Yves Boisset nous a quittés RIP

Yves Boisset

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Yves Boisset, né le  à Paris et mort le  à Levallois-Perret, est un réalisateur français.

Réputé pour défendre un cinéma à la fois populaire et le plus souvent engagé à gauche durant les décennies 1970 et 1980, Yves Boisset affectionne une certaine spécialité dans les films policiers ou d’action : il met souvent en scène des films critiques contre la politique conservatrice de droite, les dérives policières ou de l’armée, contre le racisme ordinaire ou la calomnie ou encore, une critique acerbe des médias et d’un certain type de Télé poubelle commerciale.

Biographie

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Jeunesse et formation

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Yves Félix Claude Boisset naît le  dans le 5e arrondissement de Paris[1]. Sa mère est professeur d’allemand et son père professeur de lettres puis inspecteur général de l’Instruction publique[2]. Alors qu’il a 4 ans, sa nourrice l’emmène au cinéma pour la première fois. En entrant dans la salle, il est si terrifié par une scène de fusillade du film Dernier Atout de Jacques Becker (1942) qu’il doit sortir et en fait une jaunisse[3],[4].

A 17 ans, alors qu’il est en Hypokhâgne au Lycée Louis-le-Grand, il quitte le domicile familial[2]. Il devient journaliste au journal Paris Jour où il couvre les faits divers tout en suivant une licence d’histoire et en entrant à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC)[2],[5]. Passionné de théâtre et de cinéma, Paris Jour lui permet d’interviewer des acteurs et des metteurs en scène. Il rencontre ainsi le réalisateur Yves Ciampi qui lui propose de faire des recherches historiques pour son prochain film Qui êtes-vous, Monsieur Sorge ? puis de devenir son assistant[2],[3],[6].

Carrière

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Yves Boisset collabore à des revues spécialisées (CinémaMidi-Minuit fantastique), ainsi qu’à l’hebdomadaire Les Lettres françaises, et travaille avec Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier à la première édition (1960) de Vingt Ans de cinéma américain. Il devient assistant réalisateur pour notamment Jean-Pierre Melville (L’aîné des Ferchaux), de Claude Sautet (L’Arme à gauche), Sergio Leone (Le Colosse de Rhodes), René Clément (Paris brûle-t-il ?)[4]

Dans les années 1970, il incarne un cinéma de gauche, s’inspirant souvent d’événements réels : la police (Un condé), l’affaire Ben Barka (L’Attentat), le racisme (Dupont Lajoie) pour lequel il demandera une co-écriture du scénario avec Jean-Pierre Bastid et Michel Martens, l’intrusion de la politique dans le judiciaire (Le Juge Fayard dit « le Shériff »). Il est également un des premiers à aborder la guerre d’Algérie (R.A.S.). Il adapte ou co-adapte par ailleurs plusieurs auteurs reconnus : Michel Déon et son Taxi mauveMarie Cardinal avec André Weinfeld pour La Clé sur la porteJean-Patrick Manchette avec Folle à tuerJean Vautrin pour CaniculePhilippe Djian pour Bleu comme l’enfer.

En 1976, il témoigne dans le documentaire Chantons sous l’Occupation d’André Halimi.

En 1980, pour défendre des objecteurs de conscience à qui le statut a été refusé, des personnalités bravent la loi qui réprime l’hébergement d’un assujetti recherché pour insoumission et le revendiquent. Yves Boisset est partie prenante de cet engagement[7],[8],[9].

À partir des années 1990, il se consacre quasiment exclusivement à la télévision (son dernier long métrage de cinéma en date est La Tribu en 1990), avec des réalisations historiques : L’Affaire SeznecL’Affaire DreyfusLe Pantalon (affaire Lucien Bersot, fusillé pour l’exemple), Jean MoulinL’Affaire Salengro. Durant cette période, il ne réussit pas à réaliser Barracuda, un film policier co-écrit avec Jean-Patrick Manchette, ayant pour toile de fond le commerce officiel des armes[10],[11]. Il subira beaucoup de pressions et finira par réécrire le scénario avec Jean Vautrin pour réaliser Canicule.

Ayant enquêté sur les massacres de membres de l’ordre du Temple solaire pour son film Les Mystères sanglants de l’OTS, il a été entendu comme témoin de la défense lors du procès du chef d’orchestre franco-suisse Michel Tabachnik[12]. Il eut également un moment le projet de réaliser un documentaire consacré à l’affaire des « torturées d’Appoigny » (ou « affaire Dunand »), mais semble avoir mis fin à ses recherches du fait de pressions[13].

En 2011, il publie son autobiographie La Vie est un choix.

Yves Boisset meurt le [14] dans l’hôpital de Levallois-Perret, où il était soigné depuis plusieurs jours[15],[16].

Caractéristiques du cinéma d’Yves Boisset

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Réputé pour défendre un cinéma à la fois populaire et le plus souvent engagé à gauche durant les décennies 1970 et 1980[17], Yves Boisset affectionne une certaine spécialité dans les films policiers ou d’action, comme Cran d’arrêt (1970) avec Bruno CremerUn condé (1970) avec Michel Bouquet et Françoise Fabian, où les rôles féminins sont de premier plan, comme pour Folle à tuer (1975) avec Marlène JobertLa Femme flic (1980) avec Miou-MiouCanicule (1984) avec Miou-Miou et Lee Marvin ou encore Bleu comme l’enfer (1986) avec Myriem Roussel et Lambert Wilson[17]. Il met souvent en scène des films critiques contre la politique conservatrice de droite[15], les dérives policières ou de l’armée, comme avec Le Saut de l’ange (1971) avec Jean YanneL’Attentat (1972) avec Jean SebergJean-Louis Trintignant et Michel PiccoliR.A.S. (1973) avec Jacques SpiesserJacques WeberLe Juge Fayard dit « le Shériff » (1978) avec Patrick Dewaere ou encore Espion, lève-toi (1982) avec Lino Ventura et Michel Piccoli[18].

Boisset exploite parfois la provocation et l’ironie contre le racisme ordinaire ou la calomnie, dans Dupont Lajoie (1975) avec Jean CarmetAllons z’enfants (1981) avec Lucas Belvaux et Jean Carmet ainsi que Radio Corbeau avec Claude Brasseur (1989)[19], mais plus rarement, la comédie La Clé sur la porte (1978) avec Annie Girardot ou les films d’action portant une critique acerbe des médias et de la télévision avec Le Prix du danger (1983) avec Gérard LanvinMichel Piccoli et Marie-France Pisier[20].

Au cours de sa carrière, notamment durant le tournage d’Un taxi mauve (1977) avec Charlotte Rampling et Philippe Noiret, il subit des réactions et menaces de milieux politiques conservateurs et extrémistes, notamment ceux du SAC, jusqu’au début des années 1980[21]. En 1991, son dernier long métrage de cinéma La Tribu sort en salle, également très critique envers les milieux d’extrême droite, avec Stéphane FreissCatherine Wilkening et Jean-Pierre Bacri.

Il est récompensé au Festival international du film de Moscou 1973, à la Berlinale 1975 d’un Ours d’argent, mention du prix Interfilm, prix du jury des lecteurs du Berliner Morgenpost pour Dupont Lajoie et reçoit le prix Louis-Delluc 1976 pour Le Juge Fayard dit « le Shériff ».

Son travail pour la télévision est également honoré par deux 7 d’or : en 1994 pour L’Affaire Seznec, et en 1997 pour Le Pantalon. En 2002, il est récompensé au FIPA et reçoit le prix du meilleur scénario pour Jean Moulin.

Filmographie

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Assistant réalisateur au cinéma

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Réalisateur

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Cinéma

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Télévision

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Publication

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  • 2011 : La vie est un choix (mémoires et témoignage), aux éditions Plon

Distinctions

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Récompenses

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Nominations et sélections

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Notes et références

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  1.  Les Gens du cinéma, « Fiche de Yves Boisset [archive] », sur lesgensducinema.com (consulté le )
  2. ↑ Revenir plus haut en :a b c et d Jean-Luc Douin, « Yves Boisset, cinéaste engagé, réalisateur de « Dupont Lajoie » et du « Juge Fayard dit “le Shériff” », est mort [archive] », sur Le Monde (consulté le )
  3. ↑ Revenir plus haut en :a et b « Épisode 1/5 : Yves Boisset : « Enfant, je n’avais aucune idée de ce que pouvait bien être le cinéma. » [archive] », sur Radio France (consulté le )
  4. ↑ Revenir plus haut en :a et b Éric Neuhoff, « Décès d’Yves Boisset, un cinéaste de combat, à 86 ans [archive] », sur Le Figaro (consulté le )
  5.  « entretiens.ina.fr [archive] », sur entretiens.ina.fr (consulté le )
  6.  « Yves Boisset [archive] », sur Bifi (consulté le )
  7.  A. A., « Accueil public d’objecteurs à Lyon », Libération,‎ 
  8.  B.V.D., « « Recel d’insoumis » public à Saint-Genis-Laval », Le Progrès,‎ 
  9.  Alain Desmaris, « Transgression hier à Saint-Genis-Laval Mais les gendarmes ont fait semblant de ne pas voir les insoumis », La Dernière Heure lyonnaise,‎ 
  10.  « Yves Boisset : Barracuda | Jamais sur vos écrans [archive] » (consulté le ).
  11.  Michael Atlan, « Les films que vous ne verrez jamais : Barracuda par Yves Boisset [archive] », sur Slate.fr (consulté le ).
  12.  AFP, 26 octobre 2006 : « Le cinéaste Yves Boisset a affirmé vendredi devant la cour d’appel de Grenoble que les enquêteurs travaillant sur l’ordre du Temple solaire (OTS) et la « tuerie-suicide » en 1995 de seize adeptes de cette secte dans une forêt du Vercors avaient négligé le côté « politico-mafieux » de l’affaire », sur prevensectes.me [archive].
  13.  Documentaire Les Torturées d’Appoigny : l’affaire Claude Dunand. [archive]
  14.  « Le réalisateur Yves Boisset (« Dupont Lajoie », « L’Attentat) est mort à l’âge de 86 ans [archive] », sur tf1info.fr (consulté le )
  15. ↑ Revenir plus haut en :a et b Jean-Luc Douin, « Yves Boisset, cinéaste engagé, réalisateur de « Dupont Lajoie » et du « Juge Fayard dit “le Shériff” », est mort [archive] », sur lemonde.frLe Monde (consulté le )
  16.  « « Dupont Lajoie », « La Femme flic », « Un Condé »… : le cinéaste Yves Boisset est mort à 86 ans [archive] », sur lavoixdunord.fr (consulté le )
  17. ↑ Revenir plus haut en :a et b « Yves Boisset, le réalisateur engagé de « Dupont Lajoie », est décédé. [archive] », sur Lesechos.fr (consulté le ).
  18.  Pierre Murat, « Mort d’Yves Boisset, un cinéaste très politique [archive] », sur Telerama.fr (consulté le ).
  19.  Sophie Grassin, « Ça commence par de petites plaisanteries » : quand Yves Boisset dénonçait le racisme français ordinaire dans « Dupont Lajoie » [archive], sur Nouvelobs.com (consulté le ).
  20.  Avec AFP, « Yves Boisset, le cinéma comme un combat [archive] », sur France24.com (consulté le ).
  21.  Yves Jaeglé, « Mort d’Yves Boisset, le cinéaste le plus censuré de la Ve République [archive] », sur Leparisien.fr (consulté le ).
  22.  (en) Roberto Curti, Riccardo Freda : The Life and Works of a Born Filmmaker, McFarland, , 376 p. (ISBN 9781476669700lire en ligne [archive])p. 325

Liens externes

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