité économique, qui s’affirme de plus en plus comme la référence mondiale en matière de langue française.
Le Québec est déjà connu depuis longtemps comme étant le principal foyer d’enrichissement de la langue française dans le monde. Et ce, notamment grâce à son prestigieux « Office québécois de la langue française » (OQLF), dont le travail est soutenu par l’exemplarité de la population québécoise, toutes catégories confondues.
Mais avant de citer ces quelques mots, à l’occasion de la nouvelle « Semaine de la langue française et de la francophonie » qui s’étend cette année du 17 au 25 mars, il convient d’abord de rappeler certains éléments mettant en évidence la puissance économique du Québec. Débordant de dynamisme et de créativité, celui-ci compte de nombreuses grandes entreprises mondialement connues, comme Bombardier (numéro un mondial de la construction ferroviaire et numéro quatre de la construction aéronautique), Hydro-Québec(quatrième producteur mondial d’hydroélectricité), la SNC-Lavalin (un des leaders de l’ingénierie et de la construction, avec plus de 51 000 employés à travers le monde) ou encore le Cirque du Soleil, numéro un mondial dans son domaine avec ses près de 4 000 salariés !
Capitale économique de la province et haut lieu de la haute technologique, Montréal est également le troisième pôle mondial pour l’aéronautique (derrière Seattle et Toulouse) et l’industrie du jeu vidéo, et le quatrième centre mondial pour le secteur des effets spéciaux cinématographiques. Mais le Québec, c’est aussi une croissance économique annuelle globalement deux fois supérieure à celle de la France depuis 2012 (3,0% en 2017), un taux de chômage au plus bas depuis 1976 (5,6 % en février 2018) et une capitale nationale (la ville de Québec) affichant le taux de chômage le plus faible parmi les 10 principales villes de l’ensemble du Canada (3,2 % en février 2018)… et qui commence à concurrencer Montréal en matière d’innovation technologique.
Sauf qu’au Québec, dynamisme et modernité se vivent en français, comme le démontrent les quelques termes suivants, sélectionnés parmi tant d’autres :
– Sociofinancement : équivalent québécois du terme « crowdfunding », massivement utilisé en France et parfois traduit par « financement participatif » (appellation assez longue, reconnaissons-le). Ce mot a pour particularité de ne pas avoir inventé par l’OQLF, mais par une plateforme de sociofinancement elle-même (la plateforme « Haricot »). Et pourtant, ce terme fut à son tour rapidement repris par l’ensemble de la presse et de la population québécoises, avec le sens de la logique et la discipline qu’on leur connait et qui font leur force.
– Réseautage : mot correspondant au « networking » (action visant à se constituer un réseau de contacts sociaux et/ou professionnels).
– Plan d’affaires : au Québec, inutile de chercher un banquier qui vous demandera le « business plan » de votre projet, car ceci n’existe pas.
– Infolettre : équivalent en français québécois du mot « newsletter », lui aussi assez lourd à prononcer, comme les termes crowdfunding, networking et bien d’autres encore utilisés par les Français…
– Magasiner : au Québec, on ne va pas « faire du shopping », mais on va « magasiner ». Là encore, logique et simplicité.
– Courriel : bien que déjà connu en France, cet équivalent québécois du terme « e-mail » (ou email, ou mail, ou encore « mél »… ) tarde encore à s’imposer, bien qu’il soit utilisé depuis déjà de nombreuses années au Québec (et plus globalement dans toutes les localités francophones du Canada, comme pour l’ensemble des mots de cette liste).
– AECG : sigle utilisé par le Canada francophone pour la dénomination « Accord économique et commercial global », relative au traité de libre-échange récemment signé entre L’Union européenne et le Canada, et désigné par les francophones du continent européen par l’acronyme anglais CETA (Comprehensive and economic trade agreement). Il est ainsi plus que surprenant de constater que francophones de part et d’autre de l’Atlantique n’utilisent guère le même sigle afin de désigner un même traité dont ils sont, de surcroît, partie prenante !
Québec/France : un fossé linguistique grandissant
Ces termes sont utilisés par l’ensemble de la population québécoise : médias, classe politique, milieux d’affaires et particuliers (à la seule exception du sigle AECG, qui ne l’est que par… la quasi-intégralité des Québécois, tout comme le CETA l’est par la quasi-totalité des Français). Il n’y a donc aucune raison logique ni rationnelle pour que ces termes ne soient pas également utilisés sur l’intégralité du territoire français, et par l’intégralité du peuple de France.
Le Québec, où le français est globalement en progression constante depuis les années 1850 (période critique de l’histoire de cette grande province, lorsque les francophones étaient devenus minoritaires sur de nombreuses parties du territoire), s’affirme donc de plus en plus comme la référence mondiale en matière de langue française. La primauté du français, seule langue officielle du Québec depuis 1974, est ainsi scrupuleusement respectée dans l’affichage et les sites internet de l’ensemble des événements internationaux (salons et autres manifestations). Même chose pour toutes les universités et Grandes écoles québécoises francophones (très majoritaires), dont les noms et les intitulés de formation diplômante sont, par ailleurs, exclusivement en français (et dont les cours sont toujours essentiellement prodigués dans la langue de Molière). À tout cela, s’ajoutent également les slogans publicitaires, les intitulés de fonction et cartes de visites (quel que soit le domaine d’activité), ou encore les menus des bars et restaurants, les noms des films et des séries télévisées…
Et ce, y compris à Montréal, dont l’agglomération de 4,2 millions d’habitants concentre aujourd’hui l’essentiel de la minorité anglophone de la province, mais qui est désormais francophone à 78,1 % selon les données du recensement de 2016 et le selon le critère de la première langue officielle canadienne parlée (en hausse de 0,5 point de pourcentage par rapport au précédent recensement de 2011). Une ville-monde, où la grande majorité des non francophones maîtrise aujourd’hui au moins assez bien la langue française afin d’être en mesure de mener une vie normale sur ce territoire qui, au passage, a été élu meilleure ville étudiante au monde en 2017 par le classement international QS Best Student Cities(établi par le cabinet britannique Quacquarelli Symonds), ainsi que « Communauté intelligente de l’année 2016 » par l’organisme américain Intelligent Community Forum (en raison, notamment, de son avance en matière de technologie numérique et d’intelligence artificielle).
Ces différents exemples mettent en évidence un contraste saisissant avec une France où la langue française est désormais lingua non grata dans bien des endroits, et qui subit une anglicisation à outrance depuis plusieurs années, menée par des décideurs irresponsables, dépourvus de toute vision à long terme et faisant preuve, en définitive, d’une incompétence les rendant inemployables au Québec. À tel point que l’Hexagone est désormais meilleur en anglais que dix ex-colonies britanniques ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto (comme les Émirats arabes unis, le Qatar, le Sri Lanka ou le Pakistan), selon les deux dernières éditions du célèbre classement international EF EPI (Education First, English Proficiency Index). Une France, qui est également la grande puissance non anglophone la plus anglicisée au monde, se classant largement devant les chefs de file des autres principaux espaces géolinguistiques, à savoir la Russie, la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Arabie saoudite (ou l’Égypte). Ou encore devant le Japon, dont la société est technologiquement la plus avancée au monde.
Et comme si cela ne suffisait pas, la nouvelle réglementation européenne SERA – Partie C vise à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes privés français et les six principaux aéroports métropolitains. Si cette nouvelle réglementation devait entrer en vigueur, tôt ou tard, sous pression européenne et avec les probables complicité des autorités françaises et inertie de l’OIF, il ne restera plus à nos pilotes privés que de s’exiler au Québec (ou en Afrique francophone) afin de pouvoir continuer à exercer leur passion en français.
Ce fossé linguistique s’agrandissant d’année en année, entre un Québec de plus en plus francophone et une France en voie de défrancisation, espérons que Québécois et Français pourront toujours se comprendre dans quelques générations. En attendant, la « Semaine de mode » de Montréal (que l’on pourrait certainement raccourcir en « Semaine mode ») commencera le 20 mars au prochain, soit deux semaines après la fin de la « Fashion week » de Paris, autrefois première ville francophone du monde (désormais devancée par Kinshasa, et ses 13 millions d’habitants).
Chers amis,
A l’approche de la « Semaine de la langue française et de la francophonie » (du 17 au 25 mars), veuillez trouver, un peu plus bas, le lien vers la définition du monde francophone et une présentation de ce vaste ensemble. Une présentation sérieuse et crédible, qui tranche avec ce que l’on a souvent l’habitude d’entendre ou de lire sur le sujet.
Par ailleurs, et outre une carte exacte du monde francophone, cette présentation démontre notamment pourquoi il convient de prendre ses distances avec les données fournies par l’OIF.
https://www.cermf.org/
Avec des articles souvent largement relayés à travers l’espace francophone (sous un titre ou un autre et par des sites d’information de premier ordre), parfois lus par quelques centaines de milliers de personnes au total, décideurs et grand public (et entraînant parfois à leur suite d’autres articles dans la presse locale), le CERMF est le cercle de réflexion le plus influent du monde francophone, toutes catégories confondues.
Objectivité, crédibilité et informations à jour sont les maîtres mots du CERMF.
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Ex-Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (démographie et géographie humaine)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
Le français, une force !
Chers amis,
Veuillez trouver, ci-dessous, le lien vers le dernier article du CERMF, intitulé « L’Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine ». Le texte est également disponible plus bas.
https://www.cermf.org/afrique-francophone-demeure-moteur-croissance-africaine-2017
Le CERMF est le seul organisme qui analyse chaque année les performances économiques de l’ensemble de l’Afrique francophone, ainsi que de chacune de ses régions et zones monétaires.
Cet article/rapport (dans sa version plus courte publiée le jour même sur le site des Échos*) a par ailleurs été retweeté par le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, M. Makhtar Diop, qui valide ainsi les données qui s’y trouvent (@Diop_WB). Les statistiques et informations fournies par le CERMF sont toujours exactes et fiables.
dernier article publié sur le site des Échos, et intitulé «The Voice Afrique francophone : le phénomène musical international »
(le texte est disponible plus bas)
Vous en souhaitant bonne lecture, et espérant que certains éléments puissent vous intéresser.
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (démographie et géographie humaine)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
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The Voice Afrique francophone : le phénomène musical international
La nouvelle saison du plus grand concours musical au monde vient de démarrer dans une Afrique francophone qui réaffirme son dynamisme. Mais en France, l’ignorance totale de cet événement majeur montre une fois de plus un Hexagone coupé du monde francophone, et se détachant de sa langue.
Le 14 octobre dernier a été lancée la saison 2 de la compétition musicale The Voice Afrique francophone. Rassemblant plusieurs dizaines de candidats, provenant de 16 pays différents, ce concours doit s’étaler sur non moins de 16 semaines consécutives, jusqu’à la grande finale du 27 janvier 2018.
Le plus grand concours musical au monde
Diffusé par la chaîne panafricaine VoxAfrica, également accessible en Europe et en Amérique du Nord, The Voice Afrique francophone réunit des candidats venant de 16 pays différents et totalisant 270 millions d’habitants, sur les près de 300 millions que comptent les 22 pays francophones subsahariens. A travers cette chaîne, ou grâce aux chaînes nationales partenaires, ce sont donc plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs qui regardent chaque semaine ce même programme. Rien qu’en Côte d’Ivoire et au Cameroun, celui-ci avait réalisé une audience moyenne de 9 millions et de 10 millions de téléspectateurs, respectivement, lors de la précédente édition.
Cette version francophone est donc bien la franchise rassemblant le plus grand nombre de pays, dépassant assez largement la version arabe qui réunit une dizaine de nationalités et qui est diffusée par la chaîne panarabe MBC. Viennent ensuite d’autres concours regroupant tout au plus deux ou trois pays voisins comme, par exemple, la République tchèque et la Slovaquie. Enfin, si l’Eurovision rassemble un plus grand nombre de pays participants, cette compétition ne dure toutefois que le temps de trois soirées, très loin des 16 semaines consécutives de The Voice Afrique francophone dont l’audience cumulée est donc bien supérieure.
Une audience qui pourrait d’ailleurs être encore bien plus importante si cet évènement francophone majeur était localement relayé par une des chaînes nationales de chacun des 16 pays représentés. Or, l’étroitesse du marché publicitaire, parfois embryonnaire dans certains pays dont la classe moyenne commence tout juste à émerger, continue à être un frein au développement de ce genre de programme télévisé panafricain. Chose qui avait d’ailleurs contribué à la non reconduction des précédentes tentatives du même genre (les concours musicaux Africa Star, en 2008 et 2010, et Castel Live Opéra, en 2012).
Cette situation devrait toutefois évoluer assez rapidement compte tenu de la forte croissance économique qui connaît l’Afrique subsaharienne francophone, globalement partie la plus dynamique du continent. Cet ensemble de 22 pays a ainsi réalisé une croissance annuelle globale de 5,1% sur la période 2012-2015 et de 2,6% en 2016 (ou 3,5% hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne affichait, respectivement, des taux de 3,8% et de 0,8%. Un dynamisme particulièrement remarquable en Afrique de l’Ouest francophone avec une hausse du PIB de 6,3% en moyenne sur les cinq dernières années pour l’espace UEMOA, qui constitue ainsi la plus vaste zone de forte croissance du continent. Grâce à cette évolution, parallèle à celle de la démographie, ce genre de programme panfrancophone pourrait rassembler près de 200 millions de téléspectateurs hebdomadaires d’ici une dizaine d’années.
Une France coupée du monde francophone…
Face à un tel engouement, force est de constater que la population française demeure largement à l’écart de cet événement culturel majeur, dont elle ignore tout simplement l’existence. Si les membres de la diaspora africaine de France le suivent largement, leurs voisins de palier ou collègues de travail français ne savent rien de cet événement francophone international.
Cette coupure avec le monde francophone peut être illustrée à travers bien d’autres exemples, comme l’ignorance quasi totale chez les Français de mois de 35 ans de l’existence de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, alors que ce n’est autre que le plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome. Autre exemple, la population française n’a quasiment pas été informée de la tenue des Jeux de la Francophone en Juillet dernier, à Abidjan. Contraste saisissant avec la couverture médiatique dont jouissent les Jeux du Commonwealth au Royaume-Uni, dont la population à la chance d’être correctement informée de ce qui se passe dans le monde. Enfin, et concernant le Canada qui vient de fêter ses 150 années d’existence, l’on pourrait citer la grande ignorance qui entoure le peuple acadien (habitant la Louisiane pour la majorité des Français) ainsi que leur drapeau, qui n’est autre que le drapeau tricolore orné d’une étoile aux couleurs papales et symbole de la Vierge Marie. Un attachement historique à la France, en dépit des malheurs et des crimes commis par les Britanniques, et que nous remercions aujourd’hui par notre indifférence collective.
Ces quelques exemples, parmi tant d’autres, montrent ce fossé existant entre la France et son espace géolinguistique, ainsi que les graves lacunes d’une Éducation nationale censée transmettre le savoir à ses jeunes élèves « francophones ». Cet espace géolinguistique qui, dans sa définition la plus stricte (différente de celle, bien plus large, de l’Organisation internationale de la Francophonie – OIF), est près de quatre fois plus vaste que l’Union européenne (UE), et dont la partie européenne ne représente que 3,6% de la superficie totale. Chose que ne laissent guère entrevoir la majorité des cartes géographiques en circulation, qui présentent une vision terriblement déformée du monde en divisant au moins par deux la superficie réelle de l’espace francophone.
…et qui se détache de sa propre langue
Cette large méconnaissance du monde francophone, aggravée par l’omniprésence de ces cartes « déformatrices des esprits », pousse la France à se désintéresser progressivement de sa langue et de sa culture. Et à basculer dans une anglicisation sans équivalent dans aucune des autres grandes puissances non anglophones, et aux conséquences directes sur le reste de l’espace francophone. Si le concours « The Voice » porte ce nom anglais en Afrique francophone, c’est bien parce qu’il en est ainsi en France, principale référence culturelle de cet ensemble. Pourtant, force est de constater que la version québécoise s’appelle bien « la Voix », et qu’on y parle, par exemple, de « duels » et non de « battles ». De même, ce concours porte un nom espagnol en Espagne et dans sept des huit pays hispanophones ayant repris ce concept. Même chose pour la Russie et pour les trois autres pays à alphabet cyrillique concernés par ce concours, auquel ils ont tous donné une dénomination dans leur propre langue.
Mais ce désintérêt de la France à l’égard de sa langue se manifeste également à travers sa relation vis-à-vis de l’UE, zone la plus anglicisée au monde et qui respecte de moins en moins la langue et la culture françaises. Dernier exemple en date, la nouvelle réglementation européenne SERA – Partie C qui vise à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes privés français et les six principaux aéroports de France métropolitaine. Si elle souhaite s’en extraire, la France doit alors financer une vaste étude à remettre avant le 31 décembre 2017, et démontrant que l’utilisation du français n’est aucunement « accidentogène ».
Or, une telle réglementation n’existe nullement au Québec ni en Afrique francophone, où l’on peut paisiblement « vivre en français ». Pourtant, les autorités françaises ne semblent guère pressées de réagir, et de considérer comme caduque cette étrange réglementation. Ni de mettre un terme à ce processus d’anglicisation à outrance que connaît actuellement la France, au mépris de son influence culturelle, et donc de ses intérêts économiques et géopolitiques. À tel point que l’Hexagone, selon la plus récente édition du classement international EF EPI (Education First, English proficiency index), publiée le 8 novembre dernier, est désormais largement meilleur en anglais que dix ex-colonies britanniques ayant cet idiome pour langue officielle ou co-officielle, de jure ou de facto, comme les Émirats arabes unis, le Qatar, le Sri Lanka ou le Pakistan. De même, il dépasse la Russie, la Chine, le Brésil, ou en encore le Japon dont la société est technologiquement la plus avancée au monde. Chose dont il n’y a aucune fierté ni gloire à retirer.
Pour un concours panfrancophone mondial
Au nom de ses propres intérêts, et des responsabilités que lui confèrent son statut quasi unique de puissance mondiale, présente sur tous les continents et sur tous les océans, la France se doit donc de renouer pleinement avec sa langue et sa culture. Dans ce cadre, elle pourrait œuvrer à la création d’un concours panfrancophone mondial réunissant l’ensemble des pays et territoires ayant le français en partage, du Québec au Vanuatu (partiellement francophone). Un concours où la langue française serait à l’honneur… contrairement à l’Eurovision.
À cet événement, participeraient donc, notamment, les pays du Maghreb ainsi que l’Afrique de l’Est francophone, dont cinq des six pays sont hélas de nouveau absents de The Voice. Occasion de rappeler, au passage, que Maurice et les Seychelles sont bien des pays francophones, malgré une colonisation britannique qui dura environ 160 années. En effet, plus de 90% de leur population a pour langue maternelle un parler français, ou plus exactement un créole à base lexicale française (ou encore un « créole français », traduction littérale de l’anglais french creole). Idiome qui n’est autre que du français standard légèrement déformé et grammaticalement simplifié, exactement comme l’arabe parlé au quotidien dans les pays du Maghreb par rapport à l’arabe standard. Et qui n’empêche nullement leurs populations d’être généralement présentées comme ayant l’arabe pour langue maternelle (en dehors des berbérophones).
Ce concours mondial pourrait également s’ouvrir à des pays et territoires non francophones mais assez francophiles, comme le Liban, la Roumanie ou encore l’État brésilien de l’Amapa. Voire aussi à quelques participants venant d’autres pays à la francophilie naissante, tant est spectaculaire la hausse du nombre d’apprenants du français à travers le monde (estimée par l’OIF à 43% pour la région Asie-Pacifique entre 2009 et 2013, et à 44% pour l’Afrique subsaharienne non francophone). Un tel événement planétaire pourrait alors se tenir à Kinshasa, capitale démographique du monde francophone avec ses 12 millions d’habitants, ou à Paris, capitale économique de cet espace. Et que le plus motivé l’emporte !
Chers amis,
Suite à la parution des résultats du recensement 2016, veuillez trouver, un peu plus bas, le lien et le texte de mon dernier article, publié dans le journal “Acadie Nouvelle” (principal journal francophone acadien, basé au Nouveau-Brunswick). Il s’intitule « Le peuple acadien devra faire preuve de courage s’il veut survivre » (et porte un autre titre dans la version papier).
Comme certains d’entre vous le savent déjà, l’Acadie me tient à cœur depuis fort longtemps. J’avais d’ailleurs déjà écrit un article pour un autre journal acadien en 2011 (six ans déjà…).
Certains me reprocheront peut-être de ne pas avoir abordé la question de l’indépendance, comme on en parle déjà pour le Québec. Mais il faut savoir que la simple idée d’une province acadienne n’est même pas sur la table (du moins depuis une trentaine d’années).
Vous en souhaitant bonne lecture, en espérant que certains éléments puissent vous y intéresser.
https://www.acadienouvelle.com/mon-opinion/2017/09/11/acadiens-doivent-faire-preuve-de-courage/
Petite précision (même si le contexte permet déjà de le comprendre) : les taux d’assimilation linguistique indiqués pour les immigrants francophones concernent la seconde génération, bien sûr (précision rajoutée ci-dessous).
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (démographie et géographie humaine)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
Province acadienne ou hausse de la natalité, uniques solutions (ou « Le peuple acadien devra faire preuve de courage s’il veut survivre »)
Le dernier recensement fédéral à une nouvelle fois mis en évidence la baisse lente mais certaine de la présence acadienne au Nouveau-Brunswick. Alors que les francophones, en se basant sur le critère de la langue maternelle, représentaient 35,9 % de la population provinciale en 1951, ils en représentent aujourd’hui 32,4 %, voire 31,8 % selon le critère de la première langue officielle parlée (qui inclut également les allophones privilégiant le français).
Cette constante diminution s’explique par trois principales raisons. La première est la très faible fécondité du peuple acadien, qui se situe au-dessous du niveau de fécondité des anglophones de la province depuis le début des années 1980. Selon les dernières statistiques disponibles, publiées en 2011 dans le « Portrait des minorités de langue officielle au Canada : les francophones du Nouveau-Brunswick », l’indice synthétique de fécondité (ISF) se situait en moyenne à seulement 1,34 enfant par femme sur la période 2001-2006 (un des taux les plus faibles au monde), contre 1,54 pour les anglophones, soit un écart défavorable de 15%. Les derniers chiffres relatifs au nombre de naissances dans la province ainsi qu’à leur répartition par comté, indiquent que la situation est toujours à peu près la même aujourd’hui. Pour rappel, l’ISF des francophones était de 6 enfants par femme au milieu des années 1950.
La seconde raison réside dans le niveau significatif d’assimilation dont sont victimes les francophones. Toujours selon le même document, seuls 79,5% des enfants de moins de 18 ans en 2006 et ayant au moins un parent de langue maternelle française se sont vu à leur tour transmettre le français comme langue maternelle. Ceci correspond donc à un taux d’assimilation de 20,5% pour la nouvelle génération, puisque les jeunes concernés par cette non-transmission ne parlent plus le français qu’en tant que langue secondaire, au mieux et après l’anglais, et qu’ils ne peuvent donc être considérés comme francophones. Ce taux historiquement élevé résulte à la fois de l’assimilation naturellement inévitable à long terme de la majorité des francophones vivant dans des localités où ils sont minoritaires, de l’augmentation du nombre de francophones vivant justement dans ces zones majoritairement anglophones, et enfin de la montée en puissance du nombre de couples exogames français-anglais et de la hausse parallèle de la part des enfants issus de ces couples, passée de 16,0% en 1971 à 31,7% en 2006. Or, et à cette même date, seuls 35% de ces enfants étaient comptés comme francophones.
Enfin, la troisième raison étant à l’origine de la baisse continue du poids des francophones réside dans le caractère très majoritairement anglophone de l’immigration internationale reçue par la province. En effet, et d’après les derniers chiffres disponibles en la matière, seuls 20% environ des nouveaux arrivants peuvent être considérés comme francophones (c’est-à-dire qui le sont à leur arrivée ou qui choisissent de le devenir).
Afin d’enrayer cette évolution défavorable, de nombreux responsables acadiens proposent justement de recourir à l’immigration tout en fixant pour objectif d’avoir un tiers de francophones parmi l’ensemble des immigrants reçus par la province, afin d’en respecter les équilibres linguistiques actuels. Pourtant, et même s’il devait être un jour atteint, cet objectif sera toujours insuffisant pour la simple raison qu’il est impératif de tenir compte de l’assimilation dont seront victimes certains des descendants de ces immigrants eux-mêmes, notamment en fonction de leur répartition géographique. Dans le cas, sans doute utopiste, où les immigrants francophones suivraient la même répartition géographique que les Acadiens, ainsi que le même comportement familial, qui en découle dans une large mesure (notamment en matière d’exogamie), leur taux d’assimilation à la seconde génération serait alors probablement d’environ 20%, tout comme pour les Acadiens de la nouvelle génération. En d’autres termes, il faudrait que la part des immigrants francophones soit alors non pas de 33%, mais de 41% de l’immigration totale reçue par la province. Chose que la majorité anglophone n’acceptera probablement jamais…
Or, il est pratiquement impossible que ces nouveaux arrivants se répartissent géographiquement de la même manière que les Acadiens, puisque les principaux pôles d’activité économique et d’emploi se situent dans le sud-est, partiellement anglophone, et autour de Fredericton et de Saint-Jean, toutes deux anglophones. Par conséquent, et si l’on considère plus raisonnablement que les deux tiers de immigrants s’établissent autour de ces pôles économiques, au moment de leur arrivée ou dans les quelques années qui suivent (par exemple à hauteur de 40% dans le sud-est, de 26,6% dans le sud-ouest, les 33,3% restants allant dans le nord), leur taux d’assimilation global à la seconde génération serait alors de près de 25% si l’on se base sur le niveau actuel d’assimilation des francophones en fonction de leur répartition géographique. En d’autres termes, cela signifie que la part des immigrants francophones dans l’immigration totale devrait donc être de près de 44%, et non pas de 33%, ni même de 41%.
Toutefois, il convient ici de ne surtout pas oublier que le recours à l’immigration est censé endiguer la baisse du poids des francophones. Ce qui veut dire que cela doit également compenser la plus faible fécondité des Acadiens par rapport aux anglophones, ainsi que l’assimilation qui touche les Acadiens eux-mêmes (voire de compenser aussi une émigration interprovinciale légèrement plus forte que pour les anglophones, mais dont nous ne tiendrons pas compte par souci de simplification). Pour finir, et sans basculer dans la moindre caricature, ce ne sont donc pas 44% d’immigrants francophones qui seraient nécessaires, mais en réalité bien davantage encore… soit largement plus de 50%. Là encore, il est fort peu probable que la majorité anglophone soit suffisamment généreuse pour accepter et planifier une immigration francophone bien supérieure au poids actuel des francophones, et encore moins une immigration majoritairement francophone.
Tous ces éléments démontrent bien que le recours à l’immigration internationale ne sera jamais une solution, tant que les Acadiens vivront dans une province où ils sont minoritaires. Pire encore, cela ne fera qu’aggraver la situation en les minorisant encore davantage, et en les marginalisant à terme. L’immigration ne peut donc être une réponse efficace que dans le seul et unique cas d’une province acadienne francophone, synonyme, d’une manière ou d’une autre, d’une maîtrise de l’immigration et de l’évolution linguistique des nouveaux arrivants. Par ailleurs, et toujours en s’inspirant de la célèbre locution proverbiale « on n’est jamais si bien servi que par soi-même », seule une province acadienne laisserait les mains libres aux francophones afin de mettre en place une véritable politique linguistique de réaffirmation de la primauté de la langue française en toutes circonstances, et de mettre ainsi quasiment fin au phénomène d’assimilation des Acadiens eux-mêmes.
Une province acadienne recouvrirait alors à peu près le tiers du Nouveau-Brunswick, soit environ 24 300 km2. Elle serait ainsi 4,3 fois plus grande que l’Île-du-Prince-Édouard, et plus étendue que cinq États américains de la Nouvelle-Angleterre (New Hampshire, New Jersey, Connecticut, Delaware et Rhode Island). Mais ce territoire serait aussi plus vaste qu’exactement 50 pays indépendants à travers le monde, dont certains sont suffisamment grands pour abriter quelques millions d’habitants. Comme le Salvador (21 040 km2, et 6,4 millions d’habitants), Israël (20 770 km2, 8,3 millions), la Slovénie (20 270 km2, 2,1 millions) ou encore le Liban, qui serait 2,3 fois moins étendu (10 450 km2, 6,2 millions d’habitants).
Une éventuelle province acadienne devrait d’ailleurs respecter le plus que possible la répartition géographique des francophones, même si cela suppose la création d’une ou de quelques enclaves de part et d’autre de la frontière, comme ce qui est déjà le cas pour de nombreux pays et territoires dans le monde. À titre d’exemple, la région belge et francophone de la Wallonie possède une enclave en territoire flamand, tout comme la Flandre en possède une Wallonie. L’Italie dispose d’une enclave en Suisse, tandis que l’Allemagne en possède cinq petites en Belgique, auxquelles s’ajoute une sixième également située en Suisse. Enfin, il est également à souligner que cette nouvelle province devrait impérativement incorporer la ville de Dieppe et une partie de la ville de Moncton, qui constituent un pôle économique en pleine croissance, pour diverses raisons, et nécessaire au renforcement de l’attractivité du territoire, notamment en matière d’immigration internationale.
Mais à défaut de province acadienne, seule capable d’assurer la maîtrise des questions relatives à l’immigration ainsi que la réduction drastique de l’assimilation des francophones, il n’y aura alors d’autre choix que d’agir sur le niveau de fécondité. Or, et en tenant compte à la fois du retard des francophones par rapport aux anglophones en la matière, de leur taux d’assimilation (qui s’appliquera également aux naissances supplémentaires nécessaires), du niveau actuel de l’immigration internationale totale reçue par la province (avec un solde migratoire d’environ 4 000 personnes en 2016) et du taux d’assimilation des immigrants francophones, il faudrait alors présentement entre 1 900 et 2 000 naissances supplémentaires par an, et ce, par rapport à un niveau actuel d’environ 1 800 naissances pour les francophones du Nouveau-Brunswick. Sachant que ce nombre actuel doit correspondre à un ISF légèrement inférieur à 1,34 enfant par femme, il faudrait alors que ce taux passe à un niveau situé entre 2,7 et 2,8 enfants, soit bien plus que la moyenne canadienne (1,6), mais également davantage que la moyenne mondiale (2,5).
Atteindre un tel niveau de fécondité de nos jours paraît difficile pour un pays développé. En réalité, cela demeure toujours possible mais à condition de changer radicalement les mentalités. Certains considèrent, d’ailleurs, qu’aucune hausse significative en la matière ne peut avoir lieu sans l’existence d’un cadre étatique ou provincial permettant de prendre l’ensemble des mesures incitatives qui s’imposent. Toutefois, bien des pays et territoires ont déjà adopté un certain nombre de mesures mais sans parvenir à de réels résultats, comme l’Allemagne ou encore le Québec voisin. A l’inverse, d’autres pays déjà assez développés ont vu leur taux de fécondité réaugmenter significativement sans réelle intervention de la part des pouvoirs publics, comme l’Algérie et l’Égypte dont l’ISF est dernièrement remonté, respectivement, de 2,4 enfants par femme en 2002 à 3,1 en 2016, et de 3,0 enfants en 2008 à 3,4 l’année dernière.
La nécessaire forte augmentation de la natalité, qui découlerait de la non-création d’une province acadienne, ne pourra donc se faire qu’essentiellement à travers une prise de conscience collective de l’ensemble des Acadiens, hommes et femmes confondus. Tout devrait donc être fait pour aller à leur contact et les sensibiliser à l’importance cruciale des questions relatives à la natalité, en général mais surtout en l’absence d’une province acadienne. Il n’y a d’ailleurs, objectivement, aucune raison pour que les Acadiens ne puissent pas augmenter sensiblement leur taux de fécondité et atteindre un niveau comparable à celui de nombreux pays plus petits et davantage peuplés que ce que serait une province acadienne, comme Israël dont l’ISF est remonté à 3,1 enfants par femme. Et ce, sans parler de bien d’autres pays situés plus au sud, comme la Gambie par exemple, dont l’ISF est de 5,5. Occasion de rappeler, au passage, que les Acadiens devraient être aujourd’hui environ un million dans les Maritimes si les leurs ancêtres n’avaient pas subi le terrible « Grand Dérangement » (et en tenant bien compte d’une forte émigration durant les deux derniers siècles, comme du côté anglophone).
Pourtant, force est de constater que ce sujet n’est nullement abordé par les responsables acadiens, qu’ils appartiennent à des partis politiques ou à des organismes de défense des droits des francophones, et dont les aînés ont pour point commun d’avoir abandonné le projet de province acadienne depuis le début des années 1980, pensant, à tort, que de simples lois sur l’égalité linguistique, même ambitieuses et respectées, suffiraient à maintenir le poids des francophones. Or, le fait de ne pas parler de la question de la natalité, qui devrait pourtant être systématiquement mise sur la table de toute discussion portant sur l’avenir des Acadiens, constitue une grave devant l’histoire. Car aucun peuple ne disposant d’un territoire clairement défini et à l’intérieur duquel il est majoritaire, n’a d’avenir sans avoir suffisamment d’enfants. Ceci est une constante historique.
Afin de mettre un terme à leur déclin certain, dans l’état actuel des choses, les Acadiens doivent donc choisir entre deux uniques alternatives : la création d’une province acadienne, où ils seront maîtres chez eux, ou la hausse significative de la natalité. Il n’existe aucune troisième voie, aucune autre issue. Et si c’était les anglophones qui occupaient un tiers du territoire et qui étaient en situation d’infériorité numérique et de minorisation continue, ils auraient peut-être déjà fait leur choix depuis fort longtemps, et à juste titre.
Le refus de choisir courageusement et pragmatiquement l’une de ces deux options entraînerait inéluctablement la poursuite de la marginalisation, lente mais certaine, des Acadiens du Nouveau Brunswick. Et à terme leur quasi-disparition, comme ailleurs dans les Maritimes ou encore en Louisiane. Ce qui se profile est donc bien l’équivalent d’un second Grand Dérangement, mais cette fois à l’initiative des Acadiens eux-mêmes. Or, ces derniers se doivent d’être à la hauteur du courage et des sacrifices consentis par leurs ancêtres afin que la nation acadienne puisse continuer à exister et à compter.
La question du franc CFA ayant ressurgi ces derniers jours, veuillez trouver, ci-dessous, un extrait d’une interview réalisée en début d’année pour le site d’information Algérie patriotique. La rédaction m’avait contacté suite à la parution d’un de mes articles sur l’économie africaine, et dans lequel je mentionnais, entre autres, les assez bonnes performances de l’économie algérienne.
Sans se prononcer pour ou contre le franc CFA, cet extrait comporte un certain nombre d’éléments assez méconnus sur le sujet, mais pourtant utiles à savoir afin de ne pas être facilement « influençable ».
En seconde partie, ci-dessous, vous trouverez également la réponse à la question relative à l’Algérie. Au passage, les quelques lignes établissant une brève comparaison entre l’Algérie et le Venezuela démontrent à quel point ce dernier a été mal géré ces dernières années, expliquant ainsi la grave crise que traverse le pays.
Le texte de cette interview à lui aussi été relayé par de nombreux sites d’information à travers l’espace francophone (sous différents titres). Je remercie, au passage, tous mes lecteurs qui m’ont permis d’être l’auteur d’articles le plus lu du monde francophone.
Petites précisions :
- Cette interview a été divisée en deux parties sur le site en question :
La phrase choisie comme titre de la seconde partie ne figure pas dans l’interview, je précise. Du moins, pas en ces termes.
- Le texte ci-dessous est exactement le même. Seuls les taux de croissance relatifs à l’année 2016 ont été mis à jour, selon les des dernières estimations du FMI (avril 2017).
- le paragraphe 1 de la réponse sur le franc CFA comportait, étonnamment, une petite erreur sur le nombre de pays membres, que j’ai corrigée ci-dessous. Une erreur qui, d’ailleurs, ne figurait pas dans mes articles précédemment publiés.
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (La revue des populations et des territoires),
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015).
Sur le franc CFA
Question : Actuellement, les sociétés civiles de nombreux pays africains francophones militent pour la suppression du Franc CFA, arguant que cette monnaie plombe leur développement. Qu’en pensez-vous ?
(…)
Tout d’abord, il faut savoir que la zone franc (Comores incluses) concerne 15 pays dont seulement 14 des 22 pays francophones d’Afrique subsaharienne. Parmi ces 15 pays, deux n’ont jamais été des colonies françaises, à savoir la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale qui ont librement choisi d’adhérer à cette monnaie unique bien après leur indépendance. De plus, les pays membres sont parfaitement libres de rester dans cet espace ou d’en sortir, comme l’ont déjà fait certains pays peu après leur indépendance, ou encore le Mali qui en était librement sorti en 1962 avant d’y adhérer de nouveau en 1984.
En plus de ces éléments qui ne sont presque jamais cités, d’autres faits partiellement ou totalement inexacts sont souvent mis en avant. Par exemple, on reproche au franc CFA d’être imprimé en France (ce qui est vrai), mais sans dire que le fait d’imprimer sa monnaie à l’étranger concerne 42 des 49 pays d’Afrique subsaharienne, comme la Guinée, ancienne colonie française qui la fait imprimer en Angleterre, et la Zambie, ancienne colonie britannique et qui la fait imprimer en France et en Allemagne. On lit souvent aussi que le franc CFA oblige les pays membres à emprunter auprès de marches financiers à des taux élevés, mais sans dire que c’est la même chose pour les autres pays africains, qui doivent même souvent payer des intérêts encore plus élevés vu qu’ils ne bénéficient pas, entre autres, de la réputation de stabilité que confère le franc CFA. Autre exemple, on présente régulièrement l’arrimage du franc CFA à une monnaie étrangère comme étant une anomalie à notre époque, mais sans dire que c’est également le cas d’environ 55 autres pays à travers le monde, dont certains sont développés.
Mais on reproche surtout à cette monnaie unique le fait qu’elle implique que les pays membres doivent déposer 50% de leurs réserves en devises auprès du Trésor français, en prétendant que cela les prive de la moitié de leur devises et que cela les empêche alors de se développer. S’il est vrai que les pays de la zone franc doivent déposer au moins 50% de leurs réserves en France, en tant que garantie afin que soit assurée la convertibilité illimitée du franc CFA, tout le reste de l’analyse est absolument incorrect. Tout d’abord, il faut savoir que la partie des devises déposée en France a toujours déjà été préalablement réinjectée en équivalemment franc CFA auprès des banques qui avaient reçu ces devises de la part des entreprises exportatrices. En plus de cela, il faut également et surtout savoir que tous les pays du monde disposant de leur propre monnaie mettent toujours de côté une partie importante de leurs réserves en devises, d’une part par sécurité en cas de coup dur, et d’autre part pour pouvoir agir sur le taux de change de leur monnaie. Ceci est donc valable pour tous les autres pays africains, et même pour les grands pays. A titre d’exemple, plus de 35% des réserves de change de la Chine étaient placées au Etats-Unis fin 2016, soit environ 1100 milliards de dollars placés sous forme de Bons du trésor américains (auxquels s’ajoutent d’autres milliards ailleurs dans le monde). Autre exemple, dans un registre légèrement différent, l’Allemagne vient d’annoncer que 52,1% de son stock d’or était placé à l’étranger fin 2016, dont les deux tiers auprès de la Banque centrale américaine. Celui qui prétendrait que les Etats-Unis ont donc « pillé » le tiers des réserves en devise ou en or de la Chine et de l’Allemagne pour les empêcher de se développer serait immédiatement traité d’ignorant.
Par conséquent, il est clair que si les pays ayant le franc CFA devaient choisir de le remplacer par leur propre monnaie, ou par une autre monnaie panafricaine, cela ne changerait absolument rien à ce niveau. Par ailleurs, ceux qui considèrent que la France s’enrichit grâce au franc CFA, ne disent jamais que le PIB total des pays de la zone franc (c’est-à-dire l’ensemble des richesses produites en un an, dont une partie seulement est exportée contre devises) ne représente encore que 5% du PIB de la France. Celle-ci rémunère d’ailleurs, et sous forme d’intérêts, les dépôts effectués auprès d’elle par les pays africains. Le seul point qui peut alors être soulevé est de savoir si cette rémunération est intéressante ou non par rapport à ce que rapporteraient d’autres placements. Mais tout en sachant alors que cela que cela ne porte, au final, que sur des sommes insignifiantes et qui, en plus, doivent être comparées aux avantages de cette monnaie unique. Parmi ces avantages, on peut notamment citer la plus grande solidité financière qui caractérise les pays concernés, ce qui leur a évité de dévaluer massivement leur monnaie et, à cette date, de recourir à l’aide financière d’organisations internationales. Et ce, à l’inverse de bien d’autres pays du continent dont la monnaie s’est effondrée ces deux dernières années, et qui ont de nouveau eu besoin d’emprunter massivement auprès du FMI ou de la Banque mondiale.
Enfin, et avant d’adopter une position définitive sur le franc CFA, frein ou non au développement des pays concernés, il convient de voir et de comparer les performances économiques. Or, ce sont justement le pays de la zone CFA qui réalisent globalement les meilleurs taux de croissance du continent, et même depuis les premières années de leur indépendance (hormis quelques périodes, notamment à la fin de la dernière décennie lorsque l’euro était excessivement fort par rapport au dollar). Ceci a justement permis à ces pays de rattraper le retard initial qui était le leur, car il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni avait conquis les territoires les plus riches en ressources naturelles ainsi que les terres les plus fertiles d’Afrique subsaharienne.
Au passage, rappelons que la majorité des pays africains subsahariens n’ayant pas le franc CFA souffrent d’une dollarisation très poussée de leur économie, puisqu’une grande partie des transactions réalisées entre nationaux se font en dollars, par refus de la monnaie nationale. Ce qui rend illusoire leur souveraineté monétaire, et surprend bien des voyageurs européens ou maghrébins. Mais si le franc CFA a donc été objectivement une bonne chose sur les dernières décennies, il n’est en revanche pas certain qu’il en soit toujours ainsi, au fur et mesure du développement des pays concernés. Développement qui lui-même sera probablement assez hétérogène, et qui pourra alors conduire aux mêmes problèmes que connaissent actuellement de nombreux pays européens avec l’euro.
Pour terminer, c’est aux pays et aux peuples concernés par le franc CFA de décider souverainement de son avenir. Nous n’avons pas à faire de l’ingérence en la matière. Mais encore faut-il que les partisans et les opposants s’appuyant sur des données exactes, ce qui est souvent très loin d’être le cas. De plus, cela devrait se faire dans un climat serein, sans que soient systématiquement accusés les partisans de cette monnaie (plus nombreux qu’on ne le pense) d’être à la solde de la France. Car l’on pourrait également faire la même chose dans l’autre sens, en demandant à l’autre camp les raisons de son hostilité au franc CFA : est-ce par honnête intellectuelle et par souci de souveraineté, ou à cause d’éventuels liens directs ou indirects avec d’autres puissances cherchant à affaiblir la France dans la région ? Enfin, il est d’autant plus important de s’appuyer sur des éléments exacts que les données incorrectes circulant régulièrement sont souvent de nature à semer la haine contre la France, et plus globalement contre les pays du Nord, avec des conséquences parfois tragiques. A terme, ce genre de campagne de désinformation pourrait également concerner les pays du Maghreb au fur et à mesure de leur montée en puissance en Afrique subsaharienne.
Une chose demeure en tout cas certaine : avec l’émergence d’une jeune élite africaine au niveau d’instruction très élève, les pays africains de la zone CFA sont plus que jamais capables d’avoir et de gérer habilement leur propre monnaie nationale. A eux de peser le pour et le contre, sans aucune ingérence étrangère, d’où qu’elle vienne. Si certains devaient opter pour une monnaie nationale, ils pourront alors certainement s’appuyer, entre autres, sur l’expérience et l’expertise des pays du Maghreb.
Sur l’Algérie :
Question : Selon le rapport de la Banque mondiale, publié en janvier dernier et intitulé «Perspectives économiques mondiales», l’Algérie a réalisé une croissance de 3,6%, ce qui la place comme la meilleure performance du Maghreb et de l’ensemble des pays exportateurs de pétrole d’Afrique du Nord. Comment expliquez-vous cette croissance dans un contexte économique difficile causé, notamment, par la chute des prix de pétrole ?
L’Algérie vient, en effet, d’enregistrer la meilleure performance du Maghreb, mais également de l’ensemble des pays arabes exportateurs d’hydrocarbures, hors cas particuliers des pays en guerre dont la croissance est par définition très fluctuante (Iraq, Yémen et Libye). Ceci confirme donc la tendance positive déjà observée en 2015, année où seuls les Émirats arabes unis avaient fait mieux. Tout cela est le résultat des efforts réalisés depuis plusieurs années en matière de diversification, et qui ont notamment consisté à développer différents secteurs vitaux, de l’agriculture et des industries agroalimentaires aux industries pharmaceutiques, par exemple. Ainsi, et à défaut de pouvoir encore exporter différents biens vers les marchés extérieurs, en dehors des hydrocarbures, le pays s’est fixé pour objectif de pouvoir au moins couvrir une partie grandissante de ses besoins. Ceci constitue une première étape nécessaire, en espérant que cela ne s’arrête pas là.
A cela, s’ajoutent d’autres efforts non négligeables visant également à mieux amortir les variations à la baisse des cours des hydrocarbures et à soutenir la consommation, comme la création du « Fond de régulation des recettes » (FRR) en l’an 2000. Ce dernier s’ajoute aux très importantes réserves de change que le pays a su mettre de côté, bien davantage que les deux autres principaux producteurs africains d’hydrocarbures que sont le Nigéria et l’Angola (qui ont enregistré, respectivement, une croissance de -1,5% et de 0,0% en 2016), ou encore le Venezuela qui se trouve dans une situation économique dramatique que l’Algérie n’a jamais connu dans toute son histoire recette. Ce pays a d’ailleurs vu ses réserves de change atteindre une minimum historique de seulement 11 milliards de dollars fin 2016, contre 114 milliards pour l’Algérie qui est pourtant un tiers plus peuplée. Enfin, rappelons que la dette publique algérienne est une des plus faibles au monde, située à seulement 9% du PIB (soit dix fois moins que la France ou que le Royaume-Uni), ce qui lui donne aussi une marge de manouvre supplémentaire.
L’Algérie réalise donc désormais une croissance annuelle hors hydrocarbures comprise entre 5 et 6%, ce qui a contribué à réduire la part des hydrocarbures dans le PIB à environ 30% aujourd’hui. Certes, ce taux est encore assez élevé, mais il dépassait largement les 50% il y a une quinzaine d’années, à une époque où le pays connaissait facilement une croissance négative lorsque les prix des matières premières étaient à la baisse. L’Algérie d’aujourd’hui n’est donc plus celle de la fin du siècle dernier. Même si il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire, comme en témoigne la part encore extrêmement élevée des hydrocarbures dans les exportations, ou encore le grave déficit budgétaire que connait actuellement le pays, il est cependant très important de savoir aussi mentionner les choses positives : il en va de l’image et de la réputation du pays et de son peuple, condition sine qua non pour que les étrangers s’intéressent à l’Algérie et aux Algériens, et contribuent ainsi à mettre en place un cercle vertueux de nature à accélérer le développement du pays.
Chers amis,
Suite à la grande polémique suscitée par les propos d’Emmanuel Macron, qui n’en finissent pas de faire des vagues à l’étranger, veuillez trouver, ci-dessous, le lien et le texte de mon dernier article publié sur le site des Échos, et intitulé « Fécondité en Afrique et plans Marshall : les grosses erreurs d’Emmanuel Macron ».
(le texte est disponible plus bas)
Comme le lien l’indique, le titre initial a été modifié peu de temps après sa publication.
Cet article, comme les précédents, a été relayé par de nombreux sites d’information à travers le monde francophone (sous son titre initial, le plus souvent).
Vous en souhaitant bonne lecture, et espérant que certains éléments puissent vous intéresser.
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (La revue des populations et des territoires),
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015).
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Fécondité en Afrique et plans Marshall : les grosses erreurs d’Emmanuel Macron.
Les propos récemment tenus par Emmanuel Macron sur la fécondité africaine n’en finissent pas de faire des vagues à l’étranger. Chose guère étonnante, vu que ses déclarations s’appuyaient sur des affirmations erronées, aussi bien en démographie que sur le volume des aides destinées à l’Afrique.
Lors du dernier sommet du G20 à Hambourg, le 08 juillet dernier en Allemagne, Emmanuel Macron a tenu des propos surprenants en affirmant, d’une part, que plusieurs pays d’Afrique subsaharienne continuaient à avoir un taux de fécondité « de sept à huit enfants par femme », et d’autre part, que des plans Marshall avaient déjà été « décidés et faits » en faveur du continent noir. La réalité est pourtant bien différente.
Une transition démographique déjà entamée
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le niveau de la fécondité en Afrique subsaharienne a déjà commencé à baisser dans la quasi-totalité des pays, et ce, depuis au moins deux décennies. Globalement, l’indice synthétique de fécondité (ISF) est ainsi passé de 6,8 enfants par femme en 1975 (année du plus haut historique) à 5,0 en 2016, soit une diminution d’environ 26%. L’Afrique subsaharienne francophone n’a pas échappé à la règle, avec une baisse globale du même ordre. La Côte d’Ivoire (passée de 7,9 enfants par femme à 4,9) et Madagascar (de 7,2 à 4,3) ont même connu une diminution de 40% de leur ISF sur cette même période.
En fait, sur les 22 pays francophones subsahariens, seuls trois n’ont pas encore connu de baisse significative de la fécondité, à savoir le Niger, le Tchad et la République démocratique du Congo (RDC). Et de ces trois pays, seul le Niger dépasse encore la barre des 7,0 enfants par femme (7,6), constituant ainsi une exception également valable pour l’ensemble du continent. Quant au Tchad (6,4) et la RDC (6,5), cette quasi-stagnation depuis 1975 cache, en réalité, une légère diminution par rapport à un pic assez tardif atteint par ces deux pays autour de 1995 (7,4 pour le premier, et 7,1 pour le second).
La baisse progressive de la fécondité en Afrique est donc bien réelle. L’accroissement futur de la population du continent, qui devrait doubler d’ici 2050, sera donc de plus en plus dû à l’allongement de l’espérance de vie (y compris pour les femmes en âge de procréer).
Une Afrique encore sous-peuplée
Mais en dépit de cet essor démographique, l’Afrique demeure un continent largement sous-peuplé, compte tenu de sa taille. La comparaison est d’ailleurs frappante avec l’Asie, et notamment avec un pays comme l’Inde. Avec non moins de 1,34 milliard d’habitants (qu’elle parvient à nourrir), l’Inde est ainsi davantage peuplée que l’ensemble du continent africain (1,22 milliard), alors même qu’elle est 9,2 fois plus petite en superficie, ou 6,6 fois si l’on ne tient pas compte du vaste Sahara. En d’autres termes, et toujours sans tenir compte de la superficie recouverte par le Sahara, il faudrait que les pays africains multiplient leur population non pas par deux, mais par 7,25 afin que le continent soit aussi densément peuplé que l’Inde (soit 8,85 Mds d’habitants). Et pourtant, cette dernière continue, et dans une indifférence quasi générale, à gagner près de vingt millions d’habitants par an, constituant ainsi une véritable menace écologique pour l’ensemble de la planète, contrairement à l’Afrique.
Par ailleurs, ce sous-peuplement est encore plus criant dans la partie francophone du continent, bien moins densément peuplée que le reste de l’Afrique. Si la Guinée et le Burkina Faso étaient aussi populeux que l’Ouganda, qu’ils dépassent légèrement en superficie, ils compteraient respectivement 38 et 42 millions d’habitants, au lieu des 11 et 19 millions actuels. Si les 50% habitables du territoire de la RDC (non recouverts par l’épaisse forêt équatoriale) étaient aussi peuplés que le Nigéria, celle-ci compterait 241 millions d’habitants au lieu de 81 millions. Et si les 10% habitables du territoire algérien étaient aussi peuplés que les 10% démographiquement exploitables du sol égyptien, l’Algérie aurait alors 224 millions d’habitants, et non 41 millions.
Grâce à sa croissance démographique, et à une population s’élevant désormais à 380 millions d’habitants, l’Afrique francophone, grande comme 3,1 fois l’Union européenne (UE) tout entière, commence donc à compter sur la scène internationale. Elle, qui en 1950, ne totalisait que 74 millions d’habitants pour l’ensemble de ses 25 pays (Maghreb inclus), soit à peine plus que l’Allemagne seule (69 millions). Ce vaste espace commence donc également à atteindre une masse critique, absolument nécessaire au développement de toute industrie ainsi que de nombreuses autres activités économiques qui ne peuvent voir le jour qu’avec l’existence d’un bassin démographique conséquent. Ce qui explique d’ailleurs, dans une large mesure, le dynamisme récent des pays africains.
Des plans Marshall qui se font toujours attendre
Mais au cours de cette même conférence de presse, le président Macon a également affirmé que l’Afrique avait déjà bénéficié de plusieurs plans Marshall (« …des plans Marshall que nous avons, d’ailleurs, déjà décidés et faits »). Programmes qui, selon lui, n’ont pu porter leurs fruits à cause de la forte fécondité africaine.
Là encore, la réalité est bien différente. En effet, le plan Marshall décidé par les États-Unis en 1947 avait consisté à injecter en Europe de l’Ouest, pourtant déjà en partie reconstruite après la fin de seconde guerre mondiale, l’équivalent annuel de 1,1% du PIB américain pendant quatre années, de 1948 à 1951 (soit un total de 13 Mds de dollars, à l‘époque, et à condition de se fournir prioritairement en produits américains). Cet apport était donc bien supérieur à la part de l’aide publique au développement (APD) consacrée par la France aux 25 pays de l’Afrique francophone (Maghreb inclus) depuis 1970, qui n’a fait que plafonner à un peu plus de 0,30% de son PIB jusqu’à la fin des années 1980…avant de diminuer et de s’effondrer à seulement 0,13% en 2015. D’ailleurs, il convient de rappeler que cette faible part correspond bien à la somme des aides bilatérales et multilatérales versées par l’hexagone, pourtant première grande puissance contributrice en pourcentage de PIB (et en volume) pour cette partie du monde.
Ainsi, la somme totale allouée par la France à l’ensemble de l’Afrique francophone dans le cadre de l’APD (2,8 Mds d’euros en 2015), est aujourd’hui près de trois fois inférieure à sa contribution nette au budget européen (7,9 Mds en 2014). Cette dernière bénéficie, en plus, à un ensemble de pays deux fois moins peuplé que l’Afrique francophone, déjà assez développé, et se tournant, de surcroît, d’abord vers les industries allemandes (aux très confortables excédents commerciaux…).
Autre exemple intéressant, les compensations récemment promises par l’UE à la Cédéao et à la Mauritanie, suite à la signature en 2014 d’un Accord de partenariat économique (APE) prévoyant l’instauration progressive d’une zone de libre-échange avec cet ensemble de 16 pays d’Afrique de l’Ouest (dont neuf francophones), ne s’élèvent qu’à 6 milliards d’euros sur 20 ans, soit 0,3 milliard par an, ou encore moins d’un euro par habitant et par an ! Nous sommes, encore une fois, bien loin des milliards d’euros injectés chaque année dans les pays d’Europe de l’Est, ou encore en Grèce.
Ce tropisme européen de la France dénote un véritable manque de cohérence et de culture de l’efficacité. En effet, il est clairement établi que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays partageant une même langue (jusqu’à 65% de plus selon le rapport Attali sur la francophonie). Ainsi, ce n’est pas un hasard si les Québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les Américains à se rendre chaque année en France, et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse crée dans un pays francophone au bénéfice de l’économie locale finit par revenir significativement dans le circuit économique des autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone de coprospérité », une des traductions possibles du terme Commonwealth.
La France a donc tout intérêt à mettre enfin en œuvre un véritable plan Marshall pour l’Afrique francophone, au lieu de mener un politique sevrant en premier lieu les intérêts d’autres pays européens. La célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse » ne doit nullement être la doctrine de sa politique étrangère.
Ce manque de cohérence et de vision à long terme n’est d’ailleurs pas sans rappeler la France des XVIIe et XVIIIe siècles, qui ne voyait que « des arpents de neige » au Canada, et des moustiques en Louisiane et le long du Mississipi. Au terme d’une présence longue de près de 160 années, son immense territoire nord-américain ne regroupait donc pas plus de 80 000 Français en 1763, contre 1,2 million de personnes originaires de la Grande-Bretagne et concentrées dans les petites colonies britanniques de la côte est. Et ce, alors même que la France, là encore victime de son obsession européenne, pouvait compter sur le soutien de la grande majorité des tribus amérindiennes, car plus respectueuse de leur culture et de leur droit à exister.
Une Afrique francophone toutefois en forte croissance
Pourtant, et malgré ce désintérêt français, et les faiblesses qui sont encore les siennes, l’Afrique subsaharienne francophone connaît un véritable dynamisme économique, tirée par sa croissance démographique ainsi que par de réels progrès en matière de bonne gouvernance, de diversification et de climat des affaires. Les « États faillis », qui caractérisaient encore en partie le continent, toujours selon Emmanuel Macron, ne sont en fait plus qu’une petite poignée, et se trouvent essentiellement en Afrique non francophone (Érythrée, Zimbabwe, Somalie, Soudan du Sud…).
L’Afrique subsaharienne francophone est d’ailleurs la partie la plus dynamique du continent, avec une croissance annuelle de 5,1 % pour la période quadriannuelle 2012-2015, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne affichait une moyenne de 3,8%. En 2016, et malgré la forte baisse du prix des matières premières, cet ensemble de 22 pays à tout de même enregistré une croissance globale de 2,6% (et même de 3,5% hors cas très particulier de la Guinée équatoriale pétrolière, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), alors que celle-ci s’effondrait à 0,8% pour le reste de l’Afrique subsaharienne, selon les derniers chiffres publiés par le FMI en avril dernier.
Pour sa part, l’espace UEMOA, composé de huit pays (dont la lusophone Guinée-Bissau), et parfois pointé du doigt pour la fécondité encore assez élevée qui prévaut dans sa partie sahélienne, constitue la plus vaste zone de forte croissance du continent. En effet, la hausse du PIB y fut de 6,1% en 2016, après une moyenne de 6,3% par an sur la période 2012-2015.
Du fait du lien linguistique, il est donc de l’intérêt de la France d’accompagner le décollage économique de l’Afrique francophone, mais sans interférer dans les affaires intérieures de ses pays, et encore moins dans la vie intime des Africaines et des Africains. La France se doit également de tirer les leçons de ses erreurs passées, elle qui fut, par exemple et de loin, la principale victime des bien trop simplistes idée malthusiennes.
Au cas où cela vous aurait échappé :
- le site « Make our planet great again », récemment crée par l’Elysée, est unilingue anglais. Aucun mot de français nulle part.
Chose inimaginable au Québec, et même au niveau du gouvernement fédéral du Canada. Chose impensable également en Afrique francophone (3,1 fois l’Union européenne en superficie, Royaume-Uni inclus).
www.makeourplanetgreatagain.fr
- le site du salon VivaTech, qui vient d’avoir lieu à Paris et qui a reçu la visite du président français, est presque entièrement en anglais (à part une partie marginale consacrée au « grand public »). De plus, le français a semble-t-il été totalement banni de l’affichage à l’intérieur du salon.
Ces deux derniers points sont également inimaginables au Québec et dans les grands salons internationaux de Montréal (3ème pôle aéronautique mondial, derrière Seattle et Toulouse, 3ème pôle mondial de l’industrie du jeu vidéo…), ainsi qu’en Afrique francophone.
Au mépris de ses propres intérêts économiques et géopolitiques, le message adressé par la France aux pays francophones, francophiles ainsi qu’au reste du monde est donc le suivant : arrêtez de parler ou d’apprendre le français, et mettez-vous au tout-anglais !
La France d’aujourd’hui est bel et bien la principale menace qui pèse sur la langue française dans le monde.
mon dernier article « Lorraine Airport » : la justice impose l’éradication du français, publié sur le site Boulevard Voltaire.
Vous remarquerez peut-être qu’il s’agit là du plus court de mes articles, puisqu’il ne pouvait dépasser les 3 000 caractères (environ).
Précision au sujet du motif saugrenu avancé par le tribunal : les statuts de l’association indiquent bien et clairement, dans leur article III, que celle-ci oeuvre pour « défendre la langue française en dénonçant notamment l’hégémonie actuelle de la langue anglaise ». Au passage, l’association compte modifier prochainement ces statuts pour être encore plus claire quant à sa mission (!), et éviter ainsi toute contestation en matière de recevabilité.
Par ailleurs, et aux dernières nouvelles, l’A.FR.AV. compte relancer la procédure à la rentrée, n’ayant pu faire appel faute de moyens suffisants.
La situation est aujourd’hui d’une telle gravité dans notre pays, pour nous-mêmes et pour l’ensemble du monde francophone, que nous tirons vers le bas (en y perdant nous-mêmes), qu’il convient désormais de changer de ton, et de mettre systématiquement la question de la langue française sur la table. Le 1er juillet dernier, j’avais d’ailleurs choisi le thème suivant – certainement inattendu – pour un déjeuner débat organisé par une ONG parisienne accréditée par l’OIF : « Le Monde francophone face au déclin du français en France, en Belgique et en Suisse ».
Enfin, ayons toujours à l’esprit – et relayons – ces propos du Général de Gaulle sur la langue française, bien moins connus que ceux de Pompidou (si nous reculons…), mais ô combien vrais et plus que jamais d’actualité.
« […] le snobisme anglo-saxon de la bourgeoisie française est quelque chose de terrifiant. […] Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres. »
Charles de Gaulle (cité par Alain Peyrefitte dans « C’était de Gaulle », Fayard).
http://www.bvoltaire.fr/lorraine-airport-justice-impose-leradication-francais/
(Le texte est également disponible plus bas)
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
« Lorraine Airport » : la justice impose l’éradication du français
Chose passée inaperçue, le tribunal de grande instance (TGI) de Metz a débouté en avril dernier l’Association Francophonie avenir (A.FR.AV.), qui avait intenté une action pénale contre l’aéroport international de Lorraine suite à la décision de ce dernier de se donner, en toute illégalité, la dénomination anglaise de « Lorraine Airport ».
En effet, et pour sa défense, la direction de l’aéroport estime que la langue anglaise est « plus adaptée au domaine aéronautique où l’anglais fait référence »… d’où une décision qui permettrait sans doute aux avions de ne pas se perdre dans le ciel, ni d’exploser en plein vol. Cette attitude n’est pas sans rappeler celle de la direction collaborationniste de la SNCF qui avait poussé le gouvernent de Vichy à aligner la France sur l’heure allemande, afin, selon elle, de faciliter la circulation des trains…
Pourtant, la décision de l’aéroport de Lorraine est en totale contradiction avec la loi Toubon de 1994, qui interdit aux personnes morales de droit public « l’emploi d’une marque de fabrique de commerce ou de service constituée d’une expression ou d’un terme étranger ». Ce qui n’a pas empêché le TGI de Metz de débouter l’association (au motif saugrenu que celle-ci « ne pouvait ester en justice »), tout comme l’avait fait avant lui le tribunal administratif de Nancy à la suite d’une première procédure intentée en 2015. Pire encore, le tribunal de Metz a même jugé nécessaire de condamner l’association à verser la somme de 1500 euros à l’aéroport, alors que le budget annuel de cette petite structure formée de bénévoles n’est que de 2000 euros.
L’A.FR.AV. compte toutefois faire appel. « Nous ne nous tairons pas et n’abandonnerons pas l’aéroport aux anglomanes », a déclaré M. Régis Ravat, président de l’association. Et d’ajouter : « Nous allons rassembler nos forces et nos sous pour revenir plus forts sur le terrain et continuer le combat (…). Plus que jamais la Résistance à la dictature au tout-anglais doit s’organiser, plus que jamais ceux qui contribuent à angliciser notre environnement linguistique doivent être dénoncés, attaqués et condamnés ».
L’association A.FR.AV., particulièrement active et qui s’est dotée d’un site internet régulièrement mis à jour, fait donc une nouvelle fois preuve d’un courage et d’une ténacité qui pourraient, et devraient, inspirer nombre de nos concitoyens.
D’ailleurs, qu’un aéroport international (ou une Grande école) se donne un nom en anglais est absolument inimaginable au Québec, ou encore en Afrique francophone, vaste comme 3,1 fois l’Union européenne. Qu’un tribunal refuse d’appliquer la loi est également impensable à Montréal (3e pôle mondial de l’aéronautique et de l’industrie du jeu vidéo) où la loi… est la loi !
Cette décision de justice prouve donc une fois de plus que la France est bien devenue une sorte de République bananière, où la « Justice », elle-même, entrave et empêche l’application de la loi.
Plus grave encore, et au mépris de ses propres intérêts économiques et géopolitiques, le message ainsi adressé par la France aux pays francophones, francophiles et au reste du monde est donc le suivant : cessez de parler ou d’apprendre le français, et mettez-vous au tout-anglais et aux valeurs qui s’y rattachent !
La France d’aujourd’hui est bel et bien la principale menace qui pèse sur la langue et la culture françaises dans le monde.
L’Afrique subsaharienne francophone demeure championne de la croissance africaine
mon récent article publié sur le site des Échos, et intitulé « Pour une réorientation de l’aide publique au développement de la France ».
(le texte est également disponible, plus bas)
Cet article, relayé par de nombreux sites d’information (sous différents titres), met en lumière les lacunes de la répartition géographique de l’aide française au développement.
Vous en souhaitant bonne lecture, en espérant que certains éléments puissent vous intéresser.
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (La revue des populations et des territoires),
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015).
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Pour une réorientation de l’aide publique au développement de la France
La France consacre l’essentiel de son aide publique au développement à des pays non francophones. Ceci dénote un manque de cohérence, de culture de l’efficacité et de vision stratégique, à l’inverse d’autres grandes puissances comme le Royaume-Uni.
Quelques jours après la fin de la « Semaine de la langue française et de la francophonie », force est de constater que l’Aide publique au développement (APD) de la France est loin d’accorder la priorité aux pays francophones du Sud. C’est ce qui ressort d’un rapport du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2017, publié en novembre dernier et fournissant les chiffres détaillés de l’APD pour l’année 2015.
Une politique toujours peu francophonophile
Ainsi, trois des quatre premiers bénéficiaires de l’aide bilatérale française en 2015 étaient des pays d’Amérique latine, en l’occurrence la Colombie (1e), la République dominicaine (3e) et le Brésil (4e). À ces derniers, s’ajoutent l’Afrique du Sud (7e) et la Jordanie (8e) parmi les dix premiers récipiendaires. Chose plutôt surprenante, notamment lorsque l’on s’aperçoit que la Colombie recevait plus du double de la somme allouée au Maroc (2e avec 214 millions d’euros, et premier pays francophone du classement), et que le Brésil, déjà assez développé, accorde lui-même des aides aux pays lusophones d’Afrique subsaharienne.
Cette situation est encore plus frappante en ce qui concerne l’aide multilatérale, qui pèse pour environ 40% de l’APD globale et où les pays francophones ne représentent, chaque année, que deux des dix premiers pays bénéficiaires. Au final, aides bilatérale et multilatérale confondues, les 25 pays d’Afrique francophone n’ont à nouveau reçu que de 35 % des 8,0 Mds d’euros de l’APD française pour l’année 2015 (donc 2,8 Mds), soit une part stable depuis plusieurs années. En effet, et à titre d’exemple, la Colombie se classait déjà deuxième des pays bénéficiaires de l’aide bilatérale en 2014, tandis que le Brésil occupait également la quatrième place. Deux ans plus tôt, en 2012, ce dernier arrivait même à la deuxième position, dans un classement où l’on retrouvait aussi la Chine à la quatrième place, alors qu’elle était déjà la seconde puissance économique mondiale.
Enfin, cette politique s’observe également au niveau de l’Agence française de développement (AFD), qui a aussi consacré à l’Afrique francophone près de 35% des 6,7 Mds d’euros d’autorisations de financement accordés à des pays étrangers en 2015 (dont environ 2 Mds provenant de l’APD). Parmi les dix premiers récipiendaires, l’on trouve ainsi l’Inde (2e), la Colombie (3e), l’Afrique du Sud (5e), le Kenya (6e) et la Jordanie (7e). Quant au Brésil, il se classe deuxième en termes de financements cumulés sur la période quinquennale 2011-2015.
Absence de cohérence et de culture de l’efficacité
Pourtant, l’ensemble des études économiques démontrent clairement que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays partageant une même langue (jusqu’à 65% de plus selon le rapport Attali sur la francophonie). Ainsi, ce n’est pas un hasard si les Québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les Américains à se rendre chaque année en France et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse crée dans un pays francophone au bénéfice de l’économie locale finit par revenir significativement dans le circuit économique des autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de zone de coprospérité, une des traductions possibles du terme Commonwealth.
A la différence de la France, le Royaume-Uni a donc fait le choix de la cohérence et de l’efficacité en privilégiant ouvertement les pays de langue anglaise, qui représentent chaque année huit des dix premiers bénéficiaires bilatéraux et auxquels sont consacrés les deux tiers du volume global de l’APD britannique (selon l’Office for national statistics – ONS). Cet apport est d’autant plus massif que cette dernière est désormais la deuxième plus importante au monde, atteignant 16,4 Mds d’euros en 2015 (0,7% du PIB), soit plus du double de l’aide française (+103%). Pourtant, et comme chaque année, des pays comme la Colombie, le Brésil ou encore la Chine ne font guère partie des vingt premiers bénéficiaires de l’aide financière du Royaume-Uni…
D’ailleurs, ce volontarisme britannique est partiellement financé par une plus faible contribution nette au budget de l’Union européenne (UE). En 2014, celle-ci s’établissait ainsi à 6,1 Mds d’euros, alors qu’elle s’élevait à 7,9 Mds pour la France, soit près de trois fois plus que l’aide tricolore allouée à l’Afrique francophone. Pourtant, ce vaste ensemble est deux fois plus peuplé que la somme des pays européens financés par l’hexagone, de surcroît déjà assez développés et se tournant d’abord vers les industries allemandes et autrichiennes (ainsi subventionnées par le contribuable français).
Cette politique française est d’autant plus contreproductive que l’Afrique francophone, regroupant 380 millions d’habitants et grande comme 3,1 fois l’Union européenne, s’affirme comme l’un de principaux relais de la croissance mondiale. Et en particulier dans sa partie subsaharienne, qui constitue la zone la plus dynamique du continent avec une croissance globale de 3,7 % en 2016, contre 0,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Concentrant, cette même année, 9 des 13 pays africains ayant enregistré une croissance supérieure ou égale à 5 %, cet espace a réalisé les meilleures performances du continent pour la troisième année consécutive et pour la quatrième fois en cinq ans, notamment grâce à la meilleure résistance de la majorité des pays francophones pétroliers et miniers à la chute des cours. En 2016, la croissance s’est ainsi établie à 5,6 % au Cameroun et à 3,2 % au Gabon (ou encore à 3,6 % en Algérie, plus au nord), tandis qu’elle était quasi nulle en Afrique du Sud et en Angola (0,4 %) et négative au Nigeria (-1,7 %)
Pourtant, l’Afrique francophone n’a représenté en 2014 que 3,8% du commerce extérieur de biens de la France, dont 1,1% pour sa partie subsaharienne. Dans cette dernière, l’hexagone est désormais dépassé par la Chine, qui en fournissait 13,6% des importations et en absorbait 18,1% des exportations (pour un volume global de 20,8 Mds d’euros), contre respectivement 9,7% et 6,3% pour la France (deuxième, avec 10,5 Mds). Celle-ci y est même concurrencée par le Maroc, arrivé en tête des investisseurs étrangers en Côte d‘Ivoire en 2015, et dont les banques peuvent s’appuyer sur un réseau d’agences désormais deux fois plus étoffé dans les huit pays de l’espace UEMOA que celui de l’ensemble des banques françaises présentes.
La RDC, symbole du manque de vision stratégique de la France
Mais ce déficit en matière de cohérence se manifeste encore davantage en République démocratique du Congo (RDC), premier pays francophone du monde avec ses 78 millions d’habitants. Vaste comme plus de la moitié de l’UE, ce pays ne bénéficie chaque année que de moins de 2% de l’APD française, et ce, essentiellement par le canal de l’aide multilatérale (dont la prédominance met en évidence la faiblesse des relations directes entre les deux gouvernements). Dans le même temps, la RDC fait partie des rares pays non francophones à faire partie, chaque année, des principaux bénéficiaires de l’aide britannique, de surcroît près de deux fois plus importante que celle de la France et se réalisant essentiellement par la voie bilatérale.
Ce désintérêt français à l’égard de la RDC s’observe également auprès de l’AFD (moins de 2% des financements du groupe), au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants africains présents en France (1% du total, soit environ 1500 étudiants), ou encore au niveau de la part des projets y étant réalisés par les collectivités et structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée en Afrique (< 1%).
Au final, la France ne pèse que pour 3% du commerce extérieur de ce pays qui a réalisé une croissance annuelle de 8,1% en moyenne sur la période 2012-2015, et dont la Chine fournissait 20,6% des importations et absorbait 43,5% des exportations en 2015. Pourtant, la France pourrait sans grande difficulté accroître sa présence en RDC, dont la souveraineté économique et politique pourrait, à terme, être menacée par l’écrasante prépondérance du partenaire chinois. Et faire de ce pays un partenaire privilégié dans sa politique d’influence en Afrique et dans le reste du monde.
Une histoire qui se répète ?
Ce manque de vision à long terme de l’hexagone n’est pas sans rappeler la France des XVIIe et XVIIIe siècles, alors trois fois plus peuplée que la Grande-Bretagne et présente sur la majeure partie de l’Amérique du Nord en encerclant les modestes colonies britanniques de la côte est. Pourtant, et au terme d’une présence longue de près de 160 années, son immense territoire ne regroupait que 80 000 Français en 1763, contre 1,2 millions de personnes originaires de Grande-Bretagne de l’autre côté de la frontière. En d’autres termes, et hors dépenses militaires, les Britanniques investirent proportionnellement près de 45 fois plus que l’hexagone, victime de son obsession européenne alors même qu’il pouvait compter sur le soutien de la grande majorité des tribus amérindiennes, alliées à une France plus respectueuse de leur culture et de leur droit à exister. En 1763, celle-ci finit même par abandonner l’Amérique du Nord aux Britanniques (et aux Espagnols) afin de conserver ses possessions caribéennes, privilégiant ainsi les gains substantiels et immédiats que procurait, à l’époque, la culture de la canne à sucre.
La France a donc tout intérêt à renouer avec la culture de l’efficacité en investissant prioritairement dans le vaste espace francophone, condition préalable à la mise en place d’une éventuelle francophonie économique. L’émergence démographique et économique de cet espace est d’ailleurs à l’origine de la hausse importante du nombre d’apprenants du français à travers le monde (+43% en Asie-Pacifique entre 2009 et 2013,…), ouvrant ainsi de nouveaux débouchés à l’ensemble des pays francophones, dont la France. Raison de plus d’y investir bien davantage afin d’accompagner et d’amplifier cette évolution positive.
Suite à la publication du rapport “Les villes du monde en 2016” par l’ONU, veuillez trouver, ci-dessous, le lien vers mon dernier article publié sur le site des Échos, et intitulé « Paris n’est plus la première ville francophone du monde ».
Bien cordialement
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (démographie et géographie humaine)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
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Paris n’est plus la première ville francophone du monde
La ville de Kinshasa vient de dépasser Paris pour devenir la plus grande ville francophone du monde. Cette évolution confirme la montée en puissance de l’Afrique francophone et de ses capitales. La France continue toutefois à briller par son absence en République démocratique du Congo.
Dans son rapport « Les villes du monde en 2016 », l’ONU nous indique que la ville de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), comptait 12,1 millions d’habitants au 1er juillet 2016. La métropole congolaise fait donc désormais partie du club très restreint des « mégapoles », terme désignant les agglomérations de plus de 10 millions d’habitants. Le critère de l’agglomération (ou unité urbaine) est en effet le seul à être retenu par ce rapport afin de pouvoir mesurer l’importance réelle d’une ville et de la comparer à celle d’autres villes. Tout découpage administratif et arbitraire ne constituant pas une base de comparaison valable.
Kinshasa, plus grande ville francophone du monde
Avec une croissance démographique annuelle de 4,2% en moyenne sur la période 2000-2016, la population « kinoise » dépasse désormais celle de l’agglomération parisienne, estimée à 10,9 millions. Chose tout à fait logique lorsque l’on sait que la RDC est aujourd’hui le premier pays francophone du monde, avec plus de 78 millions d’habitants. Également surnommée « Congo-Kinshasa », afin de la différencier du « Congo-Brazzaville » voisin, elle est, par ailleurs, le plus grand pays d’Afrique subsaharienne (2,345 millions de km2) et le second du continent, très légèrement derrière l’Algérie (2,381 millions de km2). Vaste comme plus de la moitié de l’Union européenne tout entière, et abritant de gigantesques parcs nationaux, la RDC est aussi le seul État africain à s’étendre sur deux fuseaux horaires.
Ce statut de première ville francophone du monde se confirme également lorsque l’on se base sur le nombre de locuteurs du français, probablement supérieur à 11,1 millions. Dans son rapport « La langue française dans le monde, 2010 », l’OIF avait en effet indiqué que 92% de la population kinoise parlait le français, d’après une enquête de la TNS-Sofres. Kinshasa se présente donc aujourd’hui comme une ville parfaitement bilingue où le français côtoie le lingala, langue maternelle de la grande majorité des habitants et parlé par la quasi-totalité de la population. Parmi les plus de 200 langues présentes sur le territoire congolais, le lingala est d’ailleurs l’un des quatre idiomes à avoir le statut de langue nationale (avec le kikongo, le tshiluba et le swahili), et constitue l’une des deux langues véhiculaires du pays, aux côtés du français, langue officielle.
Enfin, il convient d’ajouter que la capitale française, deuxième plus grande ville d’Europe, après Moscou (12,3 millions) et toujours devant Londres (10,4 millions), contrairement à ce qu’affirment certains avec une insistance curieuse, se fait distancer encore davantage si l’on tient compte de la grande agglomération transfrontalière francophone que constituent les deux villes de Kinshasa et de Brazzaville. Séparées par le seul fleuve Congo, ces deux capitales, les plus proches du monde, totalisent à présent une population de 14,0 millions d’habitants.
Une francophonie africaine en force…
Cette évolution traduit ainsi la montée en puissance de l’Afrique francophone et de ses capitales. En plus de Kinshasa, ce vaste ensemble, grand comme 3,1 fois l’Union européenne et regroupant 380 millions d’habitants, abrite désormais la troisième ville francophone du monde, en l’occurrence Abidjan et ses 5,0 millions de citadins. La capitale ivoirienne précède ainsi les villes de Montréal (4,0 millions) et de Dakar (3,7 millions). Vient ensuite Casablanca (3,5 millions), ville « arabo-berbéro-francophone » où l’on peut « vivre en français », langue de l’enseignement, de l’administration, des affaires et des médias, aux côtés de l’Arabe. L’application de ce critère assez strict et de bon sens, qu’est celui de la capacité de vivre en français sur un territoire donné, permet ainsi de bien identifier les pays et territoires véritablement francophones, et d’éviter par la même toute confusion contreproductive avec la liste des pays membres de l’OIF (organisation désormais davantage politique que culturelle, et réunissant en son sein une majorité de membres non francophones).
Cette émergence démographique vient donc s’ajouter à l’émergence économique de l’Afrique francophone, qui s’affirme comme l’un de principaux relais de la croissance mondiale. Et en particulier sa partie subsaharienne, qui constitue la zone la plus dynamique du continent. En effet, et après avoir connu une croissance annuelle de 5,1% en moyenne sur la période quadriannuelle 2012-2015, cet ensemble de 22 pays a enregistré une croissance globale de 3,7 % en 2016, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne observait un hausse de 0,8% de son PIB (3,8% sur la période 2012-2015). Concentrant, cette même année, 9 des 13 pays africains ayant affiché une croissance supérieure ou égale à 5 %, cet espace a réalisé les meilleures performances du continent pour la troisième année consécutive et pour la quatrième fois en cinq ans, notamment grâce à la meilleure résistance de la majorité des pays francophones pétroliers et miniers à la chute des cours. En 2016, la croissance s’est ainsi établie à 5,6 % au Cameroun et à 3,2 % au Gabon (ou encore à 3,6 % en Algérie, plus au nord), tandis qu’elle était quasi nulle en Afrique du Sud et en Angola (0,4 %) et négative au Nigeria (-1,7 %)
…et une absence quasi totale de la France en RDC
Mais le désintérêt assez marqué de la France pour l’Afrique subsaharienne francophone, où elle est aujourd’hui commercialement devancée par la Chine, et même par le Maroc dans certains domaines, est encore plus criant en RDC où l’hexagone brille par son absence. Ce dernier ne pèse ainsi que pour 3% du commerce extérieur de ce pays qui a réalisé une croissance annuelle de 8,1% en moyenne sur la période 2012-2015, et dont la Chine fournissait 20,6% des importations et absorbait 43,5% des exportations en 2015. Par ailleurs, la RDC ne bénéficie chaque année que de moins de 2% de l’enveloppe globale consacrée par la France à l’Aide publique au développement (APD). Occasion de rappeler, au passage, que la somme totale allouée par l’hexagone aux 25 pays de l’Afrique francophone au titre de l’APD (2,8 Mds d’euros en 2015, Maghreb inclus), est près de trois fois inférieure à sa contribution nette au budget européen (7,9 milliards en 2015). Contribution qui bénéficie à un ensemble de pays deux fois moins peuplé que l’Afrique francophone, et se tournant, de surcroît, d’abord vers les industries allemandes et autrichiennes…
Enfin, il est également à noter que la part des étudiants originaires de la RDC ne représente que 1% de l’ensemble des étudiants africains présents en France. Ou encore, que la part des projets réalisés dans ce pays par les collectivités et structures intercommunales françaises, au titre de la coopération décentralisée, est inférieure à 1% du nombre total des projets qu’elles réalisent sur le continent.
Ce désintérêt est d’autant plus regrettable que la RDC pourrait compter 124 millions d’habitants en 2030, soit près de deux fois plus que la France métropolitaine (68 millions). Cette même année, et toujours selon l’ONU, la nouvelle capitale démographique du monde francophone, Kinshasa, devait franchir la barre des 20 millions d’habitants, et devenir ainsi l’une des plus grandes mégapoles du monde. Certes encore moins peuplée que Tokyo, toujours première (37,2 millions, contre 38,1 aujourd’hui), mais près de deux fois plus peuplée que Paris (11,8 millions). Cette dernière aurait d’ailleurs probablement pu conserver, à cette date, son statut de première ville francophone si la France n’avait pas été, démographiquement, l’« homme malade » de l’Europe et du monde entre 1750 et 1945. Deux siècles « perdus » au terme desquels la population de la France n’avait augmenté que de moitié, tandis que celle de tous les autres pays européens (à l’unique et tragique exception de l’Irlande) avait triplé, quadruplé ou quintuplé…
Le 31 mai 2017
Objet : Appel de textes pour un numéro thématique sur le thème « Nouveaux
phénomènes africains »
Chères et chers collègues,
Il nous fait plaisir d’annoncer que la Revue de l’Université de Moncton consacrera une
livraison interdisciplinaire aux « Nouveaux phénomènes africains ». Prévu pour parution
en automne 2018, ce numéro vise à rassembler des études portant sur des thématiques
émergentes ou ré-émergentes qui interpellent le continent. Plusieurs analyses montrent
que l’Afrique contemporaine a une identité en mutation profonde. Dans 30 ans, ce sera le
deuxième continent le plus peuplé de la planète. La croissance économique y est de
retour. L’éducation secondaire y a progressé depuis 2000. L’optimisme s’installe et 66 %
d’africains pensent que demain sera meilleur. Mais, dans le même temps, des menaces
pèsent sur sa gouvernance, son environnement et sa cohésion sociale.
Les chercheurs intéressés par l’étude de ce contexte africain sont invités à proposer des
contributions selon les axes suivants :
1) La gouvernance. Observation de la situation politico-économique : examen des
pouvoirs politiques et de la démocratisation, des phénomènes de la corruption, de
la gestion et de l’exploitation des ressources naturelles, du développement local et
national, des systèmes sanitaire, éducatif, judiciaire, médiatique, etc.
2) Le développement durable. Cet axe expose comment la croissance économique
tient compte – ou pas – des besoins essentiels immédiats et à long terme, de la
préservation de la nature sous la pression de grands projets, de la responsabilité
sociale des entreprises (RSE), de l’adaptation des pratiques sociales, de
l’aménagement de l’espace aussi bien que de la diffusion des connaissances qui
soutiennent l’ouverture au monde.
3) Les dynamiques identitaires. Cette ouverture au monde provoque parfois des
replis identitaires et on voit apparaître des demandes juridico-politiques qui
interagissent avec la gestion de la sécurité et des libertés. Ainsi en est-il du
radicalisme, du terrorisme, des revendications des minorités, car l’ouverture au
monde n’a pas éliminé les appartenances culturelles et ethniques ou encore les
formes d’indigénisation ou de glocalisation.
2
Les chercheurs qui souhaitent soumettre un texte1 sont priés de nous retourner, dûment
remplie et signée, avant le 15 septembre 2017, la lettre d’intention dont le modèle est
joint ci-après. Ils y adjoindront un bref résumé de leur proposition. Une sélection de
propositions dans chacun des trois axes aura lieu à la suite des soumissions et au plus tard
le 15 octobre 2017. Le choix final tiendra compte du lien des propositions avec la
thématique générale et de la cohérence d’ensemble des textes.
Pour plus d’information sur la thématique de ce numéro, n’hésitez pas à communiquer
avec nous. Toute autre question ou correspondance devrait être adressée à Mme Phyllis
E. LeBlanc, secrétaire à la rédaction (phyllis.leblanc@umoncton.ca).
Nous vous remercions de votre collaboration et vous prions de recevoir nos salutations
distinguées.
Les directeurs du numéro thématique
M. Gervais Mbarga M. Alidou Ouedraogo
Programme d’information-communication Département d’administration
Tél. : (506) 858-4287 Tél. : (506) 858-4216
Fax. : (506) 858-4166 Fax : (506) 858-4093
Courriel : gervais.mbarga@umoncton.ca Courriel : alidou.ouedraogo@umoncton.ca
1 Les différents types de textes acceptés sont les articles, les synthèses de recherches, les notes de
recherche, les notes de réflexion, les comptes rendus critiques et les comptes rendus (voir nos
directives de publication sur le site www.erudit.org ).
3
REVUE DE L’UNIVERSITÉ DE MONCTON
Numéro thématique
« Nouveaux phénomènes africains »
AVIS D’INTENTION
(à remplir par le premier auteur et à retourner à Mme Phyllis LeBlanc, la Revue
de l’Université de Moncton, avant le 15 septembre 2017, à « larevue@umoncton.ca »)
Après avoir pris connaissance de l’appel de textes pour le numéro ayant pour thématique
« Nouveaux phénomènes africains », dont la parution est prévue pour l’automne 2018,
la présente est pour vous faire part de mon intention de soumettre un texte pour
publication traitant de ce thème.
AUTEURE(S), AUTEUR(S) :
Nom et prénom Statut institutionnel Institution
1)________________________________________________________________________
2)________________________________________________________________________
3)________________________________________________________________________
COORDONNÉES COMPLÈTES DE LA PREMIÈRE OU DU PREMIER
AUTEUR :
TYPE DE TEXTE PRÉVU (voir les directives de publication de la Revue sur le site
www.erudit.org) :
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (La revue des populations et des territoires)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015).
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L’Afrique : une importance stratégique multidimensionnelle encore incomprise (Diplomatie n°85, Mars-Avril 2017).
L’Afrique est l’un des piliers de l’influence française dans le monde. La dimension économique demeure toutefois largement négligée. Pourtant, l’Afrique francophone s’affirme comme l’un des principaux relais de la croissance mondiale, et contribue ainsi au renforcement de la puissance culturelle de la France.
L’Afrique est un vaste continent, bien plus étendu que ne l’indiquent la majorité des cartes géographiques en circulation, souvent basées sur la projection de Mercator. À titre d’exemple, l’Algérie, qui en est le plus grand pays, est légèrement plus étendue que le Groenland et non trois ou quatre fois plus petite. Des 54 pays que compte l’Afrique, 25 sont francophones. Ces derniers recouvrent 44% de la superficie totale du continent, soit 14,0 millions de km2, ou encore 3,1 fois la superficie de l’Union européenne (UE) tout entière, Royaume-Uni inclus.
L’Afrique, composante majeure de la géopolitique de la France, puissance mondiale
La France est militairement présente sur l’ensemble des continents et des océans de la planète, en particulier grâce à ses territoires ultramarins qui font d’elle le sixième plus vaste pays du monde, zone économique exclusive (ZEE) comprise, derrière le Brésil et devant la Chine[1]. Toutefois, le continent africain concentre quatre de ses cinq bases militaires permanents situées en pays étranger, auxquelles s’ajoutent cinq points d’appui. Cette prépondérance africaine se traduit également au niveau du budget alloué à la coopération militaire structurelle, menée par la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) et dont plus de 75% des crédits sont affectés au continent.
Grâce à cette présence militaire, qui fait d’elle la seule puissance à pouvoir couvrir l’ensemble de l’Afrique, la France est un acteur incontournable sur différents théâtres d’opération, de la lutte anti-terroriste au Sahel (AQMI et Boko Haram) à la lutte contre la piraterie maritime dans les Golfe de Guinée et d’Aden. La France joue donc un rôle majeur dans la protection des intérêts des pays européens et de bon nombre de pays africains, en repoussant la menace terroriste et en sécurisant les voies maritimes d’approvisionnement (dont dépend également l’Amérique du Nord).
Cette capacité à intervenir et à gérer des crises renforce le poids politique de la France au sein de l’UE, qui demeure largement dépendante de ses capacités militaires. Y compris dans le cadre des missions qui relèvent de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) en Afrique, et dont l’hexagone assure souvent, à lui seul, la moitié des effectifs et du matériel, voire l’intégralité des études relatives à l’analyse des besoins[2]. Enfin, la France se voit aussi renforcée au sein de l’ONU, où elle pouvait déjà souvent compter, par ailleurs, sur les votes de la majorité des pays francophones, du fait de la proximité politique et culturelle (à l’instar des pays anglo-saxons qui votent fréquemment de la même manière). Point qui fait la différence avec les membres non francophones de l’UE.
La défense des intérêts de la France commandait donc de revoir la feuille de route établie par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, qui prévoyait de ne garder que deux bases militaires permanentes sur le continent. Chose faite avec la parution du Livre blanc de 2013, au début du quinquennat de François Hollande et trois mois après le déclenchement de l’opération Serval. Ce virage s’est notamment traduit par la création d’une base permanente en Côte d’Ivoire, suite la fin de l’opération Licorne en janvier 2015, ainsi que par la signature de contrats de défense avec le Mali (2014) et le Burkina Faso (2015), pays qui n’étaient auparavant liés à la France que par des accords de coopération militaire. Ce réengagement permet aussi à l’Hexagone de réaffirmer sa prééminence dans une région qui intéresse de plus en plus les États-Unis, comme l’atteste la mise en service cette année d’une importante base de drones dans le nord du Niger (s’ajoutant à une autre base située en Éthiopie, ainsi qu’à leurs forces prépositionnées à Djibouti).
Des intérêts stratégiques bien au-delà de l’Afrique francophone
La puissance militaire de la France et sa bonne connaissance des réalités africaines lui ont permis d’étendre son influence à l’ensemble du continent. Si 10 accords de défense et 12 accords de coopération militaire la lient à des pays francophones, elle a également signé des accords de coopération militaire avec deux pays clés de la partie anglophone du continent, à savoir le Nigeria et l’Afrique du Sud. Par ailleurs, des Attachés de défense sont présents dans dix pays non francophones, sur un total de 30 pays africains. À tout cela, s’ajoute le soutien que la France apporte à l’Union africaine dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS), qui vise à accroître la capacité des pays africains à assurer la stabilité sur le continent. Et ce, de manière bilatérale, notamment à travers le Programme RECAMP (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), ou de manière multilatérale par le biais des programmes menés par l’UE (Amani Africa…).
Cette coopération est d’autant plus nécessaire et appréciée que certains pays subsahariens continuent à consacrer moins de 1% de leur PIB aux dépenses militaires, comme le Ghana et le Nigeria (resp. 0,5% et 0,4% en 2015, selon la Banque mondiale). Par ailleurs, la crédibilité militaire acquise par la France contribue aussi à ouvrir de nouveaux débouchés à son industrie de l’armement, et a probablement facilité la signature d’un contrat de vente de 24 Rafales avec l’Égypte, en 2015. Ce succès avait ensuite ouvert la voie à la signature d’autres contrats en Asie (Qatar et Inde).
Mais cette présence « panafricaine » de la France se retrouve également en matière d’approvisionnement en ressources naturelles stratégiques. Ainsi, les deux premiers pays pétroliers du continent, que sont le Nigeria et l’Angola, lui fournissaient plus de la moitié de ses importations africaines de pétrole en 2015 (respectivement 33,5% et 21,8%), devant l’Algérie (21,7%) et très loin devant le Congo et le Gabon (1,1% à eux deux)[3]. De son côté, le groupe Total réalise la majorité de ses activités hors Afrique francophone, notamment en Angola dont il assure près de 40% de la production pétrolière. Il est d’ailleurs à noter que le Nigeria et l’Angola sont, avec l’Afrique du Sud, les trois premiers partenaires économiques de la France en Afrique subsaharienne, devant la Côte d’Ivoire.
Une dimension économique toutefois encore largement négligée…
Cependant, la France est loin de faire preuve du même volontarisme sur le plan économique, en dehors, donc, de certaines ressources naturelles. Autrefois premier fournisseur du continent, sa part de marché est ainsi passée de 8,7% à 5,6% entre 2005 et 2015, tandis que celle de la Chine passait de 6,7% à 17,6%[4].
Si la France demeure le principal partenaire commercial de l’ensemble Afrique francophone, grâce au Maghreb qui pèse pour 70% de ses échanges et où elle devance l’Espagne, l’Italie et très largement la Chine, il n’en va plus de même pour la partie subsaharienne de cet espace. En 2014, la Chine en fournissait 13,6% des importations et en absorbait 18,1% des exportations (pour un volume global de 20,8 Mds d’euros), contre respectivement 9,7% et 6,3% pour la France (deuxième, avec 10,5 Mds)[5]. Suivaient les États-Unis (respectivement 5,9% et 9,3%, et surtout présents dans les hydrocarbures) et l’Inde (5,6% et 5,1%). En zone CFA, la France faisait légèrement mieux avec une part de marché de 11,5% (12,4% pour la Chine) et une part dans les exportations de 6,1% (contre 14,9%). Rappelons, au passage, que la zone Franc ne concerne que 14 des 22 pays francophones subsahariens, et que deux des 15 pays membres ne sont pas d’anciennes colonies françaises[6].
Autre acteur émergeant, le Maroc est aujourd’hui le deuxième investisseur africain sur le continent, derrière l’Afrique du Sud, et est arrivé en tête des investisseurs étrangers en Côte d‘Ivoire en 2015. Par ailleurs, les banques marocaines peuvent s’appuyer, en Afrique de l’Ouest francophone, sur un réseau d’agences bancaires désormais deux fois plus étoffé que celui de l’ensemble des banques françaises présentes. Le Maroc semble ainsi avoir pleinement pris conscience de l’importance de l’Afrique subsaharienne francophone, espace qui regroupe à présent 290 millions d’habitants et qui constitue la partie la plus dynamique du continent, avec une croissance annuelle globale de 4,6% en moyenne sur la période 2012-2016. Sur cette même période, l’Afrique subsaharienne anglophone affichait un taux de 3,1% (Éthiopie et Rwanda inclus). Cette tendance s’est accentuée en 2016 grâce aux bonnes performances de pays comme la Côte d’Ivoire (7,8%) et le Sénégal (6,6%), ainsi qu’à la meilleure résistance de la majorité des pays francophones exportateurs d’hydrocarbures et de minerais à la chute des cours, suite aux efforts accomplis en matière de diversification (Plan stratégique Gabon émergent, Cameroun émergence 2035…). La croissance s’est ainsi établie à 4,8% au Cameroun et à 3,2% au Gabon (ou encore à 3,6% en Algérie, plus au nord), alors qu’elle a été quasi nulle en Angola et en Afrique du Sud, et négative au Nigeria (-1,5%).
Important relai de la croissance mondiale, l’Afrique subsaharienne francophone n’a pourtant représenté que 1,1% du commerce extérieur de biens de la France en 2014. Pourtant, toutes les études économiques démontrent bien que le simple lien linguistique peut-être à l’origine d’un accroissement considérable des échanges commerciaux entre pays partageant une même langue (jusqu’à 65% selon le rapport Attali sur la francophonie[7]). En d’autres termes, toute richesse crée au bénéfice de l’économie d’un pays francophone finit par revenir de manière significative dans le circuit économique des autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants.
Afin de mieux pénétrer certains marchés africains, la France pourrait même s’appuyer sur les pays du Maghreb[8] dans le cadre de partenariats qui bénéficieraient à chacune de leurs économies. Dans la mesure du possible, ces trois pays devraient être privilégiés par rapport aux pays non francophones, puisque leur croissance bénéficiera à son tour amplement à l’économie française, grâce au lien linguistique.
…et une approche française peu francophonophile en matière d’aide au développement
Pourtant, l’Afrique francophone est loin d’être la priorité de l’aide publique au développement (APD) de la France. En 2015, elle n’a de nouveau bénéficié que d’environ 35% des 8 Mds d’euros de son APD, aides bilatérales et multilatérales confondues (soit 2,8 Mds d’euros, Maghreb inclus). Sur les dix premiers pays bénéficiaires de l’aide bilatérale, cinq n’étaient pas francophones, dont la Colombie (1re, et seconde en 2014), la République dominicaine (3e) et le Brésil (4e, comme en 2014)[9]. Ces mêmes pays ne figuraient pourtant nullement dans la liste des dix premiers bénéficiaires de l’aide bilatérale du Royaume-Uni. Désormais second contributeur mondial en matière d’APD, avec 16,4 Mds d’Euros en 2015, ce dernier a fait le choix de la cohérence et de l’efficacité en privilégiant clairement les pays de langue anglaise, qui représentent chaque année huit des dix premiers bénéficiaires bilatéraux et auxquels sont consacrés les deux tiers du volume global de l’aide britannique[10].
À cette politique hexagonale, que l’on retrouve pleinement au niveau de l’Agence française de développement (AFD)[11], il convient d’ajouter la contribution nette de la France au budget de l’UE, qui s’établissait à 7,9 Mds d’euros en 2014 (6,1 Mds pour le Royaume-Uni). Ce montant est ainsi près de trois fois supérieur à l’APD allouée à l’Afrique francophone, ensemble pourtant deux fois plus peuplé que la somme des pays européens bénéficiaires, de surcroît déjà assez développés et se tournant d’abord vers les industries allemandes et autrichiennes.
Toujours au niveau européen, la France n’a jusqu’ici jamais cherché à faire pression, lorsqu’il le fallait, pour que le taux de change de l’Euro demeure à un niveau favorable aux économies des pays africains ayant pour monnaie le franc CFA (arrimé à l’euro et garanti par le Trésor français). De même, elle ne s’est pas vraiment efforcée de freiner les ardeurs libre-échangistes de l’UE, qui vient de faire accepter aux pays de la Cédéao, majoritairement francophones, la mise en place progressive d’une zone de libre-échange fort prématurée, impopulaire…et assortie d’une compensation de seulement 6 Mds d’euros sur 20 ans (soit 1 euro par an et par habitant !).
La RDC, symbole du manque de vision stratégique de la France
Avec ses 78 millions d’habitants, la RDC, plus grand pays d’Afrique subsaharienne et désormais premier pays francophone du monde, devrait être un partenaire privilégié de la France dans sa politique d’influence en Afrique et dans le reste du monde. Pourtant, cette dernière ne pèse que pour 3% du commerce extérieur de ce pays qui a réalisé une croissance annuelle de 8,2% en moyenne sur la période 2012-2015, et dont la Chine fournissait 20,6% des importations et absorbait 43,5% des exportations en 2015.
Par ailleurs, la RDC ne bénéficie chaque année que de moins de 2% de l’APD française, et ce, essentiellement par le canal de l’aide multilatérale dont la prédominance met clairement en évidence la faiblesse des relations directes entre les deux pays. Ce désintérêt manifeste de la France à l’égard de la RDC s’observe également au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants africains présents en France (1% du total, soit environ 1500 étudiants), au niveau de la part des projets y étant réalisés par les collectivités et structures intercommunales françaises au titre de la coopération décentralisée en Afrique (< 1%)[12], ou encore dans la faible coopération militaire avec ce pays qui demeure dans l’incapacité de faire respecter, par lui-même, son intégrité territoriale.
Pourtant, la France pourrait sans grande difficulté accroître sa présence en RDC, pays avec lequel elle ne partage aucun passé – ni contentieux – colonial et dont la souveraineté économique et politique pourrait, à terme, être menacée par l’écrasante prépondérance du partenaire chinois.
Une influence culturelle mondiale malgré tout grandissante… grâce à l’Afrique francophone
En dépit d’une certaine indifférence française, en dehors des questions sécuritaires, l’Afrique francophone continue à s’affirmer comme l’un des principaux relais de la croissance mondiale, portée également par son dynamisme démographique. Cette double émergence, démographique et économique, contribue très largement à la hausse du nombre d’apprenants du français dans le monde, notamment en Asie-Pacifique (+43% entre 2009 et 2013). L’Afrique francophone a donc, indirectement, pris le relai en matière de promotion de la langue française face à une France, en réalité, plutôt atone en la matière.
La langue étant le principal vecteur d’influence culturelle, avec in fine des répercussions d’ordre économique et politique, cette progression du français est donc de nature à accroître l’influence de la France dans le monde et à lui ouvrir de nouveaux débouchés. Chose également valable pour l’ensemble des pays du monde francophone (33 pays, 470 millions d’habitants). La France a donc tout intérêt à accompagner et à amplifier le développement de l’Afrique francophone, globalement de mieux en mieux gouvernée, et à agir ainsi davantage en amont plutôt que de se contenter de gérer des crises résultant, bien souvent, d’un niveau de pauvreté et de fragilité encore trop important.
Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Secrétaire général adjoint de la revue “Population & Avenir” (La revue des populations et des territoires)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec,
Auteur du “Petit dictionnaire du Monde francophone” (L’Harmattan, Avril 2015)
[1] ZEE comprise, la superficie totale sous souveraineté Française est de 11,7 millions de km2.
[2] Comme dans le cadre de la mission EUTM-Mali, lancée en 2013 (L’Afrique est notre avenir, Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, Sénat, octobre 2013).
[3] Bilan énergétique de la France pour 2015, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
[4] Selon la Direction générale du Trésor (France).
[5] Chiffres calculés à partir des données du Comtrade (ONU) et du CIA World Factbook.
[6] La Guinée équatoriale en 1985 (ancienne colonie espagnole, partiellement francophone), et la Guinée-Bissau en 1997 (anc. colonie portugaise).
[7] La francophonie et la francophilie, moteurs de développent durable, La Documentation française, août 2014.
[8] L’Algérie a organisé son premier « Forum africain d’investissements et d’affaires », en décembre 2016.
[9] Rapport général n°140 relatif au Projet de loi de finances pour 2017, Fabienne Keller et Yvon Collin, Sénat, 11/2016 (la répartition de l’aide multilatérale, établie pour 2014, bénéficie toujours très faiblement aux pays francophones).
[10] ONS, Statistiques on international development, 2016.
[11] Sur un total de 6,7 Mds d’euros d’autorisations de financement accordées à des pays étrangers en 2015, un tiers était consacré à l’Afrique francophone.
[12] Voir note n°2.
Avec une croissance de 3,7 % en 2016, l’Afrique subsaharienne francophone continue à afficher les meilleures performances du continent. Cette situation favorable pourrait, toutefois, être à l’origine d’un accroissement de la pression migratoire en provenance du reste du continent.
Pour la troisième année consécutive, et pour la quatrième fois en cinq ans, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances économiques du continent, selon les données fournies par le rapport “Perspectives économiques mondiales”, publié en janvier par la Banque mondiale. Cet ensemble de 22 pays a enregistré une croissance globale de 3,7 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne affichait un taux de 0,8 %.
Une croissance globale assez stable
La croissance subsaharienne francophone n’a ainsi que légèrement baissé par rapport à 2015, année où elle s’était établie à 4,0 % selon les dernières mises à jour publiées dans ce même rapport. Cette baisse est essentiellement due au ralentissement observé en République démocratique du Congo (RDC), premier pays francophone du monde et dont le PIB a progressé de 2,7 % en 2016, après avoir augmenté de 8,0 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2015.
En zone CFA, ensemble réunissant 13 pays francophones ainsi que la Guinée-Bissau (lusophone), le taux de croissance est demeuré à peu près inchangé, à 3,9 % (3,8 % en 2015). En Afrique de l’Ouest, les pays francophones de l’espace UEMOA ont enregistré une progression globale supérieure à 6 % pour la quatrième fois en cinq ans (6,3 %). Si la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont réalisé les meilleures performances (resp. 7,8 % et 6,6 %), la croissance a continué à être robuste dans les autres pays, notamment au Mali où elle s’est établie à 5,6 %, après avoir été de 6,0 % en 2015 et de 7,0 % en 2014. Au sein de l’UEMOA, qui compte huit pays membres (dont la Guinée-Bissau), le Bénin a été le seul pays francophone à connaître une hausse du PIB inférieure à 5 % (4,6 %). Sur l’ensemble de l’Afrique, 9 des 13 pays ayant enregistré un taux supérieur ou égal à 5 % étaient francophones, dont trois situés hors UEMOA : la Guinée (5,2 %), le Cameroun (5,6 %) et Djibouti (6,5 %, soit plus de 6 % pour la troisième année d’affilée).
Ailleurs sur le continent, quatre autres pays ont donc franchi la barre des 5 %, à savoir l’Éthiopie (révision à la hausse à 8,4 %), la Tanzanie (6,9 %), le Rwanda (6,0 %) et le Kenya (5,9 %). La performance de l’Éthiopie résulte notamment de son très faible niveau de développement (620 dollars/hab. début 2016), bien éloigné de celui de pays comme la Côte d’Ivoire (1400 dollars/hab) dont la performance n’en est que plus impressionnante. Ces bons résultats n’ont donc pas suffi à compenser les mauvais chiffres de pays comme l’Angola, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe (tous trois à 0,4 %), la Gambie (0,5 %), ou encore de pays souffrant, entre autres, de graves problèmes sécuritaires sur tout ou partie de leur territoire exploitable, comme le Nigéria (-1,7 %) et le Soudan du Sud (-13,1 % selon les estimations du FMI en octobre dernier, faute de données plus récentes).
Les bons chiffres de l’Afrique subsaharienne francophone résultent donc, en partie, de la meilleure résistance de la majorité des pays producteurs d’hydrocarbures et de minerais à la chute des cours. L’amélioration du climat des affaires, les avancées en matière de bonne gouvernance (succès de l’ITIE – Initiative pour la transparence des industries extractives…) ainsi que les ambitieux programmes de diversification ont donc commencé à porter leurs fruits. Et ce, en particulier au Cameroun et au Gabon qui ont observé, respectivement, une croissance de 5,6 % et de 3,2 %. Même chose d’ailleurs pour l’Algérie, plus au nord et première économie francophone du continent, qui a réalisé une croissance de 3,6 %, soit la meilleure performance du Maghreb et de l’ensemble des pays exportateurs de pétrole d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (hors cas particuliers de l’Iraq et de l’Iran).
Une moyenne de 4,6 % sur la période 2012-2016
Sur la période quinquennale 2012-2016, l’Afrique subsaharienne francophone aura donc enregistré une croissance annuelle de 4,6 % en moyenne. Le chiffre, arrondi, est le même pour la zone CFA, où il s’établit toutefois à 6,3 % pour les pays francophones de l’UEMOA (comme pour 2016). En Afrique subsaharienne non francophone, la moyenne annuelle aura été de 3,2 % (3,1 % pour la partie anglophone).
Hors Guinée équatoriale, pays partiellement de langue française et ancienne colonie espagnole, la croissance subsaharienne francophone a même été de 5,2 % (et de 4,4 % en 2016). Situé en Afrique centrale et membre de la CEMAC, ce petit pays de 0,8 million d’habitants, le plus faiblement peuplé du continent (hors petits États insulaires), constitue un cas particulier en ce sens qu’il était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir sa production commencer à décliner dès le début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il vient donc d’achever sa quatrième année consécutive de croissance négative (-5,7 % en 2016, et même -8,3 % en 2015).
Une pression migratoire à surveiller
Les bons résultats des pays francophones risquent toutefois d’augmenter la pression migratoire en provenance du reste du continent. Notamment au sein de l’espace CEDEAO, qui consacre la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres et où les écarts de croissance sont considérables, y compris avec un pays comme le Ghana dont la croissance a été plus de deux fois inférieure à celle de la Côte d’Ivoire voisine sur ces trois dernières années. D’autant plus que les prévisions pour l’année en cours demeurent assez pessimistes pour la Gambie (0,8 %), mais aussi pour le Nigéria (1,0 %), pays le plus peuplé du continent et qui compterait déjà plus de cinq cent mille ressortissants en Côte d’Ivoire.
Ces derniers s’ajoutent, d’ailleurs, à une communauté nigériane d’au moins deux millions de personnes se trouvant au Cameroun, pays non membre de la CEDEAO, mais limitrophe et jouissant, lui aussi, d’une économie plus dynamique. La pression migratoire en provenance du Nigéria pourrait même n’en être qu’à ses débuts, quel que soit le rythme de développement futur du pays. Et ce, compte tenu de sa forte densité de population, rare sur le continent, et qui ne fait qu’augmenter d’année en année (215 hab./km², début 2017).
Afin de préserver leur stabilité sur le long terme, les pays francophones seront peut-être amenés à maîtriser davantage leurs frontières. Pour ceux faisant partie de la CEDEAO, ceci pourrait d’abord se faire par la remise en cause de certains principes régissant cet espace, sans nécessairement toucher à la liberté de circulation.