Jeune, Dave Brubeck reçoit une éducation musicale donnée par sa mère, puis par le compositeur français Darius Milhaud. Il rencontre (pour un entretien, une leçon) le compositeur autrichien Arnold Schönberg. Cette relation brève et orageuse avec l’inventeur du dodécaphonisme lui vaut encore aujourd’hui d’être souvent présenté, un peu abusivement, comme « un élève de Schoenberg ».
Étudiant, il fonde avec ses amis le « Jazz Workshop ensemble » qui enregistre, dès 1949, sous le nom de Dave Brubeck Octet et qui deviendra populaire sous la forme de quartet (The Dave Brubeck Quartet) en 1951, rejoint notamment par le saxophoniste Paul Desmond.
Le succès avec son quartet
C’est en 1959 que le succès est à son apogée avec le célèbre album Time Out où l’on trouve les morceaux Blue Rondo a la Turk, Take Five et Three to Get Ready, album très innovant notamment par ses signatures rythmiques atypiques variant d’un morceau à l’autre.
Take Five, premier succès du quartet (composé par Paul Desmond en 1959), est écrit en 5/4. Ce succès est l’un des rares exemples de musique innovatrice qui devient un hit planétaire, au point de paraître aujourd’hui banalisée. Take Five a été mis en paroles par de nombreux artistes dont Al Jarreau et, surtout, Carmen McRae qui l’a chanté avec Dave Brubeck lui-même au piano. En France, en 1966, Claude Nougaro fait de Blue Rondo à la Turk une chanson : À bout de souffle (construit comme le scénario d’un thriller, la chanson emprunte son titre au film éponyme de Godard). Et sur le dernier album de Nougaro, Embarquement immédiat, l’introduction à la batterie de Jet Set est celle de Take Five.
Les expériences rythmiques
Il renouvelle l’expérience en 1961 avec l’album Time Further Out dont la pochette reproduit un tableau de Joan Miró3. Sur cet album, le rythme de chacun des morceaux successifs est inspiré par les chiffres qui figurent en haut du tableau (légèrement à droite).
C’est sur cet album, notamment, que l’on trouve le célèbre morceau Unsquare Dance (7 temps) qui a servi, entre autres, il y a quelques années, de générique pour une émission de télévision française et qui a été repris en 2005 par le chanteur et pianiste Paddy Milner. À l’origine, ce morceau avait été composé pour « décourager » les membres du public des concerts qui ont l’habitude de marquer le rythme en frappant dans les mains, et qui, hélas, se retrouvent souvent à contretemps. À la fin du morceau, on entend le rire de soulagement du batteur, Joe Morello, qui ne pensait pas se tirer si bien de ce difficile exercice4.
Sur ce même album figurent deux morceaux en 5/4, rythme inauguré un peu plus tôt avec Take Five. Dans la version originale sur vinyl, Far More Blue est le dernier morceau de la face A et Far More Drums le premier de la face B, ce qui obligeait l’auditeur à une pause entre les deux, le temps de retourner le disque. Ces deux morceaux contiennent le même thème, mais alors que dans Far More Blue, Dave Brubeck perfectionne sa maîtrise du rythme en 5/4 sur un tempo modéré, Far More Drums est essentiellement un solo de batterie très rapide. Contrairement à Take Five au cours duquel Dave Brubeck maintenait le rythme à 5 temps en sourdine pendant le solo de batterie, dans Far More Drums, Joe Morello joue véritablement seul.
Il jouera ensuite avec ses trois complices une « valse à onze temps », Eleven Four (11/4), que l’on peut notamment entendre sur l’album The Dave Brubeck Quartet at Carnegie Hall5. Bien que le tempo semble, « mathématiquement », fort différent du tempo habituel d’une valse (3/4), ce morceau sonne effectivement comme celui d’une valse mais un auditeur attentif comptera parfaitement les 11 temps.
Le compositeur
Le quartet (lui-même, Paul Desmond, Joe Morello et, à la contrebasse, Eugene Wright) s’est dissous en 1967 mais Dave Brubeck a continué à jouer en trio (piano/basse/batterie) en invitant d’autres musiciens, dont Gerry Mulligan, avec qui il a fait plusieurs tournées et s’est produit, notamment, à Paris.
En tant que compositeur, Brubeck a écrit et, dans certains cas, enregistré plusieurs œuvres de grande envergure, dont deux ballets, une comédie musicale, un oratorio, quatre cantates, une messe, des œuvres pour formations de jazz et orchestres, et plusieurs pièces pour piano seul.
Il a fondé plusieurs quatuors et s’est produit aux festivals de Newport, Monterey, (en)Concord et Kool Jazz. Il a joué à la Maison-Blanche en 1964 et 1981 ainsi qu’au sommet de Moscou de 1988 en l’honneur des Gorbatchev. Il a reçu quatre diplômes honorifiques, le BMI Jazz Pioneer Award et l’American Eagle Award de 1988, présenté par le National Music Council. En 2004, il est également fait docteur honoris causa en théologie par l’Université de Fribourg.
À 89 ans, Dave Brubeck a donné encore des concerts. Il a notamment joué à Toronto puis, à l’occasion du cinquantenaire de son album Time Out, a été invité le samedi 7 juillet 2009 au trentième Festival international de jazz de Montréal. Il voulait reprendre à cette occasion l’intégralité des morceaux de Time Out, dans l’ordre de l’album, mais la mort de l’un de ses cinq fils, âgé de 60 ans, la semaine précédant ce concert, ne lui a pas permis d’effectuer les répétitions nécessaires à une telle entreprise. Il a donc joué des morceaux plus récents et, néanmoins, quelques extraits de Time Out. L’un de ses quatre autres fils, qui sont tous musiciens, participait à ce concert.
En 2010, à l’âge de 90 ans, il continue à jouer, malgré une hospitalisation, dans le Connecticut, début octobre, pour la pose d’un pacemaker6. Il s’est produit, toujours en 2011 avec, notamment, un concert donné le 9 novembre au Kennedy Center Concert Hall de Washington, D.C. (États-Unis).
Dave Brubeck meurt la veille de son quatre-vingt-douzième anniversaire, d’un arrêt cardiaque, au Norwalk Hospital (Connecticut)7.
Discographie
Voir aussi The Dave Brubeck Quartet
- 1949 : Brubeck Trio with Cal Tjader, Volume 1
- 1949 : Brubeck Trio with Cal Tjader, Volume 2
- 1951 : Brubeck/Desmond
- 1951 : Stardust
- 1951 : Dave Brubeck Quartet
- 1952 : Jazz at the Blackhawk
- 1952 : Dave Brubeck/Paul Desmond
- 1952 : Jazz at Storyville (live)
- 1953 : featuring Paul Desmond In Concert (live)
- 1953 : Jazz at Oberlin
- 1953 : Dave Brubeck & Paul Desmond at Wilshire Ebell
- 1953 : Two Knights at the Black Hawk
- 1953 : Jazz at the College Volume 1
- 1953 : Jazz at the College Volume 2
- 1954 : Dave Brubeck at Storyville 1954 (live)
- 1954 : Brubeck Time
- 1955 : Jazz: Red Hot And Cool
- 1956 : Jazz Impressions of the U.S.A.
- 1957 : Plays and Plays and…
- 1957 : Reunion
- 1957 : Jazz goes to Junior College (live)
- 1957 : Dave Digs Disney
- 1958 : Dave Brubeck Plays Solo
- 1959 : Gone with the Wind
- 1960 : Tonight Only
- 1960 : Southern Scene
- 1961 : Take Five Live
- 1962 : Angel Eyes
- 1964 : Dave Brubeck in Berlin
- 1964 : Jazz Impressions of Japan