Discours d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication,

Discours d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication,
prononcé lors de l’ouverture des Entretiens du mécénat
Paris, le 5 novembre 2013
Monsieur le Ministre, Cher Jean-Jacques Aillagon,
Monsieur le Sénateur, Cher Daniel Percheron,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les présidents et directeurs généraux,
Mesdames et messieurs les mécènes,
Chers amis,
Les Entretiens du mécénat qui nous réunissent aujourd’hui et demain au Grand
Palais témoignent de la vitalité et de la diversité de la culture du mécénat sur tout
notre territoire. Cette culture du mécénat n’est pas limitée à Paris ni aux grandes
entreprises ; elle s’est répandue partout, depuis dix ans, sur tous nos territoires et
dans tous les types d’entreprises et d’institutions culturelles.
Cette culture du mécénat, nous le savons, a longtemps été insuffisante en
France. Avant la loi de 2003, on nous disait que le fait de se consacrer au
mécénat n’était pas dans la tradition française, que cette tradition française allait
plutôt vers le soutien public à la culture. Finalement, cette loi a montré, fort
pertinemment, qu’il n’y avait pas d’incohérence ou d’incompatibilité entre des
politiques publiques volontaristes de soutien à la culture, comme nous le faisons
et continuerons de le faire avec vigueur, et un investissement privé, qu’il vienne de
particuliers ou d’entreprises, en direction de la culture. Au contraire, il y a une
grande complémentarité et ce n’est pas parce que l’un se désengage que l’on
attend que l’autre prenne le relais. Ce n’est pas un déficit de l’un qui justifie que
l’on essaye de faire monter l’autre. C’est au contraire un approfondissement du
lien très fort qui existe entre les Français et la politique culturelle qui justifie, d’un
côté, que l’on continue à soutenir de manière extrêmement ambitieuse la politique
nationale et les politiques des collectivités territoriales en faveur de la culture – des
collectivités territoriales extrêmement engagées, la région Nord Pas-de-Calais en
est l’exemple et le symbole – et de l’autre côté, une dynamique nouvelle de
mécénat privé qui vient renforcer cette citoyenneté culturelle dont les Français
sont si fiers.
Aujourd’hui, vous représentez tous ici cet élan : élus, acteurs culturels, dirigeants
des établissements publics ou des nombreuses structures qui font vivre la culture
dans nos territoires, mais aussi acteurs du monde de l’entreprise, représentants
des fondations et des associations impliquées dans des actes de mécénat. Vous
vous êtes tous mobilisés pour évoquer ensemble le bilan de ces dix dernières
années et envisager les évolutions souhaitables et les perspectives de cette loi
fondatrice.
Avant de tracer ces perspectives, je voudrais rappeler les bénéfices et bienfaits de
cette belle avancée. Cette loi avait été portée avec force par Jean-Jacques
Aillagon en 2003, nous donnant un cadre juridique et un dispositif fiscal incitatif,
solide, pérenne, exemplaire et d’ailleurs tout à fait unique au monde. Je le dis et je
le répète : ce dispositif existe, a été consolidé l’année dernière et une fois pour
toute pour cette mandature. Les débats budgétaires n’ont d’ailleurs absolument
pas donné lieu, cette année, à de nouvelles attaques ou critiques à l’encontre de
notre système de mécénat. Ce débat est tranché et la stabilité fiscale est là pour
les quatre années à venir en matière de soutien au mécénat.
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Pourquoi d’ailleurs cette stabilité fiscale ? Parce que ce dispositif a fait ses
preuves, qu’il est efficace et qu’il ne demande aujourd’hui qu’à être si possible
étendu et appliqué à d’autres. Il demande aussi à être mieux connu, et je pense
que nous avons un grand effort à fournir pour populariser encore d’avantage ce
dispositif, à destination des plus petites entreprises et des particuliers, là où des
marges de progression importantes sont possibles.
Félicitons nous aujourd’hui du fait que plus de 30 000 entreprises de toutes tailles
et plus de 5 millions de foyers fiscaux participent au mécénat et utilisent les
dispositions de la loi de 2003. Et le mécénat d’entreprise est l’un des principaux
contributeurs de la culture, qui bénéficie de plus d’un quart du volume des fonds
apportés par les entreprises.
L’image du mécénat a aussi considérablement évolué : pour les entreprises et les
mécènes, qu’ils soient grands philanthropes ou simples particuliers, c’est un moyen
de s’ouvrir à la créativité, de marquer un intérêt pour le secteur de l’art et de la
culture mais aussi un moyen de créer un sentiment d’appartenance au sein de
l’entreprise, un sentiment de citoyenneté culturelle au sein de ces entités, un
sentiment de fierté partagée de participer à des projets culturels au service de
l’intérêt général. Les retombées positives, à l’intérieur même du monde de
l’entreprise et au sein de l’univers des salariés, ne sont là encore plus à démontrer.
Il faut arrêter de considérer que le mécénat ne serait qu’un outil d’optimisation
fiscale. Non, le mécénat est bien un outil de citoyenneté culturelle, aussi bien pour
les entreprises et leur salariés que pour les particuliers.
La loi a permis une prise de conscience essentielle : le mécénat n’a pas vocation à
subvenir aux fins de mois difficiles pour des engagements publics défaillants, ce
n’est pas non plus le symptôme d’une culture abandonnée aux lois aveugles du
marché, c’est le signe d’une participation massive de la société civile à la vie de la
culture. Le mécénat permet de le faire encore mieux et encore plus. Et puisque
Jacques Pfister, président de l’association de Marseille-Provence 2013, est là
aujourd’hui, je veux saluer la réussite et les excellents chiffres de participation de
toutes les initiatives qui ont marqué et qui continuent de jalonner l’année 2013 à
Marseille-Provence. Cette réussite, alors même que certains ironisaient déjà, avant
le lancement, sur un échec de Marseille-Provence 2013, est aussi le fait de la
mobilisation de l’ensemble de la société civile et de partenaires autour de ce projet.
C’est encore un exemple des bienfaits de la participation des entreprises à nos
initiatives culturelles.
Le succès de cette loi est indéniable et je citerai encore trois chiffres et quelques
exemples qui suffisent à le démontrer :
– 3 milliards : c’est le montant des dons déclarés sur la seule année 2012, contre 1
milliard en 2004.
– 494 millions d’euros : c’est la part du mécénat culturel des entreprises en 2012,
selon l’estimation d’Admical.
– 67 : c’est le nombre d’acquisitions majeures de « trésors nationaux » que l’État a
pu réaliser au cours de ces dix dernières années pour un montant de 170 millions
d’euros, grâce au soutien des entreprises mécènes. Ce sont 67 oeuvres majeures
qui sont venues enrichir nos collections nationales à travers tout le territoire.
Pour ne prendre qu’un exemple, le « Chêne de Flagey » de Gustave Courbet, exposé
désormais au musée Gustave Courbet, a été acquis grâce à une large souscription
en partie qui a permis à plus de 15 000 mécènes d’investir – pour certains des
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toutes petites sommes – afin de participer au retour dans sa terre d’origine de ce
chef d’oeuvre de Courbet.
De la même manière, sans le mécénat, l’embellissement du domaine de Versailles
et la rénovation de certains départements du Louvre n’aurait pas été possible, ou
du moins pas à la même hauteur. Le Palais de Tokyo ne développerait pas non
plus environ un quart de ses activités. Quand au Grand Palais, Jean-Paul Cluzel a
rappelé à quel point son activité était aussi évidemment soutenue par le mécénat.
C’est pour ces raisons là, cette pertinence, que j’ai tenu à défendre
vigoureusement les dispositifs fiscaux en faveur du mécénat et à inscrire
désormais, pour chacun d’entre vous, le principe de cette stabilité fiscale en faveur
du mécénat désormais ancrée dans cette mandature.
La loi a aussi permis aux opérateurs culturels et aux entreprises de mieux se
comprendre et s’apprécier. Elle a ouverts aux particuliers la possibilité de se
rapprocher de ceux qui font la culture et de s’approprier directement certaines de
leurs actions. C’est un acquis considérable sur lequel il me semble désormais
impossible de revenir.
C’est forte de cette conviction que j’ai voulu que mes services travaillent sur
l’élaboration d’une charte éthique du mécénat qui permettra d’encadrer les
pratiques et surtout de donner un cadre de référence qui pourra être un appui pour
chacune des institutions culturelles, en particulier face à certaines questions qui
peuvent se poser légitimement en fonction des évènements et des opportunités de
mécénat. Le texte clarifiera ainsi les modalités d’application de la législation en
vigueur et formulera des recommandations sur des points qu’elle n’encadre pas
suffisamment, comme la question complexe du mécénat de compétences. Il s’agira
vraiment d’un document d’appui et de soutien. La publication de cette charte
viendra clôturer le calendrier des manifestations organisées autour de ce 10ème
anniversaire de la loi de 2003. Je souhaite bien évidemment qu’elle soit d’abord
appliquée et utilisée, de manière exemplaire, par les établissements culturels qui
dépendent de l’État.
S’il est indispensable de définir les principes du mécénat pour mieux l’encadrer et
mettre en avant les bonnes pratiques, nous devons aussi aller plus loin dans la
mise en oeuvre de la loi 2003.
Il y a encore des progrès à faire. Le mécénat doit refléter la diversité culturelle de
notre pays. Or, nous le savons, il est aujourd’hui beaucoup plus facile de
rassembler des mécènes pour l’opéra que pour le théâtre. Il faut changer cela et
diversifier les ressources et les endroits où vont ces ressources. Nous devons
porter le mécénat au plus près des réalités culturelles de notre pays sur tout le
territoire.
Parmi les perspectives que nous pourrions envisager ensemble pour répondre aux
enjeux culturels d’aujourd’hui et donner un nouveau souffle à cette loi fondatrice, il
y a d’abord le nouveau mécénat d’entreprise. Nous connaissons tous l’effort
indéniable et constant des grandes sociétés et des fondations qu’elles ont créées,
je veux le saluer ici, d’autant plus qu’il se maintient dans des temps
économiquement plus difficiles. Pour relayer et amplifier cet effort, au plus près des
territoires, je souhaite que les petites et moyennes entreprises puissent être les
nouvelles forces vives du mécénat. Parce qu’elles contribuent par leur action à
l’attractivité et au dynamisme de nos territoires, nous devons encourager leur
engagement au service de l’intérêt général. De même qu’il nous faut favoriser
l’implication des salariés dans les actes de mécénat culturel de leur entreprise.
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Vous connaissez ma volonté de faire entrer l’art dans l’entreprise pour faire tomber
les murs entre le monde de la culture et celui du travail. Cela passe aussi par le
mécénat. Je ne désespère pas de convaincre mes collègues du ministère du
budget et de l’économie et des finances de réfléchir avec moi sur des dispositions
plus adaptées pour les accompagner dans leur effort.
Dans cette attente, je sais pouvoir compter sur l’appui des réseaux des experts
comptables et des chambres de commerce, qui ont su développer des dispositifs
très efficaces de conseils aux entreprises.
Cela nous permet d’aborder la question du mécénat de proximité. Il nous faut
soutenir cette forme de mécénat qui permet de soutenir des projets artistiques et
patrimoniaux dans nos régions au plus près des réalités culturelles de notre
territoire. Et multiplier les expériences qui réunissent des PME locales engagées
collectivement pour soutenir les actions et les projets qui font vivre la culture dans
notre pays. Une étude sur « les pratiques locales de mécénat et parrainage
culturels » a d’ailleurs été confiée par le DEPS, en lien avec la mission du mécénat,
à une équipe de chercheurs de l’École supérieure de management de Bordeaux
(BEM) autour d’Anne Gombault, Florine Livat et Catherine Morel. Les résultats de
ce travail innovant nous seront présentés début 2014. Ils devraient nous éclairer
sur la collaboration entre les porteurs de projets culturels, les intermédiaires et les
mécènes pour là encore nous permettre de saisir tous les enjeux du mécénat de
proximité afin de l’améliorer.
Mécénat de proximité mais aussi mécénat populaire. Les particuliers sont de plus
en plus nombreux à soutenir par leurs dons le patrimoine ou la vie artistique, et
s’engager ainsi activement dans la vie culturelle de notre pays. Nous devons
encourager les nouvelles formes de philanthropie qui placent le citoyen au coeur du
dispositif. Dans ce cadre, les notaires ont développé un travail remarquable de
sensibilisation. Les grandes fondations, comme la fondation de France, que je veux
saluer ici, sont également au coeur de la mobilisation de nos concitoyens. Là
encore, je pense que cela ne suffit pas et que nous devons contribuer par une
vaste campagne publique d’information à destination de tous les particuliers à
mieux faire connaître les dispositifs de la loi de 2003 sur le mécénat. Je
m’emploierai donc, avec ma collègue Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de
la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, à lancer une
initiative pour une large communication publique autour de nos dispositifs en faveur
du mécénat.
Je veux aussi maintenant parler des nouvelles formes de mécénat puisque les
nouvelles technologies créent des conditions particulières et des nouvelles
pratiques liées au numérique à travers les réseaux sociaux et les plateformes de
financement participatif (crowdfunding) car elles permettent de toucher un public
différent, plus large et plus jeune. L’orchestre National d’Ile de France a lancé très
récemment une campagne de dons pour une opéra jeune public. Le Centre
national des arts plastiques vient également de déclencher une campagne
semblable pour la rénovation du Cyclop de Jean Tinguely et Nikki de Saint Phalle.
Je souhaite que nous puissions utiliser ces nouveaux supports numériques et
favoriser ce type d’initiative. Cela nous permet d’ailleurs de toucher les jeunes
mécènes. On constate une augmentation du nombre des jeunes mécènes, un
appétit nouveau, et la multiplication des cercles de jeunes philanthropes. C’est une
évolution extrêmement positive qui traduit cette sensibilité des plus jeunes à la
citoyenneté culturelle, peut-être d’ailleurs parce que cela leur semble plus naturel
et qu’ils ne voient aucune contradiction à avoir des politiques publiques de soutien
à la culture et une participation personnelle, privée, citoyenne en faveur du soutien
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à la culture. Nous sommes en train d’inventer un modèle français, dont nous
sommes fiers.
J’ai entendu la suggestion de Jean Jacques Aillagon d’étendre le dispositif des
« trésors nationaux » à nos grands monuments sur la base d’une liste établie tous
les deux ans. Il faut réfléchir à ces propositions, à celles que vous pourrez faire au
cours de la journée. Encore une fois, je pense que notre objectif doit être d’élargir
le plus vigoureusement possible l’information, pour toucher le plus grand nombre
de personnes et d’entreprises afin que ce mécénat irrigue la plus grande diversité
possible d’institutions et d’initiatives culturelles. L’un n’ira pas sans l’autre. Pour
éviter qu’il y ait une sorte de captation des fonds du mécénat au profit exclusif de
quelques grandes institutions ou de quelques grands monuments – on voit bien
l’intérêt populaire que nous aurions à lancer ce genre de campagnes pour tel ou tel
grand monument – cela ne doit pas être contradictoire ou exclusif d’une
participation à des évènements plus localisés. Cela mérite réflexion et je suis
évidemment extrêmement sensible au travail de la fondation du patrimoine,
notamment sur le mécénat de proximité.
Alors que nous réfléchissons ensemble au bilan de la loi de 2003 et au mécénat de
demain, je voudrais que nous gardions à l’esprit que ce qui est en jeu, avec le
mécénat, c’est la capacité d’initiative de la société civile à se saisir des sujets
culturels et son influence considérable sur la vie culturelle de notre pays.
Évidemment, en période de crise, nous avons besoin de ce soutien à la culture
mais il ne s’agit pas seulement d’un besoin financier mais d’un besoin de
participation très forte, un besoin presque affectif de renforcer encore cette
citoyenneté culturelle.
Cette générosité performative et cette énergie mobilisatrice doivent se diriger aussi
vers ceux qui construiront la culture aujourd’hui vers tous les enfants et les jeunes
qui sont l’avenir de notre démocratie culturelle, vers les territoires les moins
irrigués. C’est cela la démocratie culturelle. L’éducation artistique et culturelle est la
priorité du ministère de la Culture et de la Communication. Cela dépasse tous les
champs disciplinaires et c’est pour moi, absolument structurant en matière de
politique culturelle. L’éducation artistique et culturelle est aussi l’un des champs sur
lequel le mécénat peut avoir évidemment un rôle tout à fait important à jouer. Je
souhaite que des initiatives soient prises dans ce domaine et qu’elles puissent
s’amplifier avec le plein engagement de l’État dans les années à venir.
Je vous remercie.
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