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Bertrand Tavernier

 

Bertrand Tavernier, né le  à Lyon et mort le  à Sainte-Maxime, est un réalisateurscénaristeproducteur et écrivain français, président de l’Institut Lumière. Il est le père du réalisateur et comédien Nils Tavernier et de la romancière Tiffany Tavernier.

Fils de l’écrivain et résistant lyonnais René Tavernier, il fut d’abord assistant-réalisateur, attaché de presse (notamment pour Stanley Kubrick) et critique avant de passer à la mise en scène avec L’Horloger de Saint-Paul, son premier succès critique, à la base d’une longue collaboration avec l’acteur Philippe Noiret (Que la fête commenceLe Juge et l’AssassinCoup de torchonLa Vie et rien d’autreLa Fille de d’Artagnan).

Éclectique, il a abordé plusieurs genres cinématographiques, de la comédie dramatique (Un dimanche à la campagneDaddy Nostalgie) au film de guerre (Capitaine Conan) en passant par le film historique (Laissez-passerLa Princesse de Montpensier) ou le polar (L.627L’Appât). Plusieurs de ses films ont été récompensés, en France et à l’étranger (dont Autour de minuit qui remporta un Oscar et fut nommé aux Golden Globes).

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et débuts[modifier | modifier le code]

Le père de Bertrand Tavernier, René Tavernier, écrivain et fondateur de la revue Confluences, publia sous l’Occupation de grandes plumes comme Paul Éluard et Louis Aragon1 ; ce dernier vécut pendant la Seconde Guerre mondiale avec son épouse Elsa Triolet au-dessus du domicile des Tavernier. Selon Bertrand Tavernier, c’est pour sa mère, Geneviève Dumond (1918-2002), que fut écrit l’un des plus beaux poèmes d’Aragon, Il n’y a pas d’amour heureux2. Plus tard, en 1965, en tant qu’attaché de presse pour Jean-Luc Godard, il invita Aragon à voir Pierrot le fou dont le poète fit l’éloge à travers un article devenu fameux, « Qu’est ce que l’art, Jean-Luc Godard » dans les Lettres françaises3.

Ses parents quittent Lyon pour Paris en 1950 car René Tavernier est un mauvais gestionnaire et sa revue Confluences ne marche plus. Ils envoient leur jeune fils trois ans en pension à l’école Saint-Martin-de-France dirigée par la congrégation des Oratoriens où il fait l’expérience du sadisme et de l’humiliation4. Il découvrit le cinéma dans un séjour au sanatorium se soignant de la tuberculose, son premier film marquant est Dernier Atout5. Après avoir réussi son baccalauréat à la seconde tentative, il entame des études de droit à la Sorbonne où il fonde avec des amis l’Étrave, revue d’étudiants sur le cinéma. Passionné de cinéma depuis l’âge de douze ans, il a notamment fréquenté la cinémathèque, fondé avec des amis en 1961 un ciné-club, le Nickel Odéon, pour promouvoir les genres dédaignés (westerns, films noirs, comédies musicales). Il commence à gagner sa vie en faisant des piges pour Télérama puis devient critique à Cinéma 59 ou 606.

Il fait ses débuts dans le cinéma comme assistant de Jean-Pierre Melville (Léon Morin, prêtre), expérience qu’il évoque dans le documentaire Sous le nom de Melville réalisé par Olivier Bohler.

Il est également attaché de presse à plein temps entre 1964 et 19747, notamment pour Stanley Kubrick sur 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968), Orange mécanique (1971) et Barry Lyndon (1975).

Critique de cinéma[modifier | modifier le code]

Cinéphile passionné, Bertrand Tavernier a écrit plusieurs ouvrages importants sur le cinéma américain notamment, donné de nombreuses conférences et participe régulièrement à des bonus DVD. Dans les années 1960, il fut l’un des premiers à aller interviewer des réalisateurs étrangers et à analyser thématiquement leurs filmographies8. Outre les metteurs en scène connus, tels John FordRaoul Walsh ou John Huston, il contribua à faire connaître en France Delmer DavesAndré De Toth ou Budd Boetticher (dont il programmait les films avec son ciné-club, le « Nickel Odéon ») et participa, entre autres avec Martin Scorsese, à la redécouverte de l’œuvre de Michael Powell. En outre, il engagea pour ses films des scénaristes français des années 1950 comme Jean Aurenche ou Pierre Bost.

Comme critique cinématographique, il collabore dans les années 1960 à plusieurs revues : Les Cahiers du cinémaCinémaPositifPrésence du cinémaetc.

Réalisateur et producteur[modifier | modifier le code]

Il se démarque des réalisateurs de sa génération par la volonté de redonner une place primordiale à une narration passée à la trappe à la fin des années 1950. Il redonne ainsi leur chance à de grands scénaristes et dialoguistes restés sur le bord du chemin, principalement à Jean Aurenche et Pierre Bost (« bêtes noires », avec le réalisateur Claude Autant-Lara, de François Truffaut dans son article Une certaine tendance du cinéma français). Grand cinéphile, il fait redécouvrir des auteurs comme Jean-Devaivre dont il adapte l’autobiographie dans son film Laissez-passer. Si son goût le porte parfois vers les « films à costumes », il ne s’éloigne jamais des préoccupations contemporaines et son art reste profondément enraciné dans notre époque.

Bertrand Tavernier exprime, au gré de ses films, son aversion contre les injustices, son engagement contre la guerre, le racisme, les côtés sombres du colonialisme, la peine de mort et son combat contre les travers de nos sociétés contemporaines : délinquance, violence, chômage, misères physique et affective, drogue, sida, etc.

Certains longs métrages plus apaisés ou nostalgiques sont, à plusieurs reprises, imprégnés de la figure du père ou du temps qui passe et que l’on ne peut retenir (Un dimanche à la campagneDaddy nostalgie).

Pour le réalisateur, la musique n’est jamais comme plaquée et fait toujours corps avec l’image. Dans ses premiers films tout particulièrement, une importante scène musicale ponctue le film et annonce un drame imminent : un chanteur des rues (Le Juge et l’Assassin), la scène de la guinguette (Un dimanche à la campagne), etc.

Ses amitiés et fidélités professionnelles donnent aussi un ton à son cinéma : Aurenche et Bost mais aussi Alain et Philippe SardeMarc PerronePhilippe NoiretPhilippe Torreton et, plus tard, Jacques Gamblin. De manière paradoxale, sa filmographie, aux sujets et aux traitements très divers, reste tiraillée entre sa défense pour un cinéma français fort et indépendant et sa fascination pour une certaine culture nord-américaine[réf. nécessaire].

Producteur (sa société se nomme Little Bear production), il exerce aussi des activités associatives (président de l’Institut Lumière9, à Lyon).

Procès de Jean-Claude Brisseau[modifier | modifier le code]

Auditionné lors du procès de Jean-Claude Brisseau pour harcèlement sexuel, Bertrand Tavernier met en cause les essais organisés par ce dernier avec des comédiennes pour préparer son film Choses secrètes10. L’actrice Noémie Kocher, plaignante, se confie auprès de lui et indique avoir « trouvé une épaule très réconfortante »11,12.

Vie privée[modifier | modifier le code]

Bertrand Tavernier est le père de Nils Tavernier, également réalisateur, mais aussi comédien, et de la romancière Tiffany Tavernier, tous deux issus de son union avec Colo Tavernier. Il a connu au lycée Henri-IV à Paris Volker Schlöndorff13, devenu depuis parrain de son fils.

Il est un hôte assidu de Sainte-Maxime, dans la villa familiale, depuis sa plus tendre enfance14.

Il meurt à Sainte-Maxime le 15.

Hommages[modifier | modifier le code]

En , il est choisi pour présider la deuxième cérémonie des Magritte du cinéma, qui récompense le cinéma belge.

Le , il est invité pour une journée spéciale sur France Musique. En , il est le parrain des 50 ans des cinémas Studio à Tours, le plus grand complexe de cinémas indépendants « art et essai » de France.

Il est représenté sur la Fresque des Lyonnais.

En 1998, la toute nouvelle salle du cinéma municipal du Buisson-de-Cadouin Louis Delluc (né à Cadouin) est baptisée en son nom et en sa présence.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Réalisateur[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Scénariste[modifier | modifier le code]

Dialoguiste[modifier | modifier le code]

Production[modifier | modifier le code]

Acteur ou intervenant[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

En 1970, Bertrand Tavernier publie avec Jean-Pierre Coursodon 30 ans de cinéma américain (éd. C.I.B.), qui est considéré par beaucoup de cinéphiles comme la bible française sur ce sujet. L’ouvrage connaît une nouvelle édition en 1991 sous le titre 50 ans de cinéma américain (éd. Nathan), puis est révisé et mis à jour en 1995 (éd. Nathan, coll. « Omnibus ») sous le même titre. Lors des rééditions, les notules de la précédente édition sont conservées, avec des évolutions en fonction de l’évolution de la filmographie, de la disponibilité en vidéo ainsi que de nombreuses réévaluations critiques, surtout sur le trio très éreinté George StevensWilliam WylerFred Zinnemann.

En décembre 2012, il annonce dans les commentaires de son blog préparer une troisième édition sous le titre de 70 ans de cinéma américain. Le projet change et devient 100 ans de cinéma américain qui doit sortir en 2021.

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Coursodon et Tavernier, 30 ans de cinéma américain, Paris, éditions C.I.B., 1970, 675 p.
  • Coursodon et Tavernier, 50 ans de cinéma américain, Paris, éditions Nathan, 1991, 1246 p. (ISBN 2-09-241002-4)
  • Qu’est-ce qu’on attend ?, Paris, Éditions du Seuil, , 259 p. (ISBN 978-2-02-020301-2)
  • Amis américains : entretiens avec les grands auteurs d’Hollywood, coédition Institut Lumière/Actes Sud, 1993, 828 p. (ISBN 2-7427-0056-0)
  • Avec Dominique Sampiero et Tiffany TavernierÇa commence aujourd’hui, Paris, Éditions Mango, , 97 p. (ISBN 978-2-84270-135-2)
  • Avec Patrick RotmanLa Guerre sans nom : Les appelés d’Algérie 54-62, Paris, Éditions du Seuil, , 305 p. (ISBN 978-2-02-014620-3)
  • Avec Michel Mercier, La Vie en couleur ! : centenaire de l’Autochrome Lumière, plaques autochromes Lumière 1904-1935, Lyon, France, Institut Lumière, , 56 p. (ISBN 978-2-909870-02-1)
  • Pas à pas dans la brume électrique, Paris, Éditions Flammarion, , 267 p. (ISBN 978-2-08-123311-9)
  • La Princesse de Montpensier, Paris, Éditions Flammarion,  (ISBN 978-2-08-124588-4)
  • Avec Noël SimsoloLe Cinéma dans le sang, Paris : Écriture, coll. « Essais et entretiens », 2011

Articles16[modifier | modifier le code]

Radio[modifier | modifier le code]

Bertrand Tavernier participe à l’émission de radio hebdomadaire Cinéfilms sur France Inter.

Distinctions et nominations[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1.  Voir la page du Ciné-club de Caen [archive].
  2.  Interview de B. Tavernier par Laurent Ruquier dans l’émission On va s’gêner du 31 janvier 2013 à Angoulême.
  3.  Norbert Czarny, Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier : Les Fiches Cinéma …, Encyclopaedia Universalis, « Voyage à travers le cinéma français (2016) ».
  4.  (en) Stephen Hay, Bertrand Tavernier. The Film-maker of Lyon, I.B.Tauris, p. 7.
  5.  Voyage à travers le cinéma français.
  6.  Jean-Claude Raspiengeas, Bertrand Tavernier, Flammarion, p. 76.
  7.  « Bertrand Tavernier est mort : l’aventure d’un cinéphile devenu réalisateur majeur » [archive], sur Franceinfo (consulté le 25 mars 2021).
  8.  Tavernier B., Amis Américains, entretiens avec les grands auteurs d’Hollywood, Arles, Institut Lumière/Actes Sud, 2008, p. 25.
  9.  Bertrand Tavernier sur Lumiere.org [archive].
  10.  Voir sur telerama.fr. [archive].
  11.  Lénaïg Bredoux, « Noémie Kocher, victime de Brisseau : « On a tellement été niées » » [archive], sur Mediapart (consulté le21 novembre 2019).
  12.  Voir sur nouvelobs.com. [archive].
  13.  « Volker Schlöndorff, conteur d’Allemagne », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne [archive], consulté le 25 mars 2021).
  14.  Bertrand Tavernier généreux cinéphile [archive], sur varmatin.com, consulté le 25 mars 2021.
  15.  Véronique Cauhapé, « Mort de Bertrand Tavernier, inlassable cinéaste et amoureux vorace du septième art », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive]).
  16.  Voir liste des articles écrits par Bertrand Tavernier [archive] sur Calindex.eu.
  17.  Voir sur cairn.info. [archive].

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Danièle Bion, Bertrand Tavernier : cinéaste de l’émotion. Paris : Bibliothèque du cinéma, coll. « 5 continents », 1984
  • Jean-Luc Douin, Tavernier. Paris : Mensuel cinéma, coll. « Cinégraphique », 1988
  • Jean-Luc Douin Bertrand Tavernier. Paris : Ramsay, coll. « Ramsay Biograph », 1999
  • Jean-Luc Douin, Bertrand Tavernier, cinéaste insurgé. Paris : Ramsay, coll. « Poche cinéma », 2006
  • Jean-Dominique Nuttens, Bertrand Tavernier, Rome : Gremese, coll. « Les grands cinéastes », 2009
  • Jean-Claude RaspiengeasBertrand Tavernier, Paris : Flammarion, 2001
  • Thomas Pillard, Bertrand Tavernier – Un dimanche à la campagne, Neuilly : Atlande, coll. « Clefs concours cinéma », 2015
  • Lynn Anthony Higgins, Bertrand Tavernier, Manchester University Press, coll. « French Film Directors », 2011
  • Michel Mourlet, « Tavernier, le regard droit », chapitre de L’Écran éblouissant, Presses universitaires de France, 2011

Liens externes[modifier | modifier le code]

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